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Cadre nosologique :
La définition histologique des GNEC ne fait pas l’unanimité [37]. Le débat porte principalement sur le pourcentage de glomérules atteints par la prolifération et sur le volume des croissants. Selon les auteurs, 30 à 80 % de glomérules atteints sont exigés pour porter le diagnostic. Mais la prise en compte dans ce pourcentage, des glomérules scléreux, ne fait pas le consensus [37].
Actuellement, les auteurs français retiennent le nombre de 50 % des glomérules qui sont le siège de croissants formés par au moins 2 assises, de cellules comblant plus ou moins la chambre de filtration, sur une biopsie comportant au minimum une dizaine de glomérules [55].
Toutefois, Cameron souligne la fragilité d’une telle définition puisque selon le plan de coupe d’un même glomérule, celui-ci peut sembler normal, ou le croissant, s’il apparaît, peut être segmentaire ou circonférentiel. Pour être représentatif, ce pourcentage doit donc être évalué sur un nombre minimal de glomérules, estimé à 20 pour Cameron, au lieu de 10 pour la plupart des auteurs et nécessite que la biopsie soit étudiée sur des coupes sériées [14].
Les Leucocytes et interaction leucocytes / cellules endothéliales :
Dans un premier temps les marcrophages activés libèrent l’IL-1 et le TNF alpha (tumor necrosis factor). Ces cytokines augmentent ou suscitent l’expression de molécules d’adhésion : sélectines et integrines à la surface des cellules endothéliales et des leucocytes circulants. La diapédèse des leucocytes est favorisée par l’intervention de la fraction C5a du complément et des chimiokines. La matrice extracellulaire facilite l’interaction et la migration de ces cellules infiltrantes avec des facteurs de croissances (FGFb, PDGF, TGF beta) [12].
Les anticorps anti-MBG sont dirigés contre une structure du collagène de type IV. Ils entraînent une agression prolongée de la MBG. Le complexe immun formé in situ entraîne un processus inflammatoire secondaire à l’adhésion et l’activation des leucocytes.
Les ANCA sont généralement des Ig G, mais parfois aussi des Ig M à la phase aiguë de la maladie. Ces anticorps sont dirigés contre des protéines contenues dans les granules des polynucléaires neutrophiles. Les deux principales spécificités antigéniques reconnues par les ANCA dans les vascularites systémiques sont la protéinase 3 (PR3) et la myéloperoxydase (MPO). Les anticorps anti-PR3 produisent une fluorescence cytoplasmique granuleuse sur neutrophiles fixés à l’alcool (C-ANCA), et les anti-MPO une fluorescence périnucléaire (P-ANCA) en raison de la redistribution de leur cible antigénique autour du noyau après fixation des polynucléaires à l’alcool. Au cours de l’apoptose des neutrophiles, les antigènes cibles des ANCA sont exposés à la surface des cellules [28,15].
La rupture de la membrane basale glomérulaire et formation des croissants :
La perforation de la MBG permet le passage de médiateurs humoraux ou cellulaire dans l’espace urinaire après lyse de ses constituants essentiels (collagène IV, laminine et fibronectine) par des radicaux oxygénés, des protéinases sériques et par des métalloprotéinases libérés sous forme de pro-enzymes activées. [36, 13]
Une fois les brèches créées, il se produit en outre de ces événements inflammatoires, une production secondaire de cytokines ainsi que l’activation secondaire de la coagulation.
La présence dans l’espace de Bowman des facteurs de coagulation aboutira à la formation de la chaine de fibrine, celle-ci sera à l’origine du développement de croissants à travers plusieurs mécanismes [64 ,30]:
o Le premier mécanisme est le dépôt de fibrine qui empêche la filtration à travers la MBG.
o Le deuxième mécanisme est le chimiotactisme exercé par la fibrine et les produits de dégradation de la fibrine sur les macrophages dans l’espace de Bowman.
o Le troisième mécanisme est l’activation par la thrombine, des récepteurs de la thrombine (PAR-1).
