La théorie de la ségrégation socio-culturelle (Anker)
Elle se concentre sur les facteurs externes au marché du travail pour expliquer les phénomènes de ségrégation et de discrimination (surtout à l’embauche). Elle fait en effet, apparaître l’étroite connexion qui existe entre les caractéristiques des professions « féminines » et les stéréotypes habituels sur les qualités des femmes (souci d’autrui, habileté manuelle, charme, manque de force physique…) Parmi toutes les théories précitées, nous entendons nous inscrire dans celles ayant désignés les institutions et les processus socioculturels comme responsable des phénomènes de discrimination de sexe observés en entreprise. La théorie néoclassique du capital humain et son corollaire celle de la segmentation du marché du travail soutiennent que si les femmes sont victimes de discriminations, cela est du :
-A une productivité plus faible (une formation moins élevée réduisant la valeur du capital humain et donc de la productivité).
-Aux préférences professionnelles des femmes qui recherchent des emplois leur laissant assez de temps pour jouer leur rôle d’épouse et de mère.
-Au coût du personnel féminin (les absences, les réglementation contribuant à alourdir le coût du travail féminin).
-La propension à la discrimination des employeurs qui ont des préjugés à l’égard de personnes dont l’embauche impliquerait un coût.
Nous n’adhérons pas à ces théories car lorsqu’on y regarde de près, la notion du coût du personnel féminin et la tendance à la discrimination observée chez les employeurs montrent que l’analyse économique et les politiques économiques sont le fruit du sexisme. Comme le montre les théories institutionnalistes et socioculturelle, contrairement aux principes fonctionnalistes individuels (néoclassique) ce n’est pas le manque de valorisation du capital humain qui est à l’origine des inégalités en entreprise. Les coupables sont les processus culturels légitimés par les institutions. Pour expliquer la « moindre productivité » et les « préférences » professionnelles relevées par les néoclassiques chez les femmes, nous utiliserons:
Rapports sociaux ou relations interpersonnels
La culture d’entreprise est la manière spécifique utilisée par une entreprise pour répondre à ses problèmes. Pour être compétitif sur le marché et éviter la concurrence, les chefs d’entreprise ont mis sur pied ce qu’on appelle généralement un » esprit maison « . Ce terme caractérise la spécificité, l’originalité d’une entreprise par rapport à une autre. C’est donc ce qui distingue une entreprise donnée de celles qui l’entourent. Le concept de culture d’entreprise bien que se reflétant à l’extérieur est d’abord intérieur à l’entreprise. En effet toute entreprise quelque soit sa taille, forme un sous groupe social composé d’individus appartenant à une ou plusieurs cultures nationales, régionales, professionnelles. Pour assurer la cohérence et la stabilité de cette mosaïque, la création d’une identité collective qui deviendra le point de repère de tous ses membres est nécessaire. La culture d’une entreprise est ce qui fait son essence même. Pour trouver l’âme du CMS, il nous a fallu chercher partout où cela était possible c’est à dire dans le règlement intérieur, la philosophie orientant la politique de l’entreprise, les normes partagées, les valeurs dominantes, les comportements … Pour ce faire, nous avons eu à demander aux agents quels étaient selon eux, les cinq mots qui décrivaient ou définissaient le mieux le CMS. Dix mots sont ressortis mais l’accent a surtout été mis sur les mots
-Famille: les agents se sentent en famille au CMS, les relations sont bonnes, cordiales (aussi bien entre collègues qu’entre supérieurs et agents). Le pouvoir exercé par les dirigeants n’est pas écrasant bien que ce soit des relations de face à face. Autrement dit, même si comme dans toute entreprise, des conflits apparaissent, globalement le climat est plutôt sain, la contrainte et la coercition presque inexistantes.
-Services: le CMS est une institution qui offre des services financiers à ses sociétaires.
-Mutualisme: étant à la base même de la philosophie de l’institution.
-Sécurité: par sa prestation elle permet aux sociétaires de conserver leurs avoirs à l’abri de voleurs, d’usuriers… Le professionnalisme, la discipline, le dynamisme et la discrétion sont les comportements les plus appréciés au CMS. Il est ainsi demandé aux anciens et aux nouveaux.
-Professionnalisme: la compétence et le sérieux sont exigés de tout agent.
-Discipline: le respect des procédures est de rigueur.
-Dynamisme: amour du travail bien fait et dévouement
-Discrétion: nécessaire dans toutes les institutions financières.
