La scolarisation des immigrants au Québec

La scolarisation des immigrants au Québec

L’INTÉGRATION SOCIALE

Dans un sens plus large, le terme «intégration », tel que définit par le dictionnaire Larousse: «faire entrer dans un ensemble, dans un groupe plus vaste », s’apparente plutôt à la notion d’assimilation (ce concept sera explicité un peu plus loin). Clanet (1989), dans sa recherche sur l’intégration pluraliste des groupes minoritaires, élargit le sens du terme «intégration» en y ajoutant l’idée de participation, d’échanges, de confrontation des valeurs, des normes et des comportements entre les immigrants et les sociétés d’accueil. Dorais (1989) définit l’intégration comme une participation réelle aux instances économiques et sociales de la collectivité dont on fait partie. L’intégration peut alors être perçue comme un processus d’adaptation à long terme qui se réalise à des rythmes variant en fonction des caractéristiques des individus. En percevant ce concept comme un processus bidirectionnel pouvant être long et complexe, on s’éloigne davantage de l’assimilation. C’est aussi le cas de la définition retenue par le MCCI (1991) : « s’intégrer, c’est devenir partie intégrante d’une collectivité…c’est un processus complexe dynamique qui interpelle la société
d’accueil dans son ensemble >.Nonobstant ceci, le processus d’acculturation peut certainement différer d’un immigrant à un autre et dépendre des raisons qui les ont poussés à émigrer au Québec, c’est-à-dire des objectifs poursuivis. Ainsi, pour le travailleur indépendant, le processus d’acculturation retenu devra lui permettre d’atteindre des objectifs relatifs au type d’emploi occupé, au chiffre d’affaires ou à la rémunération. Tandis que l’immigrant investisseur privilégiera la sécurité de ses actifs, le réfugié politique aura souvent comme principale préoccupation sa survie ou l’amélioration de ses conditions de vie. La nature variée de ces objectifs influencera l’immigrant dans l’équilibre de son processus identitaire en fonction des dimensions relatives à l’appartenance à la société d’accueil et à l’appartenance à son groupe d’origine, concepts qui seront repris un peu plus loin. Selon Dorais (1989) le choix du processus d’intégration dépendrait, outre les circonstances de la migration, de la distance entre les habitudes culturelles d’origine et celles du pays d’accueil. Aussi, mis à part les immigrants qui font le choix de s’isoler culturellement de la société d’accueil, il apparaît que pour certains, même si les valeurs de la culture d’accueil peuvent aller à l’encontre de leurs intérêts, ils ne peuvent qu’en adopter certains aspects. Cela peut être expliqué par le fait que la culture dominante peut apparaître comme une voie d’accès aux avantages de ceux qui disposent du pouvoir (Vasquez, 1984). En ce sens, Camilleri (1990) et Mègre (1998) soulignent que certains immigrants peuvent avoir une conception instmmentaliste des caractéristiques de la culture d’accueil. C’est-à-dire que certains individus peuvent adopter des caractéristiques ou des façons de faire choisies en fonction de leurs attentes en même temps que des buts culturels et sociaux liés à leur propre culture. Cette constatation nous incite à nous questionner sur la notion d’intégration de nature culturelle en tant que finalité recherchée. En effet, on pourrait remettre en question le critère culturel comme seule condition nécessaire à une intégration harmonieuse dans la société d’accueil. L’autre alternative dont nous venons de présenter les grandes lignes, c’est l’intégration fonctionnelle. Mègre (1998) définit l’intégration fonctionnelle comme un processus de négociation entrepris entre la société d’accueil et l’immigrant, qui se situe à l’intérieur de la sphère publique. Ainsi, la culture ne s’avère plus qu’un facteur parmi d’autres, tels les facteurs économiques ou sociaux.
Se limiter à une intégration fonctionnelle s’avère tout à fait viable et suffisant, mais intégrer de nouvelles valeurs, de nouvelles habitudes, de nouveaux comportements d’ordre culturel peut favoriser l’intégration d’un individu à une nouvelle société. Quand on se situe à la première phase de l’intégration représentant l’apprentissage de la langue française, la recherche d’un emploi stable et d’un lieu de résidence permanent, c’est précisément de l’intégration fonctionnelle dont il est question. La deuxième phase pourrait représenter le choix ou non pour l’immigrant de son intégration culturelle. Si on revient à la définition de l’intégration proposée par le MCCI (1991), il est évident que, pour les immigrants, l’intégration dans un nouveau milieu impliquerait plus qu’une intégration fonctionnelle et donc une adaptation à l’ensemble des dimensions de la vie collective de la société d’accueil. Ils doivent ainsi répondre simultanément à plusieurs défis afin de s’assurer d’une intégration harmonieuse. Ces défis sont de natures linguistique, culturelle, socio-économique, institutionnelle et personnelle. En résumé, on peut dire que la politique québécoise en matière d’intégration met l’accent sur le sentiment d’acceptation, la maîtrise de la langue française, la pleine participation socio-économique, l’accès aux services publics et parapublics, l’implication dans les institutions décisionnelles, le sentiment d’appartenance à la société québécoise et la fréquentation d’institutions commines. Nous pourrions interpréter ces dimensions comme des indicateurs d’une intégration réussie. Alors que dans les premières phases de l’intégration, certains services offerts aux immigrants peuvent contribuer à l’épanouissement des dimensions linguistique, culturelle, socio-économique et institutionnelle (notamment scolaire), l’intégration sociale harmonieuse demeure plus vague et les mesures s’y rattachant, moins sujettes
à évaluation.

