LA SITUATION POLITIQUE, ECONOMIQUE, CULTURELLE ET RELIGIEUSE SOUS LE HAUT-EMPIRE

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LES FEMMES DANS LA SOCIETE ROMAINE

La société romaine a connu de grands changements sur le plan social, politique, économique et religieux sous la République. Pendant cette époque, Rome organisait des guerres de conquêtes pour agrandir son territoire qui sera exploité par une main-d’œuvre facile des butins de guerres (esclaves) qui augmentait les productions. C’est dans ce mouvement de la société que la femme qui était inférieure à l’homme tentera de conquérir sa liberté.

LES TYPES DE FEMMES

Pour étudier la condition de la femme à Rome, il semble nécessaire d’analyser d’abord les types de femmes à l’origine de la Rome antique. En fait, dans la société romaine, nous pouvions distinguer essentiellement deux types de femmes. A ce propos, Pierre GRIMAL indique qu’ « aux yeux d’un Romain, il existe deux sortes de femmes : celles qui « comptent » dans la vie de la Cité, dans la vie familiale et celles qui ne présentent, à l’égard de tout cela, aucune importance. »42. Il confirme l’existence d’une dualité de femmes. Il poursuit en apportant des précisions sur chacun des deux types de femmes. Pour lui, la première catégorie de femmes regroupe « les mères » ou matronae et leurs filles. Pour Danielle GOUREVITCH, elles sont « essentielles au maintien de la famille, institution traditionnellement fondamentale et fondatrice de la société. »43 Interrogeons – nous maintenant sur l’origine de ce type de femmes. Ce sont, naturellement des femmes qui sont nées libres, dans une bonne maison. Par leur mariage, elles se sont introduites dans une famille d’aussi bon rang que le leur.»44
Ces femmes peuvent aussi avoir une origine patricienne ou plébéienne, avec l’autorisation du mariage des deux classes. Elles ont un avantage particulier de participer à la société au populus romanus. Elles sont importantes aux yeux de l’imperator, qui « au moment d’exhorter ses troupes avant la bataille, évoquera leurs images.»45.
Quant à la deuxième catégorie des femmes, elle réunit « seulement les servantes des femmes de la première catégorie « mères et filles ». Ce sont « celles qu’on n’épouse pas, celles à qui l’on applique très facilement les qualificatifs les plus désobligeants »46, elles sont esclaves de naissance ou réduites en esclavage après être privées de leurs familles. En conséquence, elles sont au service des « mères et leurs filles » en leur évitant les tâches de la vie quotidienne, en d’autres termes, « les travaux serviles »47.
Ainsi, dans la société féminine de cette époque, on distingue clairement des esclaves et des personnes libres. Néanmoins, cette dichotomie entre femmes esclaves et femmes libres existe également chez les hommes, naturellement, à Rome. Ces deux types de femmes ne bénéficient pas la même considération de la part de l’homme, car « les obligations morales que les hommes pourront reconnaitre vis-à-vis de « la femme » ne s’appliqueront, en fait, qu’aux femmes libres, et non à la nature féminine elle-même »48. Dans la société romaine, la matrone est incontestablement dépositaire de la fonction vitale pour l’Etat dont elle doit assurer l’existence et la transmission.
Cependant, les filles de familles qui sont les futures matrones n’ont pas de droit. Leur seul droit était celui qui leur était privé de personnalité morale et de personnalité légale. Elles sont donc des personnes serviles assimilées.
D’une manière générale, concernant les femmes romaines, on peut, à côté de la mère, de la matrone, de l’esclave, identifier la courtisane, la prostituée, la nourrice, la vestale, etc. Nous reviendrons beaucoup plus amplement sur ces catégories de femmes dans notre réflexion afin de découvrir carrément la condition de la femme romaine sous la République et le Haut-Empire.

LA FEMME ET LA LEGENDE DES SABINES AU MARIAGE

Cette étude permettra de saisir la fonction première de la matrone afin de pouvoir comprendre son évolution dans notre champ d’étude (la République et le Haut-Empire).L’histoire du processus de formation de la Rome antique révèle que la Rome est une cité composite.
Parmi les composantes de la cité, nous pouvons noter les Latins. C’est un élément essentiel dont la Rome conserve d’ailleurs leur langue comme celle de la société avec une organisation patriarcale et gentilice. Et, « dans ce système, le père est le chef du clan »49 . Les femmes qui intègrent la gens50 via le mariage conservent toujours leur nom gentilice propre, d’origine de leur père. En fait, dans la coutume romaine, la femme ne bénéficie pas du « nom de famille » de son mari. Quant à la fille, on la prive contrairement à son frère du praenomen, symbole de la personnalité civile comme religieuse. En tout cas, « toutes les filles de la gens cornelia sont des corneliae » alors que « leurs frères sont publius cornelius, ou Gaius cornelius »51. Ainsi, étant mariée, la femme reste ancrée dans sa famille. Et c’est cette famille patriarcale qui forme l’armature de la société romaine jusqu’à l’époque républicaine. Par ailleurs, à côté des Latins, il y a les Etrusques qui avaient dominé la Rome et le Latium.
Mais, il faut souligner que durant le règne des Etrusques, déjà, le rôle de la femme a connu une évolution, par rapport à la plus ancienne société latine. Les femmes n’ont pas vécu une situation d’inertie. Au contraire elles ont connu une situation un peu privilégiée, plus favorable, mais différente de celle de la Rome classique. En fait, dans les inscriptions, les femmes commencent à voir leur «nom de famille » précédé d’un prénom.
De plus, dans l’analyse de la situation des femmes sous le règne des Etrusques, on peut constater la personnalité de Tanaquil. C’était une dame qui parvenait à influencer les hommes, même les autorités, avec son pouvoir divin qui lui permettait, même, de les défaire à son gré. Elle jouait un rôle essentiellement religieux. D’ailleurs, c’est elle qui, non seulement, perçoit la première, la signification du présage qui accueille Tarquin aux portes de Rome, mais encore, discerne le caractère divin de l’enfant qui est né à son foyer d’une servante semble-t-il, du dieu Lar domestique.52 Autant dire que Tanaquil avait un pouvoir de communiquer avec les dieux. Et s’il l’on croit Tite-Live, il avait aussi un vieIllard qui avait mis en exergue pendant le siège de Véies, au début du IVe siècle a. J.-C.53 Ce dernier fait montrer que certains hommes avaient également le pouvoir divin.
Un autre élément non moins important de la formation est les Sabins, parents des Sabines. A vrai dire, ce sont les Sabines qui passent pour avoir fourni à Rome ses premières « matrones »54 . Voici l’anecdote : Romulus avait regroupé dans sa ville un nombre important de ses hommes mais aucune femme n’a été présente à ce regroupement. Et conscient que la Cité ne pouvait survivre sans renouveler sa génération, il envisage de donner des femmes à ses hommes.
Face au refus des villageois d’alentour, le mariage de leurs filles à ses hommes, Romulus organise des fêtes afin de regrouper les populations des villes. A cette occasion et à un signale, Romulus et ses hommes se jetèrent sur les filles présentes qui étaient venues innocemment avec leurs parents et les entrainent de force. 55 Et Romulus aurait succombé au combat contre les sabins.
Et « la lutte fut longue, et peut- être les Romains auraient-ils succombé, si les jeunes sabines ne s’étaient jetées entre les combattants, suppliant ici leurs pères et leurs frères, leurs maris de faire la paix. Grace à elles, la concorde revint et Sabins et Romains décidèrent de former plus qu’un seul peuple, tandis que les Romains juraient de toujours honorer et respecter celles dont la pitié avait sauvé la Cité. Ils leur promirent notamment qu’elles n’auraient jamais à exécuter aucun travail servile, et ne connaitraient d’autre tâche que de filer la laine. »56
Cette légende des Sabines nous donne déjà une idée de l’histoire de la condition de la femme à Rome. Elle nous renseigne sur les rituels du mariage d’une part et d’autre part, la situation particulièrement honorable de la « mère », dans la maison.
De plus, il semblerait que dans l’ancien temps les Romains avaient en horreur les mariages entre les personnes appartenant à une même gent57. Donc, les Sabines qui étaient des femmes étrangères à la Cité présentaient toute garantie à cet égard. Puis traditionnellement, la Sabine passait pour être le pays des mœurs pures par excellence. Les familles sabines conservaient, nous dit-on, une austérité ancestrale.58 La population romaine va connaître une évolution de liberté de vie qui se traduira par une plus grande indépendance de la condition de la femme pendant surtout la période républicaine et le Haut-Empire.

