La stratégie d’évaluation

La stratégie d’évaluation

RAISON D’ETRE

La raison d’être réfère au bien-fondé du programme, c’est-à-dire les motifs qui légitiment l’existence du programme. Elle est envisagée, dans la plupart des cas, sous l’angle d’une problématique. Par ailleurs, comme l’indique Marceau et al. (2008), la raison d’être doit s’intéresser également à l’appréciation de la nécessité de l’intervention gouvernementale plutôt que de l’action volontaire des agents privés.

Historique de l’intervention

Les actions et initiatives du gouvernement du Québec visant à réduire l’incidence de la délinquance sexuelle et à faciliter la réinsertion sociale des auteurs d’agressions à caractère sexuel en détention, ont pris un tournant décisif à partir de 1995, avec la publication du rapport Les agressions sexuelles: STOP. Ce rapport souligne, entre autres,l’inexistence ou l’inadéquation de services spécialisés en délinquance sexuelle auprès de la clientèle des agresseurs sexuels au moment de la détention. Dans la foulée de ce rapport, en 2001, sous la responsabilité du Ministère de la Santé et des Services sociaux,les Orientations gouvernementales en matière d’agression sexuelle et le plan d’action qui s’y rattache ont été rendus publics, offrant une série de mesures prioritaires pour contrer les agressions sexuelles. Notamment, la nécessité de pallier le manque de traitements en matière d’agression de nature sexuelle dans les établissements de détention du Québec a été reconnue.
De plus, l’implantation en février 2007 de la Loi sur le système correctionnel du Québec,consacre le développement de programmes en milieu carcéral comme un moyen d’offrir un éventail de services dans un cadre structuré plus cohérent au sein même des établissements de détention. Cette orientation a été réaffirmée dans le nouveau Plan d’action gouvernemental en matière d’agression sexuelle (2008-2013).C’est dans ce cadre que le gouvernement du Québec, après avoir étudié différents scénarios, a annoncé la réouverture de i’EDP le 21 février 2008, en lui confiant une mission d’évaluation et de traitement des délinquants sexuels incarcérés. Cette initiative est une première au Canada. Aucune autre province n’offre des services spécialisés en délinquance sexuelle dans un établissement dédié. Par ailleurs, aucun programme de traitement ciblant les courtes sentences n’est offert.
L’EDP a démarré officiellement ses activités le 17 mai 2010 et offre un programme intensif d’environ six mois à une clientèle volontaire d’agresseurs sexuels.

Évaluation des besoins

Les besoins ou les problèmes sont généralement conçus comme un écart entre une situation vécue et une situation souhaitée (Marceau et al., 2008). Pineault et Develuy( 1995) utilisent des indicateurs sociaux pour mettre en évidence des tendances, qui permettent un jugement de 1 ‘amélioration ou de la détérioration des situations suivies.C’est cette approche que nous adopterons.Déjà en 1993, une enquête réalisée par Statistique Canada indiquait que 34% des Québécoises de 18 ans et plus ont été victime d’au moins une agression sexuelle de puisqu’elles ont l’âge de 16 ans (Statistique Canada, 1993). Plus récemment, un rapport duMSP en 2006, portant sur 2004, ajoutait qu’un homme sur six sera victime d’une agression sexuelle au cours de sa vie (MSP, 2006). Par ailleurs, selon ce rapport, plus de 80% des victimes des agressions sexuelles sont des femmes.
D’autre part, depuis 2002, le MSP produit un portrait des infractions sexuelles au Québec. En 2012, selon ce portrait:Malgré la baisse de la majorité des indices liés aux infractions sexuelles au Québec depuis dix ans, l’année 2012 a connu une hausse de 6 % du taux d’infraction par 100 000 habitants, qui passe de 61,8 à 65,5. En nombre absolu, les organisations policières de la province ont enregistré 343 infractions sexuelles de plus qu’en 2012.Toutefois, bien qu’il existe des mesures coercitives privatives des libertés des agresseurs sexuels, des études ont démontré que ces agresseurs sexuels présentent l’un des taux de récidive les plus élevés (Aubut et coll., 1993 ; Grossman et coll., 1999). Ainsi, il est pertinent, pour réduire l’incidence des agressions sexuelles, de prévenir les risques de récidive.Au Québec, la plupart des personnes condamnées à des peines d’incarcération pour un délit de nature sexuelle font l’objet de sentences de moins de deux ans. Chaque année,près de 300 personnes se retrouvent dans les établissements de détention du Québec pour ce type de crimes, comparativement à environ 140 personnes dans les institutions fédérales ou les personnes purgent des peines de 2 ans et plus. Bien qu’il existe depuis longtemps au Service correctionnel du Canada un programme offrant des services spécialisés aux délinquants sexuels en détention, ce n’est qu’en 2008 que le programme d’intervention auprès des personnes contrevenantes de Percé a été initié et ses premiers pensionnaires ont été reçus le 17 mai 2010.