Dans l’étude de la façon dont les agents communiquent entre eux, nous nous sommes rendu compte de l’inexistence de jargon. Seul les termes techniques sont utilisés. Pour ce qui est des rituels, nous avons eu à remarquer la ronde journalière faite par les directeurs centraux dans les bureaux pour le bonjour matinal. Cela leur permet d’être à l’écoute, d’installer un bon climat mais aussi d’exercer une surveillance discrète. De même la cérémonie ‘du thé’ s’effectuant chaque après midi consiste en un moment de détente. C’est un aspect plutôt culturel qui a été intégré puisque au Sénégal la séance de thé est très importante et se fait dans toutes les familles.
o Motivation des travailleurs : Le rendement d’une personne dans son milieu de travail est fonction de sa compétence et de sa motivation. Autrement dit, aucune tâche ne peut être accomplie avec succès si la personne chargée ne possède pas la compétence requise et n’est pas motivée en plus. De nombreuses méthodes ont été théorisées par les spécialistes. Il s’agit des systèmes de motivation par le gain (plus généralement utilisés), des systèmes de surveillance, des programmes de participation… Au CMS, ce sont essentiellement des primes qui sont utilisées pour motiver les travailleurs. Il a été introduit récemment une cérémonie de remise de diplôme aux agents les plus méritants. Comme le montre le tableau suivant, la grande majorité des agents ne connaissent que le système des primes.
Champs social
« On ne naît pas femme, on le devient » disait Simone de BEAUVOIR13 qui en se positionnant dans une perspective existentialiste montra qu’il n’y a pas une nature des femmes et que la féminité était un produit social. S’il y a une tendance à reléguer les femmes au second rang dans tous les domaines, c’est le fait de la culture, le résultat d’une évolution historique et non le fait de la nature. Renchérissant sur cette affirmation, Paul Desalmant14 déclara que la culture a un impact sur la fabrication de la femme. Pour lui, rien ni dans le passé, ni dans le biologique ne justifie la ségrégation dont les femmes font l’objet. Seules les mentalités et les institutions (Famille, Religion, Etat) sont à incriminer.
-La Famille: monogamique ou polygamique élargie, elle est sans contexte la base de la société sénégalaise. Elle est une unité de production, d’habitation et de consommation dont le centre de décision est l’homme adulte qui est le chef de famille. Un ensemble de valeurs socioculturelles (où coexistent tradition et modernité souvent dans une dynamique conflictuelle), conditionne la place occupée par la femme en son sein et dans la société toute entière. Dès l’enfance la petite fille est différemment traitée du petit garçon. On lui apprend à ne pas se faire valoir ; à ne pas placer en avant ses propres idées mais plutôt à rester en arrière plan et à harmoniser, concilier le point de vue des autres ( ce qui ne la prépare pas à accéder à des postes clés). Il est à noter que même les jeux sont différents. Les filles s’adonnent généralement à des jeux d’imitation et de représentation du monde qui les préparent à jouer leurs rôles futures (poupée, dînettes, salon de coiffures…) Elles sont donc éduquées presque exclusivement à être épouses et mères de famille. La fonction de reproduction est ainsi valorisée au détriment de la fonction de production (socialement très peu reconnue). Autrement dit, les activités associées à la reproduction biologique et sociale de la lignée, activités maternelles notamment apparemment reconnues et parfois rituellement célébrées, ne le sont que tant qu’elles restent subordonnées aux activités de production, recevant seules une véritable sanction économique et sociale et monopolisées par les hommes. Au Sénégal, la femme est considérée toute sa vie comme une « mineure » même si son statut varie sensiblement en fonction de son âge. Elle ne peut prétendre à la responsabilisation et au respect que dans le cadre du mariage. Elle ne jouit d’une certaine considération sociale et n’acquiert une certaine autorité que ménopausée et aïeule. Ce statut social encore fortement en vigueur en milieu rural, est aujourd’hui ébranlé en milieu urbain surtout au niveau des femmes instruites. Malgré tout, l’essentiel des activités de la majorité des femmes sénégalaises 80% reste située dans l’espace domestique.
-La Religion: Elle a une place déterminante dans la vie sociale car elle influence largement les comportements sociaux, donne le pouvoir à certaines catégories d’individus et établit la supériorité de l’homme sur la femme. Au Sénégal l’Islam est la religion la plus représentée. L’éducation est baignée de morale religieuse et caractérisée par une domination collective sur l’individu. Mais que l’on soit musulman ou chrétien, le dogme de l’infériorité de la femmes est une constante comme le montre le verset 34 de la sourate An-Nissan tiré du Coran: »Les hommes ont autorité sur les femmes en raison des (qualités) par lesquelles DIEU vous a élevés les uns au-dessus des autres et en raison des dépenses qu’ils prélèvent sur leurs biens (au profit de leurs femmes)… Exhortez celles dont vous redoutez l’insubordination. Reléguez les dans des lits à part et sévissez contre elles. Si elles vous obéissent ne leur cherché plus querelle. En vérité DIEU est très haut et très grands. » Le livre biblique de Paul aux éphésiens chapitre 5 verset 22 à 23 qui dit: « femmes soyez soumises à vos maris comme vous l’êtes au Seigneur. Car le mari est le chef de sa femme comme Christ est le chef de l’Eglise ».
-l’Etat: Il est venu consolider l’assujettissement des femmes en ratifiant et en redoublant les prescriptions du patriarcat privé par celle d’un patriarcat public. L’Etat et le travail salarié qui sont en effet les structures majeures du patriarcat public, impliquent une appropriation collective des femmes par leur ségrégation et leur subordination dans la sphère publique. Heureusement depuis la déclaration des droits de la femme par l’ONU en 1967, l’amélioration de son statut et de ses conditions de vie quotidienne est devenue une des priorités de la communauté internationale.
