La stratégie biodémographique

La stratégie biodémographique

L’âge

Les études portant sur l’évolution temporelle des stratégies biodémographiques font fréquemment référence au rôle de l’âge (Kirkwood & Rose 1991, Derocher & Stirling 1994, Monaghan et al. 2008, Nussey et al. 2009). Ainsi, la disparité dans les stratégies biodémographiques entre les individus d’une même population exprime souvent des variations liées à l’âge, à la condition corporelle et à la probabilité de se reproduire. De manière générale, la masse corporelle augmente en fonction de l’âge, ce qui a un effet subséquent positif sur la reproduction (McNamara & Houston 1996). Chez les orignaux (Alces alces) et les rennes (Rangifer tarandus), par exemple, les femelles plus lourdes ont une plus grande probabilité de se reproduire que les femelles plus légères (Sand 1996, Tveraa et al. 2003, respectivement). À un âge plus avancé, une détérioration des capacités physiologiques d’un organisme entraîne une diminution de l’effort reproducteur, ce qui réduit la performance démographique d’un individu (Rose 1991). Un concept important de la relation âge-fécondité est que la fécondité individuelle, après l’atteinte d’un plateau un peu après l’atteinte de la maturité sexuelle, subit généralement une décroissance en fin de vie, appelée sénescence reproductive (Mysterud et al. 2002).

Cette diminution de la probabilité de reproduction à un âge avancé serait causée par une accumulation irréversible de dommages tissulaires et cellulaires menant à la détérioration progressive des fonctions physiologiques (Lemaître et al. 2014). Deux approches complémentaires permettent de comprendre l’évolution de la sénescence (Kirkwood & Rose 1991). La première approche, basée sur la génétique (angl. Antagonistic pleiotropy theory), suggère que des allèles ayant des effets positifs en début de vie aient pu être sélectionnés, même s’ils entraînent des effets délétères en fin de vie (Williams 1957). La deuxième approche, une variante physiologique (angl. Disposable soma theory), suggère plutôt qu’en raison de l’existence des coûts de la reproduction, il existe des compromis entre une reproduction tôt dans la vie et une reproduction en fin de vie. Selon cette approche, une reproduction hâtive entraînerait un plus faible investissement dans le maintien des tissus somatiques et ainsi une diminution de la performance en fin de vie (Kirkwood 1977). Ces deux approches mettent notamment en lumière les effets négatifs apparents sur la valeur adaptative d’un individu, puisqu’elles expliquent la sénescence comme étant un sacrifice de la survie à un âge avancé au bénéfice d’une reproduction tôt dans la vie. La sénescence reproductive est observée chez plusieurs espèces, notamment chez le bison (Bison bison; Green 1990, Pyne et al. 2010), l’éléphant africain (Loxodonta africana; Whitehouse & Hall-Martin 2000) et le cerf rouge (Cervus elaphus; Langvatn et al. 2004, Nussey et al. 2006, 2008). Étant donné l’étroite relation entre l’âge et la condition corporelle (Sand 1996), il est fondamental de considérer ces deux éléments pour comprendre les variations des stratégies biodémographiques et de la dynamique des populations, du moins, pour les populations structurées en âge.

Le coût de la reproduction

En plus des stratégies biodémographiques liées à l’âge, les individus doivent maintenir un équilibre entre les demandes énergétiques et l’apport en énergie nécessaire à la reproduction. Dans le cas des femelles, la reproduction entraîne une forte augmentation de la demande énergétique. Chez les mammifères, celle-ci est en partie due au développement du foetus, mais principalement à cause des besoins nutritionnels requis pour la lactation (Moen 1978, Mauget et al. 1997). À cet égard, les dépenses énergétiques des femelles allaitantes peuvent être jusqu’à cinq fois plus élevées que celles des femelles qui n’allaitent pas (Gittleman & Thompson 1988). De plus, il n’est que partiellement possible de pallier ces dépenses énergétiques via certains mécanismes, comme l’augmentation du taux de consommation des ressources (Wairimu & Hudson 1993, Hamel & Côté 2009). Ainsi, puisque se reproduire entraine une dépense énergétique, l’allocation des ressources pour cette fonction physiologique diminue les ressources disponibles pour le maintien du métabolisme de l’organisme. Il en résulte fréquemment des répercussions négatives, observables sur certains paramètres de la condition corporelle, telles qu’une diminution des réserves en gras (Cook et al. 2004b).

Puisqu’un échec à maintenir un équilibre énergétique positif lors de la reproduction n’affecte pas seulement la condition corporelle, mais également la valeur adaptative de l’individu, le concept de compromis évolutif dans les différentes stratégies biodémographiques repose en partie sur l’existence d’un coût de la reproduction (Williams 1966). Afin de minimiser le coût de la reproduction et d’optimiser la valeur reproductive, la théorie des stratégies d’adaptation vitale prédit une variation dans l’effort reproducteur au cours de la vie d’un individu (Fisher 1930), dépendamment des conditions environnementales. Le coût de la reproduction peut également varier entre les individus d’une même population, puisque certains sont plus sensibles aux variations environnementales, qu’elles soient spatiales ou temporelles (Parker et al. 2009). Dans une étude portant sur le mouflon d’Amérique (Ovis canadensis), plus la densité de la population augmentait, plus la reproduction devenait difficile pour les individus de plus petite masse corporelle (Festa- Bianchet et al. 1998). Dans la même étude, les individus avec une masse corporelle plus grande avaient un coût de la reproduction moindre, comparativement aux individus plus légers (Festa-Bianchet et al. 1998). Ainsi, l’étude des coûts de la reproduction et des compromis dans l’allocation de l’énergie pour les différents traits biodémographiques liés à l’effort reproducteur peut être, non seulement fortement influencée par les contraintes environnementales, mais également par l’hétérogénéité individuelle (Hamel et al. 2009).

