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Emprunter ses codes et séduire
Pour établir un lien entre leur public et eux-mêmes, ces restaurants doivent avant tout s’adapter aux personnes auxquelles ils s’adressent. C’est ainsi qu’ils pourront entamer leur persuasion. On peut supposer que le public de ces restaurants est une population jeune, et plus particulièrement de jeunes parisien.ne.s actif.ve.s. Ces restaurants proposent une nourriture qui, comme nous l’avons vu, se destine principalement à une consommation sur le temps du déjeuner assez rapide. Leurs prix sont généralement assez élevés en comparaison des autres offres de restauration rapide. De plus, leur proposition de nourriture « healthy » est plus susceptible de parler à des personnes déjà familiarisées avec ce mode d’alimentation très à la mode, en grande partie diffusé via Instagram. La localisation de ces restaurants nous donne un dernier indice : ils sont majoritairement situés dans des arrondissements riches, du centre de Paris, ou bien dans le nord-est de Paris, dans des quartiers particulièrement caractérisés par leur gentrification48. Il semble donc que nos restaurants visent une clientèle âgée de vingt à trente ans en moyenne, au fait des tendances et ayant un mode de vie assez aisé. Ce portrait semble se rapprocher de la catégorie dite des « bobos », dont le journaliste David Brooks donne la définition suivante : c’est une « nouvelle élite » urbaine porteuse d’un « modèle culturel spécifique » qui réconcilierait les valeurs de la bohème et de la bourgeoisie49.
Parmi les restaurants de notre corpus, c’est Abattoir Végétal qui joue le plus de la proximité avec son public, en adoptant une tonalité s’adressant aux « jeunes ». Tout d’abord, il s’adresse à ses interlocuteurs avec un langage familier. Il se présente ainsi : « Ancienne charcuterie, maintenant bistro vegan, on a gardé du lieu l’amour de la bonne bouffe ». Le ton est donné. Ce langage familier est employé avec les pronoms personnels « on » et « tu », le premier, caractéristique de l’oralité, le second, de la familiarité. A l’écrit, le pronom personnel d’autodésignation employé communément est la première personne du pluriel, le « nous ». Abattoir Végétal a fait le choix du « on » et ne le dissimule pas. Dans la partie « Convictions », ce « on » revient à plusieurs reprises à la manière d’une anaphore : « On aime bien les produits frais et de saison. Pas de fraise en novembre ou de poire en mai. La base. On adore les produits bios. (…) » et un peu plus bas « On veut que notre équipe reste. On la paye bien et on ne la cache pas derrière une porte blindée. ». Les internautes, quant à eux, sont tutoyés, comme dans les phrases du bandeau défilant « et toi tu commandes quand ? (…) tu végètes devant la frise ? ». On remarque bien dans ces deux exemples le ton oral employé avec la tournure syntaxique incorrecte « et toi tu commandes quand ? » qui ne respecte pas l’inversion verbe-sujet ainsi que le registre familier du verbe « végéter ». Le tutoiement peut se lire comme une manière pour Abattoir Végétal d’interpeler l’internaute. En effet, avec le « tu », l’internaute se sent personnellement concerné, à la différence du « vous » qui désignerait un ensemble de personnes. Cet effet est renforcé par l’interjection « et toi ? ». Le « vous » est également le pronom personnel employé dans les relations formelles pour marquer le respect d’une autorité, voire dans les relations informelles pour marquer le respect de la personne. Dans ce contexte, bien qu’Abattoir Végétal ne connaisse pas personnellement ses lecteurs, il s’octroie le droit de les tutoyer, ce qui a pour effet de mettre l’émetteur du discours et son récepteur sur un pied d’égalité. Ainsi, le restaurant noue avec ses client.e.s potentiel.le.s une relation de familiarité. Il endosse ainsi l’ethos du « bon copain », c’est-à-dire qu’il fait de lui-même une image de jeune, à l’image du public qu’il imagine, relation qu’il noue autour de la sympathie. Nous entendons ici le terme d’« ethos » au sens d’ « ethos discursif », c’est-à-dire « la façon dont le locuteur élabore une image de soi dans le discours »50.
