LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE UN PROBLEME MAJEUR DANS LA POPULATION

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Interface médecin généraliste-psychiatre : une relation complexe :

Une des principales difficultés de communication entre les médecins généralistes et les psychiatres vient de l’absence de définition du rôle de chacun dans la prise en charge spécifique des patients psychiatriques. L’absence d’attribution à chacun de fonctions précises, nuit à un partenariat efficient. Effectivement, sans connaitre le travail de l’interlocuteur, il est difficile de savoir quoi transmettre. Cela influe sur la vision de l’autre : 60% des médecins généralistes estiment que les soins psychiatriques proposés sont inadaptés.
Bien que faible en France, l’adressage a une fonction primordiale dans la communication. Il a été mis en évidence une corrélation entre l’adressage et l’adhésion au suivi et aux soins par le patient. D’autre part, la fréquence des retours est proportionnellement liée à l’adressage. Donc peu d’adressage implique peu de retours.
Les médecins généralistes recherchaient une collaboration pour 43,3% de leurs patients psychiatriques(22). Cette demande était une fois sur deux pour une prise en charge par le psychiatre. Comparées aux autres spécialités, les demandes de prise en charge étaient plus importantes (1/2 vs 9,3%) alors que les demandes de diagnostic étaient plus faible (7,1% vs 28%) (23). Ceci vient en partie des caractéristiques des patients psychiatriques, qui sont perçus comme demandant une charge de travail supérieure au patient dit « somatique ». Seulement 35,7% des souhaits de collaboration émis par les médecins généralistes étaient satisfaits (22), montrant bien une saturation du système.
Ce constat d’une faible communication entre médecins généralistes et psychiatres était établi tant par les médecins généralistes(24,25) que par les psychiatres (26). Les médecins généralistes ressentaient une difficulté majeure face au faible retour des psychiatres (27). Une étude montre que 53,9% des médecins généralistes auraient des relations plus difficiles avec les psychiatres qu’avec les confrères d’autres spécialités.
Cette difficulté peut s’expliquer par une non connaissance des contacts, le nom du médecin référent n’étant noté que dans moins d’un tiers des dossiers.
Nous savons que les échanges interprofessionnels ne peuvent être que bénéfiques dans la prise en charge des patients. Ils permettent une meilleure gestion des traitements et des examens complémentaires évitant ainsi des doublons. La communication permet d’organiser une meilleure répartition des tâches et du suivi permettant ainsi de limiter les interruptions de soins.
Le cloisonnement a des répercussions directes sur la prise en charge globale du patient. Il a été estimé que dans 56% des cas, la pathologie psychiatrique était méconnue du médecin traitant (28,29). La méconnaissance des pathologies somatiques s’élevait à 61% pour les psychiatres alors que 28% de leurs patients en présentait une (28,29). Il en est de même concernant les traitements qui ne sont signalés dans les dossiers de CMP que pour un patient sur deux (28). D’autre part le médecin généraliste ignorait régulièrement les traitements mis en place par le psychiatre et quand il les connaissait, il ne les réévaluait pas régulièrement (2). Le clivage de prise en charge d’un même patient est dangereux sur le plan iatrogénique. De plus, l’absence de coopération engendre une diminution de la confiance que le patient met dans ses interlocuteurs.
Paradoxalement, la non communication n’est pas systématiquement perçue comme négative par les professionnels, car elle renforcerait le secret médical et limiterait la circulation d’informations stigmatisant le patient.
La communication interprofessionnelle joue également un rôle majeur dans la formation des médecins. Cet aspect est sous-utilisé actuellement alors que les médecins généralistes étaient intéressés par cette méthode de formation (32), notamment sous la forme de courrier. Alors que nous savons que la formation à la spécialité est corrélée à une meilleure prise en charge (33). Malgré une prise de conscience de la nécessité de communiquer et un encadrement légal des échanges, les difficultés de transmission d’information restent importantes.
Ces différentes constatations ont conduit à la création de recommandation de bonnes pratiques visant à améliorer les échanges d’informations dans la coopération psychiatres-médecins généralistes. Bien qu’ayant été reconnue par la HAS avec la délivrance du label HAS, cette recommandation n’en reste pas moins peu diffusée et peu suivi d’effets, comme le montre la persistance du manque de communication.
Le nombre de publications mettant en avant les difficultés de communication montre l’importance des difficultés de communication entre les médecins pour les pathologies mentales. La majorité de ces études, qualitatives ou quantitatives, étaient réalisées auprès des médecins généralistes. Rares étaient celles qui s’intéressaient au point de vue du psychiatre.

