La surface des (hydr)oxydes métalliques
Présentation générale
Les groupements insaturés à la surface d’un oxyde métallique sont de deux sortes : soit il s’agit de centres métalliques insaturés (appelés Coordinatively Unsaturated Sites ou CUS) ou bien ce sont des ions superoxydes O2- coordinnés [I.1, I.2]. Ces groupements ne sont visibles que suite à un clivage dans le vide car ils correspondent à la rupture des liaisons présentes au cœur du matériau, formant ainsi des insaturations et donc une certaine instabilité (réactivité) de la surface. Ces espèces sont instables et n’existent pas dans des conditions moins extrêmes (pression atmosphérique, température ambiante). Les CUS sont généralement occupés par des molécules d’eau ou des groupements OH [I.1,I.3] qui ne peuvent être éliminés que par un apport d’énergie visant à fragiliser puis à rompre la liaison. C’est ce qui explique que, dans le but d’avoir accès à ces sites et donc à leur réactivité, une procédure de chauffage soit nécessaire pour activer le solide [I.4, I.5, I.6]. A température ambiante toutefois, la surface des oxydes métalliques est principalement recouverte de groupements OH et de molécules d’eau chimisorbées [I.7,I.1]. Ces groupements se lient chimiquement avec les CUS et différentes configurations, avec différentes connectivités, sont possibles :
– OH type I (une liaison avec un CUS)
– OH type II ou μ-OH (deux liaisons avec la surface, avec des CUS différents)
– OH type III ou μ3-OH (trois liaisons avec la surface, avec des CUS différents)
Les populations respectives de ces groupements hydroxyles dépendent, en l’absence de reconstruction de surface, des faces cristallographiques exposées sur les cristaux [I.8,I.9]. Ces dernières sont désignées selon la nomenclature cristallographique par les indices de Miller (h,k,l) [I.10] qui correspondent au plan de clivage dans la maille du solide bulk. Ces faces cristallographiques peuvent provenir de la croissance plus rapide du cristal sur certaines faces, ce qui est lié à la morphologie des cristaux [I.11], ou du plan de clivage choisi [I.1]. Bien sûr, leurs différentes structures (coordinance) ainsi que leurs différents environnements chimiques (liaisons hydrogène) vont modifier leurs réactivités respectives.
Réactivité des groupements OH à la surface des oxydes métalliques à l’interface solide/gaz
Cette réactivité a été mise en évidence de différentes manières parmi lesquelles la spectroscopie infrarouge [I.12]. Cette dernière sert à déterminer la réactivité des groupements de surface en mettant en contact la surface du solide avec des molécules sondes en phase gaz [I.5,I.13,I.14]. Une molécule sonde est une entité chimique dont les signaux spectroscopiques sont connus et qui présente une réactivité particulière. En mettant en contact la molécule sonde avec la surface solide, cette dernière est susceptible de réagir et son spectre IR va être modifié. L’observation du spectre après adsorption va permettre de déterminer de quelle manière la molécule a réagi et de cette façon quelles sont les réactivités en présence à la surface du solide. Il existe des molécules sondes « simples » comme l’eau ou la pyridine qui fournissent des informations générales, en conditions non-réactives. Ainsi, les groupements OH de surface peuvent avoir une réactivité acido-basique au sens de Brönsted ainsi qu’une réactivité acido-basique au sens de Lewis [I.15]. Certaines molécules sondes permettent de voir uniquement la première (pipéridine, n-butylamine), d’autres le second type de réactivité (monoxyde de carbone, acétonitrile) et enfin d’autres permettent de faire les deux (pyridine). Néanmoins, la mise en contact de la surface avec un solvant ionisant tel que l’eau entraîne des changements importants au niveau de la réactivité de la surface, réduisant l’intérêt des informations obtenues sur les surfaces déshydratées. Des réactions chimiques modèles [I.16] peuvent également être utilisées pour déterminer la réactivité des surfaces solides mais ces dernières ne nécessitent pas l’utilisation de spectroscopie IR pour donner des informations et les réactifs utilisés présentent des structures plus sophisitiquées.
Réactivité des groupements OH à la surface des (hydr)oxydes métalliques à l’interface solide/solution aqueuse
Au niveau de l’interface que forme un oxyde métallique avec une solution aqueuse, de nombreux changements apparaissent. Contrairement à la phase gaz, dans laquelle les groupements sont soit protonés (acides) soit déprotonés (bases) mais restent électriquement neutres, des équilibres sont mis en place entre la solution et la surface qui permettent d’avoir à la fois l’acide et la base conjuguée d’un couple à la surface du solide. Cela est dû à la constante diélectrique de l’eau liquide (≈ 80) qui en fait un solvant ionisant. Une conséquence de ces équilibres est que le pH impose la distribution des groupements chargés à la surface. Ainsi, la charge électrique de surface n’est pas nécessairement neutre, contrairement aux interfaces solide/gaz. La surface constitue un polyacide de Brönsted. Plusieurs modèles ont été mis au point pour essayer de prendre en compte la diversité des réactivités de la surface dans le cas d’interfaces solide/solution aqueuse. Les deux principaux sont le modèle 1 site/2 pKs et le modèle Multi Site Complexation (MUSIC).