Contourner un possible ethos préalable
Un des enjeux majeurs dans la communication de ces restaurants est sûrement de contourner une méfiance probable du public à l’égard de la nourriture saine. Il est très clair que certains restaurants ont pris conscience de cet ethos préalable possible. L’éthos préalable est antérieur au discours, il désigne « l’image que l’auditoire peut se faire du locuteur avant sa prise de parole »58. Dans ce contexte la prise de parole n’est pas orale mais écrite et le site web est le dispositif qui permet cette présentation de soi. L’ethos préalable de nos restaurants n’est pas dû à leur statut institutionnel ni à leur rôle dans l’espace social, mais bien à ce que l’alimentation qu’ils proposent peut connoter. Une alimentation bonne pour la santé n’évoque pas en premier lieu une alimentation « plaisir », ce qui pourrait repousser un certain nombre de personnes. C’est donc bien ce lien entre alimentation saine et plaisir que nos restaurants tentent de créer via le discours, particulièrement en mettant en avant le fait qu’ils connaissent les préjugés potentiels de leur public à l’égard de l’alimentation saine.
Cet éthos préalable est particulièrement mis en avant sur le site de La Guinguette d’Angèle, sur la page « Traiteur ». On peut y lire : « Nous proposons des déjeuners 100% sans gluten, sains mais toujours ultra gourmands ! ». C’est la conjonction de coordination « mais » qui nous indique que La Guinguette d’Angèle a conscience du possible préjugé qui entourerait l’alimentation saine et sans gluten. Dans ce contexte, le « mais » est presque synonyme d’un « malgré tout ». La Guinguette d’Angèle anticipe la critique des lecteurs en leur assurant d’emblée que, si l’alimentation qu’elle propose est bonne pour la santé, elle ne délaisse pas pour autant le plaisir des sens. Cette rhétorique est visible sur d’autres sites web, mais le « mais » y est implicite. C’est le cas par exemple de Nous, dont la page d’accueil affiche fièrement : « Une cuisine moderne et décomplexée inspirée des 4 coins du monde ». Cette qualification de la cuisine comme « décomplexée » est originale. Cependant, d’après mes recherches, elle n’est pas propre à Nous : on trouve sur le net quelques autres acteurs dans le champ de l’alimentation qui emploient cette expression. D’après ce qu’on peut comprendre de leurs discours, une « cuisine décomplexée » est une cuisine simple, gourmande et innovante59. Toutefois cet adjectif n’est pas anodin car il est dans le langage commun employé pour qualifier une personne. Est « décomplexée » une personne sans complexes, libérée, émancipée60. Une « cuisine décomplexée » serait donc une cuisine qui n’aurait pas honte de ce qu’elle est, qui ne chercherait pas à rentrer dans le moule ou à être parfaite. Une cuisine qui invente ses propres codes et qui permet de se faire plaisir. Cette expression présuppose donc qu’il existe des cuisines « complexées », ce qui désignerait une cuisine qui aurait intégré tout un ensemble de normes. C’est ce que l’on pourrait reprocher à l’alimentation healthy étant donné qu’elle est guidée par des principes qui la contraignent. En affirmant haut et fort que sa cuisine est « décomplexée », Nous semble nous adresser le message que leur nourriture, bien que saine, est affranchie de toute règle coercitive. Nous pouvons donc faire l’hypothèse que cette formulation marque la compréhension de leur possible ethos préalable et qu’elle est un moyen de le retourner en sa faveur. Abattoir Végétal déploie également cette stratégie et de manière beaucoup plus explicite. Ainsi aborde-t-il l’internaute : « Ancienne charcuterie, maintenant bistro vegan, on a gardé du lieu l’amour de la bonne bouffe. (…) Au revoir vegan ronchon, bienvenue dans une partie fine de légumes, céréales, légumineuses et fruits. ». L’ennemi est clairement nommé ; il s’agit du « vegan ronchon ». Cette expression connote une alimentation qui, dans son ambition d’être saine et bonne pour la planète, a oublié d’être goûteuse. Abattoir Végétal lui tourne clairement le dos en lui disant « au revoir ». Dorénavant, l’alimentation végane sera placée sous le sceau de l’amusement, du plaisir et de la variété. Puis, dans le paragraphe qui suit, Abattoir Végétal poursuit : « Si t’as mangé du bacon ce matin, on va pas te taper sur les doigts ». Cette phrase intervient après avoir mentionné la présence à la carte d’aliments sans gluten ou faibles en indice glycémique. Elle est donc un moyen d’anticiper la réaction de certaines personnes qui pourraient être lassées de ces contraintes appliquées à la nourriture, en affirmant le non-dogmatisme du restaurant. Malgré son offre de restauration
La santé est à comprendre dans sa définition complète, au sens de bien-être (physique, mental et social)
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la santé comme suit : « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Cette définition intègre donc à la santé une composante émotionnelle, car le bien-être est défini comme un « Sentiment général d’agrément, d’épanouissement que procure la pleine satisfaction des besoins du corps et de l’esprit. »92. Le bien-être, dans le sens commun, renvoie aussi à la relaxation, la détente et la sérénité, à la fois du corps et de l’esprit. La définition de l’OMS est une conception holistique de la santé, c’est-à-dire qu’elle prend en charge l’humain dans l’ensemble de ses dimensions. Un homme « en bonne santé » serait donc un homme qui se sent bien dans son corps, dans sa tête et avec les autres. C’est une personne à la fois en bonne forme physique et psychologique, qui a trouvé un bon équilibre dans sa vie et qui se sent sinon heureux, du moins satisfait.
