La surdité congénitale et ses conséquences

La surdité congénitale et ses conséquences

Classification des surdités 

En France, la surdité congénitale touche un nouveau-né sur 1000, soit 700 enfants sourds chaque année (UNAPEDA, 2005). Le Bureau International d’Audio-Phonologie a déterminé 5 groupes de déficiences auditives selon le degré de la perte (BIAP, 1997) : légère (perte tonale de 21 à 40 dB), moyenne (perte tonale de 41 à 70 dB), sévère (perte tonale de 71 à 90 dB), profonde (perte tonale de 91 à 119 dB) et cophose (perte tonale au-delà de 120 dB). On distingue également deux grandes catégories en fonction de l’origine de la déficience auditive (Vinter, 2004). Les déficiences auditives de transmission résultent d’atteintes de l’oreille moyenne, sont souvent acquises, et la perte dépasse rarement 50 à 60 dB. Les déficiences auditives de perception sont causées par des atteintes de l’oreille interne avec une origine souvent génétique et une perte pouvant être importante.

Des prothèses auditives peuvent être proposées pour les quatre premiers types de surdité. Dans le cas des enfants sourds profonds, s’ils ne tirent pas profit de leur appareillage au bout de 6 mois, un implant cochléaire peut être envisagé (Leybaert, Colin, Willems, Nouelle, Schepers, Renglet, Mansbach, Simon et Ligny, 2007). Notre étude sera consacrée aux enfants atteints d’une surdité de perception moyenne à profonde, appareillés et/ou implantés cochléaires.

Conséquences sur la communication

La privation auditive, même incomplète aura des répercussions sur le développement du langage et des autres apprentissages, surtout pendant la période critique entre 3 et 18 mois. Pour ces bébés, lors des premiers mois, sans appareillage, la voix de l’entourage ne sera pratiquement pas perçue (Loundon, 2009). Cependant, la privation auditive entraînera naturellement une utilisation plus importante des informations apportées par les autres sens, notamment par la vue (Dumont, 2008). Il sera donc intéressant d’entrer en communication avec ces bébés sur un mode polysensoriel, en faisant passer un maximum d’informations par le canal visuel : mimiques, regards, lecture labiale, gestes, LfPC. L’appareillage précoce ne rendra pas à l’enfant une audition parfaite, et un aménagement de l’environnement linguistique s’avérera nécessaire. On s’attachera alors à créer un cadre spatio-temporel propice aux échanges entre l’enfant et son entourage, pendant lequel il pourra bénéficier d’un message clair (Hage, 2011). La pratique précoce de la LfPC s’inscrira directement dans les compétences naturelles des bébés à traiter la parole de manière intermodale.

Parmi les difficultés rencontrées par les parents, on considère particulièrement celles concernant l’attention conjointe, un des principaux défis de la communication avec l’enfant sourd (Lepot-Froment et Clerebaut, 2004). D’après Deleau et Le Maner-Idrissi (2004), «Maîtriser l’attention conjointe, c’est être capable de suivre l’évolution du flux de l’interaction avec autrui en portant son attention à la fois sur l’objet de l’échange et les réactions du partenaire en cours d’échange». Des situations de jeu ou de lecture d’album par exemple sont très propices à l’attention conjointe. Or, l’enfant sourd ne peut pas regarder simultanément le livre ou le jeu, et son parent qui lui parle. Les informations parviennent donc de manière séquentielle et non synchrone. En réaliser la synthèse représente une opération cognitivement complexe (Lepot-Froment et Clerebaut, 2004).

Conséquences sur la relation parents-enfant

Nienhuys et Tikotin ont mené en 1983 une étude auprès de dyades mère-enfant sourd et mère-enfant entendant en situation d’attention conjointe. Les résultats ont démontré que l’enfant sourd passe plus de temps que l’enfant entendant dans des phases d’évitement de l’interaction, et moins dans des phases de jeu et de conversation avec la mère. Concernant la mère de l’enfant sourd, elle passe plus de temps à attirer et diriger l’attention du bébé et moins de temps à jouer avec lui. Cela entrave la mise en place de la relation parents-enfant. Les parents ont besoin de temps avant de mettre en place des moyens augmentatifs de communication, car le diagnostic de surdité les plonge dans un projet pour lequel ils ne s’étaient pas préparés. Dans de nombreux cas, ils restent quelque temps sidérés dans leur capacité de penser et d’agir (Gaillard, Groh et Rebichon, 2009). Selon l’expression de Papousek (1994), les schémas de «parentage intuitif» se retrouvent perturbés suite au diagnostic de surdité, et les parents sont susceptibles de tomber dans trois écueils (LepotFroment et Clerebaut, 2004) : ils ne parviennent plus à éprouver du plaisir à interagir avec leur enfant, ils adoptent dans leurs interactions un style directif plutôt que ludique, et ils ne parviennent plus à considérer leur enfant comme «être parlant». Un accompagnement parental adapté au cas par cas est alorsrecommandé (HAS 2009).

