LA ROUTINISATION DE L’INNOVATION INTENSIVE : UNE INDUSTRIALISATION DE LA CONCEPTION

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L’ORGANISATION SYSTEMATIQUE DU PASSAGE DU TRANSPORT A LA MOBILITE : LE MOBILITY TURN EN SCIENCES SOCIALES

Les transports se trouvent confrontés à un changement de paradigme, la mobilité, qui remet en cause les fondements du secteur des transports. Les sciences sociales, plus particulièrement la sociologie et la géographie, ont proposé la notion de mobility turn pour comprendre ce changement de paradigme. Toutefois, nous allons voir dans le paragraphe suivant que, si le mobility turn est un
moyen de se régénérer pour les sciences sociales, il ne nous permet pas de penser les questions stratégiques et organisationnelles associées au changement de paradigme à l’œuvre dans le passage du transport à la mobilité.
Le point de départ du mobility turn a été la définition d’un « nouveau » paradigme de la mobilité né d’une tentative de refondation de la sociologie (Urry, 2000) puis de la géographie (Cresswell, 2005). Ces auteurs ont introduit la mobilité comme un nouveau concept structurant pour rompre avec la tendance des sciences sociales à raisonner sur des objets statiques (groupe, classe sociale, espace,…) :  Divers travaux académiques ont creusé ce sillon en faisant du mobility turn une remise en cause des
fondements des sciences sociales, notamment des questions de société . Toutefois, « l’innovation méthodologique en sciences sociales » associée au « nouveau paradigme des mobilités » fait aussi courir un risque de nouvelle réification, en l’occurence de la mobilité, considérée comme « l’objet » des sciences sociales alors que celles-ci n’en étudient qu’une partie, les individus mobiles-immobiles, négligeant en cela les objets de la mobilité (Merriman, 2014).
Malgré ses limites, le courant du mobility turn a largement participé à convaincre les décideurs du monde des transports que le changement de paradigme à l’œuvre nécessitait de « faire autrement ». Tous les développements sur les nouvelles mobilités – notamment le covoiturage, l’autopartage, les mobilités douces- ont trouvé là une justification théorique pour se développer. De nouvelles alliances se sont nouées au sein du secteur des transports- nouveaux produits-services de mobilité associant des acteurs historiques et du web ou en ouvrant de nouveaux partenariats avec d’autres secteurs, par exemple les smartcities).
Même modeste au-delà des effets de manche des discours sur le changement de paradigme, ce pas de côté par rapport à l’idéologie du cost-killing et de la qualité des années 90 a ouvert de nouvelles perspectives pour affronter une crise sociétale profonde qui met au jour un paradoxe entre stabilité des pratiques de transport et transformation des attentes par la mobilité.
Le succès du mobility turn ne se dément pas et commence à influencer, même modestement, les organisations à mesure que la mobilité d’équipes dispersées pose des questions d’organisation et de management (Costas, 2013).
En résumé, la crise du secteur des transports est une crise sociétale liée à la difficulté à trouver de concrétiser le changement de paradigme du transport à la mobilité.

La triple mutation induite par la mobilité : quelle phénoménologie pour une rupture sociétale ?

Les interactions entre mobilité et transport sont de l’ordre de couplages entre usages sociéta ux et moyens de transports qui ont toujours existé sous différentes formes (Schivelbusch, 1991 ; De Sapio, 2013). Chaque époque a inventé ses propres couplages qui ont insisté soit sur les véhicules, sur la constitution de réseaux, de lieux et plateformes de mobilité (Jones, 2014) avec en filigrane l’invention des acteurs industriels qui créaient et portaient ces couplages. La qualification d’industrielle signifie ici que l’apparition de nouveaux couplages mobilité-transport peut devenir une incitation à créer des modes d’organisation systématique que leur industrialisation va pérenniser. La racine latine du mot industrialisation est industria « activité, application », dérivé de industrius « actif, zélé » qui a donné la définition moderne de « savoir-faire, ingéniosité, esprit d’invention », « d’inventions de l’esprit en machines utiles, relativement aux arts et aux métiers » et d’ensemble d’activités économiques » 4.
