La salle de lecture virtuelle en théorie
Les archives sur le web
La question de la présence sur le web des archives en tant qu’institutions a très vite émergé.
La première démarche a consisté dans la création de pages dédiées aux services, par « nécessité d’avoir une place dans ce nouvel univers », selon Hamel (1998, p. 43). Il détermine que l’objectif étant de permettre au visiteur d’accéder à l’information qu’il recherche, cette présence nécessite une réelle réflexion sur le public visé et les informations communiquées, ainsi que le contenu diffusé et la façon de le rendre accessible.
D’après St-Pierre (2017), les premières versions des sites web des archives présentaient les informations générales des services d’archives publiques, de la même manière qu’un dépliant, constituant ainsi une première phase d’évolution. La suivante a permis au public d’appréhender la valeur et la portée des archives par l’entremise d’expositions virtuelles et la consultation d’instruments de recherche comme des présentations des fonds, des plans de classification, des bases de données interrogeables. Avec une troisième phase, ces dernières ont intégré le fruit des numérisations du matériel archivistique et permis la consultation directe à distance, mais également leur réutilisation sous diverses formes.
La numérisation
Avant la numérisation, le microfilm a constitué une solution à la préservation des documents d’archives. Mais l’innovation technologique l’a fait tomber en désuétude au tournant du XXIe siècle. Le traitement long et fastidieux qu’il impliquait n’a pas totalement disparu, mais la numérisation a surtout cet avantage sur le microfilm qu’elle permet au fichier créé de contenir davantage que le document lui-même, et de l’insérer dans un contexte permettant de l’enrichir, par la création d’un lien avec des fichiers de métadonnées techniques ou descriptives. Ces opérations autorisent le chercheur à une plus grande autonomie d’un côté, mais aussi une exploitation plus efficace du matériel archivistique (Naud 2019).
Cependant, l’entier des matériels d’archives ne saurait être numérisés, que ce soit pour des questions de volume, de dimension et de nature des supports, mais aussi pour des questions de coûts financiers et temporels (Thomson 2017). Aussi, comme c’était déjà le cas pour le microfilmage, la numérisation constitue d’abord une opération de préservation, comme le rappelle la Déclaration de Vancouver : « la numérisation permet d’éviter que des documents d’une valeur inestimable ne soient manipulés et donc détériorés davantage » (UNESCO/UBC 2012, p. 1). Dans certains cas, au bénéfice d’un travail d’identification des fonds les plus pertinents pour le public, elle est aussi réalisée dans un objectif de mise en ligne. Généralement, ces choix figurent dans la stratégie de numérisation du service d’archives
La consultation en ligne : avantages et limites
L’offre de consultation des archives en ligne, que ce soient les instruments de recherche ou les documents numérisés, modifie le rapport aux archives et s’accompagne d’avantages et de limites.
Du côté des bénéfices, c’est pour l’usager un gain de temps puisqu’il n’a plus besoin de se déplacer et n’est plus dépendant des horaires d’ouverture des services d’archives pour accéder aux informations. Pour le service d’archives, c’est ainsi un moyen de proposer les contenus de ses fonds à un public plus large et potentiellement plus diversifié, à portée de clic.
Cependant, les effets de la mise en ligne sont difficilement mesurables. La mise en ligne des inventaires a généré une baisse des visites sur place pour « information » (Fournié 2009), et la mise en ligne des documents numérisés a eu la même conséquence. Pour les services d’archives, il est difficile de savoir si l’usager en présentiel s’est muté en internaute ou s’il visite encore le service, les méthodes de collecte statistique indirecte ne permettant pas les recoupements. De la même manière, il est difficile d’évaluer la proportion réelle de nouveaux publics conquis, à moins que les courbes de fréquentation ne suivent des opérations de communication engagées par ailleurs.
