La symbiose mycorhizienne au sein de la flore de Madagascar

Les écosystèmes forestiers Malagasy sont caractérisés par une diversité biologique importante et un haut degré d’endémisme, estimé à plus de 80 % si on ne considère que les plantes vasculaires (Lowry et al., 1997). Ces forêts naturelles de Madagascar constituent également l’une des grandes concentrations de familles endémiques dans le monde avec un total de 8 familles entièrement endémiques représentées par 17 genres et 90 espèces (Schatz et al., 1999). La séparation précoce de la Grande île du grand continent Gondwana, il y a environ 165 millions d’année, a été considérée comme à l’origine de cette originalité et énorme diversité biologique. En effet, cet isolement très tôt de Madagascar lui a conféré une biodiversité originale ayant cependant quelques affinités africaines et indiennes. De plus, cette insularité précoce l’a mis à l’abri des invasions d’espèces nouvelles et a permis à sa faune et flore soit de conserver leurs caractères archaïques soit de se diversifier dans les différents milieux du pays.

Suite aux différents phénomènes sociopolitiques, économiques et environnementaux qui se succédaient dans la Grande Île, les forêts naturelles Malagasy ainsi que les richesses y afférentes sont devenues, ces dernières années, le théâtre de conflit intense de gestion entre les différents usagers (paysans, exploitants forestiers ou miniers…), les services de l’Etat et de nombreux acteurs aux intérêts parfois divergents (agro-industriels cherchant des terres pour les plantations, promoteurs d’écotourisme…). Des exploitations minières et des plantations à grande échelle de cultures vivrières ont été entreprises pour remédier à la pauvreté accrue de la population sans que des mesures adéquates aient été prises vis-à-vis de la conservation ou de la restauration des forêts naturelles. Couplés à d’autres pratiques (culture vivrière sur défriche-brûlis ou tavy, exploitation illicite des forêts,…) dévastatrices des surfaces forestières, ces programmes ne laissent que des lambeaux forestiers éparpillés dans des endroits loin des habitations humaines ou des surfaces ayant le statut de conservation particulier.

La symbiose mycorhizienne au sein de la flore de Madagascar 

Les mycorhizes sont des symbioses écologiquement importantes au niveau desquelles les champignons utilisent des composés carbonés issus de la photosynthèse et les plantes bénéficient des éléments nutritifs fournis par les champignons par l’intermédiaire de ses hyphes capables de coloniser une surface importante de sol. Selon les structures morphologiques et anatomiques de l’association entre les racines et les champignons, on distingue deux types majeurs d’association mycorhizienne à savoir les endomycorhizes et les ectomycorhizes (ECM). Parmi les endomycorhizes, les mycorhizes à arbuscules (MA) sont les plus abondants et tiennent des rôles importants dans les processus de colonisation du sol par les plantes (Pirozynski & Malloch, 1975 ; Selosse & Le Tacon, 1995 ; Taylor et al., 1995 ; Heckman et al., 2001). Les études relatives à l’évolution de ce type de mycorhizes basées sur des échantillons fossilisés (Simon et al., 1993 ; Redecker et al., 2000) et des données moléculaires (Berbee & Taylor, 2001 ; Young, 2012) ont montré l’ancienneté de ses caractères (Fitter & Moyersoen, 1996 ; Cairney, 2000 ; Wilkinson, 1999). Les ectomycorhizes forment également un autre groupe important de mycorhizes au niveau desquels, les champignons, principalement appartenant au groupe des Homobasidiomycètes, sont associés avec environ 20 familles de plantes ligneuses (Brundrett, 2002).

La présence de champignons ectomycorhiziens au niveau de la flore de Madagascar a déjà été rapportée depuis plus de 70 ans (Heim, 1938). Par contre, la structure de champignons mycorhiziens associés à cette flore mondialement connue par sa richesse a été très peu étudiée jusqu’à récemment. L’inventaire mycologique entrepris jusqu’ici souligne la diversité exceptionnellement énorme de champignons ectomycorhiziens dans les quelques écosystèmes étudiés à Madagascar (Buyck et al., 2007 ; Ramanankierana et al., 2007). En décrivant le statut ectomycorhizien de deux genres de Sarcolaenaceae, une famille de plante entièrement endémique de Madagascar, Ducousso et al. (2004) ont montré la liaison phyllogénétique existante entre cette famille et les représentants asiatiques de la famille des Dipterocarpaceae. La famille des Sarcolaenaceae contient en effet 8 genres et 15 espèces toutes associées avec des champignons ectomycorhiziens. Pourtant, il a déjà été démontré que cette structure ectomycorhizienne ne concerne qu’une petite partie des espèces végétales vasculaires dominantes dans les formations forestières homogènes surtout en milieu tropical (Wang & Qiu, 2006 ; Smith & Read, 2008 ).

