ANALYSE DE LA SITUATION
Les problèmes posés par la situation
– Cancer du sein avec des métastases multiples, en phase palliative.
– Hébergement en EHPAD du fait de sa perte d’autonomie et de son isolement.
– Prise en charge médicale de la patiente jusqu’à la rédaction des directives anticipées dans une région hors du réseau de son lieu de résidence actuel : nouveau médecin traitant, nouveau réseau de soins palliatifs, environnement différent.
– Demande de sédation profonde continue : situation inédite pour l’EHPAD, et pour l’HAD dans ce lieu de vie singulier.
– Refus par la patiente de l’intervention de l’équipe mobile de soins palliatifs.
– Refus par la patiente de certains traitements, de s’hydrater et s’alimenter.
– Difficultés relationnelles avec la patiente après le refus d’accéder à sa demande de sédation, dans l’urgence : la patiente refuse nos soins jusqu’à la mise en place de la PCA d’oxycodone et le midazolam.
– Relations conflictuelles entre les équipes soignantes de l’HAD et l’EHPAD, du fait des divergences d’opinion suite à cet événement. Méconnaissances de certains soignants de la loi Claeys et Leonetti.
– Recrudescence des douleurs lors du switch forme orale-forme transdermique des opiacés.
– Altération de l’état général rapide.
– Détresse psychologique de la patiente.
– Prise en charge conjointe courte. Relation de confiance avec la patiente, sa famille et l’équipe de l’EHPAD difficile à établir et fragile.
– Difficultés relationnelles avec la famille : incompréhension, agressivité verbale, menace de plainte à l’encontre du médecin traitant.
– Prise de décision de sédation profonde et continue dans un délai court, sans recours à la concertation pluridisciplinaire.
Les problèmes que me pose la situation
– Les représentations de la sédation profonde et continue jusqu’au décès ; la frontière floue entre sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès et euthanasie.
– Les interprétations de la loi Claeys et Leonetti par, la patiente, la famille, les soignants ; l’existence de différents types de sédation autorisés selon des indications différentes.
– Le sentiment d’échec dans la prise en soins de la patiente, se manifestant par en premier lieu, la demande inopinée de sédation profonde et continue jusqu’au décès, et aussi le reniement de notre accompagnement par la patiente.
– Le fait d’être réduit à la fonction d’exécutant, face à la demande de la patiente, bien que légitime.
J’ai vécu la demande de sédation profonde et continue par la patiente, comme une injonction, un ordre, sans délai, sous la bannière de la législation française, et cela, sans occulter le droit du patient. Je me suis sentie bousculée dans mes repères de la pratique médicale, où le dialogue et l’échange avec le patient sont primordiaux pour permettre une décision.
De plus, les circonstances de cette demande demeurent encore floues : aucun signe de souffrance psychique ou physique manifeste ne présageait ce qui allait « se jouer» ce 25 décembre 2017. Cette situation a généré un malaise, et des conflits, en particulier au sein des équipes soignantes, ce qui a été dommageable pour l’accompagnement de la patiente jusqu’à la fin de sa vie. Le lien de confiance établi entre Mme M et l’équipe de l’HAD a été rompu après mon opposition à la sédation ce jour-là, malgré les explications fournies. J’ai eu le sentiment que la situation m’échappait, et que Mme M, avec le soutien de sa famille, et de certains soignants, était maître de la situation. C’est lors de la réunion collégiale qu’un éclaircissement sur la loi Claeys-Leonetti a été apporté à la famille, concernant le déroulement de la sédation profonde et continue dans le contexte d’une souffrance réfractaire. Je déplore de n’avoir pas pu reprendre tout cela avec Mme M au vu de son état général qui se dégradait, et la souffrance qu’elle exprimait ainsi : « Je ne veux pas que mes enfants me voient en souffrance ».