Assurer les conformités légales et réglementaires
De manière générale, le principe de transparence prévaut pour l’accès aux contenus des documents, et ne devrait pas varier en fonction de la nature matérielle des documents. Un document consultable dans le bâtiment du service d’archives peut aussi l’être en ligne s’il existe sous forme numérique. Bien sûr, certains contenus régissent la disponibilité des documents, comme les données relatives à la personnalité ou certaines affaires. La consultation de ces documents est donc soumise à des délais de protection dont la durée est variable selon l’autorité légiférante et la teneur des informations. La gestion de ces délais dans le cadre de la consultation en ligne peut être gérée de manière automatisée, à condition de disposer des outils et des métadonnées le permettant. Cette gestion autorise ainsi la numérisation complète des fonds et le contrôle de la consultation des documents sous délai de protection sur demande d’autorisation, notamment en fournissant des accès distants réservés et sécurisés comme le préconise un rapport français dans ses recommandations (Nougaret 2017). Le projet pilote Digitalisierung von archivalischen Quellen, financé par la Fondation allemande pour la recherche (DFG), propose une série de mesures organisationnelles et technologiques permettant d’assurer la consultation des documents protégés, qui comprennent notamment l’identification claire de l’utilisateur et une classification des documents assortie de leurs conditions organisationnelles de consultation .
Définition de la salle de lecture virtuelle
Le périmètre d’application utilisé pour le terme « salle de lecture virtuelle » a évolué à travers le temps, de la même manière que le type et le volume de contenu a augmenté. Dans tous les cas, le site web du service d’archives et ses fonctionnalités tels qu’étudiés par Hamel en 1999 (identification de l’organisme, présentation du service, accès à l’information sur les fonds et collections et renseignements généraux) sont toujours d’actualité, et constituent le socle des archives sur le web.
En 1999, Weber pose déjà les premières caractéristiques de la salle de lecture virtuelle, en définissant trois niveaux d’objectifs à la représentation des archives sur le web. D’abord, fournir les informations sur le service d’archives. Puis, présenter les informations sur le matériel d’archives, en donnant un aperçu des fonds avec leur classification et de l’état des fonds avec les instruments de recherche. Enfin, introduire le matériel d’archives lui-même. Alors qu’il n’utilise le terme « salle de lecture virtuelle » que pour décrire l’espace virtuel dans lequel se tient la consultation des documents, c’est en fait tout un écosystème informationnel qu’il décrit dans son article, dont l’objectif premier est la description des documents, préalable à leur mise à disposition. Il démontre l’intérêt d’une description des pièces selon la norme ISAD(G), ainsi qu’une normalisation des termes pour permettre une meilleure indexation et donc exploitation par des moteurs de recherche. À terme, la consultation des documents sous forme numérique servira différentes missions selon les groupes-cibles : formation, mise en valeur de thématiques par le biais d’expositions virtuelles, transmission de documents sur commande si nécessaire… Toujours selon lui, l’équipement de la salle de lecture virtuelle doit être adapté à la demande et son exploitation mesurée
Les autres types d’accès aux archives
Couture (2008) définit la diffusion comme l’« action de faire connaître, de mettre en valeur, de transmettre et/ou de rendre accessible une ou des informations contenues dans des documents d’archives à des utilisateurs (personnes ou organismes) connus ou potentiels pour répondre à leurs besoins spécifiques. » (p. 374). La salle de lecture virtuelle telle que nous venons de la découvrir s’inscrit parfaitement dans la description de la fonction de diffusion.
Cependant, tous les usages qui sont réalisés à partir de la numérisation du matériel archivistique ne sont pas compris dans le périmètre de la salle de lecture virtuelle. Le groupe de travail de l’AAS a ainsi établi une liste de ce qui ne lui est pas assimilé. Cela comprend tout procédé révélant une partie seulement de l’entier du matériel archivistique détenu par une institution (expositions virtuelles), ceux présentant les documents sous forme d’un arrangement artificiel (collections) ou rassemblant des documents issus de différentes sources (portails thématiques), les moteurs de recherche, les encyclopédies en ligne, les projets de collaboration participative, les médias et réseaux sociaux (Arnold et al. 2015).
