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SCHOPENHAUEUR ET LE PESSIMISME
Le philosophe allemand, Schopenhauer, a été connu en France à partir du milieu du XIX è siècle grâce à son ouvrage principal intitulé Le monde comme volonté et représentation. Il a influencé le pays déjà en proie au mal du siècle romantique ; son pessimisme a donné à l’ennui français une justification ontologique.
En effet, Paul Bourget remarque en 1883 à propos de Dumas fils que les « symptômes du pessimisme » se multiplient dans une Europe « impuissante à étreindre ses chimères ».
Même constat à propos de Leconte de Lisle ou de Tourgueniev, proches de Flaubert et admirés par Maupassant. Ce dernier tient de Schopenhauer que sur terre tout est douleur, que Dieu, s’il existe, est un « massacreur » et que le progrès est une illusion d u XIX è siècle. Son appréciation pour le philosophe Allemand s’affirme dans une lettre à Gisèle d’Estoc en Janvier 1881 lorsqu’il dit « Je range l’amour parmi les religions, et les religions parmi les plus grandes bêtises où soit tombée l’humanité. J’aime éperdument Schopenhauer et sa théorie de l’amour me semble acceptable. La nature qui veut des êtres a mis l’appât du sentiments autour du piège de la reproduction (…) j e dirais volontiers comme Proudhon : « Je ne sais rien de plus ridicule pour un homme que d’aimer et d’être aimé »10. Cette philosophie pessimiste qui vient tout droit de Schopenhauer, marque le premier roman de Guy de Maupassant. En tout cas, notre écrivain a rendu hommage au philosophe allemand dans sa nouvelle intitulée Auprès d’un mort en parlant du « plus grand saccageur de rêves qui ait jamais passé sur terre » : « Schopenhauer a marqué l’humanité du sceau de son dédain et de son désenchantement. Jouisseur désabusé, il a renversé les croyances, les espoirs, les poésies,les chimères, détruit les aspirations ; ravagé la conscience des âmes, tué l’amour, abattu le culte idéal de la femme, crevé les illusions des cœ urs … » 11.
Au moment où paraît donc Une vie, le pessimisme est donc déjà dénoncé comme un mythe, « mythe naturaliste ». Ce t erme polarise les angoisses et Schopenhauer apparaît comme le Dieu d’une nouvelle religion répondant au cri désespéré des cœurs souffrants.
Mais il est important de signaler que malgré ces influences apparentes sur Maupassant, celui-ci se situait (et se plaisait à le revendiquer) à l’écart de tout cercle littéraire, parti politique…Une lettre adressée à Catulle Mendès, en 1876 le confirme : « … Je veux n’être jamais lié à aucun parti politique, quel qu’il soit, à aucune religion, à aucune secte, à aucune école » 12. En outre, notre écrivain avait quelques idées de l’esthétique propres à lui :
– la littérature n’a pas à être utile : « rien de commun entre l’ordre social et les lettres ».
– Une conception simple du réalisme qui consiste à « faire vrai » et non à copier platement la réalité. Le romancier n’apas à être objectif mais doit imposer sa vision particulière des choses et des êtres : « Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera non pas à nous montr er la photographie banale de la vie, mais à nous en donner sa vision p lus complète, plus saisissante, et plus probante que la réalité même ».
– La célèbre formule de Zola pour qui l’art est « un coin de création vu à travers un tempérament » convient fort bien à Maupassant.
UNE VIE ET LA VIE DE MAUPASSANT
LA GENESE D’UNE VIE
Le passage du récit court au roman ne s’est pas effectué facilement ni rapidement pour Maupassant. Il a songé à l’histoire de son premier roman depuis 1877. Il en a parlé à Flaubert qui donne d’emblée son approbation « Ah !oui. C’est excellent ! Voila un vrai roman, une vraie idée ! » 14.
Malgré tout, l’accomplissement du travail s’avéraitêtre plus difficile que prévu. La rédaction de cette œuvre de longue ha leine a pris six années avant son apparition en feuilleton dans le « Gil Blas »en 1883.
Ce journal annonce le 21 Février 1883 : « Dans Une Vie, le premier roman de M. Guy de Maupassant, qu’il écrit spécialement pour « Gil Blas », notre confrère a peint les mœurs de la peti te noblesse de province. C’est l’histoire très intéressante d’une femme de province depuis l’heure où s’éveille son cœur jusqu’à la mor t »15.
PRESENTATION DE L’ OEUVRE : UNE VIE
Une vie est un roman qui relate une multitude de formes de vie de la première moitié du XIX è siècle, dont la plus récurrente est celle de l’héroïne, Jeanne Le Pertuis des Vauds.
