La synthèse des BMPs
PREMIÈRE PARTIE : LES BMPs
De nombreuses expériences ont mené à la découverte de cette famille. Les premières sont exécutées à la fin du XIX ème siècle avec Senn qui démontre, en 1889, que de l’os décalcifié peut être utilisé dans le traitement de l’ostéomyélite (Chiron, 2004). Durant la première guerre mondiale, des médecins militaires français, Leriche et Policar, expérimentent les effets d’un broyat osseux qu’ils appellent alors « le jus lapifidique » (Chiron, 2004). Puis, en 1938, Levander met en évidence l’existence d’une substance capable d’activer la formation d’os dans du tissus mésenchymateux non spécifique. Lacroix en 1945 émet l’hypothèse de l’existence d’une molécule capable d’induire la synthèse de tissus osseux et la nomme ostéogénine. Mais c’est Urist qui est à l’origine de la découverte la plus novatrice (Urist et al., 1979). Sur la base des études qui avaient déjà été menées, il tente de démontrer que ce facteur inducteur de l’ostéogenèse se trouve dans la partie non minérale de la matrice osseuse. Il déminéralise alors du tissu osseux pour en extraire ce qu’il nomme la « matrice osseuse déminéralisée » composée à 96 % de protéine et à 4 % d’acide hyaluronique. En 1965, il implante de l’os décalcifié prélevé, sur de nombreuses espèces, dans un site intramusculaire et quelques semaines plus tard, il constate, radiographiquement et histologiquement, une néoformation d’os et de cartilage. Ce phénomène est alors attribué à une substance supposée présente dans la matrice osseuse : La Bone Morphogenetic Protein (BMP).
Suite à cette découverte, la BMP est au centre de nombreuses recherches qui mettent en évidence l’existence non pas d’une seule molécule mais d’une famille de protéines ostéogéniques. Les BMPs sont identifiées comme appartenant à la super famille des Transforming Growth Factors β (TGFβ) qui comprennent aussi les Growth Differentiation Factors (GDFs), les activines, les inhibines et les hormones anti Mullerienne. Aujourd’hui une vingtaine de BMPs sont connues. La purification des protéines inductrices de l’os ainsi que le clonage moléculaire ont permis ensuite de produire ces molécules en grandes quantité afin de mieux les étudier. Durant les années 80, de nombreuses études in vitro ont vu le jour et on laissé place aux études in vivo dans les années 90 qui, depuis, fournissent de nombreuses informations sur cette famille de protéines. De nos jours, des recombinants sont produits par génie génétique et entrent dans certains protocoles curatifs (en cas de fracture par exemple).
Biochimie
La synthèse de presque toutes les BMPs passe par la formation d’un pré-pro-peptide. Celui-ci est formé de 3 domaines dont les fonctions diffèrent : une séquence signal, hydrophobe, qui dirige la synthèse vers la voie de sécrétion, une pro-région qui permet le repliement de la protéine avant que celle-ci ne soit sécrétée et un domaine actif. La taille de ce pré-pro-peptide varie selon la nature de la BMP ; celui de la BMP-2 de l’homme est constitué de 19 acides aminés pour la séquence signale, alors que la pro-région en compte 263 et le domaine actif, 114. Le domaine actif comporte sept cystéines (Figure 1.A). Lors de la transcription, la séquence signal du futur pré-pro-peptide dirige l’ARNm vers le réticulum endoplasmique rugueux où, suite à la traduction, la séquence peptidique correspondant à la séquence signal est alors clivée. Il ne reste donc à ce stade que les séquences peptidiques correspondant à la pro-région et au domaine actif (Figure 1.B). Ce polypeptide est alors libéré dans le cytoplasme. Il peut rester libre ou bien se dimériser avec un autre polypeptide du même stade via un pont disulfure. Il se forme alors un homodimère si les deux dimères sont de la même classe (exemple : BMP-2/BMP-2), ou un hétérodimère dans le cas contraire (exemple : BMP-2/BMP-7). Une enzyme protéolytique peut alors activer ce dimère en clivant la pro-région, libérant ainsi un dimère de domaines actifs (Figure 1.C). Le dimère est ensuite secrété à l’extérieur de la cellule (Guimond, 2010).
Structure d’un monomère Les BMPs sont des glycoprotéines de bas poids moléculaire non collagéniques. Comme nous l’avons vu précédemment, la forme finale de la BMP-2 est constituée de 114 acides aminés. Toutes les BMPs présentent au niveau de leur C-terminal une région comportant sept cystéines (Sykaras et Opperman, 2003). Cette caractéristique est commune à tous les membres de la famille des TGFβs. Six de ces sept cystéines forment trois ponts disulfures intracaténaires. Ces ponts disulfures sont à l’origine de la formation d’un noeud qui a pour fonction de stabiliser la structure de la protéine (Scheufler et al. 1999). Des noeuds comparables ont été retrouvés dans d’autres familles de facteurs de croissance comme, entre autres, les Transforming Growth Factors, les Vascular Endothelial Growth Factors, les Platelet Derived Growth Factors. Ce noeud est une particularité structurale très bien conservée au cours d’évolution. Les particularités structurales de cette famille, partagées avec les molécules de la superfamille des TGFβs, sont la présence de deux feuillets β antiparallèles, dont le deuxième a une conformation tridimensionnelle en tortillon et une hélice α perpendiculaire aux brins des feuillets β (Figure 2). Les feuillets β peuvent être subdivisés en neuf brins β. La topologie de la structure tridimensionnelle de la molécule peut être représentée par une main, les hélices α représentant le poignet de la main, le noeud de cystines mimant la paume et les feuillets β pour les doigts.