Le facteur tissulaire, l’inhibiteur du facteur tissulaire et le système plasmine / plasminogène sont les molécules pro-coagulantes jouant le rôle central dans ce processus.
Les cellules T : [56,16, 68]
Le principal rôle des cellules T dans les lésions glomérulaires est la reconnaissance antigénique et le recrutement des macrophages par la libération de molécules chimiotactiques comme le MIF et INF gamma.
Les fibroblastes : [64]
Ils constituent la source majeure du collagène de type I qui caractérise la transformation fibreuse du croissant cellulaire. Leur prolifération dépend des facteurs de croissance notamment bFGF (basic fibroblast growth factor).
Les cellules épithéliales pariétales : [48, 10]
Elles représentent un composant cellulaire important des croissants, grâce à leur haut pouvoir prolifératif, en réponse aux facteurs de croissance comme les PDGF (platelet derived growth factor) et b FGF (basic fibroblast growth factor) et contribuent remarquablement à la synthèse du collagène I après transformation en cellules inflammatoires effectrices macrophage like.
Les podocytes : [45,68]
Ils peuvent fournir jusqu’au quart de la masse cellulaire du croissant au stade précoce de sa formation et ceci après une transformation phénotypique mésenchymale.
La résolution du croissant:
La pratique des biopsies rénales sériées a démontré la régression possible des croissants cellulaires. Cette résolution du croissant dépend de l’intégrité de la capsule de Bowman et de la composition cellulaire du croissant.
L’évolution fibreuse est plus fréquente quand la capsule de Bowman est rompue et quand les fibroblastes et les macrophages sont prédominants dans le croissant. (Figure 2)
L’extinction du processus inflammatoire est marquée par l’accumulation de matrice extracellulaire et l’évolution vers la fibrose du croissant.
Le TGF-β (transforming growth factor) produit par les cellules glomérulaires serait le principal élément régulateur de ce processus [81, 82].
L’administration d’anticorps anti-TGF- β inhibe la fibrose des croissants dans des modèles expérimentaux. L’angiotensine II est un puissant stimulant de la production de TGF- β et l’inhibition du système rénine-angiotensine pourrait permettre de limiter les processus de fibrose glomérulaire dans les modèles expérimentaux.
Examens biologiques et morphologiques : [72,37]
– Le syndrome inflammatoire biologique est constant avec une augmentation de la vitesse de sédimentation et du taux de protéine C-réactive sans cause identifiable.
– Les examens complémentaires, en particuliers biologiques orientent le diagnostic et sont choisis en fonction du contexte clinique et des signes extrarénaux (Figure3)
– L’échographie rénale : en générale elle montre des reins de taille normale avec
une bonne différenciation cortico-médullaire
Etude anatomo-pathologique :
Le diagnostic de GNEC est un diagnostic anatomopathologique défini par un aspect caractéristique en microscopie optique. L’examen en immunofluorescence apporte des éléments indispensables pour le diagnostic étiologique. Cette lésion n’est pas spécifique, mais reflète une agression particulièrement sévère de la membrane basale.
La PBR doit être faite en urgence en respectant les contre-indications et après stabilisation de l’état critique du patient.
Lésions associées : [54,55,46]
Autres lésions glomérulaires :
Son aspect, très variable, dépend de l’intensité et de l’étiologie de la GNEC. Le croissant est une lésion réactionnelle à une nécrose plus ou moins étendue de flocculus. La nécrose rompt la continuité de la paroi capillaire glomérulaire et entraine la formation de dépôts de fibrine et l’irruption de facteurs circulants. La mise en évidence des lésions de nécrose du flocculus nécessite l’examen de coupes sériées. La coloration argentique peut montrer la rupture de la paroi capillaire glomérulaire mieux repérable en microscopie électronique. D’autres lésions glomérulaires peuvent être présentes : prolifération cellulaire endocapillaire (figure 5), prolifération mésangiale, aspect en double contours des parois capillaires périphériques, des dépôts mésangiaux endo- ou extramembraneux. Enfin, le glomérule peut être presque totalement détruit, ne persistant que sous forme de quelques lambeaux de membranes basales, ou totalement scléreux en PAC [54,55].