Principe des enquêtes qualitatives : approche Wébérienne et «grounded théory» :

La réalisation d’une enquête qualitative est justifiée par le caractère exploratoire et compréhensif de la question de recherche. Les enquêtes qualitatives sont particulièrement adaptées pour analyser les comportements, les représentations et les expériences personnelles des sujets interrogés (34). L’approche Wébérienne (35) permet de structurer ce type de travail. Elle est fondée sur une approche de l’expérience de chaque individu, grâce à laquelle il est possible de comprendre le fonctionnement de la société, car « les hommes sont des producteurs actifs du social.» (35). Cette approche compréhensive est également mise en évidence par Côte et al. (36) qui utilisent le terme de phénoménologie. Cette méthode aide à « comprendre le sens ou la signification d’un phénomène à partir de l’expérience de ceux qui la vivent », dans le cadre d’une approche scientifique validée (37).
Pour proposer une explication aux éléments observés, notre travail a utilisé la théorie ancrée ou « Grounded Theory» c’est-à-dire la théorie fondée sur les faits. Cette méthode, décrite par Glaser et Strauss à partir de 1967, permet de construire une théorie fondée sur des données recueillies auprès d’un échantillon raisonné et la réalisation d’une analyse au fur et à mesure de l’enquête (35). Le domaine de la santé utilise fréquemment cette approche théorique. Elle est particulièrement bien adaptée aux domaines peu explorés.
Nous nous sommes proposé d’aller à la source de l’information pour comprendre de quelle façon les psychiatres envisageaient la notion de transmission d’information. Nous avons recherché quelle était leur expérience individuelle de la communication avec leurs pairs généralistes. Nous ne cherchons pas à quantifier cette communication interprofessionnelle mais à l’expliquer et à la comprendre, d’où le choix de cette méthode.

Choix du mode de recueil des données : l’entretien compréhensif semi-dirigé :

Il existe trois grandes catégories de techniques de recueil d’informations en recherche qualitative : les méthodes de consensus (groupe nominal et méthode Delphi), la recherche-action et le recueil de verbatims à l’aide d’ entretiens individuels ou collectifs (34).
L’analyse de verbatims est adaptée à notre question, car permet une approche scientifique de synthèse d’opinions personnelles. Les entretiens, permettant d’obtenir des verbatims, peuvent être de différents types selon le sujet d’étude : structurés (ou dirigés), semi-structurés (ou semi-directifs), approfondis et de groupe (« focus group ») (38).
Pour des raisons de faisabilité et afin d’explorer ce sujet sensible concernant les pratiques individuelles, nous avons opté pour la réalisation d’entretiens individuels semi-dirigés. Les entretiens individuels étaient préférables à la réalisation de focus groups pour permettre de libérer la parole. L’ouverture des questions d’un guide d’entretien semi-dirigé rendait possible l’émergence de nouvelles pistes de recherche, ce que le questionnaire fermé des entretiens directifs ne permettait pas. Les entretiens approfondis ou libres, nécessitant une très bonne maîtrise technique afin de traiter les informations, présentaient un risque de dispersion par rapport au domaine de recherche de cette thèse.
L’entretien, au contraire de l’interrogatoire, permet d’établir une relation d’égalité entre le chercheur et la personne interrogée afin que celle-ci se sente en confiance et libre de livrer des informations personnelles sur sa manière de communiquer.

Echantillonnage : le choix des sujets interviewés

Nous avons réalisé un échantillonnage dit raisonné (39). C’est un échantillon dont l’intérêt est la diversité et non la représentativité statistique. Pour obtenir l’échantillon, une liste initiale de psychiatres avec lesquels une relation professionnelle avait été initiée, a été élaborée. Elle a été complétée par la liste des psychiatres inscrits au conseil régional de l’ordre des médecins. Une diversité de mode d’exercice a été recherchée. L’ échantillon définitif a été constitué par effet « boule de neige » (39) : Lors des entretiens, il était demandé à chaque psychiatre interrogé le nom d’un confrère qui pourrait accepter un entretien, et qui correspondait aux caractéristiques recherchées. Un tableau de diversité a été constitué au fur et à mesure des entretiens afin de ne laisser aucune caractéristique ignorée. La saturation liée à la diversité des interviewés a été atteinte au bout de 13 entretiens. Elle correspond à l’absence d’informations supplémentaires recueillies lors de l’analyse, dans cet échantillon à priori diversifié.
Le principal critère d’inclusion était la présence d’une activité de consultation ambulatoire en psychiatrie. Ainsi les psychiatres qui n’avaient pas ce type d’activité, ont été exclus. C’est le cas des psychiatres de l’UNACOR qui ne donnaient qu’un avis ponctuel dans le cadre de l’urgence mais qui n’assuraient pas de consultations de suivi ultérieur.

