Le profil de l’entrepreneur
Selon VERSTRAETE (1999) le phénomène entrepreneurial est « le phénomène relevant d’une relation dialectique entre l’entrepreneur et l’organisation impulsée par celui-ci» Tandis que HERNANDEZ (1999, 2001), voit « l’entrepreneur » comme «l’initiateur d’un processus complexe » « comprenant quatre étapes : initiation, maturation, décision et finalisation, GARTNER (1985) ; BYGRAVE et HOFER (1991) affirme que « l’entrepreneur est aussi avant tout créateur d’organisation » On le voit, dès lors qu’on considère la PME comme l’organisation résultant du Propriétaire- Dirigeant, elle traduit nécessairement les caractéristiques entrepreneuriales de celui-ci. L’entrepreneur, agent central par excellence dans la firme (FOSS, 1993) ; possède des fonctions déterminées. Ainsi, partant du postulat qu’il existe des zones d’ignorance, il est l’individu « supérieur » qui est à même d’identifier, de détecter de nouvelles combinaisons de connaissances et d’assurer leur coordination de manière efficace. On retrouve explicitement « l’entrepreneur schumpéterien » (SCHUMPETER, 1935) : l’entrepreneur est bien un agent économique dont « la fonction est d’exécuter de nouvelles combinaisons » et selon cet auteur, « être entrepreneur n’est pas une profession ni surtout, en règle générale, un état durable […]». L’entrepreneur est donc un acteur « atypique » au sein de la firme ; il pense différemment et se forge une représentation particulière du contenu de l’espace qui l’entoure et des événements qui l’atteignent (DRUCKER, 1985 ; GODELIER, 1998). Il peut encore être défini selon deux dimensions, à savoir une « dialogique13 individu / création de valeur et le changement » (BRUYAT, 1994). L’entrepreneur est un créateur de valeur et cette même valeur l’influence directement au fil de sa vie (elle modifie au fur et à mesure ses valeurs, attitudes, connaissances, etc.). On retrouve cette idée chez ANSOFF (1989) pour qui l’entrepreneur agit dans une dynamique de changement créatrice incluant des risques et de l’incertitude. Selon les cas, il s’inscrit dans une telle perspective dans un but de survie et/ou de régénération (WHIPP, ROSENFELD et PETTIGREW, 1987) voire de crise ou de changements technologiques (CHANDLER, 1989a et 1989b). L’entrepreneur est donc l’élément « visionnaire » des PME ; il s’appuie sur sa dimension cognitive en animant la firme et en puisant, entre autre, dans les différents «répertoires » de ressources (BARNEY, 1991 ; GRANT, 1991) dont elle dispose pour que de nouveaux champs émergent et se concrétisent. L’entrepreneur développe alors des « croyances » individuelles, « mixe » des intuitions et des connaissances tacites issues des représentations qu’il effectue de la réalité qui l’entoure (VERSTRAETE, 1999). Une relation bilatérale existe : elle engage tant ce « méta acteur », l’entrepreneur, que l’organisation toute entière. Par ailleurs, la « vision » est un réel levier en son sein ; elle s’apparente alors à une forme d’idéal, qui mobilise chacun de ses membres. Les croyances individuelles d’un acteur deviennent alors des croyances « dominantes » (FRANSMAN, 1994). A ce stade, l’entrepreneur favorise également la diffusion de connaissances plus codifiées, réels supports de la concrétisation de sa vision, il construit d’une certaine manière une architecture stratégique (HAMEL ET PRAHALAD, 1995).