Lésions tubulo-interstitielles:
Les GNEC s’accompagnent de lésions tubulo-interstitielles souvent importantes. A la phase précoce, l’oedème interstitiel et les foyers de nécrose épithéliale tubulaire avec cylindres hématiques sont fréquents. L’infiltration cellulaire inflammatoire de l’interstitium est habituelle d’intensité variable faite de macrophages, de lymphocytes T et de plasmocytes souvent disposés en couronne autour des glomérules lésés. (Figure 6)
L’infiltrat inflammatoire est particulièrement abondant dans les maladies de système et dans les formes idiopathiques pauci-immunes. La présence de granulomes épithélioïdes est caractéristique de la maladie de Wegener. Au stade de cicatrisation, des lésions fibreuses tubulo-interstitielles sont habituelles [55,46].
Lésions vasculaires :
Les vaisseaux apparaissent normaux le plus souvent, mais l’examen minutieux de coupes sériées est indispensable afin de ne pas méconnaitre une vascularite segmentaire qui touche surtout les artères inter lobulaires. Leur paroi est remaniée par une nécrose fibrinoide qui infiltre l’intima ou s’étend plus au moins à la média. Ces lésions sont surtout l’apanage des maladies de système (vascularites, lupus érythémateux disséminé LEAD, cryoglobulinémie) [55,46]
Glomérulonéphrites avec anticorps anti-membrane basale glomérulaire
Maladie de Goodpasture [26] :
La maladie de Goodpasture doit être distinguée du syndrome de Goodpasture associant insuffisance respiratoire aiguë hémoptoïque et GNRP dont les causes les plus fréquentes sont en fait les vascularites microscopiques (Wegener et polyangéite microscopique).
Elle survient un peu plus souvent chez l’homme, avec deux pics de fréquence entre 20 et 30 ans, et après 50 ans. Cette maladie rare survient parfois sur un mode épidémique, sans qu’un agent infectieux responsable ait pu être identifié. Les patients se présentent avec une dyspnée rapidement croissante et des hémoptysies, dont l’importance n’est pas corrélée à l’abondance de l’hémorragie alvéolaire, surtout chez les fumeurs et en cas d’oedème aigu du poumon associé. Les clichés thoraciques montrent des opacités hilifuges prédominant aux bases puis diffuses. L’atteinte rénale est typiquement une GNRP hématurique révélatrice ou d’apparition secondaire. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’anticorps anti-MBG circulants, et le long des membranes basales glomérulaires et alvéolaires pulmonaires.
Autres [72] :
Il existe des formes frontières avec les vascularites systémiques telle les vascularites des vaisseaux de petit et de moyen calibre.
Glomérulonéphrites avec généralement dépôts granuleux d’Ig : 40%
Maladies infectieuses :
Certains agents infectieux bactériens peuvent induire une GNEC associée à des dépôts de complexes immuns, provoquant généralement l’activation du complément. La localisation des dépôts (sous-endothéliaux ou sous-épithéliaux), le germe et l’origine de l’infection en cause peuvent expliquer les différentes présentations histologiques, ainsi que des signes cliniques et un pronostic variables de ces lésions rénales post infectieuses.
Les germes le plus souvent en cause sont le streptocoque A bêta hémolytique, et Staphylococcus epidermidis et aureus en particulier dans les néphrites de shunt et les endocardites aiguës. La lésion glomérulaire est une glomérulonéphrite proliférative et exsudative diffuse, associée à une prolifération extracapillaire, soit d’emblée, soit secondaire. Certains germes, en particulier Staphylococcus epidermidis , sont capables d’induire une lésion directe du capillaire glomérulaire sans fixation d’Ig, et les taux sériques des fractions C3 et C4 du complément restent parfois normaux. [72].
Des facteurs génétiques et environnementaux semblent nécessaires à l’induction de la maladie, car lors d’une épidémie à l’un de ces germes « néphritogènes », tous les malades ne présentent pas une glomérulonéphrite et la présentation clinique est différente d’un patient à l’autre. D’autres infections bactériennes se compliquent exceptionnellement d’une GNEC, telles syphilis, mycoplasma pneumoniae, la tuberculose et la fièvre typhoïde.