Le couplage mobilité-transport ferait donc à la fois référence à des usages sociétaux, des inventions de nouveaux moyens de les rencontrer et aux acteurs, voire aux organisations, pour les rendre effectifs. Pour prendre un exemple, les romains ont joué sur ces trois dimensions avec une véritable organisation industrielle, qui préfigure les « Ponts et Chaussées » modernes, pour construire un réseau de voies de communication militaires et administratives et les modes de transport pour tenir l’empire romain. Avant les romains, les sumériens auraient inventé la roue vers 5000 av. JC pour augmenter le commerce en transportant plus de marchandises. L’industrialisation du chemin de fer (1780-1820) relève aussi d’un tel processus fondé sur une triple transformation. Tout d’abord, une mutation des usages liée à l’envie de déplacer plus rapidement et massivement des biens et de personnes. Cette nouvelle activité donne du sens à des inventions pour parties existantes comme la machine à vapeur (Watt & Boulton, 1769) qui peut fournir une nouvelle énergie pour se mouvoir démultipliée par l’invention de la traction à vapeur par Trevithick d’abord sur route avec la puffing devil pour des passagers (1801) puis sur rail pour du fret minier dans les Cornouailles (1802-1804). Viendront ensuite, les premiers succès commerciaux avec la locomotive de fret à vapeur Salamanca de la Middleton Railways sur des rails à crémaillère (Murray & Blenkinshop, 1812), puis la ligne de chemin de fer Stockton-Darlington avec une locomotive construite par George Stephenson (1825). Les inventions ne s’arrêtent pas aux objets techniques du transport mais vont rapidement créer un univers inédit. Un nouvel écosystème socio-technique s’invente avec des objets ferroviaires (locomotives, voies, ouvrages d’art), des métiers (chef de gare, contrôleur, lampiste, signaleur, …) et une nouvelle société avec l’invention du voyage, du panorama, des services en gare (portage, vente.
L’innovation intensive : un processus auto-renforçant
Le changement de nature de l’innovation est apparu évident dans les années 90 avec la nécessité de développer des capacités de développement pour être compétitif. Cela a abouti à « révolutionner le développement de produits » selon le titre de l’ouvrage de Wheelwright & Clark (1992). Ces auteurs
ont initié un courant de travaux académiques sur la nature « globale, intense et dynamique » de l’innovation désormais réputée intensive et répétée (Le Masson & al., 2010).
L’intensité de l’innovation s’apprécie désormais en termes de globalisation de la compétition, d’exigence de niveaux de performance toujours plus élevés tout en étant de plus en plus « easy-to-
use » et de mutations technologiques (Wheelwright & Clark, 1992). La diversité croissante des technologies disponibles se manifeste par des connaissances « plus larges » (plus de domaines concernés) et « plus profondes » (plus de potentiel de transformation). Les mutations associées à l’innovation intensive augmentent la variété des objets possibles et provoquent des restructurations inopinées potentiellement de tous les secteurs industriels, comme l’a montré l’iPhone8. Ce type d’innovation peut devenir disruptive si un processus d’auto-renforcement s’installe lié à l’acquisition d’une position concurrentielle par l’entreprise par la répétition organisée de l’innovation. La pression l’intensification de l’innovation augmente sous l’effet de mécanismes d’accélération sociétale (digitalisation) et technique (IA et bio-industrie) qui raccourcissent les cycles de vie des produits et services.
L’innovation intensive marque ainsi une différence fondamentale avec l’innovation extensive qui prévalait jusqu’à présent. L’innovation intensive concentrera des capacités à innover par opposition à l’innovation extensive qui pense la rupture comme la mobilisation de moyens toujours plus conséquents. Le passage à l’innovation intensive part du constat que l’innovation extensive garantit
seulement de dégager les meilleures solutions sur un objet connu et non de créer de nouveaux objets. Historiquement, l’innovation que nous avons qualifiée d’extensive a été portée d’abord par la R&D et les Bureaux d’Etudes dès le 19ème siècle (Le Masson & Weil, 2010), puis par le marketing (Simmonds, 1986). Plus que de trouver des nouvelles idées par exploration tous azimuts de domaines connus, le défi est désormais de développer des capacités à produire régulièrement des concepts innovants. L’intensité de l’innovation pour une entreprise se juge à sa capacité à produire des concepts qui engendreront d’autres concepts autant qu’à leur industrialisation. La répétition de l’innovation distingue là-aussi modèle extensif et intensif, ce dernier visant autant à innover qu’à régénérer constamment les capacités d’innovation pour prolonger le momentum d’innovation sur un objet donné ou en ouvrant de nouveaux espaces d’innovation.
