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La symbolisation des tabous sexuels dans quelques sociétés premières
Les Na de Chine : les tabous sexuels dans une société matriarcale
Le Moyen-Âge : protéger l’enfant des violences sexuelles
En particulier, l’article « viol, violement, violation »183 décrit « le crime que commet celui qui use de force et de violence sur la personne d’une fille, d’une femme ou d’une veuve, pour la connaître charnellement, malgré la résistance forte et persistante de celle-ci fait pour s’en défendre »184. La victime peut prouver sa résistance par des cris ou par la violence subie. Les encyclopédistes se contentent de définir le viol. Ils précisent que la victime doit savoir se défendre. Par ailleurs, dans Candide, Voltaire dénonce les crimes de guerre commis par les soldats sur les populations. Parmi les crimes dénoncés, figure le viol dont est victime la bien-aimée du héros, Cunégonde.
Ces quelques références sont le signe d’une moindre acceptation chez les élites de la violence et notamment des supplices qui provient d’une moindre acceptation de la violence physique. La société du XVIIIème siècle commence à différencier les atteintes aux biens des atteintes au corps. Le viol est considéré comme un crime grave.
Par ailleurs, le nouveau sentiment d’enfance, souvent symbolisé par l’Émile de J.-J. Rousseau, et la fragilité reconnue à l’enfant à partir des années 1750 peuvent expliquer une augmentation de la fréquence des affaires de viol en cette seconde moitié du XVIIIème siècle. La place du médecin dans la procédure pénale devient plus précise. Dans leurs rapports, une description de l’état de l’hymen de la jeune victime est réalisée, comme le rapporte G. Vigarello185. Nonobstant, les évolutions sont limitées : les tribunaux ne reconnaissent pas les violences sexuelles commises sur des femmes mariées, mais seulement les violences physiques. Les sévices sexuels ne sont pas recherchés en cas de meurtre d’enfant. L’enquête sur la moralité de la victime est toujours présente. La personnalité du coupable ne fait l’objet d’aucun intérêt.
Enfin, il faut également relever que les procédures, si elles sont en augmentation, n’aboutissent pas toujours à une condamnation186, en particulier lorsque la victime n’a pas perdu son hymen, qu’elle est une femme mariée ou s’il s’agit d’un homme. De nouvelles réflexions vont émerger sur ces questions au cours du grand XIXème siècle.
Le Code pénal de 1810 ou Code des délits et des peines définit en parallèle le viol et l’attentat à la pudeur par ses articles 330 et 331195. L’article 330 dispose que « toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur sera punie d’un emprisonnement de 3 mois à 1 an, et à une amende de 16 francs à 200 francs »196. L’article 331 stipule que « quiconque aura commis le crime de viol, ou sera coupable de tout attentat à la pudeur consommé ou tenté avec violence
contre des individus de l’un ou l’autre sexe sera puni de la réclusion » 197. Le Code pénal de 1810 établit, pour les personnes condamnées pour viol ou attentats à la pudeur avec violence, une peine de prison pour un temps prédéfini lors du jugement. La législation sur les infractions à caractère sexuel se précise. Une hiérarchisation en fonction de la gravité des actes commis est créée. En outre, le texte du Code pénal met sur le même plan la tentative et le fait réalisé. Mais la jurisprudence sera réticente à condamner la tentative et le fait réalisé de la même manière198. La peine jugée sévère par les jurés va inciter les juges à anticiper la relaxe éventuelle en déqualifiant les faits199. La tentative est le plus souvent requalifiée en attentat à la pudeur. Par ailleurs, « les attentats aux mœurs »200 sont plus larges que les seules violences sexuelles. En effet, cette acception comprend l’adultère, l’excitation à la débauche ou la bigamie. Ces
crimes » sont destinés à préserver la morale sexuelle et les bonnes mœurs, plus qu’à condamner les violences à caractère sexuel. Une évolution toutefois : le Code pénal de 1810 ne condamne pas « l’homosexualité pratiquée entre majeurs consentants et dans la discrétion de demeures privées »201.