Préparation et réalisation des entretiens :

Création du guide d’entretien initial et évolution du guide :

« Mieux vaut écouter qu’interroger » écrit Frédéric Le Play dans son « Instruction sur la méthode d’observation dite des monographies de famille » (40). Cette idée reste une base actuelle (41) pour la réalisation du guide d’entretien. Des questions ouvertes ont été élaborées à partir des hypothèses de recherche issues de la bibliographie. Des questions de relance ont été prévues pour chaque thème, afin d’approfondir l’exploration de l’opinion des interviewés. Ces questions permettent de reprendre des thèmes dont la réponse était succincte.
Ce guide a évolué au cours des entretiens du fait de l’évolution des hypothèses de recherche. L’analyse inductive prend en effet en compte les éléments collectés afin de ne laisser aucun domaine inexploré Les questions du guide d’entretien se sont donc adaptées au fur et à mesure des entretiens. La version finale de ce guide est jointe en annexe N°1.

Réalisation des entretiens semi-dirigés : condition et recueil des données :

La prise de rendez-vous a été téléphonique avec explication des modalités de l’entretien. Les entretiens se sont tous déroulés sur le lieu d’exercice des psychiatres, dans une pièce calme. Les psychiatres avaient tous réservé une plage horaire dédiée à la réalisation de l’enquête. Au début de chaque entrevue était rappelée la nécessité de ne pas être dérangé (téléphone mis sur répondeur,…) afin de ne pas rompre le processus de discussion issu de ce mode d’interrogatoire. L’anonymisation des entretiens fut garantie aux personnes interrogées afin de permettre une liberté d’expression, sans la crainte de jugements ultérieurs.
Les entretiens ont été enregistrés avec un magnétophone OLYMPUS VN-9700PC au format mp3.

Analyse des données :

Retranscription: le verbatim :

Chaque entretien fut retranscrit intégralement sous forme de verbatim. C’est sous cette forme de recopiage mot à mot que peut s’effectuer l’analyse des données sans trahir le contenu du discours. Au sein du texte, pouvaient être ajoutés des éléments marquants tels que des expressions non verbales (rires, soupirs,…), ou la présentation de documents survenant durant les entretiens. Ces différents éléments permettent de préciser le contexte dans lequel se déroule l’entretien, ainsi que les expressions spontanées qui peuvent éclairer un discours. Cela permet d’être fidèle au sens donné par l’interlocuteur. Les entretiens étaient anonymisés.

Analyse des entretiens :

Après cette phase de retranscription, l’intégralité des entretiens a été importée dans le logiciel NVivo 10.0, logiciel d’analyse qualitative, afin de réaliser l’analyse des données. L‘analyse commença par une lecture flottante accompagnée d’une prise de note initiale. Ce procédé permet de faire apparaitre, sur le vif, les grandes lignes directrices et de soulever certaines interrogations devant être explorés dans les entretiens suivants. Nous avons ensuite procédé au codage ouvert. Il consiste à associer à certaines portions de texte, allant de quelques mots à un paragraphe, des mots clés résumant les sujets abordés. Ce sont ces unités d’information que l’on nomme « nœuds » ou « code » en recherche qualitative (42). Ce codage est un processus ouvert, libre de tout cadre préconçu. Il s’est opéré au plus près du texte afin d’éviter tout risque d’interprétation Ce codage a été réalisé par deux chercheurs, l’auteur et le directeur de thèse, afin de trianguler l’analyse par comparaison des codes. La liste des codes a été amenée à évoluer durant l’analyse. Certains codes trop restrictifs se rapprochaient et fusionnaient, d’autres codes ayant une définition trop large au début du processus ont dû être scindés.

Codage axial et mise en évidence des thèmes :

Une fois la liste de codes ouverts établie, l’étape suivante a consisté à rassembler ces codes en thèmes puis en sous-thèmes. Ces catégories ont émergé à la lecture des verbatims et à la création des codes. Ils correspondaient aux domaines d’émergence des hypothèses de travail. C’est la phase de codage axial.

Synthèse :

Les résultats ont permis de décrire et comprendre les processus présents lors de la transmission d’information. Nous avons pu ainsi créer une table conceptuelle pour représenter le flux d’informations et les différentes influences entrant en jeu. Cette visualisation des informations sera présentée dans la partie « Résultats ».

