La série documentaire comme objet culturel et être culturel
L’objet s’oppose à l’être. L’objet est concret tandis que l’être est abstrait. L’un est inanimé et l’autre est animé. L’objet est concret et on pourrait l’imaginer physiquement. Or l’être est incorporel et indéfinissable dans le sens où les frontières entre lui et son environnement sont floues. En effet, l’être peut agir sur l’environnement alors que l’objet ne peut pas. L’échange que l’être peut instaurer avec l’environnement est fluide, ce qui n’est pas le cas avec l’objet. En ce sens, la présence de l’objet, qui est passif et statique se démarque bien de la présence de l’être qui est actif et dynamique. L’objet est donc statique et matériel tandis que l’être est dynamique et fluide, comme un liquide qui adopte la forme du contenant. En ce qui concerne l’objet culturel et l’être culturel, les deux reflètent la société et communiquent sur cette réflexion. La différence entre les deux est une différence de forme principalement.
Le terme culture englobe tout ce qu’une société produit de nature réflexive : l’art, le cinéma, la littérature, la musique, la photographie et ainsi de suite. En somme, tout ce qui reflète la société et offre l’occasion de réfléchir sur la nature de cette société relève de la culture. Dans Penser la trivialité, Yves Jeanneret définit la culture comme « une activité qui élabore ses ressources grâce à la communication ». Dans ce contexte, la communication est « une activité qui ne se borne pas à transmettre du social déjà existant, mais qui en engendre ». La culture et la communication sont donc des processus actifs incarnés par les objets de la culture qui sont configurés, en partie, par leurs usages. Leur sens dépend de qui les saisit, qui les regarde. Cette relativité ou cette capacité d’être altéré, font que leur sens n’est pas figé . Les ventes, les audiences, les critiques et l’engagement peuvent mesurer la réception de l’objet. Effectivement, la façon dont un objet de la culture est reçu est un facteur qui détermine le sens qu’il prend dans un contexte donné.
Les êtres culturels ont les mêmes caractéristiques que les objets culturels dans le sens où ils reflètent la société et communiquent sur cette réflexion. En revanche, ils ne sont pas tangibles. Ils sont investis des valeurs qui reflètent la société dont ils sont issus mais, contrairement aux objets culturels, ils sont fluides. Ils sont caractérisés par leur ouverture au monde et leur capacité de susciter des interprétations multiples selon l’interlocuteur qui les appréhende, les regarde, les lit et avec qui ils interagissent. Ils « ne restent pas fermés sur eux-mêmes mais circulent et passent entre les mains et les esprits des hommes ». Le contexte dans lequel les êtres de la culture se trouvent, ainsi que leur façon d’interagir avec leurs interlocuteurs déterminent le sens qu’on leur attribue. Comme les objets culturels, le sens qui émane des êtres culturels n’est pas figé, non plus, mais il évolue en fonction de leur circulation parmi les hommes. Les êtres culturels ne sont pas créés, engendrés dans le vide. Au contraire, ils sont en mouvement et ne sont pas isolés de façon hermétique du monde. Effectivement, si les êtres culturels sont « l’ensemble d’idées et de valeurs qui incarne un objet de la culture dans une société tout en se transformant constamment à partir de la circulation des textes, des objets et des signes », les idées et les valeurs qui les traversent forgent le chemin de leur vie triviale.