La spécificité des comportements stratégiques entrepreneuriales des dirigeants -artisans
L’artisan n’a pas toujours été considéré par les chercheurs comme un entrepreneur. Les organismes entourant le secteur artisanal qualifient le propriétaire dirigeant d’individualiste. Mais si les artisans peuvent être décrits comme des individualistes, ils ne sont pas pour autant isolés. L’artisan s’inscrit dans de nombreux réseaux personnels, professionnels et/ou instititionnels, sachant activer les liens afin de saisir une opportunité jusqu’alors inexploitée ou une menace de l’environnement jusqu’alors inexistante. Ainsi, nous pouvons penser que si les artisans ont su traverser les évolutions de la Société, c’est grace au développement de stratégies entrepreneuriales La stratégie peut être réactive en réponse à la demande d’un tiers ou proactive, si elle émerge des seuls acteurs du secteur. Les stratégies entrepreneuriales élaborées dans le secteur des métiers d’art montrent aussi une relation très forte entre l’acte individuel et le collectif. Toutefois, les logiques d’action individuelles jouent un rôle essentiel, surtout au niveau du comportement entrepreneurial du dirigeant. GUILLOTREAU et LE ROY (2002) qualifient « d’Entrepreneuriat Collectif », le phénomène de coconstruction d’un secteur par des firmes en situation de rivalité. L’action volontaire collective peut s’analyser comme résultat d’un calcul d’intérêt. L’intérêt principal de la participation au collectif est l’accès à un certain nombre de ressources communes, matérielles, immatérielles ou technologiques. Dés la recherche d’innovation, les artisans d’art échangent, pour la plupart, beaucoup d’informations informelles, partagent des goûts, repèrent des tendances en discutant avec leurs collègues, leurs clients, leurs fournisseurs de matières… Lors de la production, les savoir- faire sont à la fois jalousement gardés et échangés dans certains collectifs. Ainsi, les artisans d’art ont tendance à se regrouper pour distribuer leurs productions dans les foires, les expositions, voire dans certains quartiers ou villages. Les artisans d’art sont en concurrence dans un même lieu physique tout en ayant besoin les uns des autres pour créer ce lieu physique. Ce regroupement n’est pas le fruit du hasard. L’expression de « coopération concurrence » reflète parfaitement la situation des milliers de petites entreprises du secteur des métiers d’art car elles doivent défendre une image commune face à de nouveaux entrants en mettant en œuvre différentes stratégies entrepreneuriales. Dans la mesure où les individus ont conscience qu’ils ont plus de chances de succès lorsqu’ils entreprennent ensemble, MINTZBERG (1999) va jusqu’à souligner que les stratégies coopératives sont beaucoup plus importantes que les stratégies individuelles. Au terme de ce chapitre, nous pouvons conclure avec les affirmations suivantes : Le concept d’émergence organisationnelle est une des clefs du développement de la PME. Le dirigeant, en tant qu’entrepreneur, va devoir «accompagner», « orienter » la constitution de son projet en « entreprise » constituée. « Le dirigeant de PME pourra réussir à modifier l’environnement dans lequel il se sent le plus inséré » (PIHKALA, 1996) Dans les modèles proactifs, on retrouve les concepts clefs de l’entrepreneuriat : l’innovation, mais aussi créativité, opportunités d’affaires, prise de risque, etc. (HITT, IRELAND, CAMP, SEXTON, 2001). Bref, une autre façon de définir la notion de stratégie entrepreneuriale consiste à dire qu’on est en présence de stratégie entrepreneuriale si il y a « attitude et orientation entrepreneuriale dans les choix stratégiques » (COVIN et SLEVIN, 1989 ; DESS, LUMPKIN et al, 1997 LYON, LUMPKIN et al, 2000). On appellera ainsi « Stratégie Entrepreneuriale », toute définition d’orientation de l’entreprise faiblement formalisée, proactive, à l’initiative de personnes ayant un comportement réputé entrepreneurial. La stratégie entrepreneuriale déployée en PME artisanale peut être alors définie comme la stratégie d’un ensemble de dirigeants renonçant à leur propre stratégie individuelle au bénéfice d’une action collective nouvelle dans le but de saisir une opportunité jusqu’alors inexploitée ou d’éviter une menace de l’environnement jusqu’alors inexistante. Ces personnes ont l’espoir de retirer ultérieurement et individuellement les bénéfices d’un tel choix, c’est à dire de prendre, de conserver ou de créer un avantage compétitif. Cependant, cette définition, ainsi présentée, reste insuffisante au regard de sa portée opératoire. Celle-ci peut probablement être spécifiée au niveau du domaine d’application, ici la PME.