La psychiatrie et les pathologies psychiatriques :

Une spécialité en évolution :

La psychiatrie était vue comme une spécialité en cours de changement. Historiquement d’approche essentiellement psychanalytique, le soin était centré sur la relation patient-psychiatre, «d’une relation duelle»(P12), sans communication avec des tiers («on a été trop imprégné par la psychanalyse où les choses étaient peu écrites et où il y avait peu de transmissions.»P9). Lors de ces dernières décennies est apparu un nouveau visage de la psychiatrie : «une psychiatrie plus biologique, plus neurobiologique»(P3), avec de nouvelles possibilités thérapeutiques («On a de meilleurs médicaments»P3). Cette transition se retrouve dans la diversité des prises en charge retrouvées chez les psychiatres interrogés, certains ayant conservé une approche psychanalytique d’autres préférant utiliser plus la chimie.

La spécialité de l’esprit :

Un clivage a été mis en évidence, lors des entretiens entre le psychique et le somatique. Cette séparation justifiait, pour certains psychiatres, le fait que la prise en charge soit séparée («ça me parait tout à fait compréhensible de la part d’un patient de soigner son arthrose, sa ménopause, je ne sais pas quoi,… tout ce que l’on veut avec son médecin de famille que l’on a depuis toujours et d’aller parler de…, son anxiété, de ses troubles délirants avec un autre médecin»P6). Alors que d’autres, considéraient la prise en charge somatique, du moins pour le dépistage, de leur ressort («une insuffisance rénale que j’ai découvert de façon systématique par une prise de sang»P13). Mais cette prise en charge physique par ces psychiatres était difficile à mettre en place car liée à l’image qu’ils renvoyaient aux autres spécialités («L’autre image que l’on pense avoir, c’est celle d’incapables, je pense. D’incompétents en médecine»P13).

Une spécialité stigmatisée :

Les psychiatres avaient conscience d’une certaine stigmatisation de leur spécialité, mais l’assumaient pleinement («je suis le médecin des fous donc… non, ça ne me gêne pas»P12). Cette vision de la psychiatrie avait tendance à s’amender («Beaucoup moins maintenant mais ça l’a été»P8). Son origine était rattachée en partie à une méconnaissance de leur travail, un psychiatre allant même parler «d’art mineur» selon le point de vue qu’ils accordaient aux généralistes. Cette représentation de la psychiatrie était décrite comme délétère pour les patients par l’aspect négatif de certains diagnostics («le diagnostic de schizophrénie est très péjoratif»P6). Cela a conduit à une modification de la sémantique concernant la psychiatrie («On parle de la santé mentale… des services de santé mentale. On va éviter de dire psychiatrie. On va envoyer chez le neurologue, c’est mieux… on a évacué le mot Psy…chiatre.»P2). Néanmoins, l’utilisation de tournures générales caractérisées par des « on » montrait que ces propos étaient très généraux, rendant difficile l’analyse de leur propre représentation.

Une prise en charge globale dans les faits:

Les psychiatres présentaient la psychiatrie comme une spécialité globale malgré la séparation entre la psyché et le somatique. Même si certains décrivaient l’essentiel de leur travail comme psycho-thérapeutique, ils étaient néanmoins amenés à avoir une prise en charge chimio-thérapeutique («Si je vois quelqu’un, je prends tout en main, à quelques éléments près»P12). La prise en charge du patient était présentée comme complète avec son histoire, ses antécédents,… («Ça n’existe pas un patient psy, il y a un sujet de droit qui a un trouble ophtalmologique, cardio-pulmonaire, psychiatrique, etc.» ; «La psychiatrie s’intègre dans la globalité du patient»P7).

Comparaison aux autres spécialités :

La psychiatrie tend à se rapprocher des autres spécialités («la psychiatrie des années 2000 a beaucoup évolué vers ce qui est une spécialité classique»P3) surtout en raison de la prise en charge médicamenteuse, comparant les traitements psychotropes à d’autres traitements chroniques («Puis les AVK, c’est pour la vie des fois. Et l’insuline parfois aussi»P3). Il n’en demeurait pas moins des différences notables. Les psychiatres prenaient souvent la cardiologie comme exemple de spécialité somatique. Ils avaient bien conscience de la différence de communication par rapport autres spécialités («On a curieusement beaucoup plus de facilité à obtenir des nouvelles d’un patient qui a fait une embolie pulmonaire que d’un patient qui a été hospitalisé pour une tentative de suicide.»P1). Les autres spécialités étaient vu comme plus communicantes. Ils expliquaient cette différence du fait qu’il ne fallait pas desservir leur patient («Il est plus facile d’écrire un courrier pour un cardiologue que pour un psychiatre : il y a moins de peur de nuire au patient.»P1). L’hypothèse inverse n’était pas retenue. Ils étaient conscients que cette problématique se retrouvait également chez leurs confrères («en infectiologie aussi, il y a des diagnostics viraux où l’on est bien embêtés de savoir comment il faut faire»P3). Un autre point de différence souligné était la nécessaire temporalité de la prise en charge («ce n’est pas immédiat comme un électrocardiogramme»P3).