La densité de population

En dynamique des populations, le concept de densité-dépendance s’avère crucial, d’autant plus lorsqu’on s’intéresse aux problématiques d’une population surabondante. Pour les ongulés, par exemple, la densité de population peut influencer la condition corporelle des individus à travers son impact sur la qualité et la disponibilité des ressources (Bonenfant et al. 2009). Ces réponses dépendantes de la densité engendrent ensuite des variations dans les stratégies biodémographiques, qui peuvent avoir des répercussions sur la valeur adaptative individuelle (Bonenfant et al. 2009). En général, une augmentation de la densité de population au-dessus de la capacité de support du milieu (c.-à-d. le nombre d’individus qu’un environnement donné peut supporter à un temps donné sans se détériorer; Caughley 1979) entraîne une compétition pour les ressources. Cette compétition intraspécifique pour les ressources force les individus à réduire leur consommation ou à utiliser des habitats moins favorables (Sinclair 1989), ce qui peut entraîner des effets tels que la détérioration de la condition corporelle (Bonenfant et al. 2009), et ultimement, affecter les stratégies biodémographiques. À densité de population élevée, la théorie des stratégies d’adaptation vitale prédit que les femelles devraient investir dans leur propre survie au détriment de la reproduction (Stearns 1992).

Cette stratégie est observée chez la plupart des espèces d’ongulés, où les femelles tendent à favoriser le maintien de leur condition 6 corporelle et de leur survie en réduisant l’effort reproducteur à mesure que la densité de population augmente (Bonenfant et al. 2009). Une diminution de l’allocation des ressources aux paramètres de l’effort reproducteur peut se faire, par exemple, par la réduction de la taille de la portée (p. ex. cerf rouge; Clutton-Brock et al. 1985, chevreuil; Andersen & Linnell 2000, orignal; Gingras et al. 2014) ou par le retardement de l’âge à la première reproduction (p. ex. chevreuil; Gaillard et al. 1992, cerf rouge; Bonenfant et al. 2002, wapiti, Cervus canadensis; Stewart et al. 2005). Chez les ongulés nordiques, l’influence négative d’une augmentation de la densité de population peut aussi induire un coût de la reproduction plus élevé chez les femelles, diminuant ainsi leur succès reproducteur futur (Bonenfant et al. 2009). Ces variations dépendantes de la densité dans les stratégies de reproduction sont une composante clé de la compréhension des changements en nombre observés dans les populations (Caughley 1970, Sinclair et al. 1985). L’impact d’une densité de population élevée peut toutefois être amorti par des sources de nourriture alternatives (Forsyth 2006), comme les feuilles au sol ou le lichen arboricole. D’ailleurs, une expérience avec manipulation artificielle de la quantité de nourriture disponible pour des rennes domestiques montre que les femelles qui pouvaient se nourrir ad libitum durant l’hiver et le printemps gagnaient en moyenne 12 % de leur masse corporelle initiale, comparativement à une perte d’en moyenne 6 % de leur masse corporelle pour les femelles témoins (Fauchald et al. 2004). Ainsi, la capacité des individus à réguler leurs réserves corporelles en fonction des contraintes liées à la densité de population peut s’avérer cruciale dans les environnements saisonniers, où la qualité et la disponibilité des ressources sont imprévisibles.

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Table des matières

RÉSUMÉ
ABSTRACT
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
1.De l’individu aux stratégies biodémographiques
1.1. Le compromis dans l’allocation des ressources
1.2. La condition corporelle
1.3. L’âge
1.4. Le coût de la reproduction
2.Les principaux facteurs environnementaux influençant les stratégies biodémographiques
2.1. La densité de population
2.2. Le climat et la végétation
2.3. Les effets synergiques de la densité de population et du climat
2.4. Les délais temporels
Les contraintes saisonnières
L’étude des stratégies biodémographiques
Modèles biodémographiques
Problématique à l’étude
Objectifs et hypothèses
Approche méthodologique
CHAPITRE 1 Synergistic effects of population density and environmental factors on the body condition of female white-tailed deer in autumn
RÉSUMÉ
ABSTRACT
INTRODUCTION
METHODS
Study area and population
Body condition
Population density
Climatic conditions
Vegetation
Statistical analyses
RESULTS
Dressed body mass
Peroneus muscle mass
Rump fat thickness
DISCUSSION
ACKNOWLEDGMENTS
REFERENCES
CHAPITRE 2 Reproductive plasticity of female white-tailed deer at high density and under harsh climatic
conditions
RÉSUMÉ
ABSTRACT
INTRODUCTION
METHODS
Study area and deer population
Female reproductive status
Post-reproductive body condition
Influence of environmental factors on female reproduction
Statistical analyses
RESULTS
Influence of environmental factors on female reproduction
Post-reproductive body condition
DISCUSSION
Density and environmental influences on female reproduction
Post-reproductive body condition
Further considerations
ACKNOWLEDGEMENTS
REFERENCES
CONCLUSION GÉNÉRALE
L’importance de considérer la densité de population
L’importance de considérer les facteurs environnementaux
La gestion d’un ongulé surabondant dans un environnement saisonnier
Limitations et perspectives de recherche
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
APPENDIX 1
APPENDIX 2
APPENDIX 3
APPENDIX 4
APPENDIX 5
APPENDIX 6
APPENDIX 7
APPENDIX 8
APPENDIX 9
APPENDIX 10

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