La sécurité du patient : un enjeu international

La sécurité du patient : un enjeu international 

La survenue d’évènements indésirables évitables au décours de la prise en charge d’un patient est une problématique largement décrite dans la littérature française et internationale. Cette partie présente la terminologie et l’incidence des différents évènements dans la population générale, et expose le caractère particulier que revêt ce risque en santé mentale.

Les évènements indésirables associés aux soins 

Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), un évènement indésirable associé aux soins (EIAS), est défini comme « un évènement inattendu qui perturbe ou retarde le processus de soin, ou impacte directement le patient dans sa santé. Cet évènement est consécutif aux actes de prévention, de diagnostic ou de traitement. Il s’écarte des résultats escomptés ou des attentes du soin et n’est pas lié à l’évolution naturelle de la maladie » (1) . La problématique qui découle de la survenue de ces évènements n’est pas récente. En 1991, la Harvard Medical Practice Study (HMPS) a mis en exergue l’ampleur de ce phénomène. L’analyse de dossiers médicaux a révélé que 3,7% des admissions étaient concernées, et que 26,7% de ces évènements étaient dus à une négligence. 56,8% des EIAS identifiés étaient mineurs (résolution en moins d’un mois) alors que 13,6% ont causé le décès du patient(2) .

La publication du livre « To err is human : building a safer health system» en 1999 marque un tournant dans la perception du risque et de l’erreur(3). L’approche personnelle, où l’erreur est perçue comme un échec individuel, est délaissée au profit d’une approche systémique(4) . Les EIAS ne sont donc plus la conséquence de fautes professionnelles, mais relèvent de failles organisationnelles au sein des systèmes de santé, où l’erreur humaine n’est finalement qu’une composante(3,5) . Dans une revue de la littérature publiée en 2008, l’incidence médiane des EIAS était de 9,2% (étendue de 3,9% à 16,6%) et 43,5% d’entre eux étaient jugés évitables. Au total, 7,4% des EIAS ont entrainé le décès du patient(6). Enfin, selon Kohn et al. les décès liés à des EIAS évitables aux Etats-Unis étaient plus fréquents que ceux liés aux cancers du sein ou au SIDA. L’impact économique annuel se chiffrait entre 17 et 29 milliards de dollars(3) .

En France, l’enquête nationale sur les évènements indésirables liés aux processus de soins (ENEIS) a été réalisée en 2004 et en 2009(7) . L’objectif de cette étude était de déterminer l’incidence, la part d’évitabilité et les causes des évènements indésirables graves associés aux soins (EIG) en établissement de santé. Un événement était défini comme grave s’il provoquait : une hospitalisation ou réhospitalisation, une prolongation du séjour, une invalidité temporaire ou permanente, voire une mise en jeu du pronostic vital. La densité d’incidence des EIG (nombre d’EIG pour 1000 jours d’hospitalisation) survenus durant l’hospitalisation était de 7,2 ‰ en 2004 et 6,2 ‰ en 2009, avec une densité supérieure en chirurgie par rapport à celle en médecine. La densité d’incidence des EIG évitables était de 2,7 ‰ en 2004 et 2,6 ‰ en 2009 sans différence significative selon le type d’unité considérée (médecine ou chirurgie). Il n’existait pas d’évolution notable entre les deux années d’enquête concernant les EIG survenus au cours de l’hospitalisation. Les EIG étaient responsables de l’hospitalisation pour 3,8% des séjours en 2004 et 4,5% en 2009, et la part respective de séjours dus à un EIG évitable était de 1,7% et 2,6% en 2004 et 2009 respectivement .

Evènement indésirable médicamenteux 

Alors que la majorité des EIAS sont liés aux interventions chirurgicales, le rôle des médicaments ne doit pas être négligé. Déjà dans la HMPS, les médicaments étaient impliqués dans la majorité des cas d’EIAS non opératoires (19%) parmi lesquels les antibiotiques (16,2%), les antitumoraux (15,5%), et les anticoagulants (11,2%) correspondaient aux classes thérapeutiques les plus impliquées(8). Dans une revue de la littérature plus récente, les médicaments représentaient toujours la première cause d’EIAS non chirurgicaux avec une incidence moyenne de 15,1% (11,9-20,4% (6) . Selon une étude américaine parue en 2012, la survenue d’évènements indésirables médicamenteux (EIM) au cours de l’hospitalisation entraînait un surcoût moyen de 3000 dollars, et une prolongation du séjour de trois jours. L’augmentation du coût de l’hospitalisation et de la durée de séjour était également corrélée à la sévérité des évènements considérés(9) .