Difficultés propres à la spécialité :

Les psychiatres avaient évoqué les difficultés propres à leurs spécialités et pouvaient ainsi expliquer certaines carences communicationnelles. Les pathologies psychiatriques étaient présentées par les psychiatres comme n’étant pas figées dans le temps et pouvant, de ce fait, évoluer rapidement («J’ai le sentiment qu’en psychiatrie les choses changent beaucoup plus vite»P1) et donc présentant des caractéristiques difficiles à fixer par écrit car «il y a des situations qui ne sont pas forcément des signes cliniques en tant que tels mais de l’ordre du ressenti»(P10), et donc ayant «peu de traçabilité»(P9). Une autre difficulté mise en avant dans la difficulté de communiquer est l’histoire naturelle des troubles mentaux («du mal à évaluer l’évolution»P6) et donc «difficile à synthétiser»P5. Par ailleurs, les psychiatres ont évoqué la difficulté de poser un diagnostic précis tant sur le plan sémiologique («je ne suis pas sûre du diagnostic, j’ai plusieurs hypothèses diagnostiques»P4) qu’éthique («je ne sais pas si c’est une très bonne chose non plus que d’enfermer comme ça le patient dans une pathologie au travers d’un diagnostic.» P5). Une autre complexité était d’établir une prise en charge pour certaines pathologies «je ne savais pas quelle prise en charge prendre, j’étais autant démuni que le médecin généraliste dans la prise en charge de cette patiente»(P4).

Les psychiatres :

Les médecins psychiatres définissaient leur travail comme centré sur le patient : «la conception de mon boulot c’est de répondre très professionnellement, avec beaucoup de présence et d’attention à la problématique du patient»(P12). Pour ce faire, ils mettaient en avant leur compétence en psychothérapie («Je travaille sur ce que l’on appelle modifier les contenants de pensée»P11) et en pharmacologie («on va affiner le traitement, c’est notre boulot de spécialiste»P3). L’importance de ces deux types de prise en charge fluctuant selon l’appétence et l’histoire de chaque professionnel («je préfère minimiser l’importance du traitement chimiothérapique, psychotrope.»P2 – «Je ne fais pas de psychothérapie s’il n’y a pas besoin de traitement.»P12). Cette prise en charge nécessitait du temps, il en ressort que certains psychiatres devaient limiter leur file active («il y a des moments où je bloque, où je préfère dire, je ne peux plus recevoir en ce moment»P12). Bien que saturés, les psychiatres se voyaient comme des professionnels disponibles mais pas toujours accessibles renvoyant aux médecins généralistes une image de personne distante (« «de toute façon le docteur P8 on ne peut jamais l’avoir… » Donc voilà, c’est ça mon étiquette»P8). Le manque de temps a été également un élément mis en avant pour tenter d’expliquer la faible correspondance psychiatrique («Ça c’est la difficulté, pour nous médecins psychiatres de ne pas faire de compte rendu systématique parce que l’on voit environ 10 000 consultations par an.»P4). L’aspect chronophage de la correspondance a été temporisé par un psychiatre qui notifiait qu’il s’agissait d’une organisation de travail («le temps, oui et non, c’est toujours un prétexte ou un faux prétexte… le temps on peut toujours le trouver parce que moi, effectivement, quand je suis amené à faire des courriers, je le fais toujours sur le temps de l’entretien, donc il peut y avoir un temps de l’entretien, à certains moments, consacrés pour faire le courrier»P5). Cette surcharge de travail était rattaché au nombre décroissant de psychiatres («il y a très très peu de psychiatres et de moins en moins»P6). Ces conditions de travail les ont amenés à modifier leur pratique («les psychiatres vont se retrouver à soigner soit des patients lourds, soit des patients particuliers.»P6) et à passer le relais aux médecins généralistes (« après la reconduction, si un médecin traitant le fait tant mieux. »P10). Le retour du patient vers le médecin généraliste n’était pas toujours présenté de manière évidente. Les psychiatres expliquaient ceci par les caractéristiques des patients psychiatriques présentant une adhésivité vis-à-vis de leur thérapeute (««je vous le renvoie pour le suivi…. » Et le malade revient quand même… »P4). Les psychiatres justifiaient également cette constatation par l’accompagnement du patient qu’ils pouvaient proposer («Ils ont tendance à s’écarter un petit peu de leur médecin traitant au profit de la prise en charge qu’on leur propose. En plus la mienne est très enveloppante»P12).
Après avoir exposé la source de l’information, nous allons maintenant présenter la communication en tant que telle.