Cet « état » étant un équilibre à trouver, il résulte d’un travail sur l’individu, qu’il ait été fait par lui-même ou qu’il soit la résultante du souci d’autrui. C’est en ce sens que le bien-être est lié au care, notion très en vogue à notre époque, qui désigne à la fois l’ensemble des métiers du soin, une philosophie, une éthique, et un projet politique. Cette notion, et ses représentantes comme Sandra Laugier, ont été très représentés dans les médias en 2020 car la pandémie mondiale a mis au jour notre vulnérabilité en tant qu’humains et notre dépendance aux métiers du soin. Le « souci des autres »93 comprend également le soin de la planète, en tant qu’elle est une altérité que l’activité humaine rend vulnérable.
Les restaurants dont nous étudions les sites web dans ce mémoire semblent s’inscrire dans ce courant de pensée car ils transmettent ces sentiments de souci de soi (le bien-être mental), souci d’autrui (le bien-être social) et souci de la nature (l’engagement écologique). L’alimentation n’est donc pour eux pas seulement un moyen d’atteindre un bon état physiologique du corps, c’est un moyen d’avoir une action positive sur soi et sur le monde, dans une attitude de bienveillance. Pour illustrer ces trois aspects, nous nous appuierons sur le soustitre de Qu’est-ce que le care94 de P. Molinier, S. Laugier et P. Paperman : « souci des autres, sensibilité, responsabilité ». Nous commencerons par démontrer en quoi ces restaurants témoignent d’une grande sollicitude envers notre personne, envisagée comme l’association d’un corps et d’une « sensibilité », puis nous analyserons comment ils conçoivent le « souci des autres » en célébrant le lien humain, et enfin nous nous intéresserons à la « responsabilité » donc les restaurants se sentent investis, d’un point de vue sociétal.
Sensibilité – Une apparente sollicitude pour les clientes
Ces restaurants véhiculent l’idée que l’alimentation doit viser la santé, mais celle-ci est plus comprise en termes de « bien-être ». Il s’agit d’une alimentation qui soigne, corps et esprit. L’image d’eux-mêmes qu’ils construisent par le discours prend un caractère d’ethos du « soignant ». Ils se montrent, via l’alimentation qu’ils promeuvent, comme les premiers garants de notre bien-être.
Le bien-être réside dans l’équilibre
D’après le discours de nos restaurants, une alimentation « saine » serait une alimentation réussissant à trouver l’équilibre entre santé du corps et santé de l’esprit.