Lorsque nous sommes interpellés par un être culturel, nous interagissons avec lui à travers nos propres filtres socioculturels et politiques. Par cette interaction, nous serions peut-être appelés à changer notre positionnement de départ. Cette interaction est conditionnée par le contexte dans lequel nous nous trouvons quand nous rentrons en contact avec l’être culturel. Tout comme nous pouvons changer en interagissant avec l’être culturel, il peut être transformé aussi : l’acte d’interpréter altère l’objet sur lequel l’interprétation est opérée. L’objet de cette étude, la série documentaire The Vietnam War, est un objet culturel au même titre qu’une œuvre d’art, un livre et/ou un long métrage dans le sens où il est, comme dit Husserl, « investi de l’esprit ». Il offre au public qui le regarde une manière de considérer la guerre du Vietnam. Il représente l’Histoire en racontant des histoires . Il provoque un échange avec son interlocuteur, l’interpelle et le fait réagir. Ainsi, la série documentaire est un objet culturel parce qu’il existe pour communiquer sur le sujet de la guerre du Vietnam. En tant qu’objet culturel, le documentaire véhicule des messages et des valeurs qui sont des êtres culturels. Il se met en place à partir d’un simple objet, un système d’être culturel mettant en lien, comme un rhizome, des valeurs et normes ensemble. Le degré auquel les messages et les valeurs véhiculés parlent au public détermine l’ampleur de la résonance de l’objet dans une société. Les messages et les valeurs qu’ils véhiculent leur donnent du poids et font qu’ils laissent des traces perceptibles. Quant au sujet traité, en l’occurrence, la guerre du Vietnam, il est un être culturel car il navigue entre l’espace au sein de la série et dans la société extérieure. Par sa circulation, la guerre du Vietnam, en tant qu’être culturel, se transforme.
Les valeurs qui traversent l’objet culturel et l’être culturel
La valeur d’un objet de la culture est déterminée par son rapport à ce qu’une société considère comme « beau ». Elle est également définie par la signification de cet objet dans un contexte sociétal. L’objet interpelle son interlocuteur par l’esthétique et le sens qui émane de lui, ce qui détermine par la suite la mesure dans laquelle l’objet est un objet de la culture. En somme un objet de la culture représente la culture et la société d’où il vient. Par exemple le Guernica de Pablo Picasso est un objet culturel par sa façon de représenter la guerre civile en Espagne. Il s’agit d’un tableau réalisé par un peintre connu pour sa capacité de représenter la réalité ou des vérités sur la société dont il est issu. La forme que le tableau prend, la technique employée pour le réaliser, et la maîtrise de cette technique font que l’œuvre créée est un objet de la culture. Il s’agit d’un objet qui reflète la société. Que cette réflexion résonne chez les interlocuteurs, qui se trouvent dans le sujet que l’œuvre représente et pour qui l’œuvre a du sens, fait de cette œuvre un objet culturel.
Les êtres culturels de la mémoire collective, de la guerre, de l’identité et de l’autre dessinent les frontières imaginaires d’une patrie . Les valeurs et l’identité de la nation se cristallisent autour de la guerre qu’elle soit gagnée ou perdue. Elle est un instrument pour avancer une politique, une vision, une idéologie et une certaine façon de concevoir l’appartenance à la nation . La guerre participe à la construction de l’imaginaire de la patrie. Dans la mémoire collective, la guerre prend sens, existe et perpétue des mythes nationaux. Le gouvernement s’engage à mener la guerre de la part des citoyens qu’il représente. La nation peut donc être racontée car elle est représentée. Selon Pierre Nora, la nation « est tout entière une représentation » et l’histoire d’une nation est :
celle d’une représentation… qui dicte impérativement les objets qu’il était impossible de ne pas prendre en compte, comme des blocs tout constitués de notre mythologie et de notre tradition, et véhiculés jusqu’à nous par l’histoire, pour les faire passer au laboratoire de la conscience historique au présent .
Les représentations passent au crible de la conscience historique et filtrent les sens potentiels de l’événement en question pour construire un récit cohérent dans l’imaginaire national. Le travail des artistes, des cinéastes et des historiens contribue donc à interpréter les faits et à établir un consensus sur le sens de ces événements. Il s’agit alors d’un système de signes à interpréter. Les représentations de la guerre au cinéma, dans les romans, dans l’art de façon générale renforcent le rôle que la guerre joue dans la construction d’identité nationale. En effet, les représentations nourrissent l’imaginaire collectif et participent à la création d’un consensus.
|
Table des matières
Introduction
1. Hypothèse 1
2. Hypothèse 2
3. Hypothèse 3
Conclusion
Bibliographie
Sommaire des annexes
Annexes
Tables des matières
Résumés des mots clés