INTRODUCTION
La schizophrénie est une maladie mentale chronique référencée parmi les 10 pathologies les plus invalidantes selon l’Organisation Mentale de la Santé (1) La prévalence mondiale de la schizophrénie est d’environ 21 millions de personnes (1), et cette maladie reste associée à un fort risque de mortalité par suicide (RR=12 en comparaison à la population générale) et risque sur vie entière de 5 à 6,5 %(2) (3). Le traitement pharmacologique de première intention de la schizophrénie repose sur la prescription d’antipsychotiques de seconde génération (4), médicaments qui sont métabolisés pour la plupart par les cytochromes P450 (CYP). Les CYP sont des enzymes microsomales situées dans le réticulum endoplasmique des cellules hépatiques et qui facilitent l’élimination rénale des traitements en les rendant hydrophiles (5). Les CYP2D6 et CYP2C19 sont impliqués dans le métabolisme d’un grand nombre de médicaments antipsychotiques et antidépresseurs (6,7). L’activité métabolique d’un individu pour un CYP donné va dépendre, entre autres, de son génotype. Or, les CYP2D6 et CYP2C19 ont tous deux des génotypes hautement polymorphes, une part importante de cette variabilité étant liée aux origines ethniques (7–9). L’interprétation des génotypes des CYP2D6 et CYP2C19, en termes d’activité enzymatique, se répartit en quatre statuts de métaboliseurs : ultrarapide (« ultrarapide metabolizer » ou UM), normal (« extensive metabolizer » ou EM), intermédiaire (« intermediate metabolizer » ou IM) et lent (« poor metabolizer » ou PM). En thérapeutique, la pharmacogénétique permet de détecter les variations génétiques de ces 2 enzymes, permettant ainsi de réduire la variabilité de la réponse au traitement psychotrope (10). Dans la schizophrénie, les symptômes dépressifs sont des éléments pronostiques de la qualité de vie des patients, et sont souvent négligés (11). Une étude récente chez ces patients tend à montrer qu’un insight de bonne qualité est corrélé à la survenue plus fréquente d’éléments dépressifs et à la mort par suicide (12). En dehors des aspects cliniques, certains aspects génétiques sont aussi en cours d’évaluation. De nombreux auteurs ont mis en lumière le lien potentiel entre le métabolisme du CYP2C19 et la suicidalité (13,14). Le CYP2D6 quant à lui métabolise près de 25 % de l’ensemble des médicaments, et représente la voie de métabolisation majoritaire de la quasi-totalité des antipsychotiques (15). L’importance clinique des facteurs pharmacogénétiques impliqués dans la pharmacocinétique et la pharmacodynamique des médicaments à usage psychiatrique est de plus en plus reconnue et l’étude des CYP2D6 et CYP2C19 fait désormais partie des recommandations internationales (16,17). Une autre perspective de la pharmacogénétique serait de pouvoir établir un lien entre le génotype d’un individu et le risque de développer une maladie (Hicks JK 2016). Ainsi, dans la schizophrénie, LLerena et al. ont mis en évidence un faible pourcentage de métaboliseurs lents du CYP2D6 (10) par rapport à des volontaires sains (2,3% vs 8,5% respectivement). L’étude récente de Gaillard-Bigot et al. montre pour la première fois une fréquence significativement plus élevée de métaboliseurs rapides du CYP2D6 chez les patients souffrant de schizophrénie (19) par rapport à des patients souffrant d’une autre pathologie psychiatrique. La pharmacogénétique apparaît donc comme un outil intéressant dans l’étude de la schizophrénie. L’objectif de cette étude était de comparer le statut métaboliseur des CYP2D6 et CYP2C19 chez des patients atteints de schizophrénie en fonction de leurs antécédents de tentatives de suicide et de leur sémiologie dépressive.
Recueil des données
Lors de son passage en hôpital de jour, chaque patient était évalué cliniquement de façon standardisée. Un bilan sanguin complet était réalisé et comprenait, entre autres, le génotypage et l’analyse des CYP2D6 et CYP2C19. Le résultat du génotypage était rendu par le laboratoire de biologie moléculaire dans un délai moyen de 2 mois suivant la prise de sang. Les données sociodémographiques étaient recueillies pour tous les patients, ainsi que des données cliniques comprenant l’âge d’entrée dans la maladie, la durée de la maladie, l’indice de masse corporelle (IMC), le statut tabagique, la consommation d’alcool et de cannabis, les symptômes psychotiques basés sur l’échelle PANSS (Positive And Negative Syndrome Scale) à 5 facteurs (négatif, positif, dépression, excitation et cognitions) traduite en français (20,21). Les symptômes dépressifs étaient également évalués au moyen de l’échelle d’évaluation de la dépression pour la schizophrénie de Calgary ou CDSS (Calgary Depression rating Scale for Schizophrenia) (22,23). Les tentatives de suicide étaient systématiquement évaluées à l’interrogatoire et par autoévaluation à l’aide du questionnaire SBQ-R ainsi que dans le dossier patient informatisé. Enfin, l’ensemble des traitements reçus par les patients était systématiquement recueilli.