On la découvre à dix-sept ans, à sa sortie du couvent en 1819, pleine de sève et d’espérances. Mariée aussitôt à ulienJ de Lamare, un avare séducteur, elle entre, après avoir connu un bref plaisir de ses fiançailles, dans la prison conjugale. L’adultère de son mari avec leur servante, Rosalie, la conduit au bord du suicide alors qu’elle attend un enfant. Ce dernier lui sert de bouée de sauvetage pour ne pas sombrer dans la folie. Vient ensuite un cortège de disparitions de ses proches. (Celles de sa mère, de son époux assassiné lors d’un second adultère, de son père et de sa tante Lison) suivi de l’éducation ratée de Paul qui devient un fils prodigue et abandonne sa mère pour une fille légère. Vieillie précocement, Jeanne est sauvée de la solitude et de la démence par son ancienne servante, Rosalie, devenue veuve elle aussi. A la fin semble luire une lueur de nouvel espoir : la venue d’une petite fille, la fille de Paul. L’héroïne a alors quarante six ans.
Mais autour de ce personnage central, évoluent plusieurs femmes dont les conditions diffèrent chacune et reflètent la réalité de la vie féminine au XIX e siècle.
LA VISION DU MONDE
Ce premier roman est celui d’un homme qui a connu une existence misérable. En effet, il a nourri cette ouvrage de son expérience personnelle, de ses obsessions et de sa vision des choses et du monde. Tous les thèmes qui lui sont chers y sont exploités : l’impossible communion de l’homme et de la femme dans le mariage, le dégoût de la maternité, la hantise de la mort, la vanité de la religion. Bref, une vision pessimiste de la vie, à l’exception de l’amour viscéral pour le pays natal et pour l’eau.
Le choix de l’article indéfini « une » suivi d’un t erme aussi large « vie » démontre que la « vie » dont il est q uestion ici est certes celle de l’héroïne, Jeanne mais elle est symboliquede la vie des femmes en général. C’est la réalité de la vie féminine queMaupassant laisse à entendre sous l’épigraphe du roman « humble vérité ». De ce fait, Une vie a suscité dans le public des réactions diverses.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE GUY DE MAUPASSANT ET SON ŒUVRE
CHAPITRE I :LES GRANDES ETAPES DE LA VIE DE MAUPASSANT
I. La naissance et l’enfance
II. Une éducation chaotique
III. La dégénérescence (par rapport à sa santé)
CHAPITRE II : LA CARRIERE LITTERAIRE DE MAUPASSANT
I. Les influences littéraires et philosophiques
1 .Les pères spirituels
2. Schopenhauer et le pessimisme
II. Une vie et la vie de Maupassant
1. La genèse d’Une vie
2. Présentation de l’œuvre : Une vie
3. La vision du monde
4. L’accueil du roman
DEUXIEME PARTIE LE DESTIN DE LA FEMM MARQUE PAR LA SOUMISSION
CHAPITRE I : LA SOUMISSION DE LA FEMME A L’AUTORITE DU MARI
I. La dépendance physique
II. La dépendance économique
III. La dépendance morale
1. L’adultère
a) L’amour ancillaire
CHAPITRE II : LA SOUMISSION DE LA FEMME AU POUVOIR SPIRITUEL DE L’EGLISE
I. La femme influencée par les hommes d’Eglises
CHAPITRE II : LA SOUMISSION DE LA FEMME
AUX HASARDS DE LA MATERNITE
I. La grossesse
II. L’accouchement
III. Un nouvel attachement
IV. La soumission à la tyrannie de l’enfant
CHAPITRE IV : LA SOUMISSION DE LA FEMME AU DETERMINISME SOCIOBIOLOGIQUE
I. L’hérédité
II. Le sort de la femme seule
III. La soumission à l’environnement social
1. L’éducation
2. Le mariage par convenance …..
3. La dure condition de vie paysanne..
4. L’influence de la littérature sur la femme noble
TROISIEME PARTIE L’EXPRESSION DE LA CONDITION DE LA FEMME A TRAVERS L’ART DE MAUPASSANT
CHAPITRE I : LE SYSTEME DES PERSONNAGES
I. Le système des répétitions
II. Le système des oppositions
CHAPITRE II : LES PROCEDES DE STYLE
I. Les descriptions
1. Les descriptions par l’auteur
2. Les descriptions par un personnage (Jeanne)
II. Les dialogues
1. Le style direct
2. Le style indirect libre
3. La diversité des registres de langue
IV. Le traitement de la durée
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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