Accompagnement parental 

Rôle de l’orthophoniste

Que ce soit dans le cadre de la surdité ou non, l’accompagnement parental fait partie intégrante du travail des orthophonistes et est repris dans leur nomenclature depuis 2002 (Antheunis, Ercolani-Bertrand et Roy, 2007).

D’après Gaillard, Groh et Rebichon (2009), «L’accompagnement a pour but d’ajuster ou de réajuster les modes relationnels entre les parents et l’enfant sourd en fonction des besoins spécifiques de ce dernier, mais aussi en fonction de la personnalité de chacun des parents ainsi que de leur dynamique familiale». C’est un travail sur le long terme, qui nécessite d’établir un lien de confiance. Certes, l’ORL, ou l’audioprothésiste sont également présents pour conseiller les parents, mais seul l’orthophoniste est vu à intervalles réguliers, et a du temps à consacrer spécifiquement aux interrogations des parents. Son rôle est d’écouter, informer les parents, mais également de leur donner un modèle de communication de façon implicite.

Cela peut se faire en utilisant le langage adressé à l’enfant (LAE), défini comme suit par Abdelhamid Khomsi (1982) : « Un langage simple, puisqu’il comporte surtout des énoncés courts, peu de subordonnées et donc peu de conjonctions, ainsi qu’un vocabulaire peu diversifié et non abstrait. Il est aussi bien formé, il est produit avec une articulation relativement soignée et un fondamental élevé pour attirer et maintenir l’attention ». Il faut aussi pointer toutes les tentatives de communication de l’enfant, afin de mettre en avant ses compétences et prouver aux parents que la relation peut encore être source de plaisir et de gratifications réciproques (Gaillard et al. 2009). L’orthophoniste entraîne ainsi le talent d’observateurs des parents.

Les échanges sociaux avec l’enfant sont au centre de la prise en charge (Hage, 2011) mais les parents ne savent pas exactement ce qu’il est possible de demander à un bébé de 2, 6 ou 12 mois (Morgon, Aimard et Daudet, 1986). En jouant avec lui en séance, en présence des parents, l’orthophoniste leur montre de quoi leur enfant est capable. Les rôles de l’orthophoniste et des parents devront rester bien distincts, et il faudra veiller à ne pas tomber dans un important écueil d’après Morgon et al (1986) : transformer les parents en répétiteurs. «Ils sont d’abord des parents et s’ils ne pouvaient assumer qu’un rôle c’est celui-là qui serait prioritaire car eux seuls peuvent le tenir».

Principes directeurs

Marc Monfort (2003) a listé 6 principes pour favoriser l’interaction familiale dans les cas de troubles graves du développement du langage, y compris la surdité :
● Réduire le dirigisme
● Ajuster les attentes parentales aux possibilités réelles de l’enfant
● Eliminer les comportements négatifs : agressivité, rejet, impatience, angoisse
● Améliorer l’ajustement : contrôle du rythme de parole, des échanges et du ton
● Développer la capacité de stimuler l’interaction
● Enseigner un système de communication alternatif .

L’orthophoniste aura toujours en tête ces objectifs. Mais plutôt que de pointer les comportements négatifs des parents, au contraire il les aidera à trouver la confiance et les connaissances nécessaires pour créer un environnement propice à la communication (Gaillard et al. 2009), et relèvera toutes leurs interventions bénéfiques. Il encouragera ainsi certaines attitudes spontanées des parents ou au contraire réorientera certaines attitudes semblant inadéquates. On pourra également se baser sur les travaux de Shirley Vinter (1994) qui a déterminé trois principales procédures d’étayage que les parents pourraient utiliser pour accompagner leur enfant sourd dans son appropriation du langage: l’imitation, la reformulation et le questionnement. Ces comportements n’étant pas forcément naturels, l’orthophoniste les accompagnera et leur montrera l’exemple.

