La simulation d’opérations chirurgicales des tissus mous

Une première approche dans le domaine : les simulateurs dits « passifs »

   Les premiers simulateurs d’opérations chirurgicales se sont intéressés aux chirurgies de type laparoscopie. Leur approche était purement géométrique, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de calcul mécanique. L’aspect traité est donc uniquement visuel. Ils ont pour but de permettre au praticien de naviguer dans un environnement 3D proche de celui rencontré lors d’opération peu invasive. L’intérêt réside dans la familiarisation du maniement des instruments chirurgicaux, notamment la caméra endoscopique. Cela permet d’acquérir rapidement des gestes plus adaptés. Haluck et al. [HAL 01] a mis en place un tel simulateur. Son but n’est pas de modéliser une opération chirurgicale, mais de créer un environnement 3D dans lequel les praticiens apprennent à manipuler l’endoscope. En effet, les éléments modélisés sont des géométries simples en 3D et non des organes. Ce simulateur a été testé par des chirurgiens novices et experts. Plusieurs exercices ont été mis au point, ils ont mis en évidence le fait que les erreurs commises diminuaient avec l’expérience, d’où l’utilité de tels simulateurs.Cependant, cette approche n’est qu’une première étape de la    modélisation d’opérations de type laparoscopie. Des modèles plus sophistiqués ont été développés afin de prendre en compte la déformation des organes sous la sollicitation d’instruments chirurgicaux.

Bilan sur la méthode « masse-ressort »

   La méthode masse-ressort est une méthode très intéressante puisqu’elle permet d’avoir des résultats en temps réel visuellement corrects. De plus, couplée à un système de retour de force, elle devient un outil puissant dans l’apprentissage de gestes opératoires. Toutefois les résultats obtenus en terme de comportement mécanique sont peu réalistes. Le modèle, constitué de masses, ressorts et amortisseurs n’est pas physique. L’identification des paramètres est donc délicate puisqu’il ne s’agit pas des paramètres rhéologiques de l’organe étudié. De plus, le temps réel nécessaire au couplage avec un système haptique limite par ailleurs la taille du maillage (le nombre d’éléments …). Le temps réel a donc un prix, celui de la précision. Face à ces limitations, d’autres méthodes ont été développées. C’est le cas notamment de la méthode des éléments frontières.

Bilan sur la méthode des éléments frontières

  Bien que peu utilisée dans la simulation d’opération chirurgicale, la méthode des éléments frontières présente de nombreux avantages, comme :
ƒ La discrétisation de l’objet en surface et non en 3D. Le calcul se fait uniquement à la frontière, ce qui est intéressant lorsque l’on ne s’intéresse qu’aux bords du domaine. Néanmoins, les solutions peuvent aussi être déterminées à l’intérieur.
ƒ La résolution à partir de principes mécaniques continus, ce qui induit une meilleure précision des résultats.
ƒ L’alliance entre précision et rapidité de calcul, qui sont les deux conditions nécessaires de simulations d’opérations chirurgicales en « temps réel ».
Cependant, plusieurs inconvénients restent un frein à son développement :
ƒ Cette méthode n’est pas applicable telle quelle au cas non linéaire.
ƒ Elle n’est pas adaptée à tous types de cas (dépend de la formulation).
ƒ Elle est limitée aux matériaux homogènes.
ƒ La résolution en « temps réel » n’est pas triviale car les matrices du système sont pleines et non symétriques.

Identification des paramètres rhéologiques des tissus mous

   Pour modéliser précisément le comportement de l’organe étudié, il est avant tout nécessaire que les paramètres rhéologiques le caractérisant soient corrects. Pour cela, des identifications à partir d’essais expérimentaux sont nécessaires afin de remonter aux propriétés intrinsèques du matériau. Plusieurs essais ont été développés, on peut les classer en deux grandes catégories, les essais in-vivo et ex-vivo :
¾ Les premières mesures ont été réalisées ex-vivo, comme par exemple [DUC 90]. Cette méthode pose moins de problèmes éthiques que la méthode in-vivo, elle est donc plus accessible. De plus, elle est plus précise de part des conditions aux limites mieux maîtrisées (l’organe peut être isolé et immobile). Mais il n’est alors plus dans son état naturel. Brouwer et al. [BROU 01] ont procédé à des essais de traction, et pour les tissus plus fragiles, à des essais d’indentation in-vivo (par laparoscopie) et post-mortem. Des données ont pu être recueillies et stockées grâce aux capteurs de force montés sur les instruments. Ils en concluent que les résultats sont différents selon l’état de l’organe (in ou ex-vivo). En effet, les conditions aux limites sont différentes (interaction avec l’environnement) et l’irrigation du sang est également susceptible de jouer un rôle.
¾ Devant ce constat de variation des résultats selon l’état de l’organe, différentes équipes ont travaillé sur la mesure des paramètres des tissus mous in-vivo. La difficulté des essais in-vivo est bien sûr le développement d’outils spécifiques à de telles mesures. Les expérimentateurs sont aussi confrontés à des problèmes éthiques. Néanmoins, plusieurs équipes ont développé un protocole expérimental. Kruse et al. [KRU 00] ont développé un protocole basé sur l’identification par résonance magnétique. Cette méthode est très intéressante puisqu’elle permet des mesures sans contact. De plus, il est possible de mettre en évidence le caractère visqueux des matériaux en faisant varier la fréquence des ondes. Cependant, de part sa nature, elle est limitée aux petites déformations. On peut noter aussi le travail de Kauer et al. [KAU 02] qui a mis au point un test d’aspiration. La méthode consiste à faire varier la pression en fonction du temps et à mesurer le profil de déformation correspondant. Le profil de déformation est observé via un miroir et mesuré à l’aide d’une caméra (Figure 8). Cette méthode a l’avantage d’être précise et rapide.

Linéarité : principe de superposition

   Dans le cas d’un comportement supposé linéaire, afin d’accélérer le temps de calcul, Cotin et al. [COT 99] utilisent le principe de superposition qui consiste à dire que les efforts sont indépendants à chaque nœud d’un maillage éléments finis donné. Cette méthode permet d’utiliser les données d’un pré-calcul. Le temps de calcul du prétraitement peut-être long, il varie de quelques minutes à plusieurs heures selon la taille du problème. Mais il est effectué une seule fois pour un organe donné. Cela permet lors d’une simulation, d’atteindre le « temps réel ». Cependant cette méthode ne permet pas de changement de topologie, comme les découpes par exemple, car cela engendrerait une modification du système à résoudre et annulerait par conséquent tous les efforts de pré-calcul.

Validation sur le test de cisaillement

   Nous avons vu que le modèle viscoélastique permettait de réduire les instabilités numériques dans le cas d’une compression de cube. Pour valider notre modèle, nous allons le tester sur un autre type de sollicitation : le test de cisaillement. Pour cela, nous allons procéder de la manière suivante : Un cube de 5 mm de côté est pris en étau entre deux outils présentant une légère marche. Cette marche va permettre d’imposer un cisaillement du cube. L’outil du bas reste immobile, celui du haut a une vitesse imposée suivant x de 0,5mm/s. De plus, on ajoute une vitesse selon y de -0.01mm/s afin d’éviter que les coins du cube ne se décollent trop de l’outil inférieur, mais cette vitesse reste faible pour que les phénomènes de cisaillement soient prédominants. Le contact entre la pièce et les outils est glissant.

Formulation du critère de stabilité

   On se propose de définir un critère de stabilisation automatique. Celui-ci devra être basé sur une grandeur physique. Comme nous l’avons mis en évidence précédemment, plus les déformations (ou contraintes) sont importantes, plus la convergence est difficile. On propose de baser notre critère sur les contraintes. Le critère sera décomposé en deux parties :
ƒ La première partie est adaptée aux petites déformations. Il faut que le critère ait une valeur seuil qui dépend des paramètres rhéologiques du matériau.
ƒ La deuxième partie est concerne les grandes déformations. Plus le niveau de contrainte est élevé, plus la valeur du critère doit être grande pour permettre une stabilisation des calculs

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Table des matières

Introduction générale
Références
Chapitre 1 Etat de l’art : Méthodes numériques appliquées à la simulation d’opérations chirurgicales des tissus mous
1.1 Une première approche dans le domaine : les simulateurs dits « passifs »
1.2 Le modèle « masse-ressort »
1.2.1 Description du modèle « masse-ressort »
1.2.2 Identification des paramètres rhéologiques
1.2.3 Méthodes numériques appliquées aux « masse-ressort »
1.2.3.1 Adaptation de maillage
1.2.3.2 Modélisation de la peau d’un organe
1.2.4 Applications
1.2.5 Bilan sur la méthode « masse-ressort »
1.3 Les éléments frontières (BEM)
1.3.1 Description des éléments frontières
1.3.1.1 La méthode des éléments frontières
1.3.1.2 Interaction entre organes et outils chirurgicaux
1.3.2 Applications
1.3.3 Bilan sur la méthode des éléments frontières
1.4 Le modèle « éléments finis » (FEM)
1.4.1 Identification des paramètres rhéologiques des tissus mous
1.4.2 Méthodes d’accélération du temps de calcul
1.4.2.1 Linéarité : principe de superposition
1.4.2.2 Méthode « Masse-Tenseur »
1.4.2.3 Méthode « hybride »
1.4.2.4 Condensation en surface
1.4.2.5 Parallélisation
1.4.2.6 Adaptation de maillage
1.4.3 Première approche d’un comportement non linéaire
1.4.4 Applications
1.4.5 Bilan sur la méthode des éléments finis
1.5 Conclusion
1.6 Références
Chapitre 2 Etude de faisabilité : description des tissus mous à l’aide d’une loi hypoélastique. Application au comportement d’un rein d’agneau
2.1 Formulation du problème
2.1.1 Le problème mécanique
2.1.1.1 Rappel des tenseurs cinématiques
2.1.1.2 Les équations du problème continu
2.1.1.3 Rappel de la loi de Hooke
2.1.1.4 Formulations faibles
2.1.2 Discrétisation éléments finis
2.1.2.1 Discrétisation temporelle
2.1.2.2 Discrétisation spatiale
2.1.3 Remaillage et transport
2.1.3.1 Transport d’une variable P1
2.1.3.2 Transport d’une variable P0
2.1.4 Résolution incrémentale du système
2.1.5 Récapitulatif : le système à résoudre
2.1.6 Validation à l’aide d’un test de compression de cube
2.1.6.1 Description du test de validation
2.1.6.2 Résultats analytiques
2.1.6.3 Comparaison résultats numérique-analytique
2.1.6.4 Comparaison entre la loi de Hooke et la loi hypoélastique
2.2 Identification des paramètres rhéologiques par essai d’indentation
2.2.1 Essais expérimentaux
2.2.2 Identification des paramètres
2.3 Application à la laparoscopie
2.4 Conclusion
2.5 Références
Chapitre 3 Elasticité non linéaire : l’hyperélasticité
3.1 Rappel des tenseurs cinématiques
3.2 Description de la loi de comportement
3.2.1 Milieux isotropes
3.2.2 Incompressibilité
3.2.3 Différents modèles d’hyperélasticité
3.3 Le problème mécanique éléments-finis
3.3.1 Formulation mixte du problème
3.3.1.1 Incompressibilité
3.3.1.2 Résolution incrémentale du problème mixte
3.3.1.3 Non symétrie du problème
3.3.2 Validation du modèle
3.3.2.1 Résultat analytique
3.3.2.2 Comparaison analytique-numérique
3.3.2.3 Comparaison élasticité linéaire – hyperélasticité
3.3.2.4 Remaillage
3.4 Application à l’identification de paramètres rhéologiques
3.4.1 Mesure de l’erreur par la méthode des moindres-carrés
3.4.2 Identification des paramètres rhéologiques d’un rein
3.4.3 Identification des paramètres d’un utérus humain juste « ex-vivo »
3.4.3.1 Matériel : l’indenteur portatif
3.4.3.2 Identification des paramètres d’un utérus
3.5 Conclusion 
3.6 Références
Chapitre 4 Vers un comportement visco-élastique
4.1 Les limites de l’hyperélasticité
4.1.1 Le test de validation
4.1.1.1 Test de traction
4.1.1.2 Test de compression
4.1.2 Influence de différents paramètres
4.1.2.1 Influence de la taille de maille
4.1.2.2 Influence du pas de temps
4.1.2.3 Influence de l’inertie
4.1.2.4 Conclusion sur les différents tests d’influence
4.1.3 Analyse numérique du problème
4.2 Le modèle visco-élastique
4.2.1 Différents modèles de viscoélasticité
4.2.2 Formulation viscoélastique
4.2.3 Validation sur le test de compression de cube
4.2.4 Validation sur le test de cisaillement
4.3 Le modèle visco-hyperélastique
4.3.1 Compression de cube
4.3.2 Application à l’indentation d’un rein
4.3.2.1 Modèle néo-Hookéen : comparaison hyperélasticité et visco-hyperélasticité
4.3.2.2 Apport de la viscosité à des lois très non linéaires telles la loi exponentielle
4.4 Etude du paramètre de stabilisation
4.4.1 Formulation du critère de stabilité
4.4.1.1 Détermination du seuil
4.4.1.2 Définition du paramètre de stabilisation
4.4.1.3 Détermination numérique du paramètre de stabilisation
4.4.1.4 Influence du maillage
4.4.1.5 Influence du pas de temps
4.4.2 Application à l’indentation du rein
4.4.3 Etude paramétrique du modèle
4.4.3.1 Influence des paramètres rhéologiques
4.4.3.2 Etude sur la loi de comportement
4.5 Conclusion
4.6 Références
Chapitre 5 Modélisation de la découpe & applications
5.1 La méthode numérique de découpe
5.1.1 Principe de la méthode « kill element »
5.1.2 Application sur un cas simple
5.2 Opération de section d’une trompe de Fallope
5.2.1 Pincement de la trompe à l’aide d’une pince chirurgicale
5.2.2 Découpe de la trompe
5.3 Etude du comportement de la trompe de Fallope
5.3.1 Protocole expérimental
5.3.2 Identification du comportement
5.3.3 Découpe de la trompe avec une loi de comportement adaptée
5.3.4 Simulation de la découpe avec une loi de comportement très non-linéaire
5.4 Conclusion
5.5 Références
Conclusion générale & Perspectives.

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