LE STATUT JURIDIQUE DES FEMMES

Pour faire une étude sur la condition de la femme à Rome, il faudrait analyser d’abord son statut juridique sous la République, en passant par un bref rappel de son statut juridique sous la période royale.
La situation juridique de la femme n’était pas du tout la meilleure, sous la République. La femme restait totalement inférieure vis-à-vis de l’homme. En effet, « la femme est avant tout une mineure sur le plan juridique. La quasi-totalité des législations archaïques l’ont considérée comme un objet de droit et non un sujet de droit. Cependant, il lui était possible de véhiculer les droits, de les exercer. »59 . La femme est par là une incapable dans cette société romaine. Elle se trouve dans une situation continue d’aliénation. C’est comme qui dirait que la femme est étrangère dans cette société où elle vit.
Ainsi, des lois étaient mises en place contre la femme. D’ailleurs à travers Robert VILLERS, nous savons que la femme subit une lourde sanction pour raison d’adultère. Caton l’Ancien dira : « in adultares uxorem tuam si deprehendisset, sine judicio impune necares : illa te, si adulteret, digito non audet contin guere, negne est : si un mari surprenait sa femme en flagrant délit d’adultère, il pourrait la tuer, impunément sans jugement ; si au contraire elle surprenait son mari elle ne pourrait le toucher du bout du doigt : elle n’en a pas le droit »60. L’homme avait le plein pouvoir de répudier sa femme.
Par ailleurs, à l’époque royale, il n’y avait quasiment que le mariage avec le manus exercé sur la femme. C’est le pouvoir de l’homme qui prévalait sur la femme. Cependant selon Robert VILLERS, toujours, la femme a quelques droits dans le mariage. « Elle prend le rang social de son mari et bénéficie de sa protection, le mari pouvait intenter l’action d’injure en raison d’outrages fait à sa femme »61.
Quand on parle de mariage (union légitime de deux personnes), on doit aussi parler de divorce (séparation des deux personnes mariées). En effet, le mariage peut terminer par le divorce si les conjoints ne parviennent pas à s’entendre mutuellement. C’est pourquoi le fondateur de la ville de Rome, Romulus, dans son souci de voir la société romaine dans une parfaite cohésion mettra en place des lois sur le divorce. Et c’est Plutarque qui nous renseigne que « Romulus édicta aussi des quelques lois parmi lesquelles est sévère à la vérité celle qui ne permet pas à la femme de quitter son mari, mais qui permet au mari de répudier son épouse pour cause d’empoisonnement d’enfants, de soustraction de clefs et pour cause d’adultère, elle ordonne que si quelqu’un renvoie sa femme pour un autre motif, la moitié de sa dot soit consacrée à Déméter mais que celui qui a répudié sa femme offre un sacrifice aux dieux infernaux »62.
Ce texte de Plutarque indique les droits de l’homme sur la répudiation de sa femme pour les cas suivants : adultère, avortements volontaires et soustraction de clefs… Il y avait à cette époque une loi religieuse interdisant aux femmes romaines de boire du vin. C’est pourquoi d’ailleurs les maris baisaient fréquemment leurs femmes sur la bouche afin de savoir si la femme a bu du vin63.
Mais le mari n’a pas le droit de répudier sa femme en cas de stérilité. Si jamais, le mari répudie sa femme pour stérilité, il sera obligé de lui donner la moitié de ses biens ou subira des sanctions sociales et religieuses.
Dans la catégorie des femmes libres, il faut noter les vestales dont la première serait Rhéa Silvia selon Denys d’Halicarnasse et Tite-Live, contrainte à un célibat honorifique par Amelius, afin d’empêcher qu’un jour, l’un de ses enfants ne vienne venger Numitor détrôné ou ses oncles assassinés. Tite-Live apporte des informations sur l’événement en ses termes : « quant à sa nièce Rhéa Silvia, sous prétexte de l’honorer, il (Amelius) la choisit comme vestale la vouant à la virginité et lui enlevant l’espoir d’être mère »64. Ces filles vestales étaient choisies parmi les patriciennes65 par le grand pontife. Ces vestales avaient les privilèges contrairement aux femmes. En effet, la fille, désignée comme vestale au service du grand Pontife, Aulu-Gelle indique qu’ « elles échappent à la puissance de leurs pères et acquièrent le droit de tester »66. Elles avaient ainsi entre autres privilèges la participation aux cérémonies religieuses et avaient le droit de citer quelqu’un en justice.
Mais, les vestales étaient sous l’autorité supérieure du grand pontife qui pouvait les châtier en cas de faute mineure et même les condamner en cas de faute majeure à être enterrées vivantes. Tandis que les femmes mariées étaient sous l’autorité de leurs maris et sanctionnées pour infraction comme avortement provoqué, soustraction de clefs, adultère.
Quant aux femmes esclaves, elles étaient considérées aux yeux des Romains comme une chose. En clair, la femme esclave était captive de guerre ou de condition servile à cause de ses parents. Elle n’a aucun droit juridique et était sous l’autorité de son maître. C’est dire qu’elle était là pour le soutien de la domina dans l’exercice des tâche ménagères. Elle pouvait se marier et avoir des enfants mais uniquement avec des hommes serviles. Les enfants issus de ce couple devinrent des esclaves. Mais, si l’esclave se mariait avec un homme libre, l’enfant qui naîtrait de cette union était esclave.
A côté des esclaves, il y a les affranchies. L’esclave affranchie exerçait pour la plupart le métier de prostitution. Ce métier a été réglementé et reconnu par les institutions romaines. Ainsi, une femme prostituée était enregistrée sur une liste et payait une taxe appelée vestigal meretricium. C’est une façon comme une autre pour l’Etat de reprendre l’argent de manière plus ou moins immorale des citoyens.
Selon DELBIAUSSE, elles ne purent ni témoigner en justice ni hériter ni assister aux spectacles ni porter la Stola, robe longue blanche dont le bas se termine par une large bordure qui était la tenue des dames de la noblesse67. Cette affranchie, après avoir abandonné la prostitution ne peut pas bénéficier des privilèges accordés aux femmes de naissance libre. Il faut savoir que la pratique du métier de prostitution fut permise par les Romains qui approuvaient la liberté sexuelle surtout chez les jeunes hommes célibataires qui ne devaient aucune justification à personne.
D’ailleurs, certains hommes mariés se permettaient de se rendre chez les courtisanes ne serait-ce que pour trouver un complément à leur mariage. La différence qui existe entre ces deux catégories de femmes à savoir les femmes libres et les femmes esclaves est que la femme libre bénéficie de prérogatives alors que l’esclave n’en a aucune.
La différence entre femme libre mariée et la vestale repose sur le fait que la vestale peut tester, agir en justice, alors que la femme libre mariée ne le peut pas. Mais la femme libre peut citer quelqu’un en justice ou témoigner pour autrui en justice avec l’autorisation de son tuteur. Ce qui montre encore une fois, qu’aux yeux des Romains, la femme est inférieure à l’homme. Caton affirme les conditions d’infériorité de la femme sur l’homme en ses mots : « nos ancêtres ont voulu que les femmes ne fissent aucune affaire, même privée, sans un tuteur garant. Qu’elles fussent sous la dépendance de leurs frères, de leurs maris »68.
A l’époque royale, la femme romaine ne jouissait d’aucune indépendance. Même les vestales qui bénéficient de nombreux privilèges ont une liberté qui n’est qu’apparence. En effet, les vestales étaient soumises à la puissance du Pontife. Cette situation des femmes n’a-t-elle pas évolué sous la République ? Retenons de facto que d’une manière générale à travers des législations antiques et en droit romain, il est difficile de distinguer chez la femme l’octroi d’une situation privilégiée ou relativement indépendante. En fait, « si la condition de la femme fut assez remarquable par sa stabilité, c’est précisément parce qu’à Rome, la femme, sans exagération, ni paradoxe, n’était pas sujet de droit, en tout cas ne relevait pas pour sa condition personnelle de l’explication du droit de la Cité »69. La femme était considérée comme un objet et par conséquent, durant son enfance, elle a une situation qui ressemble aux autres alienis juris sous la patria potestas de son père qui peut l’aliéner ou la revendiquer.
Aussi, faudrait-il rappeler la situation de la fille après la mort de son père. Evidemment, à la disparition de son père, de la patria potestas, elle passait sous la tutelle de son agnat le plus proche qui n’est rien d’autre qu’un de ses frères désigné par le testament paternel en l’absence de testament tous ses frères tuteurs légitimes et collectifs70. Cette tutelle met en exergue la puissance paternelle.
Ainsi, quant au mariage, il n’évolue pas en termes de son état de sujétion (soumission) puisque la jeune femme était in manus, sous la puissance immédiate de son mari ou de son beau frère.