La prise de décision stratégique associé à la personnalité du dirigeant
L’approche rationnelle de la décision attribue à la décision stratégique un rôle effectif et la définit comme un choix fait à un moment donné et procédant d’une volonté. La prise de décision peut être le fait de tout acteur de l’entreprise (SIMON, 1955) mais elle incombe de fait au dirigeant qui se définit et est défini par de nombreux acteurs comme un décideur. Dans 90% des cas, le dirigeant a un rôle déterminant dans le processus décisionnel (BARABEL 1996). La décision est perçue comme une représentation. Elle est intégrée au système cognitif de l’individu et influence l’engagement de ce dernier dans l’action stratégique (LAROCHE ET NIOCHE 1994). Considérer la décision comme une représentation donne à la subjectivité des acteurs une place prépondérante (BERGADAA ET VIDAILLET 1996). Les dirigeants perçoivent la décision comme étant indissociable de la complexité, de la subjectivité inter relationnelle (dépendances à l’égard des autres acteurs de l’entreprise) et de l’action. Selon BERGADAA ET VIDAILLET (1996), les dirigeants structurent leurs rapports à la décision autour de la mission qu’ils s’attribuent. Trois types de missions sont identifiés :
1) assumer l’évolution de l’organisation,
2) gérer l’intégration entre l’organisation et l’environnement et
3) assumer la rupture dans la décision.
A chaque mission correspond un profil de dirigeant, décrit en fonction de sa perception et de sa tolérance du risque, collectif et individuel, de sa perception du temps et de celle des liens entre l’environnement interne et externe de l’entreprise. Ces auteurs ont ainsi analysé l’attitude du dirigeant à l’égard du risque et de leur mission en mettant en avant la notion de profil de l’individu. Cependant, il a été impossible de déterminer si le lien qui unit l’attitude du dirigeant à l’égard de la perception du risque et de sa mission est de nature causale. Le risque perçu semble intervenir comme un élément de motivation plus déterministe (car lié à la personnalité du décideur) alors que la mission parait être un élément plus volontariste (choisi en fonction de l’organisation). Au terme de ce chapitre, nous pouvons conclure que le concept de stratégie entrepreneuriale basée sur cinq dimensions ainsi que le processus de prise de décision sont interdépendants, le processus décisionnel étant considéré comme le pilier de la mise en œuvre de la stratégie.
L’organisation et l’activité de l’entité
La gérante a énoncé l’historique de la société, son activité, ses organisations et structure ainsi que ses acteurs principaux.
Pouvez-vous nous parler de votre entité et de son parcours ? L’entité a été créée en 1986, ce n’était pas encore une société nouvellement constituée, il s’agissait d’une association composée de quelques membres ayant comme dénomination « Fikambanana Asatanana Malagasy », un groupement en majorité féminin de type coopératif. C’était en 1986 qu’a lieu la mise en place de la S.A.R.L dénommée « Femmes Artisanes de Madagascar », les relations avec des tiers étrangers étaient de plus en plus confirmées. Actuellement, FAM est affilié dans de nombreux groupements et réseaux dans le secteur artisanat : elle est membre de la Jeune Chambre Economique et du Bussiness Council : Madagascar-USA. Dernièrement, FAM a participé à de nombreuses rencontres nationales, régionales voire internationales. Il y a aussi actuellement la mise en place d’une galerie d’art.