Domaine économique
Le Crédit Mutuel du Sénégal est comme son nom l’indique une institution mutualiste. En tant que tel, il est une organisation non lucrative fondée sur des valeurs telles que le partage, la solidarité, l’entraide. Il est donc loin des organisations de type économique caractérisées par une logique de coût et d’efficacité et ne devrait donc pas adhérer à la théorie néoclassique du capital humain, qui affirme que employeurs comme employés sont des individus rationnels poursuivant des buts différents. Toujours selon les néoclassiques, les travailleurs recherchent des emplois bien rémunérés en fonction de leur force de travail, des obligations, des préférences qui sont les leurs tandis que les employeurs ne s’intéressent quant à eux qu’à l’accroissement de leur profit. On retrouve malgré tout au sein du CMS, la notion de réduction de coûts. Comme l’ont en effet soulevé les directeurs du CMS, le personnel féminin a un coût plus élevé que le personnel masculin. Si le recrutement des femmes constitue un surcoût pour les employeurs c’est parce qu’elles sont plus souvent absentes, plus souvent en retard bref moins constantes et moins stables que les hommes. Mais l’élément le plus souvent avancé par les employeurs du CMS, est celui des congés de maternité. Bien que l’Etat sénégalais n’ait pas ratifié la convention N 103 révisé en 1952, le législateur s’est tout de même penché sur la protection de la maternité en tenant compte des dispositions du code du travail, de la sécurité sociale et de l’arrêté général de l’AOF. Dans son article 57 (N 77-17 du 22 février 1977) le code du travail considère le congé de maternité comme une suspension du contrat de travail. Dans l’article 138 dudit code il est spécifié que: « A l’occasion de son accouchement toute femme a le droit de suspendre son travail pendant quatorze semaines consécutives dont huit semaines postérieures à la délivrance. » « Pendant cette période, il est interdit à l’employeur de faire travailler l’intéressée pendant quatre semaines avant la date présumée de l’accouchement et six semaines postérieures à la délivrance. » Ce congé de maternité peut être prolongé en cas de maladies résultant de la grossesse ou des couches (article 138 alinéas 3). L’alinéa 5 de ce même article stipule que le congé de maternité peut être précédé d’une période de repos non indemnisable dont la durée est fixée par le certificat médical constatant la nécessité absolue d’un repos. D’autre part pendant une période de 15 mois à compté de la naissance de l’enfant, un droit de repos pour allaitement dont la durée totale doit être inférieure à une heure de travail journalier est prévu par l’article139. Malheureusement le congé de maternité qui est un droit inaliénable, a des effets pernicieux non seulement sur le recrutement mais également sur la carrière des femmes. Les dirigeants du CMS pensent à deux fois avant de recruter des femmes car une fois celle ci enceinte, il leur faut trouver un remplaçant qu’il faudra former ce qui équivaut à un surcoût. Cette situation apparaît encore plus dans les pays où se sont les employeurs qui supportent le coût des congés de maternité. Conscient que la perpétuation des générations est indispensable et par ce fait intéresse la société toute entière, les conventions internationales ont demandé aux Etats d’en assumer la charge. C’est ainsi qu’au Sénégal, l’article 138 alinéas 6 stipule que pendant la période de suspension du contrat de travail, la femme enceinte doit bénéficier d’un régime spécial d’assistance en vue d’assurer à la fois sa substance et les soins nécessités par son état dans les conditions prévues par la législation de la sécurité sociale. C’est ainsi que des prestations en espèce sont fournies par la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
Chapitre I: CADRE GENERAL
Section I: Problématique
Section II: Les objectifs
Section III: Hypothèse
Section IV: Synthèse documentaire
Section V: Cadre de référence
Section VI: Définitions conceptuelles
Chapitre II: METHODOLOGIE
Section I: Choix Méthodologique
Section II: Techniques de collecte d’informations
Section III: L’enquête sur le terrain
Section IV: Les problèmes rencontrés
DEUXIEME PARTIE
Chapitre III: Connaissance du Crédit Mutuel Du Sénégal
Section I: Le Crédit Mutuel du Sénégal (Le CMS)
Section II: Organisation
Section III: Les services
Section IV: Les moyens logistiques et réalisation
Chapitre IV: Culture d’entreprise
Section I: Rapports sociaux ou relations interpersonnels
Section II: Le recrutement
Section III: La promotion
Section IV: L’amicale des salariés du CMS ( AS/CMS)
Section V: La structure sanitaire
TROISIEME PARTIE
Chapitre V: Ségrégation sexuée du travail
Section I: Les femmes au Crédit Mutuel du Sénégal
Section II: Les discriminations
Chapitre VI: Les facteurs explicatifs
Section I: champs social
Section II: Champ de l’éducation scolaire
Section III: Domaine économique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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