La femme dans la cité

– Le rôle de l’épouse à l’absence du mari
Sans contestation, aucune, le rôle primordial de la femme était la procréation, dans la société romaine. Ainsi, les citoyens s’unissaient avec l’intention de se faire des enfants pour honorer le devoir de la cité. Le rôle de la femme ne se limite pas seulement au foyer. Elle intervient aussi à sa façon dans la cité. Elle pouvait sacrifier sa vie nuptiale pour mettre en avant la gloire de son mari à la défense de la Cité. L’anecdote d’Alcmène le met en évidence par ses propos :
« j’ai eu un instant de plaisir, dit-elle, tant qu’il m’a été donné de voir mon mari ( une seule nuit, sans plus, et puis il est parti, il m’a laissé, aussitôt le jour …Mais ce qui me rend heureuse, au moins, c’est qu’il a vaincu les ennemis, qu’il est revenu à la maison chargé de gloire. Cela me console qu’il soit loin, pourvu qu’en rentrant il remporte la gloire! Je supporterai, je souffrirai jusqu’au bout son absence d’un cœur énergique et ferme, si j’ai au moins cette compensation que mon mari soit appelé vainqueur ; je croirai que c’est assez pour moi… ».134
La femme participe à la stabilité sociale et politique. Elle encourage son mari à assurer la bravoure pour être vainqueur des guerres pour la défense de la cité. C’est par son génie que la cité était fournie en soldats qui la défendent et assurent sa survie. Et durant ces moments de guerres, les soldats, les maris désertent leur foyer pour aller au terrain de combat. Ainsi, l’épouse, qui naturellement a besoin de rester en permanence, nuit et jour avec son mari, cède au profit de la cité. L’essentiel pour la femme est que son mari soit vainqueur et revienne à la maison avec une joie qu’elle partage. Durant l’absence de son mari, elle prenait correctement en charge la gestion de la maison en remplaçant son mari. Donc loin du terrain de bataille, la femme participe à la sécurité de la cité. Au-delà de ses fonctions dans le foyer, la femme veille à l’équilibre de la vie sociale jusqu’au retour de l’époux.
Cependant, Georges DUBY et Michel PERROT qualifient les femmes de « médiocres témoins, éloignées du théâtre où s’affrontent les héros maîtres de leurs destinées, auxiliaires parfois, rarement actives. Elles sont le plus souvent sujet acclamant les vainqueurs et plaignant leur défaite, éternelles pleureuses dont les chœurs accompagnent en sourdinettes les tragédies »135. Dans tous les cas, la femme joue un rôle fondamental pour la cité. Elle assure le renouvellement de la génération et la survie de la société, mais également la sécurité de Rome. Les femmes ont eu aussi des fonctions religieuses dans la cité. Les femmes les plus célèbres sont les vestales.
– Les vestales
La religion occupe une place importante dans la vie des Romains. Elle est au cœur de leur vie quotidienne. Et les vestales occupent un rang particulier dans la pratique de la religion. Les vestales sont de jeunes filles vierges choisies par le grand pontife parmi les filles libres pour veiller au feu de la cité. « Donc le culte public, le feu de la cité, qui devait brûler perpétuellement sur l’autel de vesta, est confier à la vigilance d’un collège de prêtresses, les vestales, auxquelles était imposait la chasteté absolue. »136. Ces jeunes filles vierges au nombre de 4 d’abord, puis 6 et de 7 étaient consacrées dès l’âge de 6 ans et pour une durée de 30 ans. Elles avaient un statut particulier. Sélectionner très jeunes par le pontife, elles étaient confiées à une mère de statut supérieur (la virgo vestalis Maxima) qui assure leur éducation dans le temple de vesta, foyer de la cité. Elles y reçoivent une formation spécifique en rapport avec leur future fonction qu’elles exerceront pendant 30 ans. Durant cette période, la vestale consacre toute son énergie, toute sa vie au service de la cité. Ces 30 années de vocation sont judicieusement divisées en trois moments : les 10 premières années après sa sélection sont réservées pour son initiation au culte, les 10 autres années sont consacrées au service complet de la Cité et enfin les 10 autres années sont destinées à son instruction. Elle devait être nourrie de dénouement et d’abnégation au service de la cité.
Pendant son retrait dans la vesta, la vestale devient une fille de toute la cité. Du coup, elle est écartée de toute relation et liens avec sa propre famille. Désormais, elle est sous la puissance du grand pontife qui s’arroge le droit de vie et de mort sur elle.
Le grand pontife est tenu d’indiquer à la vestale sa fonction essentielle. La vestale a plusieurs fonctions à exercer pour la cité. Elle est chargée de conserver le feu « sacré » public de Rome, connu dans un foyer commun, la vesta. Ce feu ne doit pas s’éteindre. Son éteinte est synonyme d’une catastrophe ou mauvais sort pour la cité. Ainsi, la vie même de la communauté est liée à sa pérennité. Fustel DE COULANGES fait la synthèse de la force du feu sacré de la cité : « c’était une obligation sacrée pour le maître de chaque maison d’entretenir le feu jour et nuit. Malheur à la maison où il venait de s’éteindre ! Chaque soir, on couvrait les charbons de cendre pour les empêcher de se consumer entièrement ; au réveil, le premier soin était de revivre ce feu et de l’alimenter avec quelques branchages. Le feu ne cessait de briller sur l’autel que lorsque la famille avait péri toute entière. »137. La vestale s’occupait de la propreté de la vesta. Bénéficiant du droit de participer pleinement aux cérémonies religieuses, la vestale est chargée de cuisiner la mola « lors des lupercales du 15 Février, lors de la vestalia du 9 Juin, des Ides de Septembre du 13 de ce mois ».138 Les vestales sont soumises à des règles qui les obligent de remplir correctement leurs fonctions utiles pour la Cité. Ainsi, sont-elles condamnées à la chasteté absolue avec le titre de virgo vestalis (vierge vestale). La vestale est sanctionnée sévèrement pour son impureté et pour avoir laissé s’éteindre le feu sacré de la Cité. Ces sanctions pouvaient sous forme de fouets.
Dotée de force magique, la vestale a des pouvoirs que les autres femmes, mêmes les matrones n’en ont pas. Elle échappe à la puissance paternelle et bénéficie du droit de grâce. En effet, « un condamné à mort, conduit au supplice, rencontrait-il sur son chemin une vestale, il était libéré sur le champ. »139
Par ailleurs, il faut noter que dans le domaine religieux, les femmes (matrones) participent aux fêtes sans contrôle du pontife. C’est le cas de la fête de la divinité Bona Dea (Bonne déesse). Cette fête rassemble les matrones au domicile d’un magistrat doté de l’imperium, sous la présidence de sa femme avec la présence des vestales.140 La divinité Bona Dea est protectrice du désir féminin.
A côté de Bona Dea, il y avait la divinité Venus. Aux derniers siècles de la République, on assiste à une profusion de cultes de la déesse : Venus des courtisanes, Venus des matrones … « elle était la médiatrice universelle, celle qui conduisait Rome sur les chemins de la gloire et les humains sur ceux de l’immortalité »141 .
Les femmes observaient également la divinité Liber italique (Dionysos grec, dieu du vin),. La place des matrones était incontestable pour la supplication pour la survie et la stabilité de la cité. La cité faisait appel aux supplications des matrones lors des désastres et des victoires. Les matrones ont une déesse Junon qui leur est spécifique. Chaque matrone a sa propre Junon, qui intervient pendant les cérémonies de mariages. Il convient de retenir que les vestales et les matrones sont dotées d’un respect spirituel et interviennent dans la religion.
– Femme et culte des Bacchanales