Publics de la salle de lecture virtuelle
Les usagers sur Internet sont anonymes, ce qui rend difficile l’identification de leurs profils et de leurs besoins. De manière générale, le Dictionnaire de terminologie archivistique définit le public des archives comme l’ « ensemble des personnes (lecteurs) qui consultent les archives ou qui, à un titre quelconque, fréquentent les services d’archives ou correspondent avec eux » (Direction des Archives de France 2002, p. 29). Pour la salle de lecture virtuelle, l’AAS complète cette définition en introduisant le concept d’universalité des publics et en précisant que l’accès au matériel archivistique ne doit pas nécessiter de connaissances préalables en histoire ou archivistique (Arnold et al. 2015).
Si dans la salle de lecture physique l’enregistrement des lecteurs participe à la collecte d’informations les concernant, avec la libre consultation des documents et selon les conditions d’accès définies par le service d’archives, il n’est plus toujours possible d’établir un profil des usagers dans le cas d’une salle de lecture virtuelle. D’autres outils peuvent être utilisés alors, comme les statistiques de consultation des documents (et donc des fonds) dans l’outil de visualisation et l’analyse des termes saisis dans les outils de recherche, pour identifier les attentes et adapter l’offre (Prom 2011). Cet exercice peut être complété par la conduite d’enquêtes en ligne.
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Table des matières
1. Introduction
1.1 Mandat
1.2 Problématique
1.3 Objectifs
1.4 Méthodologie
2. La salle de lecture virtuelle en théorie
2.1 Numérisation et archives en ligne
2.1.1 Les archives sur le web
2.1.2 La numérisation
2.1.3 La consultation en ligne : avantages et limites
2.1.4 Assurer les conformités légales et réglementaires
2.2 Qu’est-ce qu’une salle de lecture virtuelle ?
2.2.1 Définition de la salle de lecture virtuelle
2.2.2 Les autres types d’accès aux archives
2.3 Publics de la salle de lecture virtuelle
2.3.1 Typologie des publics et besoins
2.3.2 Usages
2.3.3 Accompagnement et formation à la recherche
2.3.4 Redessiner le service offert aux usagers
2.4 Composantes de la salle de lecture virtuelle
2.4.1 Structure de la salle de lecture virtuelle
2.4.2 Évaluation et adaptation
2.4.3 Perspectives
3. Étude de cas
3.1 Méthodologie
3.1.1 Détail des critères d’évaluation
3.2 Analyse
3.2.1 Sites web
3.2.2 Conditions d’utilisation et compte lecteur
3.2.3 Recherche
3.2.4 Consultation
3.2.5 Autres
3.3 Synthèse
4. État des lieux
4.1 L’institution
4.1.1 Missions
4.1.2 Le personnel
4.1.3 Les locaux
4.1.4 Les fonds
4.1.5 Un service en transition
4.2 Les services au public
4.2.1 Communicabilité et utilisation
4.2.2 La recherche et l’inventaire
4.2.3 La consultation en salle de lecture
4.2.4 Les demandes d’information
4.2.5 La délivrance de documents officiels
4.2.6 Frais et émoluments
4.3 Les documents numérisés des ACV
4.3.1 Historique de la numérisation
4.3.2 Processus de numérisation
4.3.3 Documents numérisés disponibles
4.3.4 Consultation en salle de lecture
4.4 L’offre en ligne des ACV
4.4.1 Précisions sur les conditions de diffusion actuelles
4.4.2 Évaluation de l’offre en ligne actuelle
4.5 Conclusion
5. Analyse des besoins du public
5.1.1 Méthodologie
5.1.2 Présentation des réponses
5.1.3 Analyse
5.1.4 Synthèse
6. Mise en application et recommandations
6.1 Définition du projet
6.1.1 Périmètre
6.1.2 Parties prenantes
6.1.3 Spécifications fonctionnelles
6.1.4 Format des données
6.1.5 Organisation interne
6.1.6 Évaluation et analyse
6.2 Fonctionnalités, services et recommandations
6.2.1 Principes généraux
6.2.2 Recherche
6.2.3 Compte utilisateur
6.2.4 Consultation
6.2.5 Échanges
6.2.6 Repérabilité
7. Limites du travail
8. Conclusion
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