Les maladies virales se compliquent rarement de GNEC. Une hépatite B peut être associée à une glomérulonéphrite extramembraneuse, mais la prolifération extracellulaire reste exceptionnelle. L’hépatite C se complique parfois d’une cryoglobulinémie mixte de type 2 avec glomérulonéphrite membranoproliférative de type 1, mais la prolifération extracapillaire reste exceptionelle. [58, 72]. Une périartérite noueuse se développe parfois au cours d’hépatites B ou C, mais ces vascularites touchant les troncs moyens entraînent une ischémie glomérulaire sans GNEC. Une GNEC est exceptionnelle au cours d’une infection à cytomégalovirus ou du VIH. [13].
Lupus érythémateux aigu disséminé : [39, 40, 60, 63]
Le diagnostic du LEAD repose sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques. L’American Rheumatism Association (ARA) a publié une liste en 11 critères, un nombre étant 4 est exigé pour retenir le diagnostic du LEAD. (Figure11)
La néphropathie lupique survient chez 30 à 75% des patients lupiques selon les critères utilisés pour définir l’atteinte rénale et le type de population étudiée. L’atteinte rénale est souvent précoce, survenant dans les trois premières années d’évolution du lupus systémique.
La protéinurie est la manifestation la plus fréquente de la néphropathie lupique, atteignant le syndrome néphrotique (> 3 g/24 heures) dans 45–65 % des cas. Une hématurie microscopique est notée dans près de 80 % des néphropathies lupiques à un stade ou un autre de l’évolution. La présence de cylindres urinaires signe l’origine rénale de l’hématurie microscopique.
Dans les GNEC, la prolifération extracapillaire survient dans les glomérulonéphrites prolifératives focales (classe III) et surtout diffuses (classe IV), secondairement à des dépôts de complexes immuns. (Tableau II)
Le diagnostic est évoqué devant des dépôts mésangiaux sous-endothéliaux et endomembraneux massifs d’IgG, A et M, de C3, C4 et Clq, avec présence de corps hématoxyliques. Plus rarement, il s’agit d’un syndrome hémolytique et urémique avec ou sans anticorps antiphospholipides ou d’exceptionnelles vascularites lupiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I.Généralités
I.1 Définition
I.2 Cadre nosologique
1.3 Epidémiologie
II. Physiopathologie de la prolifération extra-capillaire
1. Les Leucocytes et interaction leucocytes / cellules endothéliales
2. La rupture de la membrane basale glomérulaire et formation des croissants
3. La prolifération cellulaire
4. La résolution du croissant
III. Diagnostic positif
IV. Diagnostic différentiel
IV.1 Devant l’Insuffisance rénale rapidement progressive:
IV.2 Devant le syndrome néphrétique aigu
IV.3 Devant le Syndrome néphrotique impur
V. Diagnostic étiologique
V.1 Enquête étiologique
V.2 Etiologies
1. Maladie de Goodpasture
2. Autres
2. Lupus érythémateux aigu disséminé
3. Secondaires à une glomérulonéphrite primitive
4. Les vascularites des cryoglobulinémies mixtes
5. Cancers et hémopathies
VI. Traitement
VI.1 Buts
VI.2 Moyens
VI.3 Indications
VII Surveillance
DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE RESULTATS ET DISCUSSION
I-1.Type et cadre d’étude
I-2.Période d’étude
I-3.Définition de la population
II.COLLECTE DES DONNEES
III. Analyse statistique
RESULTATS
I. La prévalence
II. Les données épidémiologiques
III. Les paramètres cliniques
IV. Les données biologiques
V. Les données morphologiques
VI. Les données histologiques
V. Les étiologies
VI. Les données thérapeutiques
VII. L’évolution
VIII. Les facteurs de mauvais pronostic rénal et vital
DISCUSSION
I. Données épidémiologiques
II. Données cliniques et para cliniques
III. Etiologies
IV. Données évolutives
V. Les facteurs de mauvais pronostic rénal et vital
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
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