Il existe néanmoins de nombreuses différences entre les éléments structuraux des TGFβs et des BMPs. La partie N-terminale des BMP-2 et BMP-7 est très peu visible et enfouie au coeur de la protéine. Au contraire, les TGF-β2 et TGF-β3 exhibent une courte hélice α (α1 sur la figure 2) qui est ancrée au noyau de la protéine par un pont de cystine supplémentaire. De plus, ces mêmes BMPs ne possèdent pas cette petite hélice α2 que l’on peut observer après le second feuillet β chez les TGF-βs. Cela est dû à la délétion d’un acide aminé chez les BMPs qui empêche la formation de cette structure en hélice. Les BMP-2 et BMP-7 présentent deux particularités structurales, uniquement présentes chez quelques membres de la famille des BMPs. La BMP-2 possède un petit segment de feuillet β (β5a) dans la boucle avant la longue hélice α3. Cela lui procure une conformation plus large que les TGFβs.
A titre de comparaison, la BMP-7 possède le même nombre d’acides aminés dans cette boucle mais cette conformation tridimensionnelle n’est pas retrouvée. En revanche l’hélice α4 est présente chez la BMP-7 mais pas chez la BMP-2. Il existe donc des particularités au sein des membres de la famille des BMPs, qui leur confèrent des structures et des fonctions différentes. Les BMP-3 et 3b (ou bien Growth Differenciation Factor 10) sont de nature très proche puisqu’elles présentent une homologie de séquence d’acides aminés de 83%. De plus, les BMP-7 et BMP-8, aussi connues sous le nom de protéines ostéogénique 1 et 2 (ou OP1 et OP2) partagent 74% de leur séquence d’acides aminés (Cho et al., 2002). Nous avons vu précédemment que la forme active des BMPs était des dimères. Nous nous pencherons maintenant sur la structure détaillée d’un homodimère BMP-2/BMP-2. En effet, ce membre de la famille des BMPs a été récemment bien étudié du point de vue de sa structure.
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Table des matières
INTRODUCTION
I.PREMIÈRE PARTIE : LES BMPs
1.1 Historique
1.2 Biochimie
1.2.1 La synthèse des BMPs
1.2.2 Leur structure
1.2.2.1 Structure d’un monomère
1.2.2.2 Formation d’un dimère
1.2.3 Leurs récepteurs
1.2.3.1 Identification des récepteurs
1.2.3.2 Affinité
1.2.3.3 Fixation du ligand
1.2.3.4 Activation des récepteurs
1.2.3.5 Modalités de fixation
1.3 Physiopathologie
1.3.1 Modifications de la synthèse basale : Le cas de la fracture
1.3.1.1 La cicatrisation osseuse
1.3.1.2 Zoom sur les BMPs dans ce contexte
1.3.2 Voies de signalisation
1.3.2.1 Les protéines Smads
1.3.2.1.1 Identification
1.3.2.1.2 Activation des Smads
1.3.2.1.3 Leur structure
1.3.2.1.4 Leurs actions dans le noyau
1.3.2.2 La voie p38
1.3.3 Effets connus
1.3.3.1 Embryogenèse et organogenèse
1.3.3.2 Des protéines ostéoinductrices et chondroinductrices
1.3.4 Voies de régulation
1.3.4.1 Régulation des taux circulant de BMPs actives
1.3.4.1.1 Régulation de la synthèse des BMPs
1.3.4.1.2 Le rôle de la matrice extracellulaire
1.3.4.1.3 Les inhibiteurs directs des BMPs
1.3.4.2 Régulation au niveau des récepteurs
1.3.4.2.1 Régulation des récepteurs
1.3.4.2.2 Inhibiteurs des récepteurs
1.3.4.3 Régulation des voies de signalisation
1.3.4.3.1 La voie des Smads
1.3.4.3.2 La voie p38
DEUXIÈME PARTIE : LES BMPs EN MÉDECINE VÉTÉRINAIRE ORTHOPÉDIQUE
2.1 Nature des produits utilisables
2.1.1 Extraction des BMPs naturelles
2.1.2 Production de recombinant
2.1.2.1 La technique
2.1.2.2 Les produits obtenus
2.1.2.2.1 Caractéristiques générales de ces produits
2.1.2.2.2 Quelques modifications
2.2 Leur utilisation en médecine orthopédique vétérinaire
2.2.1 L’utilisation de supports
2.2.1.1 Leurs rôles
2.2.1.2 Leurs caractéristiques générales
2.2.1.3 Les interactions support/BMPs
2.2.1.4 La cinétique de libération
2.2.1.5 Quelques exemples de supports
2.2.1.5.1 Polymères synthétiques biodégradables
2.2.1.5.2 Collagène (Bessa et al., 2008)
2.2.1.5.3 Polymères d’origine naturelle
2.2.1.5.4 Céramiques (Bessa et al., 2008)
2.2.1.5.5 Micro et nanoparticules
2.2.1.5.6 Nouvelles approches (Sykaras et Opperman, 2003)
2.2.2 Bilan des antécédents et indications cliniques
2.2.2.1 La fracture des os longs
2.2.2.2 L’arthrodèse intervertébrale
2.2.2.3 Les réparations dentaires et faciales
2.2.2.4 La dose
2.3 Produit vétérinaire disponible : Le Trucient
2.3.1 Description du produit
2.3.1.1 Composition du produit
2.3.1.2 AMM
2.3.2 Modalités d’utilisation
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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