Composantes et indicateurs

Les recherches de McAndrew, Pagé, Jodoin et Lemire (1995-97) permettent de supposer que l’identité sociale joue un rôle majeur dans le choix d’un modèle d’acculturation. Aussi, selon Erikson (1972), l’identité se développerait en fonction de l’identification de l’individu à certaines personnes ou certains groupes de personnes faisant partie de son entourage. L’identité serait donc directement influencée par les résultantes des situations d’interaction, ce que Leonetti (1990) nomme «négociation ». Tenant compte de la dimension «processus >, l’identité sociale se construit dans un conflit entre l’autre et le même (Lipiansky, 1990) entraînant l’individu dans une recherche d’équilibre entre l’assimilation et la différenciation. En d’autres termes, parce que l’individu a simultanément plusieurs appartenances et parce qu’il change d’appartenance selon la période de sa vie, sa configuration culturelle comprend des normes par lesquelles il s’identifie à son groupe ethnique d’appartenance et d’autres normes par lesquelles il se différencie de ce oupe (Pagé, 199$).Pagé, McAndrew et Jodoin (199$), définissent l’identité sociale comme un résultat entre la tension créée par deux besoins qui agissent dans le sens contraire, le premier qui pousse à se différencier en s’identifiant à un sous-groupe particulier dans la société et le second qui pousse à vouloir s’inclure dans le grand ensemble social que constitue la nation. L’identité sociale constitue alors la synthèse que la personne établit entre son identité personnelle et sa participation à l’identité de ses collectivités d’appartenance dans la recherche d’un équilibre satisfaisant (Pagé et Sears, 1999). En ce sens, le nombre de combinaisons possibles résultant de l’articulation de ces dimensions identitaires entraîne une série de configurations de l’identité sociale pouvant s’étaler sur un continuum. Ce continuum peut ainsi être échelonné en fonction du sentiment d’appartenance au groupe d’origine en tenant compte des aspects identitaire, affectif cognitif et comportemental. Ainsi, à une extrémité se retrouvent les personnes manifestant une forte rétention de leur culture d’origine et à l’autre ceux pour qui l’appartenance ne doit pas restreindre la mobilité sociale dans la société d’accueil. Certes importante dans la compréhension de la notion d’intégration sociale, la dimension relative à l’appartenance au groupe d’origine ne suffit pas en elle seule pour l’expliquer. Ainsi, certains modèles descriptifs de l’intégration sociale tentent d’expliquer le processus en tenant compte à la fois de la dimension relative au groupe d’origine et du sentiment d’appartenance à la société d’accueil qui, comme ce fut le cas pour la première, peut être défini en fonction des aspects identitaire, affectif cognitif et  comportemental (Pagé et al., 1998).Comme le souligne certains auteurs (Berthelot, 1991 ; Oriol, 1989), la définition de l’identité sociale en fonction des limites des dimensions «appartenance à la société d’accueil» et «appartenance au groupe d’origine» prend à cet égard tout son sens. Pour ce motif, et parce qu’elles constituent des dimensions importantes de notre interprétation de l’intégration sociale, l’arbitrage entre ces deux dimensions sera reprise ultérieurement. Selon McAndrew (1994), les indicateurs culturels mesurent des performances en termes de connaissance ou d’adhésion à des contenus préétablis. Comme le Québec est pluriethnique et qu’on ne peut pas référer à une culture d’assimilation, les indicateurs culturels sont peu pertinents. L’auteure propose plutôt le concept d’indicateurs sociaux. Les indicateurs sociaux mesurent l’existence de lieux de contact et de négociation où divers acteurs peuvent se rencontrer dans le but de produire une culture de transformation. Trois types d’indicateurs sociaux sont ainsi
proposés, soit