Le livre de Claudine HERRMANN nous a fourni d’importantes informations sur le culte de Bacchus142L’origine de ce culte fait l’objet de divergences. On attribue généralement au « culte de Bacchus une origine grecque. Cependant, selon Tite-Live, c’est de « l’Etrurie que le culte serait venu à Rome. »143 Claudine HERRMANN nous apprend qu’à Rome, il y avait des débauches nocturnes de femmes et d’hommes, qui causaient en réalité de graves crimes. Les mystères de Bacchus étaient diurnes et pratiqués par les femmes seulement. Le nouveau culte grec serait certainement enjoint aux pratiques des ancêtres de Rome dans la mesure où Tite-Live attribue la création du culte de Bacchus en Etrurie à un petit divin (dieu) grec, prêtre aventurier en Etrurie. A la création du culte, les matrones assuraient à tour de rôle sa pratique du Bois sacré de stimula ou sémélé pendant trois jours dans l’année. Toutefois, avec Paculla Annia, il y a eu changement de temps réservés pour l’observation du culte. La durée des cérémonies étaient désormais callée à 5 nuits par mois. De plus, seraient reçus au culte les adolescents de moins de 20 ans.
A y regarder de près, il semble important de signaler qu’à côté des prêtresses, des femmes de nobles prenaient également part aux mystères pour ne citer que Duronia, qui, après la mort de son époux se maria avec Sempronius Rutilius. A cette époque, les femmes « étaient extrêmement nombreuses avec une influence prépondérante puisqu’elles étaient les prêtresses. »144 Ces femmes profitaient des mystères pour réclamer l’égalité juridique et politique des femmes. Cependant, la pratique nébuleuse de ce culte a été dénoncée par la courtisane Hispala.
En fait, Hispala était une prostituée esclave. Initiée au culte de Bacchus, elle était l’amante d’Aebitius qui était abandonné sans ressource par sa mère Duronia et T. Sempronius Rutilius (son beau-père) qui voulait l’initier aux mystères de Bacchus. Le couple soutenait que son initiation au culte de Bacchus était une demande formulée par sa mère lorsqu’il était malade. Informée par son amant, Hispala comprit de facto la vérité, le complot : le couple voulait se servir des Bacchanales pour le débaucher ou l’éliminer afin de ne pas avoir de compte de tutorat à Aebitius. Dépassée par cette manœuvre contre son amant, elle lui demande de défier ses parents en rejetant toute idée de s’initier avec des arguments solides pour le décourager. Aebitius comprit à son tour et refusa de s’initier aux mystères de Bacchus.
En conséquence, il fut chassé de la maison avec quatre (4) esclaves. Sa tante Aebitia lui conseilla de signaler au consul Postumius la situation. Ce dernier lui donna un rendez-vous le lendemain. Le consul chercha des renseignements sur Aebitia auprès de Sulpicia, belle sœur d’Aebitius qui lui décrivit Aebitia comme une matrone digne et honnête aux mœurs antiques. Ainsi, Postumius la fit convoquer. Et Aebitia plaignit son neveu chassé par sa mère pour avoir refusé de s’initier. Convaincu, Postumius pria à Sulpicia de convoquer Hispala. Le consul lui garantit d’être libre et en sécurité si elle disait la vérité sur les mystères des Bacchus. Il fallait la contraindre pour faire la révélation : Paculla Annia avait transformé le culte bacchique en un lieu de débauches et de crimes. Cette histoire nous renseigne sur le courage de la courtisane Hispala de dénoncer une autre femme de rang supérieur, sur le plan juridique et social. Le consul avait bien pris le problème de façon intelligente et judicieuse avec la collaboration fructueuse d’autres femmes ( Hispala, Sulpicia, Aebitia) et le garcon Aebitius. Par les denses sentiments d’amour pour Aebitius, Hispala avait osé dénoncer la matrone et par extension le caractère occulte des Bacchanales. Cette dénonciation permit à l’Etat de se préserver de ce culte, « et que Fecennia Hispala reçoive de même (plusieurs récompenses) la « datio », la « deminutio », la « gentis enuptio », la tutoris optio »145
– Femme et culte de Cérès
Cérès est la déesse du blé. Son culte est pratiqué depuis la période royale par les hommes. Si l’on s’en tient à Henri Le BONNIEC, le culte de Cérès était célébré à la même date avec Tellus (Terre nourricière) le 13 décembre dans le temple de Tellus à la date de l’anniversaire de sa fondation.146 A la fin des semailles (sementivae), la fête de Cérès et Tellus est organisée pour supplier la déesse Cérès de protéger les graines enfouies et accorder leur bonne germination.
Cependant, il faut noter qu’il y avait une fête réservée uniquement à Cérès célébrée chaque 19 avril pour le développement des cultures. Le flamine de Cérès, le pontife et les vestales participaient à cette cérémonie. Le BONNIEC énumère trois (3) rites à observer lors de la fête de Cérès : le sacrifice de la truie (femelle du porc), par la Flamine de Cérès, la « spasio nucum» (l’aspersion des noix) et les jeux de Cérès introduits par les édiles de la plèbe. Le but recherché est la fécondité de la déesse sur le plan familial et agricole. Cérès veille à la fertilité de la terre, sur la croissance et sur la végétation du blé. Le BONNIEC précise que « les cerialia étaient la fête propitiatoire d’une étape décisive dans la vie des céréales : la formation de l’épi dans sa graine »147.
Mais il faudra attendre jusqu’à vers la fin de la République pour que le culte de Cérès soit hellénisé avec aussi l’introduction de Cérès Déméter à Rome. Par ailleurs, il semble intéressant de savoir qu’il n’y avait pas de culte propre aux femmes sous la royauté et que se serait sous l’influence de la culture grecque à Rome que les femmes romaines auraient connu leurs propres divinités. L’arrivée de Déméter à Rome changea la fête du culte de Cérès sur les cerialia pour prendre le nom de sacrum annivsarium, selon Le BONNIEC148. Plusieurs rites étaient observés lors des fêtes de Cérès et les femmes étaient impliquées totalement. Tous les rituels observés à la fête du sacrum anniversarium visaient à atténuer la colère de la déesse et à accueillir ses bienfaits. Elles sont exclusivement observées par les femmes qui en occupent le premier rôle.
– Femme et culte d’Isis.
Rome a subi une influence culturelle de l’extérieur mise en évidence par l’importation des religions comme le culte d’Isis. C’est pourquoi Robert TURCAN soutient que les « religions orientales sont les cultes égyptiens, anotoliens dont l’archéologie, l’épigraphie et la tradition littéraire attestent la diffusion à Rome et dans l’Occident romain149. Concernant le culte d’Isis qui nous intéresse dans cette réflexion, c’est un culte d’origine égyptienne qui aurait fait son apparition à Rome vers la fin de l’époque républicaine.150 Assimilé au culte de Déméter, le culte d’Isis rencontre des difficultés pour son implantation à Rome. En effet, sous l’Empire, Auguste et Tibère avaient interdit la pratique du culte d’Isis. Voici l’histoire du culte d’Isis : le mari d’Isis, Osiris a été tué par son frère Seth dans des conditions difficiles pour raison de jalousie. Abattue, troublée par ce fait, Isis décida d’aller à la recherche de son mari, Osiris. Elle eut la chance de le retrouver ; et par son pouvoir magique, Isis reconstitua Osiris et lui redonna la vie. Ainsi, par ce geste grandiose, tout le monde lui reconnait les titres suivants : Souveraine de la terre, de la mer et du royaume des morts. De plus, elle était vénérée comme maîtresse magicienne, dotée de pouvoir pour transformer les êtres et les éléments (corps), dans la mesure où elle a pu reconstituer Osiris. Il semble qu’Isis était représentée avec une tête de cheval. Les hommes et les femmes participaient à ce culte. Dans la pratique du culte d’Isis, il était observé une procession solennelle, l’habillement était fait de plusieurs tenues (chaussure, robe, tenue de soldat). C’est en même temps un moment de divertissement et de jeux et « des femmes, resplendissantes dans leurs vêtements blancs, joyeusement parées d’attributs variés et fleuries de couronnes printanières, tiraient des pétales de leur sein et jonchaient le sol sur le parcours du cortège. D’autres des miroirs sur le dos afin que la déesse puisse s’y mirer d’autres des peignes d’ivoire comme pour peigner et coiffer la reine »151. Le cortège était composé d’hommes et de femmes qui observaient tout un ensemble de rites.