La  littérature académique s’est intéressée à la question de la nature de l’innovation depuis longtemps. Elle a commencé par distinguer entre innovation incrémentale et innovation radicale. L’innovation incrémentale est de l’ordre de l’amélioration des produits et services existants -to do what we do better- quand l’innovation radicale consiste à faire autrement -to do something differently (Dewar & Dutton, 1986 ; Tidd & Bessant, 2013). D’autres chercheurs ont proposé de se placer du point du vue du marché pour distinguer souligner l’existence d’innovation disruptive s’opposant à des modèles d’innovation durables, par exemple entre sustaining and disruptive technologies (Christensen, 1997). Les sustaining technologies améliorent la performance des produits de manière incrémentale ou radicale, alors que les disruptive technologies changent le marché en changeant la valeur pour le client en offrant cheaper, simpler, smaller, and, frequently, more convenient to use alternatives mêlant disruptive technological and business model innovations
(Christensen, ibid.). Toutefois, ces typologies sont, à notre sens, trop axées sur les résultats de l’innovation et le constat d’une inéluctable progression vers toujours plus d’innovation avec souvent mention de facteurs accélérateurs. Certes, l’influence de la digitalisation de la société portée par les
effets de la loi de Moore sur le doublement de la puissance de « puces » tous les dix-huit mois peut donner l’impression que l’accélération des processus de développement de nouveaux produits et de capacités d’apprentissage est linéaire. Les acteurs du monde des semi-conducteurs définissent l’innovation incrémentale comme « more Moore », l’innovation radicale comme « more than Moore » et l’innovation disruptive comme « beyond Moore ». Au-delà des formules, nous voyons bien qu’il s’agit d’approche différentes entre accumulation progressive, recherches d’alternatives à des questions connues et ouverture à de nouveaux horizons inconnus. Sur ce dernier point, l’innovation disruptive repose sur une logique d’intensité et d’inattendu qui peut instaurer un processus d’intensification auto-renforçant (Hatchuel, 20179).

Le concept d’innovation intensive souligne qu’un nouveau régime d’innovation monte en puissance depuis les années 90. Il est lié à diverses ruptures. Tout d’abord, la mondialisation de l’innovation liée celle des échanges. Elle se traduit par l’apparition de nouveaux acteurs inédits, notamment dans le monde ferroviaire où l’Asie (Japon dans la Grande Vitesse, Hong-Kong dans l’urbain et la Chine sur tous les fronts) et les USA (Hyperloop). Ces acteurs jouent sur tous les types d’innovation-incrémentale, radicale et disruptive- dans une logique de combinaison d’innovation extensive et intensive. Le cas d’Hyperloop apporte un élément de plus en ce qu’il ré-ouvre l’imaginaire des transports à la manière du TGV à son époque. Ensuite, les enjeux sociaux (pauvreté, migrations, …) et planétaires (environnement et énergie) suscitent un foisonnement d’innovations. Ou encore, et nous retrouvons là des éléments qui structurent le couple mobilité-transport (cf Titre I), le bouleversement des fondements anthropologiques des sociétés lié à l’accès facilité à l’information et l’éducation, les évolutions de la vie quotidienne, les nouvelles relations au corps et à la santé. Toutes ces dimensions de l’expérience humaine forment un appel à l’innovation, particulièrement intensive. Enfin, des entreprises de plus en plus nombreuses fondent leur stratégie de développement sur des révisions et ruptures fréquentes de l’identité de leurs objets. La réduction des temps de cycle d’innovation intensive ne doit pas occulter le fait que l’intensité tient d’abord dans le degré de rupture associé aux objets du monde contemporain. Dans cette veine, l’exemple Apple est bien documenté d’une entreprise qui a su faire du lancement annuel d’une nouvelle génération d’appareils un événement mondial et un critère de jugement de la performance globale d’une entreprise qui a fait de l’innovation intensive son mantra. La célèbre phrase de Steve Jobs ceci est une révolution » symbolise bien cette volonté de se positionner systématiquement comme un, voire l’entreprise incarnant l’innovation disruptive. Pour ce faire, Apple a su mettre en place une politique interne d’innovation intensive fondée sur une R&D puissante et sur des circuits courts de décision. L’exemple, plus récent, de Tesla montre comment l’intensité de l’innovation peut devenir un argument de stratégie industrielle couplant innovation technologique et marketing pour créer ex nihilo un nouveau constructeur automobile à vocation mondiale. L’avenir nous dira si Tesla aura été un feu de paille ou une nouvelle manière d’innover en grand, mais il est difficile de nier que la Tesla » réactive une logique statutaire pour les personnes qui la possèdent tout en étant un objet qui suscite le débat sur ses capacités techniques. D’une part, Tesla est un symbole d’innovation technologique avec une motorisation électrique à base de milliers de batteries lithium-ion issues des télécoms et gérées par un software de contrôle-commande inédit qui a obligé les constructeurs automobiles traditionnels à s’adapter à cette nouvelle donne. Avec une voiture conçue par des acteurs du web, l’identité du véhicule s’en trouve profondément affectée. La voiture devient peu .