Le principal objectif de ce chapitre a été de décrire l’association mycorhizienne au niveau des essences forestières de Madagascar en prenant l’exemple des forêts littorales de la côte Est de Madagascar de Mahatsara jusqu’à Petriky, des forêts de basse altitude (Analalava et Ianjorama) et des forêts du haut plateau (Forêt sclerophylle d’Arivonimamo).

La symbiose mycorhizienne chez les espèces d’arbres et d’arbustes dominantes dans les écosystèmes forestiers de Madagascar 

Statut mycorhizien des arbres et arbustes dominants des forêts littorales de la partie orientale de Madagascar 

Les sites concernés ont été constitués par la forêt de Mandena, de Sainte Luce, de Petriky, de Tampolo et de Mahatsara, localisés dans la partie orientale de la Grande île. La forêt de Tampolo (17° 14’ S, 49° 23’E, Altitude 10 m) située à environ 111 Km au nord de Toamasina se développe sur un sol sableux légèrement acide. Dans plusieurs endroits de cette forêt, la canopée est dominée par des essences endémiques et/ou des espèces socio-économiquement importantes appartenant aux familles des Euphorbiaceae, Sarcolaenaceae, Fabaceae et Ebenaceae. La forêt de Mahatsara (22° 05’ S, 47° 55’ E, Altitude 10 m) est située également sur l’axe Toamasina – Tampolo. A part les régénérations d’espèces natives ou exotiques plus dominantes à la périphérie qu’à l’intérieur, les représentants de la famille des Ebenaceae, Burseraceae et de Sarcolaenaceae dominent la strate arborée de la forêt de Mahatsara. La forêt de Sainte Luce, de Mandena et de Petriki sont toutes situées aux environs de Ford Dauphin (Sud-Est de Madagascar) avec des coordonnées géographiques respectivement de 24° 46’ S, 48° 08’E ; 24°5 6’S, 47° 02’E et de 25° 03’S, 46°-54’E (Figure 1). Ces trois forêts se singularisent par une importante diversité taxonomique surtout au niveau des essences forestières endémiques et par les caractéristiques de leurs sols constitués essentiellement par du sable pauvre en éléments nutritifs. La précipitation annuelle, plus élevée au niveau de Sainte Luce (1500mm par an), diminue vers Mandena (800 à 1200mm par an) et atteint sa plus faible intensité dans la forêt de Petriki (300mm) où la saison sèche peut durer jusqu’à 6 à 8 mois par an. Parmi les 157 échantillons de racines examinés, 12 proviennent de Tampolo, 5 de Mahatsara, 22 de Sainte Luce, 82 de Mandena et 36 de Petriki donnant ainsi le nombre de 12, 5, 9, 53 et 25 espèces de plantes respectivement par site. Les échantillons de racines ont été colorés selon la méthode décrite par Phillips & Hayman (1970). Cette méthode permet de vérifier la présence de structure endomycorhizienne (vésicule et/ou arbuscule) intracellulaire et d’évaluer le degré de colonisation des racines par ces structures. Dans notre cas, 30 morceaux de racines ont été observés par espèce de plante et le degré de colonisation des racines a été classé en quatre catégories : (i) non mycorhizée quant on n’observe aucune structure endomycorhizienne intracellulaire ; (ii) faiblement à Mycorhize arbusculaire ou « (MA) » avec seulement un à trois morceau de racines observés qui présentent les structures endomycorhiziennes (des arbuscules et/ou vésicules et/ou des hyphes enroulés intracellulaires) ; (iii) à Mycorhize arbusculaire ou « MA » si plus de quatre morceaux de racine présentent des structures endomycorhiziennes intracellulaires et (iv) fortement à Mycorhize arbusculaire ou MA+ au cas où tous les morceaux de racines observés présentent des structures endomycorhiziennes. La présence des structures ectomycorhiziennes telles que le manteau fongique des morphotypes d’ectomycorhizes et des hyphes extramatriciels, observables à l’œil nu ou sous loupe binoculaire a été considérée comme indicateur du statut ectomycorhizien ou ECM des plantes.

Statut mycorhizien des arbres et arbustes dominantes des forêts de basse altitude de l’Est et de la forêt sclérophylle du haut plateau de Madagascar 

Les activités ont été par la suite élargies sur d’autres écosystèmes forestiers de la partie orientale [forêt d’Analalava (17° 42’ S, 49° 27’ E, 71 m) et lambeau forestier d’Ianjomara (19° 07’ S, 48° 54’ E, 86 m)] et du haut plateau [forêt sclérophylle à Uapaca bojeri d’Arivonimamo (19° 00’ S, 47° 07’E, 1279 m)]. Ces trois sites représentent respectivement les forêts de basse altitude (Analalava et Ianjomara) et de forêt caractéristique des pentes occidentales de Madagascar entre 800 et 1300 m d’altitude (Arivonimamo). Pour ces trois derniers sites, les prélèvements d’échantillons ont été réalisés durant la saison pluvieuse en décembre 2007, février 2008 et mars 2009. Afin de s’assurer de l’identité des échantillons, le prélèvement a été effectué en adoptant toujours la méthode de suivi racinaire.