Génotypage des CYP2D6 et CYP2C19
Un tube EDTA contenant le prélèvement sanguin périphérique était recueilli pour chaque patient du service, et c’est le laboratoire de biologie moléculaire du CHU Conception qui centralisait et traitait les données afin de déterminer le génotype des 2D6 et 2C19. Le dispositif QIAsymphony (Qiagen) a été utilisé pour isoler l’ADN génomique. Le gène CYP2D6 se trouve sur le bras long du chromosome 22, en position 22q13.1. Une combinaison de polymorphisme d’un seul nucléotide (SNP) exonique et intronique communs du gène CYP2D6 a été génotypée par séquençage des produits de PCR via l’appareil 3500 Xl Dx (Applied Biosystems, Foster City, California), et cela à partir des exons 1 à 6 mais aussi des séquences introniques 6-7, comme décrit par Ann K. Daly (24). Le système d’analyse TaqMan® (Applied Biosystems, Foster City, California) permettait quant à lui la détection des duplications du gène CYP2D6 et ses délétions CYP2D6*5. Le gène CYP 2C19 se trouve sur le bras long du chromosome 10 en position q24. Deux SNP correspondants aux allèles CYP2C19*2 et CYP2C19*17 (NCBI SNP ID: rs4244285 (681G>A) et rs12248560 (-806C>T)) étaient génotypés par séquençage des produits de PCR issus des séquences 5’-UTR et de l’exon 5. Le séquençage direct était réalisé par le même appareil que pour le CYP 2D6. Les travaux de Blaisdell et Fukushima-Uesaka (25,26) ont permis de sélectionner les amorces pour l’amplification et le séquençage des PCR. La CDSS a été spécialement conçue pour identifier une symptomatologie dépressive spécifique, qui ne peut pas être liée à des symptômes négatifs de la schizophrénie. Un score total supérieur ou égal à 6 oriente ainsi vers une dépression.
Analyses Statistiques
Les analyses statistiques ont comparé les groupes suivants : patients souffrant de schizophrénie possédant un génotype UM, et patients souffrant de schizophrénie possédant un autre génotype (à savoir IM, EM ou PM). Deux analyses ont été réalisées : une pour le 2D6 et une pour le 2C19. Les tentatives de suicides étaient cotées de façon binaire, en fonction de la présence ou non dans les antécédents de passage à l’acte suicidaire. Le dossier patient informatisé était également vérifié à chaque reprise avant d’exclure la possibilité d’une tentative de suicide dans l’anamnèse. L’absence de verbalisation de passage à l’acte antérieur lors de l’entretien à l’hôpital de jour, notamment lors des questionnaires, l’absence d’éléments en faveur dans le dossier médical et des courriers des médecins adresseurs faisaient coter non à l’item. Les associations univariées entre les données démographiques, cliniques, et biologiques des groupes ont été testées avec des test de chi-deux pour les variables catégorielles, et avec des test-t de Student pour les variables continues, dans les groupes schizophrénie avec un génotype UM et schizophrénie avec un autre génotype, pour le 2D6 comme pour le 2C19. Quand les analyses univariées ont révélé une association significative, il a été réalisé une analyse multivariée de type régression linéaire, pour expliquer les variables continues, ou régression logistique pour les variables catégorielles. Les régressions multivariées ont été ajustées sur les potentielles variables explicatives suivantes : sexe, âge, doses d’antipsychotiques en équivalent chlorpromazine, durée de la maladie, consommation de tabac active et le génotype. Tous les tests furent bilatéraux. La significativité statistique a été définie comme p < 0.05. Les analyses statistiques ont été réalisées avec la version 20 du logiciel SPSS (SPSS Inc., Chicago, IL, USA).
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Table des matières
TITRE DE L’ARTICLE ET AUTEURS
RESUME
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
Recueil des données
Génotypage des CYP2D6 et CYP2C19
Nomenclature, attribution des allèles et score d’activité
Analyses Statistiques
RESULTATS
DISCUSSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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