Les paragraphes sur l’innovation intensive et auto-renforçante qui suivent s’inspirent d’une présentation d’A. Hatchuel lors de la Journée industrielle de la Chaire Théorie et Méthodes de la Conception Innovante (15 juin 2017, Mines ParisTech).
prou un objet télécom 10 (un smartphone mobile) dont le système d’exploitation peut être régulièrement mis à jour à distance. D’autre part, Tesla a développé un modèle marketing et commercial, inédit pour le monde automobile, où les futurs acheteurs pré-réservent un véhicule moyennant versement d’arrhes. Enfin, la promesse d’innovation Tesla se fait aussi sur un couplage entre la qualité visuelle de l’objet lui-même et ses performances routières valorisant pour les futurs
possesseurs.
Avec Apple et de Tesla, nous voyons apparaître la nature auto-renforçante de l’innovation intensive où une innovation peut constituer une base pour poursuivre l’innovation sur le même produit (lignée
de produits), le même type de produit (gamme de produits), voire à des innovations connexes d’émerger (gammes de services). Des écosystèmes d’objets naissent dans cette perspective dont Apple (Ipod/Iphone/Ipad, AppleWatch, HomeKit, HomePod, Apple TV) et Tesla (véhicules, stations de recharge photovoltaïques, batteries Powerwall, tuiles solaires et bientôt l’interconnexion électrique locale avec le concept de Vehicles2Grid2Home) sont encore des exemples parmi d’autres (Google et Alphabet, Amazon,…).
Cet auto-renforcement par extension d’écosystèmes d’objets diffère des grappes d’innovation inter-
entreprises qui ont marqué la montée en puissance du chemin de fer dans la mesure où ce sont des entreprises globales qui entendent maîtriser seules l’ensemble d’un écosystème (Apple et Tesla toujours). L’exemple historique le plus proche de l’innovation intensive contemporaine serait la stratégie d’innovation de T.A. Edison qui a créé la General Electric au 19ème siècle comme une
machine à produire des innovations souvent reliées entre elles.
Associer la communauté des experts scientifiques et techniques (Synapses) : ré-enchanter l’ingénierie par la conception
En parallèle, le réseau Synapses des experts scientifiques et techniques de la SNCF avait été créé en 2010 pour fédérer les experts autour de la R&D. Le réseau Synapses s’est substitué à un précédent réseau d’experts qui se limitait à une quinzaine de membres de haut niveau. Le profil moyen était un cadre supérieur avec au moins, une vingtaine d’années d’expérience. Deux mois après mon arrivée à la SNCF, j’ai présenté à la demande de la directrice I&R la stratégie de conception innovante et la constitution de l’équipe Innovation & Prospective devant l’assemblée des experts lors de l’université Synapses 2011 (Londres).
Le résultat le plus marquant a été la décision de lancer deux ateliers KCP dans la foulée de l’université (Rustines sur la réparation rapide de rail et Compagnons sur les assistants digitaux à la
mobilité pour les voyageurs). La majorité des Synapses était déjà au fait de la conception innovante avec une présentation académique lors de l’université Synapses 2010 (Nantes) et la tenue du LAB Maintenance de l’Infra en Zone Dense. Cependant, certains experts Synapses voulaient tester la méthode par eux-mêmes. Après cette première étape de curiosité méthodologique, les experts Synapses ont toujours été demandeurs de participer à des ateliers KCP. Les trois raisons principales qui ont motivé cet engagement résidaient dans la nature d’ateliers où il est possible de faire valoir des idées même en dehors de son strict champ d’expertise, dans l’apprentissage qui résulte du traitement de questions largement inédites et, enfin, dans l’envie de faire évoluer la SNCF. L’expérience a montré que la participation à des activités de conception concourt au ré-enchantement du quotidien des experts, mais aussi des participants aux ateliers.