Modèle de problématique

Le modèle de problématique permet de cerner le problème à l’origine de l’intervention. Il met en lumière les interactions entre les différents facteurs ou les causes de celui-ci. La modélisation aide à identifier les cibles sur lesquelles le programme doit agir pour résoudre le problème (Marceau et al., 2008).La délinquance sexuelle est un phénomène complexe. Ses causes sont multiples et les motivations qui poussent à agresser sexuellement ou, de façon générale à commettre undélit de nature sexuelle, sont diverses.Plusieurs théories ont été proposées pour expliquer ce problème (Finkelhor, 1984;Finkelhor et Ajari, 1986; Hall et Hirshman, 1992; Marshall et Barbaree, 1990; Pithens,1990 ; Pithens et collab., 1988). Ces théories convergent plus ou moins vers des facteurs criminogènes qui présentent des similitudes. Finkelhor (Finkelhor, 1984 ; Finkelhor etAraji, 1986) proposa un modèle quadri factoriel pour tenter de cerner la dynamiquecausale de la pédophilie. Un premier facteur mis en lumière par l’auteur est celui de lacongruence émotionnelle. Selon l’auteur, la préférence des pédophiles pour les enfantstraduit la perception d’infériorité qu’ils ont d’eux-mêmes vis-à-vis des adultes qu’ilscôtoient. Ainsi, la compagnie des enfants, qui leur manifestent plus ou moins de l’intérêt,leur confère un sentiment d’estime de soi doublé d’une perception de contrôle et de pouvoir qu’ils n’auraient pas avec des adultes. C’est cette adéquation entre les caractéristiques de l’enfant et les besoins affectifs du pédophile, désignée par le conceptde congruence émotionnelle, qui contribue à expliquer la pédophilie.Ensuite, un deuxième facteur considéré par Finkelhor, est l’excitation sexuelle pédophilique ou cetteattirance sexuelle à l’égard des enfants telles qu’établies par une évaluation phallométrique. Par ailleurs, le principe même de la préférence sexuelle déviante comme facteur des agressions sexuelles en général est corroboré par Hall etHirshman (1992) et Marshall et Barbaree (1990). En effet, Hall et Hirshman (1992)incluent, dans leur modèle de l’agression sexuelle des enfants, la préférence sexuelle àl’égard des enfants comme l’un des facteurs influents. De leur côté, Marshall et Barbaree(1990), dans leur tentative d’explication des agressions sexuelles visant les femmes, ont également souligné la préférence sexuelle pour des activités sexuelles coercitives impliquant une femme non consentante. Cette préférence sexuelle déviante semble donc être un facteur important dans la commission éventuelle d’une agression sexuelle.Finkelhor identifie un troisième facteur, à savoir« l’obstruction du processus par lequelun homme parvient à obtenir des gratifications sexuelles avec des personnes adultes consentantes ». Cette obstruction proviendrait de l’absence d’habiletés sociales nécessaires pour accéder à de tels partenaires (Segal et Marshal, 1985). Cette déficience des habiletés sociales est aussi considérée comme facteurs criminogènes par Hall et Hirshman (1992). Par ailleurs, Marshall et Barbaree (1990) ajoutent, dans leur modèle des agressions sexuelles visant les femmes, que cette personnalité antisociale est caractérisée par des comportements impulsifs, des sentiments d’hostilité et un manque d’empathie à l’égard d’autrui.
Enfin, le quatrième facteur du modèle quadrifactoriel de Finkelhor, qui rejoint Marshallet Barbaree (1990), consiste en une désinhibition qui permet la concrétisation ducomportement pédophilique en particulier ou de l’agression sexuelle en général, ycompris celles visant les femmes. Plusieurs sous facteurs ont été classés dans cettecatégorie: l’alcool (Barbaree et collab., 1983); la pornographie (Malamuth et Check,1983) ; les affects négatifs (Proulx, McKibben et Lusignan, 1996) et les distorsionscognitives (Sundberg, Barbaree et Marshall, 1991).Au-delà de ces facteurs criminogènes mis en exergue par Finkelhor, Hall et Hirshman(1992) apportent des éclairages complémentaires. En effet, en plus des préférences sexuelles déviantes et des distorsions cognitives, qui selon l’auteur justifient ces activités sexuelles incriminées, Hall et Hirshman (1992) mentionnent des désordres affectifs(colère, dépression, anxiété) et des troubles de la personnalité. Par ailleurs, Marshall· et Barbaree (1990) ajoutent que des facteurs biologiques (neurologiques ou endocriniens)pourraient expliquer les agressions sexuelles visant en particulier les femmes.

Table des matières

INTRODUCTION
LES SERVICES CORRECTIONNELS AU MSP
DESCRIPTION DU MANDAT
1. Origine du mandat
2. Objectifs du mandat
3. Les clients et les parties prenantes
CADRE THÉORIQUE
1. La notion d’évaluation
2. L’évaluation de l’implantation d’un programme
 MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE
 RÉSULTATS DU STAGE
I.L’intervention.
2.Raison d’être
3.Historique de l’intervention
4.Évaluation des besoins
B.Modèle de problématique
C.Cibles et objectifs du programme
D.Les 18 Les objectifs du programme
E.Description des activités
1.Modèle processuel : Dépistage et référence
2.Modèle processuel : Évaluation et sensibilisation
3.Modèle processuel : Traitement des personnes contrevenantes
4.Modèle processuel : Maintien des acquis
F.Les intrants du programme
G.Les extrants du programme
H.Les effets du programme
II. La stratégie d’évaluation
2.1. Objectifs et portée de l’évaluation
2.2. Méthode d’évaluation
2.3. Questions d’évaluation
2.4. Les indicateurs d’évaluation
2.5Sources d’information
2.6Méthodes de collecte des données
2.6.1Revue de dossiers
2.6.2Revue des bases de données et du profil statistique du programme
2.6.3Entrevue avec des personnes-ressources clés
2.7Méthodes d’analyse
2.7.2Analyse statistique
2.7.3Analyse qualitative
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Télécharger le rapport complet