Pour le genre Africano-Malagasy Uapaca, les deux types de symbiose mycorhizienne ont été également observés en même temps au niveau des systèmes racinaires des trois espèces étudiées (U. bojeri, U. louvelii, U. ferruginea). Dans la famille des Sarcolaenaceae, une famille botanique entièrement endémique de Madagascar, les données obtenues sur les trois espèces (Leptolaena pauciflora, L. bojeriana, L. multiflora) étudiées confirment les résultats de Ducousso et al. (2008) qui, ont établi pour la première fois le statut symbiotique de cette famille. En effet, ces trois espèces sont à la fois associées avec des champignons mycorhiziens à arbuscules et des champignons ectomycorhiziens.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Chapitre I. La symbiose mycorhizienne au sein de la flore de Madagascar
I.1. La symbiose mycorhizienne chez les espèces d’arbres et d’arbustes dominantes dans les écosystèmes forestiers de Madagascar
I.1.1. Statut mycorhizien des arbres et arbustes dominantes des forêts littorales de la partie orientale de Madagascar
I.1.2. Statut mycorhizien des arbres et arbustes dominantes des forêts de basse altitude de l’Est et de la forêt sclérophylle du haut plateau de Madagascar
I.1.3. Dominance des structures mycorhiziennes chez les arbres et arbustes endémiques de Madagascar
Chapitre II. Les plantes exotiques et leur symbiotes fongiques : menaces ou bénéfices pour la régénération des essences forestières natives de Madagascar
II.1. Les impacts négatifs de la plantation d’Eucalyptus camaldulensis et de Pinus patula sur la régénération d’Uapaca bojeri
II.1.1. Approche d’étude
II.1.2. Impacts de l’invasion sur les caractères physico-chimiques du sol
II.I.3. Impacts de l’invasion sur le développement et sur le taux de colonisation ectomycorhizienne des plantules d’U. bojeri
II.2. La plantation d’Acacia mangium Willd. et ses impacts sur la régénération d’Intsia bijuga Kuntze
II.2.1. Adaptation d’A. mangium aux conditions biotiques des écosystèmes forestiers de Madagascar
II.2.2. Impact de la colonisation du sol par A. mangium sur le développement d’Intsia bijuga dans la partie orientale de Madagascar
Chapitre III. Le phénomène de plante nurse et la régénération des essences forestières natives de Madagascar: implication de la symbiose mycorhizienne
III.1. Facilitation de la régénération d’Uapaca bojeri par les espèces arbustives ectotrophes pionnières des zones dégradées : cas de Sarcolaena oblongifolia
III.1.1. Approches d’études
III.1.2. Développement des plantules d’U. bojeri sous l’influence des trois structures différentes de communauté ectomycorhizienne
Chapitre IV. La technologie de mycorhization : impacts sur la communauté microbienne du sol et sur le développement des plantes
IV.1. Structure et fonctionnement des microorganismes du sol suivant l’établissement de la symbiose ectomycorhizienne chez Uapaca bojeri
IV.1.1. Compartimentation microbiologique des sols par l’établissement de la symbiose ectomycorhizienne
IV.2. Mycorhization contrôlée d’Uapaca bojeri : impacts sur le développement de la plante
IV.2.1. Dispositif expérimental
IV.2.2. Développement et taux de mycorhization des plantules d’U. bojeri
Chapitre V. Perspectives de recherche
V.1. Contexte et objectif des travaux de recherche
V.2. Les programmes de recherche poursuivis et/ou à entreprendre
V.2.1. Fonctionnement symbiotiques des écosystèmes forestiers à Madagascar (Programme en cours sur financement de l’AIRD à travers le programme « Jeunes Equipes Associées à l’IRD »)
V.2.2. Aspects microbiologiques de la conservation des espèces de plantes cibles du projet d’exploitation minière Ambatovy (Projet en cours sur financement du Projet Ambatovy)
V.2.3. La symbiose mycorhizienne au service de la méthode Miyawaki pour une conservation et valorisation durable des ressources forestières à Madagascar (Programme en collaboration avec le LSTM de l’IRD)
V.2.4. Gestion de la fertilité du sol dans le système de culture de riz pluvial de moyenne altitude du centre et du centre Ouest de Madagascar : importance de la diversité de champignons mycorhiziens et des espèces de plantes associées
V.2.5. Recherche – Développement sur la conservation, valorisation et gestion durable de la forêt naturelle de Vohilahy – Ranomafana Est
V.2.6. Production de champignons comestibles à Madagascar (Programme soutenu simultanement par le Département Expertises et Valorisation de l’IRD et par le Programme Bond’innov)
CONCLUSION GENERALE
Références bibliographiques

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *