La sexualité, encore et toujours un tabou
Malgré sa place considérable dans les relations humaines et son caractère positif en santé, la sexualité reste en effet un sujet complexe et encore méconnu (Weigand, 2013, p.34). Même si 86% des français jugent la vie sexuelle comme indispensable à la réussite de leur vie de couple (BVA, 2000, p.12), parler de sexualité reste difficile aussi bien dans les couples, qu’entre amis ou même avec les soignants. Comme l’explique Weigand (2013), la sexualité évoque encore beaucoup de mystères ou fausses croyances et est de plus en plus marquée par l’importance d’un certain devoir de performance soignantes (Giami, 2007, p.57). Les gynécologues, les obstétriciens et les sages-femmes3 sont les soignants de la sphère privée et intime des couples. Ils peuvent les guider, les conseiller et les aider, leur permettant ainsi de mieux vivre cette étape de vie. Promouvoir la santé est un des rôles propres des sages-femmes (Van der Schueren, 2004, p.28). Elles agissent en prévention et en promotion de la santé des femmes, des couples et des familles. Selon Gerhard (2009), «L’implication des sages-femmes auprès des couples de jeunes parents s’avère bénéfique en matière de sexualité» (p.32).
Elle soulève l’importance d’inviter les couples à parler de leur intimité sexuelle. Cette discussion est essentielle pour les accompagner au mieux dans cette nouvelle étape de vie. Échanger à propos de leur sexualité permet aux couples de comprendre ses fluctuations et de réaliser que leur cas n’est pas isolé.
En effet, la diminution du désir sexuel, fréquente en période périnatale, est un sujet difficile à aborder autant pour les hommes que pour les femmes. Cette diminution peut être traduite à tort comme un manque d’amour (Gerhard, 2009, p.32). Un temps de parole réservé à la sexualité permet alors de rassurer et d’informer les couples et parfois même de dépister certains troubles sexuels pour ensuite pouvoir orienter les couples vers une prise en soin spécialisée (Van der Schueren, 2004, p.28). On comprend alors toute l’implication que peuvent avoir les sages-femmes dans la promotion de la santé sexuelle.
La sexualité, encore et toujours un tabou Malgré sa place considérable dans les relations humaines et son caractère positif en santé, la sexualité reste en effet un sujet complexe et encore méconnu (Weigand, 2013, p.34). Même si 86% des français jugent la vie sexuelle comme indispensable à la réussite de leur vie de couple (BVA, 2000, p.12), parler de sexualité reste difficile aussi bien dans les couples, qu’entre amis ou même avec les soignants. Comme l’explique Weigand (2013), la sexualité évoque encore beaucoup de mystères ou fausses croyances et est de plus en plus marquée par l’importance d’un certain devoir de performance (p.34). «L’individualisme exacerbé a fait de l’épanouissement personnel une sorte d’obligation. On doit s’épanouir dans la maternité.
On veut être heureux dans son couple. On doit avoir une sexualité réussie, et avoir des rapports si l’on est handicapé, si l’on est vieux» (Sandoz, cité par Davaris, 2015). Ce souci constant de performance sexuelle accentue la gêne et peut laisser place à la honte ou à la culpabilité. Le tabou est aussi entretenu par le manque de connaissances (Weigand, 2013, p.34). Effectivement, de nombreux individus ne connaissent pas ou qu’en partie leur anatomie et les différents aspects de leur sexualité (Jugnon Formentin, 2015, p.61). Les deux principales sources d’informations sexuelles sont les parents et les amis (Mackay, 2000, p.52). L’échange avec les soignants ne se fait que rarement. Certaines femmes osent aborder le sujet d’autres en revanche se questionnent en silence. Les patient(e)s n’osent pas en parler spontanément à leur médecin : les explications principales sont l’embarras, le manque de confiance et/ou le manque des connaissances pour s’exprimer (Metz et al., 1988).
Cependant, les femmes déclarent avoir envie de parler de leur sexualité mais attendent souvent que les professionnels abordent le sujet. Lorsqu’elles aperçoivent un espace pour parler de sexualité elles en profitent et s’expriment (Van der Schueren, 2004, p.28). Bien que l’on observe aujourd’hui un net accroissement du nombre de consultations en sexologie ou au planning familial (Pr. Bianchi- Demicheli, communication personnelle, 3 août 2016) les soignants n’ont encore qu’un faible impact sur l’éducation sexuelle de la population.
Conscientes de la dimension positive que prend l’activité sexuelle non reproductive, nous restons étonnées du peu de place qu’occupe la sexualité dans la prise en soin périnatale. De par nos différentes formations pratiques nous avons pu remarquer ce fait. Nous n’avons presque jamais entendu une sage-femme parler de sexualité avec une patiente. Que ce soit au post-partum (PP) ou au prénatal, le sujet est éludé, exception faite pour la proscription des rapports sexuels (RS) en cas de menace d’accouchement prématuré (MAP) ou dans les suites de couches immédiates .
Le jour du retour à domicile après l’accouchement, les femmes sont conseillées sur leur future contraception. La question de la reprise des rapports, quant à elle, reste généralement dissimulée entre la reprise des bains et des tampons ; «Pas de bain, pas de piscine, pas de RS avant six semaines, le temps que le col se referme». L’intimité sexuelle connaît en période périnatale de nombreuses fluctuations potentiellement perturbatrices de l’équilibre des couples (Van der Schueren, 2004, pp. 27-28). De par une prise en soin axée sur la sphère intime, il est alors étonnant que les sages-femmes, garantes de la santé des couples durant cette période, ne soient pas plus impliquées dans la promotion de la santé sexuelle.
L’histoire de la sexologie
Bref historique Étudiée par les philosophes durant l’antiquité, la sexualité accompagne l’être humain depuis les premières civilisations. C’est à partir du XIXème siècle que naissent les premières réflexions scientifiques. On différencie alors reproduction, plaisir et désir. Dans le domaine clinique, ce n’est que vers 1950 qu’émergent les premiers travaux portant sur la sexualité. Kinsey publie les premières études et ouvre la voie à Master et Johnson (Bianchi-Demicheli, Ortigue & Abrahami, 2012). Ces deux pionniers surprennent avec leurs ouvrages dédiés à la réponse sexuelle humaine (Human Sexual Response, 1966). Ils bousculent, dérangent mais questionnent le corps médical (Weigand, 2013, p.17). En 1970, on voit s’ouvrir à Genève la première unité de sexologie de Suisse. Elle est sous la direction du professeur genevois Willy Pasini pionnier européen de la sexologie clinique (Monnet & Vos, 2006).
Conjointement, la première révolution sexuelle a lieu. Par leurs revendications, des mouvements féministes prônent l’émancipation sexuelle des femmes. C’est à cette période qu’émerge le concept de santé sexuelle. En Suisse, on assiste à l’ouverture des premiers plannings familiaux et à l’arrivée des différentes méthodes contraceptives accessibles à toutes les femmes (Giami, 2007, p.57; Forster, 2012, p.3). La sexualité des femmes change et leur plaisir sexuel, désormais reconnu, s’inscrit comme une finalité de l’activité sexuelle.
La sexologie d’aujourd’hui
A ses débuts, l’éducation sexuelle vise d’abord à prévenir les grossesse précoces et les infections sexuellement transmissibles (Forster, 2012, p.2). Elle s’ouvre ensuite aux autres aspects de la sexualité, physiques, psychiques et sociaux. Des professionnels de la santé spécialisés dressent une évaluation clinique générale pour ensuite orienter le patient vers l’approche thérapeutique la plus adaptée (Recordon & Köhl, 2014). La sexologie ne se cantonne alors plus aux troubles sexuels uniquement, mais s’ouvre à la physiologie et au quotidien de la sexualité du couple, devenant ainsi accessible au plus grand nombre.
L’éthique sexuelle permet de distinguer les actes sexuels sans risque de reproches moraux de ceux rendant l’auteur moralement coupable (Campagna, 2011). Ces questionnements éthiques sont indispensables d’après Collier (2015). Ils apportent un certain appuie aux sexologues et assure la fiabilité de cette branche médicale. Comme toutes disciplines cliniques, la pratique de la sexologie s’inscrit dans le respect d’une éthique rigoureuse. Selon Cook, Dickens & Fathalla (2005), le système de santé est régi par des principes fondamentaux de droit médical qui sont d’autant plus important en santé sexuelle. En sexologie médicale, le droit à la prise de décision éclairée et le droit au secret médical sont des notions capitales. Valoriser la communication appartient aux devoirs du soignant. En garantissant une totale confidentialité, les soignants invitent les patients à se confier, favorisant ainsi la prévention et la promotion de la santé sexuelle. L’éthique sexuelle se doit aussi de tenir compte de l’autonomie et de l’égalité des patients. Elle permet à chaque individu de s’épanouir dans sa propre sexualité, sans jugement (Campagna, 2015).
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Table des matières
1 Questionnement professionnel
1.1 La sexualité en périnatalité
1.2 La sexualité, encore et toujours un tabou
1.3 Questionnements professionnel
2 Cadre de référence théorique
2.1 L’histoire de la sexologie
2.1.1 Bref historique
2.1.2 La sexologie d’aujourd’hui
2.1.3 L’éthique sexuelle
2.2 La sexualité dans un contexte occidental
2.2.1 Représentations, expériences et enjeux
2.2.2 Couple et vie sexuelle
2.2.3 Comportements sexuels actuels
2.2.4 De l’intimité au tabou
2.3 Le concept de santé sexuelle
2.3.1 Origine et définition
2.3.2 Éducation, conseil et thérapie : trois niveaux d’intervention
2.3.3 Étude de la fonction sexuelle et dépistage des troubles sexuels
2.4 La santé sexuelle en périnatalité
2.4.1 Grossesse et vie sexuelle
2.4.2 Quelle vie sexuelle après l’accouchement ?
2.5 Les soignants en périnatalité et la santé sexuelle
2.5.1 Soins dans l’intimité
2.5.2 Les représentations des soignants
2.5.3 Rôle des soignants
2.6 Problématique
3 Méthodologie de recherche
3.1 Utilisation des base de données
3.3 Investigations et recherches d’études scientifiques
3.4 Sélection des articles
3.4.1 Période prénatale
3.4.2 Influence de l’accouchement
3.4.3 Le post-partum
3.5 Constatations : forces, contraintes et limites
3.6 Thésaurisation des références bibliographiques
3.7 Dimension éthique
4 Analyse de revue de la littérature
4.1 Description de la revue de la littérature
4.1.1 Changes in the Sexual Function During Pregnancy
4.1.2 The Effect of Sex Education on the Sexual Function of Women in the First Half of Pregnancy : A Randomized Controlled Trial
4.1.3 Effects of Pregnancy on Female Sexual Function and Body Image : A Prospective Study
4.1.4 The Effect of the Mode of Delivery on the Quality of Life, Sexual Function, and Sexual Satisfaction in Primiparous Women and Their Husbands
4.1.5 Exploring Women’s Postpartum Sexuality : Social, Psychological, Relational, and Birth – Related Contextual Factors
4.2 Analyse critique de la revue de la littérature
4.2.1 Étude de la FS en périnatalité
4.2.2 Comportements sexuels des couples en périnatalité
4.2.3 Le désir sexuel en périnatalité : ses fluctuations et ses facteurs d’influence
4.2.4 L’impact de l’accouchement sur la vie sexuelle
4.2.5 Image corporelle
4.2.6 La place du partenaire en sexualité périnatale
4.2.7 Place et rôle des soignants en santé sexuelle périnatale
5 Discussion et retour dans la pratique
5.1.1 Les sages-femmes et l’information sexuelle
5.1.2 L’intimité des couples le temps de la grossesse
5.1.3 L’expérience de l’accouchement et son impact sur la sexualité
5.1.4 Quelle vie sexuelle pour les jeunes parents ?
5.1.5 Les limites de notre revue de la littérature
5.2 Autres apports théoriques
5.2.1 Craintes pendant la grossesse liées à la sexualité
5.2.2 Quelles contre-indications aux RS pendant la grossesse ?
5.2.3 La rééducation périnéale au PP : une prévention des troubles sexuels
5.3 Un retour dans la pratique
5.3.1 Les connaissances des sages-femmes : aborder la sexualité et l’assumer.
5.3.2 Offrir à tous les couples la possibilité de s’exprimer librement
5.3.3 La santé sexuelle des couples : prise en soin des partenaires
5.3.4 Promotion et prévention de la santé sexuelle périnatale
5.3.5 Nouvelles perspectives
5.4 Les forces et faiblesses de notre travail
5.4.1 Les forces
5.4.2 Les faiblesses
5.5 Quelques inspirations tardives
6 Conclusion
7 Bibliographie
8 Annexe
8.1 The Female Sexual Function Index (FSFI)
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