Dans l’enquête ENEIS, les produits de santé représentaient la deuxième cause d’EIG évitables survenant au décours d’une hospitalisation avec une densité d’incidence de 0,7 ‰ en 2004 et 1,1 ‰ en 2009.

Le médicament était en cause dans la majorité des cas (densité d’incidence de 0,6‰ et 0,7‰ respectivement)(7). La proportion de séjours causés par un EIG évitable lié au médicament était de 0,7% en 2004 et 1,3% en 2009.

Récemment, une revue de la littérature concernant les facteurs de risque des EIM a été publiée(10). Ces facteurs étaient en lien avec le patient, la maladie, le médicament, le système de santé ou encore la génétique. Au total 45 sous-facteurs ont été identifiés parmi les 106 études inclues dans la revue. Les dix principaux étaient (ordre décroissant): la polymédication, l’âge, le genre, les comorbidités, l’utilisation inapproprié ou le changement d’utilisation d’un médicament, les médicaments du système nerveux central ou cardiovasculaire, l’utilisation des services de santé (durée du séjour hospitalier, nombre de consultations chez le médecin généraliste ou spécialiste par exemple), les anti-infectieux, le style de vie. La prévalence médiane des EIM était de 19,5% (0,29% – 86,2%) avec une prévalence plus élevée parmi les patients atteints de tuberculose multirésistante, du VIH, ou d’hépatite C. Plus d’un tiers des EIM était évitable (36,2%), principalement chez les patients hospitalisés âgés de plus de 80 ans (63%), les patients adultes admis en soins tertiaires (81,6%) et les enfants admis dans un service médical (81,7%). Enfin, 16% des EIM étaient jugés sévères, parmi lesquels les EIM induits par la ceftriaxone ou les antituberculeux de première ligne, et les réactions cutanées à un médicament correspondaient aux situations les plus concernées. Près de 20% des études se focalisaient essentiellement sur la population âgée.

Erreur médicamenteuse

Définition

Une distinction est faite selon le caractère évitable ou non de l’EIM : un EIM évitable résulte d’une erreur médicamenteuse alors qu’un EIM non évitable désigne une réaction indésirable au médicament dans des conditions correctes d’utilisation (exemple : première réaction d’hypersensibilité à un médicament). Les données de la littérature estiment que 17,7% à 69% des EIM sont évitables, et découlent donc d’une erreur médicamenteuse(11) .

La Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC) donne une définition précise de ce concept(12) : « l’erreur médicamenteuse est un écart par rapport à ce qui aurait dû être fait au cours de la prise en charge thérapeutique médicamenteuse du patient. L’erreur médicamenteuse est l’omission ou la réalisation non intentionnelle d’un acte relatif à un médicament, qui peut être à l’origine d’un risque ou d’un événement indésirable pour le patient. Par définition, l’erreur médicamenteuse est évitable car elle manifeste ce qui aurait dû être fait et qui ne l’a pas été au cours de la prise en charge thérapeutique médicamenteuse d’un patient. L’erreur médicamenteuse peut concerner une ou plusieurs étapes du circuit du médicament, telles que: sélection au livret du médicament, prescription, dispensation, analyse des ordonnances, préparation galénique, stockage, délivrance, administration, information, suivi thérapeutique; mais aussi ses interfaces, telles que les transmissions ou les transcriptions».

Cette définition montre que le lien entre erreur médicamenteuse et l’EIM n’est pas si évident : toutes les erreurs médicamenteuses n’aboutissent pas à une conséquence préjudiciable pour le patient, et, réciproquement, tous les EIM ne sont pas liés à des erreurs médicamenteuses(13). A l’hôpital, les erreurs médicamenteuses concernent 4,8 à 5,3% des prescriptions(14,15) et 7% des patients(16) . En 1995 Bates et al. ont présenté une première étude sur la relation entre EIM et erreur médicamenteuse (Figure 1)(14). Sur la période étudiée, 10 070 prescriptions médicales pour 379 admissions ont été analysées parmi lesquelles :
→ 530 erreurs médicamenteuses (1,4 par admission) :
o 5 (0,9%) ont abouti à un EIM (= EIM avéré),
o 35 (6,6%) aurait pu aboutir à un EIM (= EIM potentiel) :
● 27 (77%) ont été interceptés avant l’administration du médicament
● 8 (23%) ont été évités par chance.
→ 25 EIM (0,07 par admission) :
o 5 (20%) étaient associés à des erreurs médicamenteuses liés à la dose, à la posologie, ou encore au suivi thérapeutique inadapté.