Communication :

Perception de la communication par les psychiatres :

Les psychiatres de l’étude avaient une vision favorable de la communication avec le médecin traitant («Je pense que ça ne peut qu’avoir un aspect positif»P5). La principale fonction de ces échanges mis en avant durant les entretiens était le bénéfice au patient («ça doit servir le patient et ça doit servir au médecin à soigner son patient»P3). Son absence étant vue comme néfaste pour le patient («Je pense que c’est plus l’absence de liens entre le médecin généraliste et le psychiatre qui va porter préjudice un peu en ricochet, justement par la méconnaissance peut être par le médecin généraliste de ce que peut faire le psy.»P11).
Elle était perçue comme satisfaisante pour les psychiatres ayant l’habitude de communiquer («Ce n’est pas un univers idéal mais presque, je trouve que la correspondance psy-médecins généralistes est assez bonne»P7), bien qu’étant déséquilibrée («la situation est, et je le sais, ce n’est pas très juste, est assez asymétrique»P1).
Elle devait être avant tout instructive. («il faut qu’elle soit informative. Si c’est pour dire…non,… oui…»P8). L’aspect éducatif de ce retour sera revu lors de l’analyse du contenu de la communication.
L’avantage de ces rapports entre professionnels pour le patient était multiple :
Tout d’abord, ils permettaient d’avoir une meilleure connaissance, pour les psychiatres, du patient et de son terrain («Je bénéficie d’éléments que peut me fournir le médecin traitant»P1) et d’avoir une vision du patient dans son environnement habituel («intéressant pour moi aussi, de voir comment lui perçoit les choses»P1).
Ensuite, la communication des médecins généralistes vers les psychiatres concernant les traitements essayés permettait une prise en charge plus réactive en affinant la prise en charge chimiothérapique et donc en améliorant l’état du patient («on a l’expérience de ces deux échecs thérapeutiques, ou semi échecs, ce qui d’ailleurs nous fait gagner un temps fou»P3).
Les contacts entres les psychiatres et les médecins généralistes permettaient aussi d’harmoniser la prise en charge des problèmes somatiques lié au prise en charge somatique : («on est très lié pour les problèmes des syndromes métaboliques, (…) tous les produits psy font grossir, à une seule exception et encore… donc là on travaille la main dans la main»P7).
Enfin, ces rapports permettaient d’assurer une sécurité pour le patient du moins sur le plan thérapeutique («il vaut mieux que le médecin sache ce que j’ai fait»P7) ou en cas de surveillance accrue («pour qu’il sache que j’ai eu peur, et qu’il y a une précaution ou alors s’il est amené à prendre la suite»P7).
En contrepartie pour les patients, cet échange était vu comme permettant de mieux encadrer certaines pratiques («pour éviter le nomadisme à cause des benzodiazépines, des abus, etc.»P7).
Dans tous les cas, celui-ci devait se faire de manière transparente vis-à-vis du patient («le patient est informé qu’on va écrire un courrier à tel moment de la prise en charge, et pour quelle raison, en lui expliquant les raisons pour lesquelles on est amené à faire cette démarche»P5).

Organisation de la communication :

Fréquence de la communication :

Les psychiatres avaient globalement conscience du peu de correspondance avec leurs confrères généralistes («Pour tout ce qui est de la consultation il n’y a pas de rapport fréquent.»P13). Elle était tout de même présentée comme plus systématique aux détours des premières consultations. C’était la chronicisation de la prise en charge qui était avancée pour justifier la diminution voire la disparition de tout retour d’information («le patient chronique pour lequel on ne fait pas de compte rendu»P4).
Certains psychiatres ont souligné également une absence volontaire de communication suite à des différents avec le médecin traitant («Mais plus jamais, dans ces cas-là, je ne confie quoique ce soit au médecin généraliste.»P4). Ces rares différents étaient de deux types : transmission d’information sensible au patient par le médecin traitant et le sentiment d’une image faussée du psychiatre communiquée au patient par le médecin généraliste.

