La structure des purées de pommes et poires
La structure d’un aliment renvoie à ses caractéristiques physiques. Elle est définie comme la manière dont sont agencés ses différents éléments constitutifs (Kilcast and Lewis, 1990). La structure moléculaire correspond à l’organisation des molécules composant l’aliment. La structure microscopique décrit leur assemblage. La structure macroscopique correspond aux niveaux d’organisation pouvant être perçus par les sens humains. Nous nous sommes intéressés plus particulièrement à ce dernier niveau de structure, directement perceptible lors de l’observation du produit puis lors de son évaluation en bouche.
Qu’est ce qu’une purée de fruits ?
Une purée de fruits peut être considérée comme de la pulpe en suspension dans du sérum (Rao et al, 1986). La pulpe est constituée de parois végétales gonflées, en équilibre avec la phase continue. Ces parois végétales sont des squelettes rigides dont la fonction biologique dans le fruit est de maintenir constante la pression statique interne des cellules végétales, appelée turgescence. A l’état de pulpe, ces parois végétales ont perdu leur fonction turgescente car elles ont été fortement endommagées par le procédé de transformation des fruits en purées.
Un produit issu des fruits
Les purées de fruits sont issues de la partie charnue des fruits, dont la fonction est de protéger le développement des pépins. Cette partie du fruit est constituée de cellules de parenchyme turgescentes, caractérisées par la présence d’une paroi végétale rigide. Elle possède également, dans le cas de la poire, de petits amas de cellules pierreuses, appelés sclérites .
Les fruits n’étant qu’une étape du cycle de reproduction des plantes, leur structure évolue constamment au cours du temps. La plupart des cellules matures de parenchyme ont un diamètre allant de 50 à 300 µm. Certaines peuvent même atteindre le millimètre.
La paroi végétale
La paroi végétale des cellules de parenchyme est une matrice constituée de fibres insolubles : l’hémicellulose et la protopectine (complexe de pectine et de microfibrilles de cellulose) .
Le pourcentage de fibres insolubles est faible par rapport au poids total du fruit. Elles représenteraient de 0,6 à 2,4%P/P pour la pomme et 0,9 à 2,9%P/P pour la poire (Duckworth, 1966).
La paroi végétale des cellules pierreuses de poires a, quant à elle, subi un important épaississement par imprégnation de lignine.
La cellulose
La cellulose est un polymère linéaire insoluble, constitué de résidus de glucose reliés par des liaisons β 1-4 .
Les chaînes voisines de cellulose peuvent interagir par l’intermédiaire de nombreuses liaisons hydrogène, grâce à la régularité de la disposition de leurs groupements hydroxyles. Elles constituent ainsi une charpente rigide de microfibrilles cristallines. Ces microfibrilles, qui représentent au moins 25%P/P de l’extrait sec, sont organisées en couches adjacentes dont les différentes orientations confèrent une grande rigidité à la paroi. La fermeté des fruits dépendrait du niveau de cristallinité de la cellulose.
La pectine
La pectine est un polysaccharide linéaire, formé de courtes chaînes de résidus galacturonate liés par des liaisons α 1-4 , interrompues par des résidus rhamnose (liaison α 1-2). Insoluble lorsqu’elle est associée à la cellulose sous forme de protopectine, elle devient soluble lorsqu’elle se trouve seule.
Une partie des groupements carboxyles de la pectine sont estérifiés par des radicaux méthyles et acétyles. On définit le degré d’estérification comme la somme des degrés de méthylation et d’acétylation. Les pectines naturelles des fruits sont hautement estérifiées avec un degré de méthylation supérieur à 70% et d’acétylation proche de 10% (Voragen, et al., 1995). La pectine possède également des chaînes latérales constituées de résidus neutres de galactose, arabinose, xylose, glucose, mannose et fructose. Elle se trouve dans les parois cellulaires mais constitue aussi le ciment entre deux parois voisines, appelé lamelle moyenne.
Les pommes seraient plus riches en pectines que les poires. Elles peuvent en contenir entre 0,5 et 1,6%P/P alors que les poires en contiendraient entre 0,5 et 0,7%P/P (Mac Cready, 1970).
Evolution au cours du temps
La structure de la paroi végétale évolue avec l’âge des cellules. Les cellules jeunes possèdent une paroi primaire souple et extensible. Chez les cellules plus âgées, une paroi secondaire, rigide et épaisse, vient s’y ajouter. Lorsque la maturation des fruits avance, les substances pectiques sont profondément modifiées. La protopectine, insoluble, est transformée en pectine, soluble. La pectine est elle-même partiellement déméthoxylée et dépolymérisée par suite d’une synthèse accrue d’enzymes. Ces changements affectent alors la paroi cellulaire et la lamelle moyenne en entraînant un ramollissement des fruits. Au cours de la maturation, l’amidon et l’hémicellulose sont également convertis en sucres simples (glucose et fructose) par hydrolyse.
Un produit transformé
Le procédé de transformation des fruits en purée consiste en des traitements thermiques et mécaniques qui ont pour but de briser la cohésion entre les différentes cellules végétales, en rompant les liaisons impliquées dans la stabilisation des réseaux de la paroi végétale. Ils ont également pour conséquence de diminuer la cristallinité des fibres de cellulose et de solubiliser les substances pectiques. Les parois végétales sont ainsi altérées et la phase continue épaissie.
L’étape de raffinage permet de débarrasser les purées des pépins et de la peau des fruits, afin de ne conserver que les cellules de parenchyme, ainsi que les cellules pierreuses pour la poire. Du sucre et de l’acide ascorbique peuvent être ajoutés pour les purées destinées au rayon épicerie. Les purées de pommes et poires peuvent ainsi contenir entre 9 et 12 mg d’acide ascorbique et de 15 g de sucres (purées allégées en sucres) à 22 g (purées enrichies en sucres) par 100g de produit (Ireland Ripert, et al., 1997). Les purées destinées à l’alimentation infantile subissent un affinage (ou broyage) supplémentaire de façon à réduire la granulométrie des particules. Elles peuvent également être enrichies en vitamines et en agents de texture (farines de guar ou de caroube), dans le but d’obtenir des produits à valeur nutritive sûre et dont la texture est adaptée à l’ingestion par les bébés.
La structure des purées de fruits
Les purées de pommes et poires sont des suspensions dont la phase dispersée est appelée pulpe et la phase continue sérum. Leurs caractéristiques structurales sont dépendantes de la variété des fruits, de leur degré de maturité (Lee, et al., 1965; Lanza and Kramer, 1967; Mohr and Adair, 1970; Mohr, 1973, 1989) ainsi que des conditions de transformation des fruits en purées (Mohr, 1973; Schijvens, et al., 1998).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : La structure des purées de pommes et poires
1. Qu’est ce qu’une purée de fruits ?
1.1. Un produit issu des fruits
1.1.1. La paroi végétale
1.1.1.1. La cellulose
1.1.1.2. La pectine
1.1.1.3. L’hémicellulose
1.1.1.4. La lignine
1.1.2. Evolution au cours du temps
1.2. Un produit transformé
1.3. La structure des purées de fruits
1.3.1. La pulpe
1.3.2. Le sérum
2. Les méthodes de caractérisation
2.1. La concentration en particules
2.1.1. La quantité de pulpe
2.1.2. La quantité de fibres insolubles
2.2. La taille des particules
2.2.1. Le tamisage
2.2.2. La diffraction de la lumière
2.3. Autres propriétés physiques des particules
2.4. La mesure des propriétés du sérum
3. Conclusion
Chapitre II : La rhéologie des purées de pommes et poires
1. Mesure des propriétés rhéologiques
1.1. Grandeurs caractéristiques
1.1.1. Aux grandes déformations
1.1.2. Aux faibles déformations
1.2. Les méthodes de caractérisation
1.2.1. Les méthodes empiriques
1.2.1.1. Consistomètres
1.2.1.2. Rétro-extrusion
1.2.2. Les méthodes fondamentales
1.2.2.1. Rhéomètres capillaires sous pression
1.2.2.2. Rhéomètres à cylindres coaxiaux
1.2.2.3. Rhéomètres à ailettes
2. Les propriétés rhéologiques des purées de fruits
2.1. Fluides rhéofluidifiants
2.2. Fluides à seuil d’écoulement
2.2.1. Seuils statique et dynamique
2.2.2. Le seuil résiduel
2.2.3. Le seuil en sortie de linéarité
2.2.4. Conclusion
2.3. Fluides peu thixotropes
2.4. Fluides viscoélastiques
3. Influence de la structure sur les propriétés rhéologiques
3.1. Influence de la phase continue
3.2. Influence de la concentration en particules
3.3. Influence de la taille des particules
4. Conclusion
Chapitre III : La perception sensorielle de la texture
1. De la sensation à la perception
1.1. Naissance des sensations et différents sens impliqués
1.1.1. La vue 55
1.1.2. Le toucher
1.1.3. La kinesthésie
1.2. Perception orale des suspensions
1.2.1. Entre la langue et le palais
1.2.2. Entre les dents
1.3. Transformation des sensations en perception
2. Construction de la réponse sensorielle
2.1. Aspects quantitatifs
2.2. Aspects qualitatifs et sémantique
2.3. Les différences intra- et inter-individuelles
3. Analyse de la réponse sensorielle
3.1. Les outils du profil
3.1.1. Les descripteurs
3.1.2. Les échelles de réponse
3.2. Les différents profils
3.2.1. Le profil conventionnel
3.2.2. Les méthodes de profil libre
3.2.2.1. Le Free Choice Profiling
3.2.2.2. Le profil flash
4. Conclusion
Chapitre IV : Relations entre données sensorielles et rhéologiques
1. Les différentes méthodes de corrélation
1.1. Les corrélations simples
1.2. Les corrélations multiples
1.3. Les corrélations factorielles
2. Les différentes corrélations
2.1. Perception des propriétés mécaniques et mesures d’écoulement
2.2. Perception des propriétés géométriques et rétro-extrusion
2.3. Intérêt des mesures en régime harmonique ?
3. Conclusion
Conclusion générale
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