RECHERCHE DOCUMENTAIRE
La phase palliative
Définition
Cicely Saunders (1918-2005), pionnière des soins palliatifs, devenue médecin et chercheur dans le domaine de la douleur, ouvre à Londres en 1967, le Saint Christopher’s Hospice, l’institution de référence dans le soin des malades en fin de vie. En France, c’est la loi du 9 juin 1999 qui marque la reconnaissance officielle des soins palliatifs : « Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et un accompagnement ». Elle définit les soins palliatifs comme : « des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire (…). Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. » La SFAP définit les soins palliatifs comme « des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale. L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. » Selon l’OMS , les soins palliatifs « cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocément et évaluée avec précision, ainsi que le traitement de la douleur et des autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés. Les soins palliatifs (…) soutiennent la vie et considèrent la mort comme un processus normal (…). » Ces définitions mettent l’accent sur la qualité de vie recherchée pour le patient et sa famille et l’approche holistique de l’être humain dans ses dimensions physiques, psychosociales et spirituelles. Dans l’évolution d’une maladie grave, la phase palliative constitue une étape cruciale. On parle de « phase palliative » lorsque la perspective de guérison n’est pas possible, et l’objectif de soins prédominant est la qualité de vie recherchée pour le patient. Il ne s’agit plus de guérir mais de continuer à « prendre soin ». Le patient, ses souffrances, ses volontés sont au centre de la prise en charge. On distingue :
– la « phase palliative active », l’objectif étant de garantir une survie la plus longue possible en ralentissant l’évolution de la maladie tout en s’attachant au maintien de la meilleure qualité de vie ;
– la « phase palliative symptomatique », l’objectif étant de contrôler au mieux les symptômes.
Les soins palliatifs dont la finalité est de chercher à apaiser la souffrance ne peuvent par conséquent être séparés de ce qu’on appelle « accompagnement ».
L’accompagnement du patient, mais aussi de son entourage, est primordial et doit être de qualité, et cela durant toutes les étapes de la maladie cancéreuse dont le patient se sait atteint, et qui sont autant d’épreuves à surmonter. L’accompagnement a « une dimension ontologique (consistant) à permettre à l’autre de se maintenir comme sujet dans le temps… ». Dès l’annonce de la maladie grave, et parfois même avant, le patient bascule dans un monde où dominent la peur de l’incertitude et l’angoisse de la mort, et cette vulnérabilité psychique va modifier son rapport au monde. Il est sujet à des émotions diverses qui nécessitent toute l’attention des soignants. Le premier acte thérapeutique, en particulier en médecine palliative, est la présence, l’écoute, la rencontre du malade, dans sa singularité, son unicité. En phase palliative, on n’est plus tant dans « le faire » que dans l’ « être », comme l’exprime très bien E. FIAT, philosophe : « Au chevet du mourant, il ne s’agit pas tant de faire quelque chose mais que d’être là, pas tant de dire que d’écouter : ouvrir un vide de bonne qualité où les paroles du mourant peuvent se déployer ; une chambre d’écho à la meilleure acoustique possible. » Comme il le précise, l’attitude du soignant envers le patient doit être dans le « respect et un presque rien en plus que je ne nomme pas » , pour favoriser la capacité d’ « être » de ce dernier, dans toute sa singularité et son ambivalence. P. Le Coz, philosophe, écrit à ce sujet : « les réactions affectives du patient en fin de vie (…) doivent être comprises comme des émotions naturelles et inévitables. Elles sont acceptées par les soignants dans une attitude d’accompagnement qui conjugue la distance pudique du respect et la proximité affectueuse de la compassion. » L’accompagnement est un engagement auprès du patient de rester jusqu’au bout à ses côtés et ne jamais l’abandonner.
De cet accompagnement naît une relation intersubjective, entre deux « êtres ». « Lorsque le sujet vit l’épreuve du temps sur le mode de l’inquiétude et des pertes, il en va alors de la responsabilité relationnelle de rendre encore possible l’estime de soi. » .
Tout au long de la maladie, le patient peut exprimer une souffrance, que nous allons essayer de définir.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. RECIT DE LA SITUATION CLINIQUE
II. ANALYSE DE LA SITUATION
1. Les problèmes posés par la situation
2. Les problèmes que me pose la situation
III. RECHERCHE DOCUMENTAIRE
1. La phase palliative
a. Définition
b. La « souffrance globale » ou « total pain »
2. La sédation
a. Terminologie
b. Recommandations de la Société Française d’Accompagnement et des soins Palliatifs en France (2009)
c. Que dit la loi ?
3. Que signifie la demande de sédation? Comprendre et analyser la demande ou les
motivations du patient
4. La sédation dans l’espace éthique
IV. SYNTHESE
CONCLUSION
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