Même sans dommage, l’erreur médicamenteuse impacte l’économie des systèmes de santé : prolongation de la durée d’hospitalisation, augmentation des dépenses liées aux médicaments, litiges…

Facteurs de risque

Des facteurs de risque ont été identifiés, en lien avec :
→ le patient (âge, comorbidités, polymédication),
→ le professionnel de santé (utilisation d’abréviations non standardisées, écriture illisible),
→ et les médicaments eux-mêmes (confusion dans les dénominations ou noms de spécialité) .

D’après une étude néerlandaise menée dans des services de gériatrie, de médecine interne, de rhumatologie et de gastro-entérologie, la survenue d’EIM évitables était liée à plusieurs déterminants : les comorbidités, la durée du séjour ou encore le nombre de médicaments prescrits. L’admission en service de gériatrie augmentait le risque d’EIM évitables(16) . Sept médicaments ou classes médicamenteuses sont particulièrement en cause dans les erreurs médicamenteuses a minima grave lors de la prescription ou de la surveillance chez les patients atteints de pathologies chroniques. Il s’agit du méthotrexate, de la warfarine, des anti-inflammatoires non stéroïdiens, de la digoxine, des opioïdes, de l’acide acétylsalicylique et des bêtabloquants .

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Table des matières

Introduction
Partie A : La sécurité du patient : un enjeu international
1. Les évènements indésirables associés aux soins
2. Evènement indésirable médicamenteux
3. Erreur médicamenteuse
3.1. Définition
3.2. Facteurs de risque
3.3. Rôle de l’informatisation du circuit du médicament
3.4. Points de transition : rupture dans le parcours de soins du patient
4. Le contexte psychiatrique
5. Le projet « High 5s »
Partie B : La conciliation médicamenteuse : un outil aux points de transition
1. Définitions
2. Expérimentation Med’Rec : résultats en France
2.1. Les étapes
2.2. Les établissements participants
2.3. Indicateurs et résultats
2.4. Outils
2.5. Conclusions et Perspectives
3. Recueil médicamenteux : une responsabilité pharmaceutique
4. Priorisation des patients
5. Le cadre réglementaire français
5.1. Arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé
5.2. Ordonnance n°2016-1729 du 15 décembre 2016 relative aux pharmacies à usage intérieur
5.3. Certification des établissements de santé
5.4. Contrat d’Amélioration de la Qualité et de l’Efficience des Soins (CAQES)
5.4.1 Définition et Objectifs
5.4.2 Structuration
5.4.3 Obligation et indicateurs
5.4.4 Place de la conciliation médicamenteuse
Partie C : Instauration de la conciliation médicamenteuse à l’admission au CHM et identification des critères de priorisation
1. Présentation de l’établissement
2. Conciliation et priorisation : une étude menée sur le CHM
2.1. Objectifs
2.2. Prérequis
2.2.1 Présentation institutionnelle
2.2.2 Formation
2.2.3 Adaptation CHM
2.3. Matériel et Méthodes
2.3.1 Choix des critères à tester
2.3.2 Design, étapes et critères d’inclusion /exclusion
2.3.3 Choix des unités
2.3.4 Inclusion et recueil des données
2.3.5 Bilan médicamenteux optimisé (BMO)
2.3.6 Identification des divergences
2.3.7 Analyse statistique
2.4. Résultats
2.4.1 Processus
2.4.2 Critères
2.4.3 Divergences
2.4.4 Sources
2.5. Analyse de la pertinence des critères pour la sélection des patients à risque
2.6. Modélisation statistique
3. Evaluation auprès des professionnels de santé
3.1. Evaluation institutionnelle
3.2. Evaluation auprès des pharmaciens d’officine
Discussion
Conclusion

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