LA REPUBLIQUE A L’AGE D’OR

L’histoire de la femme romaine nous montre que tout ce qu’il y a de constant dans la vie c’est le changement. L’histoire romaine, en particulier celle de la femme romaine sous la République est marquée par des mutations : montée de la plèbe, fréquence des mariage entre Patriciens et Plébéiens, développement de la propriété individuelle au détriment du pouvoir économique du pater familias, naissance de fortunes mobilières, d’une bourgeoisie d’argent et le développement des échanges commerciaux qui favorisent l’indépendance des fils. On assiste, ainsi, à une dégradation des mœurs. Les Romains vont s’évertuer de maintenir l’essentiel comme l’indique Monique A. PIETTRE : « Un équilibre cependant s’établit entre la tradition les traditions ancestrales et les nouvelles exigences psychologiques et sociologiques : ce fut l’âge d’or de la République, le IIIe siècle av. J.-C. »152.
Nous allons analyser la situation de la femme sous la république à l’âge d’or.

L’évolution sociale et culturelle des femmes au IIe siècle av. J.-C.

Durant la période républicaine, les femmes romaines ont commencé véritablement à connaître un changement de leur situation. Ce changement est dû à l’accroissement économique qui a entrainé l’évolution sociale et culturelle, même de la femme romaine. La femme était un complément de l’homme et sa fonction se réduisait à la procréation, car « il apparaît, en effet, que dans une première étape de son histoire, la femme a surtout été considérée comme la « génitrice », la mère, celle qui possède le mystérieux pouvoir d’enfanter… elle est respectée et honorée comme mère, surtout si elle engendre l’héritier mâle ».153 Et le mariage entre patriciens et plébéiens était banni.
Cependant, le développement économique entraina des transformations de l’ordre social et culturel établi par les Anciens. Les femmes par l’action des matrones en seront les grandes bénéficiaires. Cette évolution était inévitable surtout au 2ème siècle av. J.-C. Les femmes embrassèrent d’autres activités comme ce furent les femmes de l’aristocratie qui annexent de nouveaux champs. Les esclaves de la maison étaient chargés d’exploiter ses champs. Durant cette période républicaine, beaucoup d’esclaves étaient employés dans les exploitations à une main-d’œuvre moins chère. Le développement économique dont bénéficiaient les femmes était à l’origine de la présence de luxe dans la maison. La matrone déléguait l’éducation de ses enfants aux pédagogues et la gestion de la maison à une intendante. Elle s’occupait de sa toilette qui lui prenait beaucoup de temps et « la coiffure en elle-même est toute une cérémonie. Les servantes s’empressent autour de la maîtresse. ».154 Désormais, la femme accède aux bains, aux jeux de cirque, se passionne pour les vedettes (gladiateurs, acteurs …), autant de privilèges que la matrone n’avait pas. Les dots et les héritages qui étaient en hausse servaient des fortunes155 la dame, la matrone. Elles utilisaient leurs fortunes pour faire des affaires. C’est le cas de Térentia qui prêtait de l’argent à son mari Cicéron avec intérêt. Vers la fin de la République, la femme exerce les métiers libres : marchande, couturière, coiffeuse, négociante en laine ou en soi, nourrice, sage-femme, pédagogue… Un autre fait important à signaler est la lutte menée par les femmes pour leur libre accès au barreau pour défendre leurs propres intérêts. La plus célèbre serait Hortensia, la fille du grand orateur Hortensius, qui fut initiée à l’éloquence par son père et se distingua en plaidant devant les triumvirs la cause des femmes proscrites. Elle emporta l’adhésion des juges156. Par ailleurs, il convient de porter plus notre attention sur une femme particulière, Cornélia qui est l’incarnation du futur idéal féminin. Elle est la mère des Gracques. Fille cadette du grand Scipion, Cornélia a été mariée très jeune à Tibérius Sempronius Gracchus, plus âgé qu’elle. De ce mariage, elle avait eu douze (12) enfants. A la disparition de son époux, elle avait environ 25 ans ; elle était donc « adulescens ». Le mariage des filles impubères était une coutume dans la Rome antique.
Voici l’anecdote de Sempronius-Cornélie. Un jour, Sempronius constata la présence de deux serpents dans le domicile. Inquiet, il consulta les divinités qui lui indiquèrent que la survie du couple était inhérente à ces deux animaux. En effet, « s’il tuait celui des deux animaux qui était la femelle, Cornélia mourrait ; mais il mourrait lui-même s’il tuait le serpent mâle. »157 Sempronius décida de tuer le serpent mâle et mourut. En fait, après réflexion, il aurait jugé nécessaire de laisser son épouse, très jeune encore, continuer sa vie. Il était interdit à une veuve de se remarier. Mais, seuls trois (3) des douze (12) enfants avaient survécu à la mort de Sempronius : deux (2) frères Tibérius et Caius Gracchus et une fille Sempronia. Sempronia était mariée et Cornélia prenait avec soin l’éducation et la formation des deux garçons vers 150 av. J.-C. par le canal de grands maîtres, savants en l’occurrence le philosophe stoïcien Blossius. Cornélie plaçait son espoir sur ses enfants et s’investissait beaucoup pour leur réussite. Elle était considérée aux yeux des Romains comme une reine. Vers 143 av. J.-C., Cornélie rejeta la demande de sa main formulée par un roi grec, Ptolémée158. Elle ne voulait pas renoncer à la fidélité accordée à son défunt époux Sempronius. A sa mort, une statue lui a été consacrée et qui existait durant tout l’Empire pour conserver l’image de la meilleure matrone. Elle a mis en exergue l’esprit d’émancipation des femmes à travers son indépendance dans l’éducation de ses enfants. Ainsi, était-il impossible de contrecarrer la quête de l’indépendance des femmes.
Pendant la guerre contre Hannibal « la loi Oppia proposée en 215 par le tribun Oppius, adoptée en 214 »159 visait la limitation du luxe et du train de vie des matrones. Ces dernières très déterminées décidèrent de descendre dans l’espace public pour exiger l’abrogation de cette loi en 195 av. J.-C. Conscient de la détermination des femmes dans la lutte pour leur libération, Caton tenta de les dissuader en ces termes : « tous les peuples obéissent aux Romains et les Romains obéissent à leurs femmes »160 . Il était très difficile pour Caton de pouvoir défendre la tradition qu’il incarne. Dans leur combat, les matrones avaient des alliés comme L. Valérius qui était un tribun (avocat) du peuple. Ainsi, les matrones ont réussi à faire abroger cette loi. Elles retrouvèrent de plus en plus leur liberté.

Femme et vie politique

De la royauté à la République, la situation de la femme a connu une évolution considérable, et tout le monde s’accorde sur « l’émancipation de la femme. »161 L’un des faits qui caractérisent l’histoire de la Rome antique est la condition d’infériorité de la femme par rapport à l’homme. La femme était une seconde de l’homme. Elle avait comme devoir de répondre aux besoins et désirs de l’homme. Et le seul lieu qui lui était réservé par les Anciens était le foyer via le mariage, avec comme but la procréation.
Cependant, à partir de la République, la condition de la femme connaîtra une évolution. Mais, « dans ces conditions, jamais il ne sera question de leur donner le moindre droit politique et surtout pas au moment où, justement, par leur influence personnelle, elles (les femmes) jouent un rôle réel dans les affaires de l’Etat ».162 Si l’on croit Danielle GOUREVITCH, l’évolution des conditions de la femme n’a pas eu de résultat dans la politique en particulier dans les affaires de l’Etat. Peut être l’homme considérait la femme comme impuissante, incapable pour exceller en politique. Aussi, Caton est-il dans la même cohérence de réflexion que Danielle GOUREVITCH quand il dit : « il aimait à répéter qu’il ne s’était repenti que trois fois dans sa vie, une fois qu’il avait accompli par mer un voyage qu’il aurait pu faire par voie de terre, une autre fois qu’il était resté un jour entier sans testament valide, enfin en une circonstance où il avait confié un secret à sa femme »163.
Pour Caton, la femme est dépourvue de facultés mentales, intellectuelles pour apporter quelque chose d’intéressant dans la vie politique. Est-il facile d’accepter de facto que les femmes étaient maintenues hors de la politique et ne participaient en aucune manière dans les affaires publiques ? Essayons d’analyser la condition de la femme dans la vie politique romaine à travers certaines actions qu’elle a posées.
– Les femmes dans l’histoire de Coriolan (491 – 488 av. J.-C.)
L’histoire de Coriolan met en évidence l’action des matrones pour la paix dans la Cité. Coriolan fut chassé de Rome. Pour faire sa vengeance, il se refugia chez les Volques et tissa une alliance avec eux, puis revint avec les alliés pour attaquer Rome. Face à ce danger, les femmes (matrones) constituèrent une délégation pour rencontrer son épouse Volumia et sa mère Véturie pour leur demander d’intervenir pour déconseiller Coriolan sur sa décision de se venger. Aussi, faut-il rappeler que les prêtres et les sénateurs avaient tenté en vain de dissuader Coriolan. Mais, avec les prières des matrones par l’intermédiaire de son épouse et sa mère, Coriolan renonça à l’assaut contre sa propre patrie. Cette lourde mission confiée à sa propre famille a été d’une réussite totale. Il faut dire que Véturie a mobilisé toute sa capacité oratoire pour convaincre son fils à abandonner son projet d’assaut contre sa Cité, en ses termes : « Je veux savoir si je suis chez mon ennemi ou chez mon fils ; si dans ton camp je suis une captive. Voilà jusqu’à mon âge et ma funeste vieillesse m’ont emmenée à te voir exiler, à te voir notre ennemi. Tu as pu ravager cette terre qui t’a fait naître, qui t’a nourri ! Malgré la haine menaçante qui t’avait poussé jusque-là, en mettant le pied sur notre sol, ta colère n’est donc pas tombée ? A la vue de Rome, tu ne t’es donc pas dit : derrière ces murs, il y a ma maison et mon foyer, ma mère, ma femme et mes enfants ? Ainsi si je n’avais pas un fils, je serais morte libre dans ma patrie libre ! Mais, ailleurs rien ne peut plus m’attendre qui n’aggrave ton déshonneur plus que ma misère ! Je n’ai pas longtemps à rester. Mais songe à ceux que voici : fais un pas de plus et une mort prématurée ou un long esclavage les attend ».164 Cette histoire de Coriolan montre déjà au Vème siècle av. J.-C., que la place des femmes ne se limite pas seulement au foyer mais qu’elles peuvent intervenir efficacement dans la politique. Pouvons-nous imaginer ce qui se produirait si les matrones ne réussissaient pas leur mission ? En tout cas, elles n’ont pas été sanctionnées pour avoir abandonné leur foyer pour éviter le désastre qui frapperait la Cité. Au contraire, elles furent largement récompensées et un temple, Fortune Femina (Fortune féminine)165 fut élevé en leur honneur. Sans attendre d’être sollicitées pour intervenir, les matrones par leur propre initiative se sont immiscées dans les affaires étatiques pour sauvegarder la paix dans la Cité. Ainsi, « l’histoire de Coriolan… montre le rebelle céder aux supplications de sa femme et de sa mère »166 conduises par d’autres matrones.
– Femme et procès de Virginie (449 av. J.-C.)
Virginie serait une fille très belle. En fait, « Virginie, jeune irréprochable, était aimée par Appius Claudius, décemvir. Celui-ci ne trouvant de moyen pour la faire céder à sa passion, charge son affranchi de la revendiquer comme esclave. »167 . En fin stratège, son affranchi Marcus Claudius profite de l’absence de son père Virginius pour faire une manus injectio sur Virginie et le conduit devant le préteur, Appius Claudius, fomenteur de ce complot. Sans hésiter, en présence de beaucoup de monde, le client soutenait que Virginie est née d’une mère esclave et demande qu’elle lui soit adjugée. Elle n’avait pas reçu le soutien de son fiancé Icilius et de Numitorius son oncle qui étaient présents et savaient la vérité. Seul son père a la prérogative d’après la loi établie, pour être l’adsertor libertatis (le défenseur de la liberté).
Toutefois, le préteur décida de remettre l’affaire au lendemain. En fait, il y avait beaucoup de perturbations à l’arrivée de Virginius. En vérité, le préteur pensait que l’adsertor libertatis sera absent le lendemain pour les obligations de l’armée. Mais, il était venu et malgré tout, Appuis Claudius, sachant les qualités oratoires de Virginius, et pour ne pas trancher à sa faveur refusa de lui accorder la parole pour défendre sa fille Virginie. Par conséquent, le préteur adjuge Virginie à son client Marcus Claudius. Virginius ne trouva qu’une seule solution : poignarder sa fille pour éviter qu’elle tombe dans la situation d’esclavage dont il connaît les méfaits. Il regagne, ensuite, sa base militaire et fomenta l’armée contre les décemvirs168.
Ce qui est intéressant à retenir dans ce procès, c’est la présence des femmes , en l’occurrence « des matrones, qui, loin de rester chez elles, viennent en personne assister au procès, apportent des témoignages favorables à la mémoire de la mère de Virginie, Numitoria, pour discréditer la fable de l’affranchi et la naissance douteuse de la fille (Virginie) et forment avec les avocats, selon Tite-live169, un bloc circulaire destiné à repousser l’assaut de l’homme qui revendique la jeune fille.»170 . L’abandon de la maison et la présence des femmes au procès sont remarquables pour l’histoire politique de la femme. De plus, après le crime, les femmes s’étaient manifestées sans être inquiétées et ont participé au renversement des décemvirs par l’armée et la plèbe. En conséquence le décemvirat fut aboli.
– Femme et prise de Rome par les Gaulois.
Sous le tribunat militaire de Sergius et Verginius en 401 av. J.-C. la République romaine fut prise par les Véiens après la déroute de l’armée romaine dans le camp des Falisques et dans le camp des Capénates. Lorsque le peuple romain est informé du désastre, tout le monde était secoué. Personne ne pouvait se contenir dans sa demeure, mêmes les matrones étaient en mouvement : « On accourut aux murailles et les matrones que la crainte publique avait fait sortir de leur maison firent des supplications dans les temples et prièrent les dieux d’écarter la ruine des maisons et des temples de la ville ainsi que les remparts de Rome et de tourner contre les Véiens cette terreur si l’on avait renouvelé les cérémonies suivantes, (comme) les rites d’expiation des prodiges ».171
Cette volonté de faire recours aux supplications pour éviter que le malheur ne tombe sur le peuple romain indique que les matrones accordent beaucoup d’importance à la paix sociale. Après cet événement, le peuple en accord avec le sénat nomme dictateur Marcus Camille. Pendant son combat contre les Véiens, un prodige apparait sur le lac de Véies et prédit la victoire des Romains sur les Véiens.
Cependant, après la guerre, Rome devait donner une belle offrande dans ses temples et reprendre la pratique des cérémonies religieuses de ses pères.172 Camille demanda à ses hommes de suivre le conseil du prodige et remporta la victoire sur les Véiens après des années de combats. Il restait, maintenant en retour, l’acquittement de son vœu, la dîme promise à Apollon Pythien ; le sénat utilisa l’argent du trésor public pour acheter de l’or et respecter le vœu. Mais, il y avait une insuffisance de l’or et les femmes décidèrent à l’unanimité de donner leur or pour préserver la paix à Rome. En effet, « les matrones ayant tenu des réunions pour Rome sur cette affaire promirent par une décision commune leur or aux tribuns militaires et apportèrent tous leurs bijoux au trésor ».173 Il semble que les femmes avaient une liberté de détenir autant de bijoux qui n’étaient pas des res mancipii. Ce privilège des femmes octroyé à l’autorité avait permis de sauvegarder la paix de la cité. Cette intervention n’était pas sans récompense. En effet, « ceci fut plus agréable au sénat que tout ce qui n’avait jamais eu lieu et comme une récompense de leur munificence, on accorda aux matrones l’honneur du pilentum pour les sacrifices et les jeux, des carpenta pour les jours ordinaires ».174 Cependant, la loi Oppia a soutiré aux femmes leurs privilèges. Elle a limité leur luxe à partir de 214, après son vote.
Un autre acte des matrones s’était produit lors de la pénétration gauloise en 390 av. J.-C. En effet, lors du siège du Capitole, les machines de guerre des Romains avaient un problème de câbles et les matrones étaient intervenues pour résoudre le problème des machines : « les Romaines coupèrent leurs cheveux et les offrirent à leurs époux qui grâce à ce secours, repoussèrent l’assaut des ennemis.»…175 Là encore, les femmes ont reçu une récompense. Les époux étaient impressionnés par l’action des épouses qui apportèrent à chaque fois que le besoin se faisait sentir leur richesse pour la sauver la cité. Une autre intervention collective des matrones a été faite pour aider la Rome à payer une rançon exigée par les Gaulois. Le trésor ne pouvait pas prendre en charge la paie de cette rançon, car il était vide et « les matrones offrirent tout ce qui leur restait d’or pour que les trésors des temples puissent être épargnés.»176 Et encore une fois, les matrones ont soulagé le peuple romain avec leur richesse (or). En guise de récompense cette fois ci, on leur accorde le privilège d’avoir – comme les hommes – l’objet de louanges funèbres ».177 Il est donc clair que les femmes ont intervenu plusieurs fois pour sauver la Cité sur le plan politique.
– Femmes et conjuration de Catilina en 63 av. J.-C.
Les femmes ont eu à peser d’importants actes dans la conjuration de Catilina. En 63 av. J.-C., il y avait une crise économique à Rome due aux troubles économiques survenus en Orient. Elle avait frappé les jeunes qui avaient épargné de l’argent en Orient qui ne pouvaient plus le récupérer. Ainsi, ils décidèrent sous la direction de Catilina de fomenter un complot contre le consul Cicéron. Ce dernier considéra Catilina comme un ennemi public (hostis publicus). Par ailleurs on avait refusé à Catilina la magistrature consulaire en 64 av. J.-C. L’action des femmes dans cette conjuration a été déterminante. Mais elles avaient des positions différentes sur la conjuration. En effet, certaines matrones étaient contre la conjuration tandis que d’autres la cautionnaient. Parmi celles qui répugnaient la conjuration, il y avait Térentia qui avait joué un rôle fondamental dans cette affaire. Elle était une épouse très riche et pratiquante de la religion qui aurait même un pouvoir surnaturel qui lui permettait même d’influencer son mari Cicéron. Elle fournissait d’importants renseignements sur la conjuration à Cicéron. A vrai dire, elle avait de l’ « aversion pour Catilina qui avait mis en danger sa (demi) sœur, la vestale Fabia »178 suite à son accusation d’inceste. Elle voulait donc se venger contre Catilina. Et Pierre GRIMAL précise que c’est « Térentia, la femme de Cicéron, qui détermina son mari à exécuter les complices de Catilina.»179