Un indicateur (impressionniste) de ce ré-enchantement a été la forte fréquentation du stand conception innovante » lors de la soirée annuelle d’intronisation des nouveaux experts Synapses. Ce stand consistait en un poster conçu en 3 parties complémentaires donnant à voir différentes facettes de la conception innovante incarnée par les LAB (voir image ci-après). Les questions situées dans la partie verticale gauche du poster se voulaient provocatrices afin d’ouvrir le débat sur la zone de pertinence des LAB. La 2ème bande verticale permettait de visualiser les relations entre LAB et recherche académique (théorie C-K et méthode KCP) afin de pouvoir apprécier les principaux résultats après 5 ans de pratique intensive de la conception innovante à la SNCF. Enfin, la partie droite du poster entendait montrer la vie et les coulisses d’un atelier de conception innovante classées selon 2 rubriques : résultats marquants (le LAB le + …) et inattendus (Les + atypiques). La logique « poster » donnait une vision globale du chemin parcouru en 5 ans de conception innovante la plus possible de l’expérience des experts Synapses en tant que participants à des LAB. Avec un régime de croisière annuel d’un atelier stratégique (LAB avec 80-100 participants sur une année et une thématique stratégique) et d’environ 10 ateliers sur des domaines ciblés (MiniLAB avec 20 à 40 participants sur 4 à 6 mois), environ 180 experts Synapses ont participé aux 76 ateliers KCP organisés depuis 2011. L’enjeu d’un tel poster dépasse le cadre de la communication de résultats si probants soient-ils. Il crée une forme de rituel léger qui valorise en la formalisant l’implication des experts Synapses tout en leur donnant quelques éléments pour expliquer autour d’eux ce qu’est un LAB.
De plus, comme le disait E.C., directeur Innovation & Recherche, les ingénieurs aiment bien le C-K car c’est structuré comme en maths. Cette remarque montre que les LAB résonnent avec l’envie d’ingénieries diverses de participer à des démarches de conception fondées sur un raisonnement
structuré déroulé dans une ambiance conviviale.
Stratégie de recherche-intervention : développer une pratique immersive et réflexive sur un objet intégratif
La double appartenance industrielle et académique a toujours été la marque de fabrique des équipes auxquelles j’ai appartenu à la RATP et la SNCF. Ce positionnement ouvre la possibilité d’une validation croisée de la pratique par la conceptualisation et de la théorie par l’expérience. Le design d’une démarche de recherche-intervention au fondement cette thèse s’inscrit dans cette ambition de produire des connaissances pertinentes pour la recherche et l’entreprise.
Notre statut de membre de l’organisation objet de la recherche pose, toutefois, un problème particulier que le protocole de recherche s’attachera à traiter. L’épistémologie classique en sciences sociales pose comme gage de scientificité une exigence d’extériorité à l’objet de recherche. Nous ne serons pas à même d’honorer ce principe d’extériorité en tant que membre de l’organisation étudiée, mais nous pouvons pallier cela en concevant un dispositif de recherche comme réponse au problème de l’interaction ceci afin de respecter les impératifs de scientificité (Aggeri, 2017). Selon Girin (1990), un tel dispositif de recherche s’articule autour de quatre points : il s’agit de préciser en amont les éléments de l’interaction, de définir la place du chercheur, de préciser la logique de connaissance attendue et de mettre en place des instances de gestion et de contrôle qui permettront d’organiser le dialogue avec les acteurs de terrain et avec les pairs (Aggeri, 2017).
La construction d’un design de recherche sur expérience sert traditionnellement différents objectifs scientifiques et personnels imbriqués. L’ambition scientifique de proposer un mode de décodage et de mise en perspective conceptuelle des phénomènes partageable avec d’autres chercheurs a partie liée avec une dimension plus personnelle de se doter de clés de compréhension et d’action dans le monde de l’entreprise. De notre point de vue, un « bon » design de recherche sera donc celui qui permettra de trouver un équilibre entre ces deux objectifs. Nous nous référons en cela aux travaux du grand ethnopsychiatre, Georges Devereux, qui faisait une analogie féconde entre la posture de chercheur-observateur et de psychanalyste dans son ouvrage « De l’angoisse à la méthode » (1967), il avançait que le chercheur observe plus des réactions à ses propres observations que des données brutes, d’où la nécessité pour l’observateur de « penser sa relation à l’observé de la même manière que le psychanalyste aborde la relation à son patient ». Ainsi, la subjectivité du chercheur peut devenir une ressource dont il lui revient d’apprécier la pertinence scientifique plus que de la considérer comme une source d’erreur. L’écriture devient alors une manière de dégager une matière.