Pouvez vous nous parler de l’activité de l’entreprise ? Comme vous le constatez, l’activité principale de l’entreprise est la fabrication d’objet d’art, j’entends dire par objet d’art des objets à titre utilitaire ou décoratif fabriqués à la main avec une certaine minutie et …d’art. L’activité est majoritairement exportatrice, nous exportons dans des pays comme les Etats-Unis, l’Allemagne et le Japon. Ce sont nos principaux clients. Notre activité principale est composée de travail en fibre naturelle comme le sisal, le hisatra, le jabo et transformation du raphia, le tissage soie et coton, la peinture sur tissu, la broderie et confection et le travail des cornes de zébu. La vannerie concerne 75% des ventes, la soie et coton : 18% et la broderie et fabrication : 7%.
Qu’en est-il de la structure organisationnelle de la société ? Concernant la structure, l’entité se présente sous deux organigrammes. Il y a l’association composée d’une Présidente, d’une trésorière, d’une secrétaire et de membres permanents. Il y a la Société à responsabilité limitée composée d’une gérante, d’un comptable et de plusieurs agents techniques polyvalents.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE
CHAPITRE I : La stratégie entrepreneuriale et le comportement stratégique du propriétaire dirigeant de PME
Section 1 : Les dirigeants propriétaire de l’entreprise dans les PME
1.1 le profil de l’entrepreneur
1.2 le profil du manager
1.3 le dirigeant et ses attributions dans l’entreprise
Section 2 : Le comportement stratégique du dirigeant-propriétaire des PME
2.1 le comportement proactif
2.2 le comportement réactif
Section 3 : La spécificité des comportements stratégiques entrepreneuriales des dirigeants-artisan
CHAPITRE II : Le concept de stratégie entrepreneuriale en PME et les dimensions stratégiques entrepreneuriales
Section 1 : Les stratégies entrepreneuriales en PME comme configuration du continuum Entrepreneuriat-Stratégie
1.1 les cinq dimensions des stratégies entrepreneuriales
1.2 le continuum Entrepreneuriat-Stratégie
Section 2 : Les éléments des dimensions stratégiques entrepreneuriales
2.1 la dimension décisionnelle
2.2 la dimension cognitive
2.3 la dimension contextuelle
2.4 la dimension organisationnelle
2.5 la dimension opérationnelle
Section 3 : Les formalisations du processus décisionnel
3.1 le modèle IMC
3.2 la décomposition plus fine du processus décisionnel
3.3 la prise de décision stratégique associé à la personnalité du dirigeant
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE : LES RESULTATS DE LA RECHERCHE
CHAPITRE I : Méthodologies mobilisées
Section 1 : La méthodologie de recherche
1.1 l’étude de cas
1.2 démarche inductive
1.3 l’échantillonnage non probabiliste
1.3.1 la population théorique retenue
1.3.2 la méthode de l’informateur clé
Section 2 : La collecte des données
2.1 le questionnaire
2.2 la constitution de la base de sondage
2.3 les données recoltées
2.4 l’échantillon
Section 3 : Présentation de l’outil d’analyse
3.1 l’axe des dimensions entrepreneuriales spécifiées
3.1.1 la dimension décisionnelle
3.1.2 la dimension cognitive
3.1.3 la dimension contextuelle
3.1.4 la dimension organisationnelle
3.1.5 la dimension opérationnelle
3.2 l’axe des trois phases d’engagement
CHAPITRE IV : Les résultats de la recherche
Section 1 : Présentation générale de l’entreprise
1.1 la genèse et le parcours de l’entité F.A.M
1.2 les activités, les organisations et la structures de la société F.A.M
1.3 le marché
1.4 le fonctionnement général de la société F.A.M
Section 2 : Analyse du cas de l’entreprise par rapport à la grille de diagnostic
2.1 la dimension décisionnelle
2.2 la dimension cognitive
2.3 la dimension contextuelle
2.4 la dimension organisationnelle
2.5 la dimension opérationnelle
Section 3 : Tests d’hypothèses
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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