On a longtemps parlé de guidance, mais on privilégie aujourd’hui le terme d’accompagnement parental. Le premier sous-entendait qu’en tant que «guide», l’orthophoniste se situait devant les parents, tandis qu’en les accompagnant, il se situe davantage à leurs côtés.

Accompagnement familial

La HAS (2009) recommande que l’accompagnement soit proposé à l’ensemble de la famille. Nous pouvons alors parler d’accompagnement familial, puisque bien souvent la fratrie, les grands-parents ou tout proche gravitant autour de l’enfant sourd est concerné par ses difficultés de communication. Agnès Bo (citée par Auzias et Le Menn, 2011), a décrit 3 types d’accompagnement familial en orthophonie (AFO).
➤ L’AFO de type I, constitué d’échanges formels ou informels, d’informations et de conseils de l’orthophoniste à la famille.
➤ L’AFO de type II, dit «collaboratif» composé de conseils, nombreux échanges, ainsi que de l’apprentissage de techniques comme par exemple la LfPC. La famille et l’orthophoniste vont travailler des habiletés à acquérir par objectifs, selon des directives élaborées par l’orthophoniste.
➤ L’AFO de type III, avec un travail par objectifs selon des stratégies choisies par l’aidant. L’élaboration conjointe de stratégies adaptées et la proposition de ressources remplacent les conseils de l’orthophoniste. Le parent a alors la place principale, et la relation s’établit sur la base d’un partenariat.

Notre projet se situera dans l’accompagnement familial en orthophonie de type II. En accompagnant la famille dans son apprentissage des clés de la LfPC, l’orthophoniste entretient la motivation et aide à percevoir les changements apportés. L’identification avec les parents des progrès constatés à la maison au fil du temps dans tous les domaines du développement de l’enfant leur permettra de se rassurer sur la situation.

Langue française Parlée Complétée (LfPC)

Historique et fonctionnement

En 1880, le Congrès de Milan a imposé une éducation oraliste pure pour les enfants sourds, interdisant tout système de communication gestuel. Les résultats se sont révélés très peu satisfaisants : En 1979, une étude de Conrad (cité par Alegria, 2006) a décrit le niveau de lecture de 300 adolescents sourds terminant leur scolarité secondaire comme comparable à celui des élèves entendants de CM1. En effet, les enfants sourds ne peuvent pas développer un langage oral en s’appuyant uniquement sur leurs restes auditifs et la lecture labiale (Leybaert, Charlier, Hage et Alegria, 2004). Un excellent lecteur labial ne pourra percevoir qu’environ 30% de ce qui est dit (Colé, Casalis, Dominguez, Leybaert et Schelstraete, 2012). D’après Graham Bell (cité par Dumont, 2008), les 70% restants s’apparentent à de la «devinette faciale». Cela s’explique entre autres par les phénomènes de coarticulation ou par le fait que la plupart des différences acoustiques entre consonnes sont générées à partir de mouvements bucco phonatoires ne pouvant pas être vus (Leybaert et al., 2004). C’est pour résoudre ce problème que le Professeur Richard Orin Cornett, physicien américain a mis au point en 1967 le Cued Speech, code manuel phonétique permettant de lever toutes les ambiguïtés de la lecture labiale (Alis et Jubien, 2009). Le Cued speech a été introduit en France en tant que LCC (Langage Complété Cornett), en 1977 sous l’impulsion de familles d’enfants sourds. Ces familles ont ensuite opté pour l’appellation LPC, puis LfPC et ont créé l’ALPC (Association pour la Langue française Parlée Complétée).

Souvent comparée à tort à la Langue des Signes Française (LSF) qui est, elle, une langue à part entière, la LfPC est selon Annie Dumont (2008) « une aide à la réception du langage par une technique de visualisation de la parole ». Alegria et al. (2007) parlent eux de «prothèse visuelle destinée à réduire les ambiguïtés de la lecture labiale». Elle est constituée de huit configurations de doigts pour représenter les consonnes et semi-consonnes, et cinq positions de la main autour du visage pour représenter les voyelles (voir annexe I). Le geste obtenu s’appelle une clé, et forme une syllabe, unité de base de la LfPC (Alis et Jubien 2009). L’information manuelle est complémentaire à celle lue sur les lèvres. Certaines clés peuvent correspondre à jusqu’à neuf syllabes si elles ne sont pas combinées à la lecture labiale.