Dans le modèle 1 site/2 pKs, les groupements de surface sont du type MOH (M est le centre métallique) et sont des amphotères acido-basique, les couples acido-basiques sont :
MOH2⁺ + H2O = MOH + H3O⁺ (I.1)
MOH + H2O = MO⁻ + H3O⁺ (I.2)
Adsorption à l’interface (hydr)oxyde métallique/solution aqueuse
Généralités sur l’adsorption
L’adsorption est la réaction par laquelle une entité chimique dans une phase (solution par exemple) entre en interaction à l’interface avec une autre phase (solide par exemple). L’espèce qui va à l’interface s’appelle l’adsorbat et la surface de la nouvelle phase constitue l’adsorbant (ou le substrat). Cette réaction est limitée par la saturation de la surface (comme les molécules d’eau à la surface des oxydes métalliques). Comme dans le cas d’interactions en phase homogène, les interactions sont classées selon leur énergie en deux grandes catégories [I.30] :
♦ La physisorption qui a lieu grâce aux liaisons faibles (énergie moyenne ≈ 20 kJ/mol)
♦ La chimisorption qui a lieu par le biais de la formation d’une liaison au moins partiellement covalente avec la surface de l’adsorbant (énergie moyenne ≈ 400 kJ/mol).
Il est courant de considérer que la chimisorption fait suite à une physisorption et il est possible d’avoir une chimisorption activée ou non selon que l’adsorbat doit subir des modifications importantes ou non au cours de son approche de la surface [I.30]. Les deux catégories sont assez arbitraires et la frontière au niveau énergétique est floue (qu’est-ce qui correspond à une énergie moyenne entre 20 et 400 kJ/mol ? Des physisorptions fortes et des chimisorptions faibles). Le phénomène d’adsorption est une réaction chimique qui entraîne bien sûr un changement de la densité électronique au sein de l’adsorbat et c’est aussi le cas au niveau de l’adsorbant. Ces modifications de la densité électronique au niveau de l’adsorbat comme du substrat peuvent entraîner des déformations géométriques de ces deux éléments [I.31].
Substitution de ligands, types de complexes et modes d’adsorption
Dans le cas d’une interface solide/solution, l’ensemble des sites CUS sont occupés par des groupements OH mais cette fois la température ne peut pas être élevée jusqu’à pouvoir libérer des sites d’adsorption. La réactivité dans ce genre de système est plutôt comparable à la chimie des complexes homogènes et l’adsorption correspond plus à la substitution de ligands plutôt qu’à la simple occupation d’un site d’adsorption. Ainsi, une équation bilan typique pour la réaction d’adsorption d’une molécule A sur la surface d’oxyde métallique par substitution d’un groupement OH de surface est la suivante :
MOH(surf.) + A(aq) = MA⁺ (surf) + HO⁻ (aq) (I.10)
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre I : Notions et vocabulaire important
I. La surface des (hydr)oxydes métalliques
II. Adsorption à l’interface (hydr)oxyde métallique/solution aqueuse
III. L’interface solide/solution aqueuse: organisation des ions en couches électriques
IV. La spectroscopie infrarouge : généralités
V. Systèmes étudiés et état de l’art
Matériels et méthodes expérimentales
Chapitre II : Description des aspects chimiques du séchage
I. Introduction et description globale du séchage
II. Etude approfondie du séchage
III. Conclusion
Chapitre III : Adsorption des ions sulfates à la surface de la goethite : étude in situ de l’interface solide/solution
I. Introduction
II. Partie expérimentale
III. Résultats et discussion
IV. Conclusion
Chapitre IV : Séchage d’une solution de sulfate de sodium en contact avec un film de goethite : étude de l’influence du séchage et de l’effet du pH de la solution initiale
I. Introduction
II. Partie expérimentale
III. Résultats et discussion
IV. Conclusion
Chapitre V.: Etude de l’adsorption de molybdates à la surface de la lépidocrocite par spectroscopie ATR-IR
I. Introduction générale
II. Partie expérimentale
III. Résultats et discussion
IV. Conclusion
Chapitre VI: Séchage d’une solution de molybdates à l’interface avec la lépidocrocite : étude de l’effet de la concentration en adsorbat et de l’influence du rinçage
I. Introduction
II. Partie expérimentale
III. Résultats et discussion
IV. Conclusion
Chapitre VII: Influence of hydration/dehydration on adsorbed molecules: Case of phthalate on goethite
I. Introduction
II. Materials and method
III. Results
IV. Discussion
IV. Conclusion
Chapitre VIII: Spectroscopie ATR-IR polarisée: étude de l’orientation des substrats et adsorbats
I. Introduction
II. Partie expérimentale et simulation DFT
III. Résultats et discussion
IV. Conclusion
Conclusion générale et perspectives
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