PH7 file l’image de l’équilibre à travers tout son discours : en proposant une alimentation « complète », il respecte « l’équilibre acido-basique » de notre estomac, qui n’est qu’un premier pas vers un « équilibre global ». Cette entente du corps et de l’esprit est rendue imagée par un dessin qui montre une femme faisant de la poutre, activité qui nécessite à la fois la maîtrise du corps et celle de l’esprit. PH7 entend donc bien la « santé » au sens de la définition de l’OMS, qu’il reformule selon l’expression « notre santé globale ». En effet, il ne s’agit pas seulement de traiter le corps : leur approche est holistique, comme l’incarne l’expression « un art de vivre au quotidien ». Les autres restaurants de notre corpus ne prétendent pas avoir un impact de même importance sur notre vie, mais ils soulignent également cette attention à la santé du corps et de l’esprit. Ainsi Le Bichat associe dans sa première phrase « Manger sain » et « dans un cadre ouvert et chaleureux » : il s’agit donc d’un endroit « où l’on se sent bien », où le corps et le moral sont respectés. On retrouve cette promesse de bien-être sur le site web de Nous, qui s’exclame à la fin de son discours « Avec Nous, le BON crée du lien et ça fait du BIEN ! ». Au vu des valeurs exposées dans le texte, le « BON » est à comprendre comme l’alliance du « sain » et du « plaisir ». L’expression « ça fait du BIEN ! », du fait de son registre familier, de ses caractères en majuscule et du point d’exclamation, ressemble à un soupir de soulagement, comme une pleine satisfaction faisant naître le bien-être. Cet équilibre a été trouvé via ce que Nous appelle « un cercle vertueux et goûteux ». Cette métaphore est très intéressante car elle mobilise la forme du rond. Cette forme symbolise justement l’équilibre et l’harmonie : une table ronde est une table qui ne hiérarchise pas les convives et où chacun a une place égale95, une maison ronde n’a pas d’angles donc l’énergie circule de manière harmonieuse96, le yin et le yang s’imbriquent parfaitement et leur alliance symbolise l’harmonie97. Il est très intéressant à cet égard de noter que le rond est la forme qui revient le plus dans les images de nos six sites web. Il peut s’agit de récipients (marmites, bols, verres et assiettes photographiés de haut), des aliments eux-mêmes (oignons, potirons, choux, pêches, pommes, des compositions alimentaires comme le « gâteau » de pancakes en page d’accueil d’Abattoir Végétal) ou du logo de PH7. Le rond crée un confort visuel, et l’assemblage de ronds une harmonie visuelle qui vient supporter le discours des restaurants autour de l’équilibre corps et esprit. L’alimentation de ces restaurants est donc une alimentation qui apporte une certaine harmonie entre le corps et l’esprit, incarnée par la notion d’équilibre.
Le bien-être résulte du soin
Ces restaurants transmettent aussi l’idée que le bien-être résulte du soin. La sollicitude qu’il nous témoignent est aussi une incitation à prendre soin de nous-mêmes.
Le principe d’incorporation comme principe guérisseur
« Nous sommes ce que nous mangeons »98 écrit Ludwig Feuerbach, philosophe allemand du XIXème siècle, reprenant les préceptes d’Hippocrate, datant du IVe siècle avant Jésus-Christ. Cette formule est bien connue et elle correspond à ce que Claude Fischler appelle « le principe d’incorporation » : « incorporer un aliment, c’est, sur un plan réel comme sur un plan imaginaire, incorporer toute une partie de ses propriétés : nous devenons ce que nous mangeons » 99. Les restaurants que nous étudions font preuve d’une grande croyance en ce principe et en particulier aux pouvoirs de soin des aliments. Le discours de nos restaurants tant à les décrire comme des remèdes, d’un point de vue biologique comme émotionnel.
Certains restaurants investissent les aliments qu’ils utilisent d’un pouvoir tel que les mets qu’ils proposent semble pouvoir agir comme des potions magiques.
Le discours témoigne donc d’une croyance aux pouvoirs de guérison des aliments. Cette croyance semble particulièrement vive dans le discours de Wild & The Moon. Il nous plonge dans une atmosphère magique, comme si les mots émanaient de la bouche d’une sorcière, au sens historique du terme, c’est-à-dire d’une « femme qui utilisai[t] librement la nature pour soigner »100 . En effet, on remarque une croyance forte dans les pouvoirs de la nature : elle est personnalisée et glorifiée comme une reine : « les bienfaits de Mère Nature, entièrement issus du royaume végétal ». La « Nature » avec un grand « N » peut avoir de réelles actions de transformation sur le corps, comme le montre le champ lexical de la magie : « pouvoirs de guérison de la Nature », « alchimie puissantes des plantes », « éléments bioactifs ». Mais ces pouvoirs s’appliquent aussi à l’esprit, car la « Nature » a le pouvoir de « nourrir les âmes ». Wild & The Moon nous plonge dans un univers de forêt magique. Cela rejoint la connotation du nom du restaurant, qui signifie littéralement « sauvage et la lune » et du nom donné à l’équipe du restaurant, la « Wild Tribe », « tribu sauvage » en français. La formulation « faire revivre les techniques de savoir-faire traditionnel de préparation des aliments » renforce l’atmosphère de sorcellerie qui entoure le discours du restaurant. L’expression « faire revivre » évoque des choses inanimées que l’on ramènerait à la vie par un principe magique et les « techniques de savoir-faire traditionnel » rappellent les savoirs-faires ancestraux des sorcières. Cette thématique de la « vie » se retrouve dans le lexique de la « vitalité » très présent, qu’il s’agisse des « alchimies nutritionnelles riches en énergie vitale », des « enzymes vitales », ou de l’« énergie vitale pour le corps » : le discours de Wild & The Moon est donc très empreint de spiritualité, « l’énergie vitale » étant dans plusieurs spiritualités orientales « la force qui maintient le souffle de vie »101. La cuisine de Wild & The Moon est donc présentée comme l’antre d’une sorcière, qui manierait les aliments « toxiques » et ceux « bienfaisants » pour élaborer des potions magiques.