Notre recherche s’entend aussi comme relevant d’un modèle de praticien réflexif (Schon, 1986) qui
adopte une attitude de recherche pour conceptualiser ses pratiques et les mettre en perspective théorique au regard des courants de la littérature académique. De par sa position d’initié (insider), le praticien réflexif exerce un travail de recherche « dans et avec » l’organisation, complémentaire du chercheur extérieur à l’entreprise qui pratique une recherche « sur » l’organisation. Ces deux types de recherche engendrent une asymétrie d’information quasi-réciproque entre un académique pour lequel l’accès à des données est toujours un enjeu et un praticien pour lequel le défi est plus dans la prise de recul théorique que dans l’accès à des données. La qualité des informations utilisées dépendra donc de la stratégie d’immersion pour compenser soit l’extériorité à l’entreprise du chercheur académique (outsider), soit l’intériorité du praticien se voulant réflexif (insider). Ainsi, la pratique peut servir pour faire avancer des démarches de recherche, notamment la conception dans la perspective d’une logique de research through design (Stolterman, 2009) où la conception peut aussi être un processus de recherche.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE : L’INSTITUTIONNALISATION DE L’INNOVATION INTENSIVE : PROBLEMATIQUE ET STRATEGIE DE RECHERCHE
INSTITUTIONNALISATION DE L’INNOVATION : QUESTIONS INDUSTRIELLES ET ACADEMIQUES ORGANISATION DU DOCUMENT DE THESE
PARTIE I – UNE SITUATION DE CRISE MANAGERIALE : DE L’INNOVATION MODALE DANS LES TRANSPORTS A L’INNOVATION INTENSIVE POUR LA MOBILITE
CHAPITRE I : LE MOBILITY TURN, UN CHANGEMENT DE PARADIGME ? UNE REVUE DE LITTERATURE
CHAPITRE II : INNOVATION ET INSTITUTIONNALISATION : REVUE DE LITTERATURE ET QUESTIONNEMENT DE RECHERCHE
CHAPITRE III : PARCOURS PROFESSIONNEL ET STRATEGIE DE RECHERCHE : UN PROCESSUS EN TROIS ETAPES
PARTIE II – LA ROUTINISATION DE L’INNOVATION INTENSIVE : UNE INDUSTRIALISATION DE LA CONCEPTION
CHAPITRE IV : RESULTAT N°1 – LES LABORATOIRES/ RESEAUX : PROCESSUS & INGENIERIE DE PROCESSUS GENERATIFS
CHAPITRE V : RESULTAT N°2 – PROFESSIONNALISER LA CONCEPTION INNOVANTE : UN PILOTAGE DYNAMIQUE DES LABORATOIRES/RESEAUX PAR REGLAGE CONCEPTIF
PARTIE III – LES ACTEURS DE LA CONCEPTION : UN PROCESSUS DE METABOLISATION DE L’INNOVATION ET DE TRANSFORMATION ORGANISATIONNELLE
CHAPITRE VI : PILOTER LA CONCEPTION EN SITUATION D’INNOVATION INTENSIVE : DES DEFIS ORGANISATIONNELS A RELEVER
CHAPITRE VII : RESULTAT N°3 : L’ORGANISATION D’UNE FONCTION INNOVATION INTENSIVE : CO-CONCEPTION DE LA LEGITIMITE DE LA FONCTION ET DES METIERS DE L’INNOVATION INTENSIVE
PARTIE IV – LA GOUVERNANCE DE L’INNOVATION INTENSIVE : UN PILOTAGE INSTITUE DE LA CONCEPTION
CHAPITRE VIII : RESULTAT N°4 : L’INSTITUTION FERROVIAIRE FACE A L’INNOVATION : UN PROCESSUS D’INSTITUTIONNALISATION PROGRESSIVE DE L’INNOVATION INTENSIVE
CHAPITRE IX : POUR ANCRER L’INNOVATION DANS LA GOUVERNEMENTALITE : LA DEFINITION D’UNE MISSION GENERIQUE DE SERVICE DE PUBLIC
CONCLUSION GENERALE : PERSPECTIVES ACADEMIQUES ET INDUSTRIELLES SYNTHESE DES PRINCIPAUX RESULTATS : UN PROCESSUS D’INSTITUTIONNALISATION DE L’INNOVATION INTENSIVE PAR
INDUSTRIALISATION, METABOLISATION ET GOUVERNEMENTALISATION LES PRINCIPALES LIMITES DU TRAVAIL DE RECHERCHE : EXPERTISE ET NOUVELLE PHENOMENOLOGIE
PERSPECTIVES OUVERTES PAR LA RECHERCHE
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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