Initiation de la communication :

Concernant l’origine de la communication, la manière dont le patient parvenait jusqu’au psychiatre jouait un rôle important sur celle-ci.
• Recrutement des patients :
Le recrutement des patients était variable selon l’organisation de chaque psychiatre. Certains accueillaient de nouveaux patients essentiellement en recevant une lettre d’un confrère (généraliste ou psychiatre) («je travaille quasiment uniquement que sur adressage de médecin traitant»P1), d’autres fonctionnaient en accès direct («la plupart de gens viennent d’eux-mêmes sans lettre du généraliste»P2).
o Accès direct :
Cet accès direct au psychiatre était mis en avant pour permettre au patient d’avoir une prise en charge autonome de son médecin traitant concernant ses troubles psychiatriques et psychologiques (« la démarche peut être indépendante»P9). Certains médecins généralistes étant vu comme réfractaires à une prise en charge conjointe avec les psychiatres («les généralistes qui exerçaient à l’étage, au rez-de-chaussée, m’ont dit : «nous on t’enverra personne parce que nous la psychiatrie, on en fait tous les jours»»P2).
Dans les accès directs, nous pouvions retrouver un mode d’adressage particulier : l’adressage informel. Certains médecins généralistes conseillant un suivi à leurs patients sans formaliser cette demande dans une lettre («Quelque fois indiquées par le généraliste qui dit : «essayez d’avoir rendez-vous avec le Dr P8.»»P8).
Face à ce libre accès, les psychiatres réagissaient différemment : certains ne contactant pas le médecin traitant («quand je n’ai pas de courrier, (…), je ne communique pas.»P11), d’autres au contraire cherchaient le contact avec le médecin référent («s’il ne m’a pas écrit de lettre et que je ne sais pas ce qu’il en pense…»P7).
Malgré tout, l’adressage, quel que soit sa forme, était une des pierres angulaires de la communication entre professionnels.
o L’adressage :
Il était vu comme étant le premier contact que le psychiatre avait du patient («ce sont des courriers qui sont importants, parce que ça permet d’introduire pour le patient, la prise en charge»P5) et de son médecin traitant («le premier contact que j’ai avec le médecin traitant, c’est le contact qui tient à l’adressage»P1).
Il pouvait se présenter sous différentes formes : courrier ou téléphonique principalement.
Les courriers reçus par les psychiatres les incitaient à produire une réponse par écrit, en premier lieu par politesse («Quand quelqu’un vous écrit, sauf à être un butor patenté, vous lui répondez»P2), mais surtout afin de répondre à la demande du médecin généraliste («si j’ai une lettre où l’on me pose une question, où l’on me demande quelque chose, là je vais écrire»P8). Cette réponse à l’adressage devait néanmoins être discutée avec le patient («ce n’est pas parce qu’il y a un courrier d’adressage que les patients sont d’accord pour qu’on recontacte après leur médecin traitant.»P6).
Certains psychiatres fonctionnaient plus par adressage téléphonique. Ce contact direct était perçu comme adapté car il permettait un échange qui n’aboutissait pas forcement sur une consultation (« c’est au téléphone, «viva voce», discuter du cas, savoir si vraiment il s’impose qu’il y ait une consultation psy, si ça parait jouable, comme nous sommes de médecin à médecin de donner simplement un conseil, sinon une consultation éventuellement en urgence »P7).
Les autres modes d’adressage étaient soit peu répandus (concernant les mails :
«C’est très rare encore, très rare, exceptionnel… j’ai dû recevoir deux ou trois lettres… »P7), soit trop envahissants («j’ai dix demandes de rendez-vous par jour qui arrivent au fax, j’en fais quoi ?»P11).
L’intérêt de l’adressage, pour les psychiatres l’utilisant, était de pouvoir filtrer leurs consultations, d’une part pour en limiter le nombre et d’autre part pour évaluer la nécessité et l’urgence de la consultation («je tiens compte de son urgence et de la façon dont il voit les choses»P12).
Les adressages de patients par les médecins traitants étaient considérés comme justifiés («J’ai systématiquement pris leurs consultants parce que c’était une indication particulièrement futée»P2). Les motifs d’adressage étaient en général des demandes d’avis, parfois après une prise en charge initiale donnant peu de résultats («ils nous les envoient parce qu’ils ont essayé deux-trois traitements et qu’il y a des petits mieux et plouf, ça replonge»P3), ou pour conforter une prise en charge («médecin qui me demande s’il est bien sur la bonne ligne»P11).
Bien que présent dans l’image que les psychiatres ont du médecin généraliste, seul un psychiatre a évoqué comme motif d’adressage particulier, la proximité entre le médecin généraliste et son patient («Ils adressent aussi quelquefois des patients qu’ils connaissent trop bien, ou qu’ils connaissent un peu personnellement»P6), afin de mettre en place une prise en charge distincte.