1- ceux qui mesurent la participation individuelle ou collective aux diverses instances et activités scolaires. 2- ceux qui mesurent le contact potentiel entre population d’accueil et population d’origine immigrante au sein des institutions scolaires. 3- ceux qui mesurent l’état des relations interethniques en milieu scolaire.
Dans le cas du premier type d’indicateur, la participation aux activités parascolaires et le désir de demeurer dans la même école sont généralement les deux indicateurs les plus souvent utilisés. Nous croyons qu’il serait pertinent de compléter cette liste par des indicateurs mesurant la capacité des élèves à influencer la vie de l’institution. Par exemple la mesure de la participation des élèves d’origine immigrante à des instances un peu plus politiques (telle le conseil d’orientation). Bien que nous considérons la pertinence de ce premier groupe d’indicateurs, nous soulevons cependant une limite quant à leur interprétation au sein des écoles ethnoreligieuses compte tenu de la composition homogène de la clientèle et du fondement même de ce type d’écoles. Pour ce qui est du deuxième type d’indicateurs, McAndrew (1994) suggère de considérer le pourcentage d’élèves d’origine immigrante qui fréquente des écoles où ils sont en contact quotidien avec un nombre significatif de pairs appartenant à la société d’accueil. Encore ici, nous soulevons une limite quant à l’interprétation de cette mesure. D’une part le terme «pourcentage significatif» est loin de faire consensus. D’autre part, dans le cas des écoles ethnoreligieuses, il ne saurait s’appliquer. En effet, le rarissime pourcentage d’élèves représentant la société d’accueil nuirait nécessairement à l’intégration sociale des élèves d’origine immigrante. Cependant, aucune donnée ne nous permet de confirmer cette hypothèse qui constitue notre objet de recherche.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 Problématique
1.1 Historique de l’immigration canadienne et québécoise
1.2 Politiques canadienne et québécoise relatives à l’intégration sociale des immigrants
1.2.1 Le multiculturalisme
1.2.2 L’inter culturalisme
1.3 La scolarisation des immigrants au Québec: historique et situation actuelle
1.4 Historique des écoles ethnoreligieuses au Québec
Chapitre 2 : Cadre théorique
2.1 L’intégration sociale
2.1.1 Composantes et indicateurs
2.1.1.1 Arbitrage entre les notions de sentiment d’appartenance au groupe d’origine et de sentiment d’appartenance au groupe d’accueil
2.1.2 L’intégrationisme
2.2 Modèles de scolarisation et intégration sociale
2.2.1 L’impact de la ségrégation volontaire
2.2.2 L’impact de la ségrégation involontaire
2.2.2.1 L’expérience internationale
2.2.2.2 L’expérience québécoise
2.2.3 Tendances émergeantes
2.3 Questions de recherche
2.3.1 Énoncé de la question générale et sous-questions
Chapitre 3 : Méthodologie
3.1 Procédure
3.2 Groupes d’élèves fréquentant des écoles ethnoreligieuses (GB)
3.2.1 Groupe d’élèves musulmans (GEM)
3.2.2 Groupe d’élèves arméniens (GEA)
3.2.3 Groupe d’élèves juifs (GEJ)
3.3 Groupe de comparaison (GR)
3.4 Instrument de mesure
3.5 Facteurs d’intégration sociale
3.5.1 Appartenance à la société d’accueil
3.5.2 Relations interethniques
3.5.3 Appartenance au groupe d’origine
3.6 Hypothèses
Chapitre 4 Analyse des résultats
4.1 Analyse des trois groupes d’élèves fréquentant les écoles ethnoreligieuses (GE)
4.1.1 Structure factorielle
4.1.2 Distributivité
4.1.3 Données sociodémographiques
4.1.4 Analyse comparative
4.2 Analyse des groupes d’élèves fréquentant les écoles ethnoreligieuses en fonction du groupe de comparaison
4.2.1 Distributivité du groupe de comparaison (GR)
4.2.2 Données sociodémographiques
4.2.3 Analyse comparative
4.3 Analyse pairée
4.3.1 Élèves musulmans
4.3.2 Élèves juifs
4.3.3 Élèves arméniens
Chapitre 5 Discussion et Conclusion
Références
Annexe

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