Tout comme les coordonnées alphanumériques qui permettent l’identification d’un point précis sur une carte, la LfPC consiste à associer une configuration manuelle à un mouvement des lèvres afin de percevoir la syllabe (Leybaert et al, 2004). On peut ainsi tout coder, du babillage aux phrases complexes. Françoise Boulanger (2010) compare également la LfPC au Braille : «Comme le Braille, qui rend palpable l’écriture pour l’aveugle, le code LPC rend le français visible pour le sourd.» Contrairement à la LSF, la LfPC n’apporte que des informations phonologiques, et non pas sémantiques. Cependant, certains petits mots bisyllabiques codés systématiquement comme papa ou doudou prennent un sens pour les bébés et deviennent comme des signes (Alis et Jubien 2009). La LfPC est préconisée dans le cadre d’une approche audio-phonatoire (HAS, 2009) .

Apprentissage

Les correspondants régionaux de l’ALPC organisent toute l’année des formations destinées aux familles d’enfants sourds, ainsi qu’aux orthophonistes, enseignants, AVS, ou toute personne concernée par la surdité. Tous les ans depuis 1981, l’ALPC organise également un stage d’été pendant une semaine, réunissant une centaine de familles d’enfants sourds. C’est le moment fort de l’association, pendant lequel les proches peuvent apprendre à coder, les enfants sourds peuvent bénéficier d’un bain de LfPC, et tous peuvent échanger sur leur quotidien. L’apprentissage des clés se fait généralement en une douzaine d’heures, mais la mise en pratique au quotidien demande un important investissement (Monfort et Juarez, 2003). Il est donc nécessaire que les parents puissent compter sur les formateurs de l’ALPC ou sur les orthophonistes lorsqu’ils sentent leur motivation baisser. Nadine Cochard a mené une étude à propos de l’impact de la LfPC sur l’évolution des enfants implantés au CHU de Toulouse (Cochard, 2003). Elle a remarqué un investissement plus important des mères par rapport aux pères concernant la pratique de la LfPC. Cela peut s’expliquer par le fait qu’elles passent généralement plus de temps avec leur enfant et ont donc plus d’occasions de mettre en pratique et investir cet outil de communication. Si les adultes doivent apprendre à coder, les jeunes enfants n’apprendront pas pour autant à décoder, cela se fera de façon naturelle dans un bain de langage.

Il est important que cet apprentissage se fasse le plus précocement possible. Alegria, Charlier et Mattys (cités par Leybaert, Charlier, Hage et Alegria, 2004) ont mené une étude comparant deux groupes d’enfants sourds, exposés à la LfPC avant ou après leurs 2 ans. Les enfants exposés à la LfPC de façon précoce en tirent davantage de bénéfices et exploitent mieux l’information visuelle lors de la lecture labiale. Ces mêmes chercheurs ont également comparé les performances des enfants exposés à la LfPC uniquement à l’école, et de ceux en bénéficiant également à leur domicile familial (Alegria et al., 2007). Sans grande surprise, les résultats sont meilleurs dans le deuxième groupe.

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Table des matières

Introduction
Partie théorique
1 – La surdité congénitale et ses conséquences
1.1 – Classification des surdités
1.2 – Conséquences sur la communication
1.3 – Conséquences sur la relation parents-enfant
2 – Accompagnement parental
2.1 – Rôle de l’orthophoniste
2.2 – Principes directeurs
2.3 – Accompagnement familial
3 – Langue française Parlée Complétée (LfPC)
3.1 – Historique et fonctionnement
3.2 – Apprentissage
3.3 – Effets sur la communication
Position du problème
1 – Problématique
2 – Objectifs
3 – Hypothèses
Méthodologie expérimentale
1 – Description de la population
2 – Matériel
2.1 – Généralités
2.2 – Le jeu
2.3 – La comptine
2.4 – Le livre
2.5 – Le livret
3 – Protocole
3.1 – Présentation du projet
3.2 – Interventions
4 – Méthodologie d’analyse des données
4.1 – Questionnaires parentaux d’auto-évaluation
4.2 – Analyses via le logiciel ELAN
4.3 – Analyse statistique
Résultats
1 – Hypothèse 1 : attention visuelle des enfants face à la LfPC
1.1 – Représentations graphiques
1.2 – Test de Chi2
2 – Hypothèse 2 : quantité de LfPC
3 – Hypothèse 3 : qualité de LfPC
3.1 – Représentations graphiques
3.2 – Test de Chi2
Discussion
1 – Vérification des hypothèses
2 – Limites
3 – Perspectives
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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