Le partage entre les clientes
L’idée de partage qui est représentée et transmise ne concerne pas seulement le lien entre les restaurateur.ice.s et les client.e.s, elle concerne aussi le partage entre les convives. Les restaurants utilisent les images pour évoquer une atmosphère conviviale, promesse de bons moments partagés. Cet aspect est particulièrement important pour un public français, comme l’a mis en lumière l’étude de Claude Fischler et Estelle Masson conduite de 2000 à 2002133 : « chez les Français, ce qui est de prime abord mobilisé, c’est plutôt le registre de la sociabilité et de la commensalité (le partage de la table) ou, pour le dire dans le langage de nos interlocuteurs, de la convivialité. Français et Suisses romands, lorsqu’on leur demande ce que « bien manger » veut dire, parlent volontiers de « repas en famille » ou « entre amis ». ». Il s’agit donc d’une question sensible que celle de la commensalité, redoublée par le fait que le restaurant est le lieu par excellence de la commensalité : on y va généralement en groupe, dans le but de partager un repas. Les restaurants healthy que nous étudions n’ont pas négligé cet aspect car, comme nous allons le voir par l’étude des images, ils mettent en scène cette « sociabilité alimentaire » si chère aux Français.
La convivialité est suggérée par les photographies de nourriture, qui très souvent mettent en scène une pléthore de plats disposés sur la table, comme lors d’un repas partagé. Quatre photographies sont particulièrement semblables : il s’agit de celle de la page « chez nous » du site d’Abattoir Végétal, celle de la page d’accueil de PH7, celle de la Newsletter de La Guinguette d’Angèle, et une des photos de la galerie Instagram de Nous, affichée sur sa page d’accueil. Nous les commenterons à plusieurs reprises dans le corps de ce mémoire, car elles sont très riches en signes.
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Table des matières
Introduction
Naissance d’un questionnement
L’alimentation, une question humaine
L’apparition du phénomène « healthy »
L’histoire
Le « healthy »
Les « restaurants » healthy
Le contexte particulier de 2020-2021
Travaux universitaires
Questions
Problématique
Hypothèses
Méthodologie
Corpus
Méthodes d’analyse
Annonce du plan
I. En proposant une alimentation saine, ces restaurants imposent leur représentation selon laquelle l’alimentation doit avant tout rechercher la « santé ».
I.1. A l’origine, des croyances
I.2. Persuader via la communauté
I.2.A. Emprunter ses codes et séduire
I.2.B. Contourner un possible ethos préalable
I.2.C. Partager des présupposés communs
I.2.D. Tout montrer
I.3. Se donner une autorité irréprochable pour être digne d’estime
I.3.A. Se définir
I.3.B. Et promettre
I.4. Prescrire
I.4.A. Les commandements
I.4.B. Le prescrit et le proscrit
I.4.C. Le discours scientifique
Conclusion de la première partie
II. La santé est à comprendre dans sa définition complète, au sens de bien-être (physique, mental et social).
II.1. Sensibilité – Une apparente sollicitude pour les clientes
II.1.A. Le bien-être réside dans l’équilibre
II.1.B. Le bien-être résulte du soin
II.2. Souci des autres – Célébrer le lien humain
II.2.A. Accueillir
II.2.B. « Chez nous »
II.2.C. Et partager
II.3. Responsabilité – un engagement sociétal
II.3.A. Une conception démocratique du bien-être
II.3.B. Plus que l’égalité, la fraternité
III. La requalification du plaisir de manger : entre sagesse, retour aux sources et spectacle
III.1. Le « plaisir sain »
III.1.A. Un plaisir feint ?
III.1.B. Assembler les contraires
III.1.C. « Plaisir » et « sain », binôme indissociable
III.1.D. Le sain comme condition du plaisir.
III.2. Le plaisir de l’évasion : une retraite spatiale, temporelle et spirituelle.
III.2.A. Ailleurs géographique, ailleurs rêvé
III.2.B. Ailleurs temporel, passés idéalisés
III.3. Le plaisir de l’image
III.3.A. Un plaisir pour les yeux
III.4. Le plaisir du « goût de classe »
Conclusion de la troisième partie
Conclusion générale
Conclusions sur nos hypothèses
Perspectives de réflexion
Bibliographie
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