Le Code pénal de 1810 intègre également les premières dispositions « d’excuse ». Ainsi, l’article 64 de ce Code dispose qu’« il n’y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence lors de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister » 202. Toutefois, il ne semble pas que cet article ait été prévu pour des auteurs de crime sexuel203. Cependant, en 1828, É. Georget204 affirme que si un prévenu présente des caractéristiques de l’aliénation mentale, que ce soit au moment de l’acte ou a posteriori, l’article 64 doit être appliqué. « Les éventualités de la manie sans délire de Philippe Pinel, des monomanies érotiques ; instinctive ou homicide de Jean-Étienne Esquirol, de la folie morale de James Cowles Pritchard205, et, bien plus tard de la folie lucide d’Ulysse Trélat206, constituaient des aspects connus de la pathologie mentale »207.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I DES TABOUS SEXUELS AUX VIOLENCES SEXUELLES : PLUSIEURS SIECLES D’EVOLUTIONS DANS DIFFERENTS CHAMPS SOCIAUX ET SCIENTIFIQUES
Chapitre 1. Les crimes sexuels : entre contextes culturels et tabous universels
I. Les anthropologues confrontés à la question de l’inceste
A. Les origines de l’interdit de l’inceste
B. La symbolisation des tabous sexuels dans quelques sociétés premières
II. Un nouveau regard sur les violences sexuelles au Moyen-Âge
A. Des influences législatives et sociales diverses
B. Le Moyen-Âge : protéger l’enfant des violences sexuelles
III. Les philosophes des Lumières : les précurseurs d’un nouvel ordre moral, social et juridique
A. Charles de Montesquieu face aux mœurs
B. Le regard des Encyclopédistes sur le crime et la peine
Résumé du chapitre
Chapitre 2. L’évolution des mœurs et des sciences au cours du grand XIXème siècle : des facteurs du début de la judiciarisation des violences sexuelles ?
I. Une législation à construire
A. Les premières évolutions législatives des révolutionnaires
B. Les évolutions législatives et judiciaires du XIXème siècle : construire une politique criminelle sur les violences sexuelles
C. Les mineurs et les « imbéciles » : la présomption de défaut de consentement aux actes à caractère sexuel
II. Des progrès sociaux : facteurs d’influence sur les dispositions prises ?
A. L’attention portée à l’enfance et au corps dans la société du XIXème siècle : les débuts de la protection de l’enfance et des droits de l’enfant
B. L’évolution du discours sur la sexualité
C. Les évolutions de la sensibilité populaire
III. La médecine et le droit au XIXème siècle : naissance et progrès de la médecine légale
A. La naissance des sciences sur le psychisme : comprendre les déviances sexuelles
B. La construction de la criminologie scientifique
Résumé du chapitre
Chapitre 3. De 1950 à aujourd’hui : La fin des tabous et l’émergence des violences sexuelles
I. Le développement des idées humanistes dans la politique pénale et la libéralisation des mœurs :
A. Contexte général : vers la civilisation des mœurs ?
B. Les explications sociales du crime : les apports de la sociologie et de la criminologie
II. L’évolution des mœurs : mai 1968 introduit-il une rupture ?
A. La diminution de la violence interpersonnelle dans un contexte de paix en Europe occidentale
B. Les avancées faisant suite à mai 1968
C. Quelle signification sociale du viol ? D’une évolution sociale à un changement paradigmatique
Résumé du chapitre
Chapitre 4. La société de la sécurité, du risque zéro et les médias
I. L’apparition des émotions dans le discours public
A. L’utilisation des émotions dans le discours public
B. Conséquence : la victime s’immisce dans les discours publics
II. Vers une société de la sécurité après 1975 : le symptôme d’une société en crise ?
A. L’apparition d’une société de la sécurité et l’inflation de la législation pénale
B. Le symbolisme des discours sécuritaires
C. L’insécurité a des conséquences sur la justice et la démocratie
III. Médias et violences sexuelles depuis la fin des années 1980
A. Quelques éléments statistiques sur la délinquance sexuelle :
B. La presse francophone et les violences sexuelles depuis la fin des années 1980
C. Quelques recherches sur la couverture médiatique de la maltraitance et des abus sexuels en langue anglaise
D. L’application de la notion de dangerosité aux délinquants sexuels
Résumé du chapitre
Chapitre 5. Le soin obligé comme mesure de contrôle social, résultat d’un enchevêtrement progressif entre santé et justice