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Table des matières

CONTEXTE
1. LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE : UN PROBLEME MAJEUR DANS LA POPULATION
2. LE MEDECIN GENERALISTE : PIVOT DU SYSTEME DE SOINS
3. PRISE EN CHARGE DES PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUES
4. INTERFACE MEDECIN GENERALISTE-PSYCHIATRE : UNE RELATION COMPLEXE
OBJECTIFS DE L’ETUDE
METHODE
1. CHOIX DE LA METHODE
1.1. Principe des enquêtes qualitatives : approche Wébérienne et «grounded théory»
1.2. Choix du mode de recueil des données : l’entretien compréhensif semi-dirigé
2. ECHANTILLONNAGE : LE CHOIX DES SUJETS INTERVIEWES
3. PREPARATION ET REALISATION DES ENTRETIENS
3.1. Création du guide d’entretien initial et évolution du guide
3.2. Réalisation des entretiens semi-dirigés : condition et recueil des données
4. ANALYSE DES DONNEES
4.1.Retranscription: le verbatim
4.2. Analyse des entretiens
4.3. Codage axial et mise en évidence des thèmes
4.4. Synthèse
RESULTATS
1. CARACTERISTIQUES DES PARTICIPANTS
Tableau N°1
CARACTERISTIQUES DES PSYCHIATRES
Tableau N°2 : Diversité des psychiatres interrogés (1)
Tableau N°3 : Diversité des psychiatres interrogés (2)
2. PSYCHIATRIE ET PSYCHIATRE
2.1. La psychiatrie et les pathologies psychiatriques
2.1.1. Une spécialité en évolution
2.1.2. La spécialité de l’esprit
2.1.3. Une spécialité stigmatisée
2.1.4. Une prise en charge globale dans les faits
2.1.5. Comparaison aux autres spécialités
2.1.6. Difficultés propres à la spécialité
2.2. Les psychiatres
3. COMMUNICATION
3.1. Perception de la communication par les psychiatres
3.2. Organisation de la communication
3.2.1. Fréquence de la communication
3.2.2. Initiation de la communication
Recrutement des patients
o Accès direct
o L’adressage
Volonté de communiquer
3.3. Contenu de la communication
3.3.1. Des éléments cliniques
3.3.2. La question du diagnostic
3.3.3 Prise en charge et traitement
3.4. Moyens de la communication
3.4.1. Communications directes
Le téléphone
Rencontres physiques
o Réunions de synthèse
o Soirées de formation
o Au sein même du cabinet
3.4.2. Communications indirectes
Les courriers
Le patient vecteur
3.4.3. Autres modes de communication
3.4.4. Choix du mode de communication
3.5. Difficultés liées à la communication
3.5.1. Chronophage
3.5.2. Méfiance quant au partage d’informations
3.5.3. Nature de l’information
3.5.4. Nomadisme médical
3.6. Influence sur la communication
3.6.1. Contraintes légales et éthiques
Aspect éthique : la protection du patient et le secret médical
Obligations légales
Essais d’harmonisation : les recommandations du CNQSP
3.6.2. Place du patient
3.6.3. Influence de la pathologie et de sa prise en charge
3.6.4. Vision du médecin généraliste
4. LES INTERLOCUTEURS
4.1. Le médecin généraliste
4.1.1.Le médecin généraliste et sa place dans le système de soins
4.1.2. La prise en charge des pathologies psychiatriques par le médecin généraliste
4.1.3. La formation en psychiatrie des médecins généralistes
4.2. Les autres interlocuteurs
5. PISTES D’AMELIORATION
6. TABLE CONCEPTUELLE
DISCUSSION
1. ELEMENTS CLES
1.1. Une vision singulière d’un échange nécessaire
1.2.Le temps: les échanges sont influencés par le moment et la durée de la prise en charge
1.3. Un instrument malléable
1.4. Le patient : acteur ou figurant ? Une position paradoxale
1.5. Des points de vue distincts pour un objectif commun
2. FORCES ET FAIBLESSES DE L’ETUDE
3. DES CHANGEMENTS ENVISAGEABLES
4. D’AUTRES PISTES DE RECHERCHE A APPROFONDIR
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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