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CONDITION DE LA FEMME SOUS LA REPUBLIQUE (509-27 av. J.-C.)15
CHAPITRE I : LES FEMMES DANS LA SOCIETE ROMAINE
I. LES TYPES DE FEMMES
II. LA FEMME ET LA LEGENDE DES SABINES AU MARIAGE
III. LE STATUT JURIDIQUE DES FEMMES
IV.LES FEMMES DANS LA FAMILLE
– La confarreatio, mariage cum manu
– Le mariage sine manu
– L’usus
– Le mariage des filles impubères
– La matrone
– Mère – Epouse
– Femme, gardienne du foyer
– Mère – Nourrice
V. La femme dans la cité
– Le rôle de l’épouse à l’absence du mari
– Les vestales
– Femme et culte des Bacchanales
– Femme et culte de Cérès
– Femme et culte d’Isis.
Chapitre II : LA REPUBLIQUE A L’AGE D’OR
I. L’évolution sociale et culturelle des femmes au IIe siècle av. J.-C.
II. Femme et vie politique
– Les femmes dans l’histoire de Coriolan (491 – 488 av. J.-C.)
– Femme et procès de Virginie (449 av. J.-C.)
– Femme et prise de Rome par les Gaulois.
– Femmes et conjuration de Catilina en 63 av. J.-C
– Femme et loi Oppia
III. Femme et vie économique
– Les biens de l’épouse
IV. METIERS DE LA FEMME DU COMMUN
V. CLODIA : UNE DES FIGURES EMBLEMATIQUES DE LA REPUBLIQUE
DEUXIEME PARTIIE : CONDITION DE LA FEMME ROMAINE SOUS LE HAUT-EMPIRE (27 av.-192 apr. J.-C.)
CHAPITRE I : SITUATION DES FEMMES DANS LA SOCIETE SOUS LE HAUT-EMPIRE
I. L’EVOLUTION DU STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME
II. FEMME ET TUTELLE
III. FEMME ET EVOLUTION DU MARIAGE
IV. FEMME ET EVOLUTION DE LA FAMILLE
V. LA SITUATION DE LA FEMME DANS LA MAISON IMPERIALE
CHAPITRE II : LA SITUATION POLITIQUE, ECONOMIQUE, CULTURELLE ET RELIGIEUSE SOUS LE HAUT-EMPIRE
I. FEMME ET POLITIQUE
– Femme et intrigues politiques
– Femme et réformes politiques
II. FEMME ET ECONOMIE
III. SITUATION CULTURELLE ET RELIGIEUSE DES FEMMES
– Femme et éducation
– Femme et activités intellectuelles
– Femme et religion
IV. FEMME ET SANTE
V. DEUX FIGURES MARQUANTES SOUS LE HAUT-EMPIRE : MESSALINE ET AGRIPPINE (41-54)
– Messaline
– Agrippine
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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