I. Le corps et la santé : Mens sana in corpore sano
II. La prise en compte de la douleur et la reconnaissance des victimes
A. Le stress post-traumatique (PTDS) : la reconnaissance de l’effet à long terme des chocs et des violences
B. Le syndrome de l’enfant battu et la reconnaissance de la douleur chez l’enfant
C. La vulgarisation des savoirs « psy » et la société
III. L’avènement de la psychanalyse et de la psychologie : une première étape vers l’accompagnement des pédophiles ?
IV. Le psychologue, le psychiatre face à la criminalité sexuelle : le soin comme mesure de justice
A. Cadre théorique d’intervention
B. Les méthodes de soins
C. Les confusions de la relation entre justice et psychiatrie
Résumé du chapitre
PARTIE II DE LA PRISE EN COMPTE DES VIOLENCES SEXUELLES À L’AVENEMENT DES VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES (1989-2012) ADOPTER UNE METHODE POUR CONSTRUIRE L’ANALYSE DE DEUX CORPUS RASSEMBLANT 1472 ARTICLES DE PRESSE
Chapitre 1. Définir une méthode sélection et d’analyse des corpus
I. Se référer à une perspective d’étude afin de délimiter l’objet de recherche
A. Différentes approches d’études du phénomène criminel, pas toutes adaptées à l’étude de la réaction sociale
B. La sociocriminologie ou l’étude de la réaction sociale au crime
II. Les quatre hypothèses qui articulent cette recherche
A. La presse, un média critique qui s’appuie toutefois sur le fait divers
B. Une pathologisation des déviances sexuelles fondée sur un néo-hygiénisme punitif
C. Des changements culturels expliquent l’évolution des représentations sur les violences sexuelles dans la presse
D. Prise en compte des victimes : différentes périodes se distinguent
III. Définir une méthode objective de recherche
A. La presse quotidienne, modalité d’étude d’une controverse
B. La formation et la construction du corpus : définir les modalités du recueil de données
C. Choisir un outil d’aide à l’analyse de données textuelles afin d’étudier les controverses
Résumé du chapitre
Chapitre 2. Description et temporalité des deux corpus recueillis
I. La signature des articles et la profession des auteurs (ou narrateurs)
II. Les pages et les rubriques des articles
A. Ouest-France (OF)
B. Le Monde (LM)
III. La temporalité des corpus
A. Généralités
B. Les moments de présence des 12 expressions clés
C. L’appel au fait-divers dans les deux journaux
Résumé du chapitre
Chapitre 3. Des thématiques principales qui se rapportent à la sécurité, la justice et la violence
I. Les principaux champs lexicaux dans les deux journaux
A. Les entités les plus mobilisées dans Ouest-France et Le Monde
B. Les principales catégories discursives des deux journaux
II. Les autres champs lexicaux révélateurs du traitement de la violence et de la délinquance sexuelle
A. Le propre et le sale
B. Le champ lexical du désastre
C. Le moralisme (240 occurrences dans les deux corpus)
Résumé du chapitre
Chapitre 4 Une mise en avant des acteurs politiques
I. Les principaux acteurs : description générale
A. Ouest-France sollicite 25 types d’acteurs
B. Les 22 types de personnes citées dans Le Monde
II. Les acteurs politiques les plus présents dans les deux corpus
A. À droite de l’échiquier politique, un sécuritarisme affiché
B. La gauche, plus humaniste ou plus laxiste ?
III. Les liens entre justice et psychiatrie concernant les AVS
IV. Le rôle des travailleurs sociaux
V. La question des moyens pour travailler portée par les syndicats des différents secteurs
VI. Le rôle des associations de protection de l’enfance, des associations de victimes et de défense des droits des femmes
VII. Les victimes et les auteurs : des destinataires de politiques peu entendus
Résumé du chapitre
DISCUSSION GENERALE
I. Exploration des hypothèses
A. La presse, un média critique qui s’appuie toutefois sur le fait-divers
B. Une pathologisation des déviances sexuelles fondée sur un néo hygiénisme punitif
C. Des changements culturels expliquent l’évolution des représentations des violences sexuelles
D. Des évolutions dans le discours sur la violence et la délinquance sexuelle : 6 périodes se distinguent
II. Les limites identifiées
A. Les limites liées aux modalités d’analyses
B. Les limites liées au matériel récolté et à la méthode de recueil de données
III. Pistes de prolongements
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE ALPHABETIQUE
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