La rouille : une maladie qu’il faut apprendre à maîtriser
EPIDEMIOLOGIE DE LA ROUILLE ORANGEE ET LES FACTEURS L’INFLUENÇANT
L’épidémie se découpe en deux phases : (1) la formation de l’inoculum primaire – responsable du développement initial de l’épidémie – et (2) la répétition des cycles de H. vastatrix à l’origine de la constitution de l’inoculum secondaire. L’intensité de l’épidémie dépend davantage de cette seconde phase. En effet, comme pour toutes les maladies polycycliques, la quantité d’inoculum initial importe peu. Si les conditions pour la répétition du cycle sont bonnes, même avec une quantité d’inoculum initial très faible, l’épidémie pourra atteindre des niveaux élevés (Jacques Avelino & Rivas, 2013).
Inoculum initial
La source principale d’inoculum primaire est l’inoculum résiduel (Mayne, 1930) provenant des feuilles de caféier qui ont survécu à la saison sèche (J. Avelino, Muller, Cilas, & Velasco Pascual, 1991; Muthappa, 1980). La défoliation des caféiers élimine l’inoculum. Elle peut être accentuée par des situations de stress comme une forte production, un déséquilibre nutritionnel, une forte exposition au soleil, un faible potentiel hydrique et une saison sèche très longue (Avelino, J., Toledo, J.C., y Medina, 1995).
Progression de la maladie à l’échelle de la plante
L’avancée de la maladie à l’échelle de la plante est dite centrifuge. La rouille passe des feuilles matures, situées à l’intérieur du caféier, vers les feuilles plus jeunes situées davantage à l’extérieur, et des rameaux âgés, en bas du caféier, vers les rameaux jeunes, en haut (Jacques Avelino & Rivas, 2013).
Facteurs influençants son intensité
De manière générale l’intensité de présence de la rouille évolue au cours d’une même année. En fin de saison sèche, la rouille est de moins en moins présente suite à la chute de feuilles puis se développe de nouveau lors de la saison des pluies. Le développement est d’abord lent. La croissance des lésions latentes ou nécrosées est réactivée. Puis elles sporulent. Le développement devient ensuite plus rapide, avec de nouvelles infections jusqu’à atteindre un pic (Bock, 1962b). En revanche, ce qui fait varier l’intensité d’une attaque entre les années dépend des interactions entre la plante hôte, le pathogène, l’environnement (dont le climat) et les techniques culturales (Zadoks & Schein, 1979).
Il existe des variétés résistantes qui résultent, pour la plupart, de croisements entre des variétés commerciales sensibles et de l’hybride de Timor, un hybride naturel entre C. arabica et C. canephora qui possède les gènes de résistance de C. canephora. Par ailleurs, une cinquantaine d’espèces de rouille différentes sont répertoriées pour lesquelles leur virulence et leur agressivité leur sont propres, ce qui complexifie les relations plante-hôte (Jacques Avelino & Rivas, 2013). Certaines caractéristiques climatiques sont favorables à l’accroissement de l’épidémie, comme la pluie telle que précédemment vu. C’est également le cas d’une forte luminosité avant l’infection accompagnée d’une forte température (Eskes, 1982a, 1982b; Waller, 1982). Comme précédemment évoqué, seule une fenêtre de températures favorise la germination. Il en est de même pour la progression du champignon dans les feuilles. La température étant liée à l’altitude, cela explique que l’évolution de l’épidémie soit dépendante de l’altitude de la plantation (Jacques Avelino & Rivas, 2013). A haute altitude, les fraîches températures nocturnes peuvent constituer un important facteur limitant de la progression de la rouille (J.Avelino et al., 2006, 1991; Bock, 1962b; Waller, 1982). Au cour de l’épidémie de 2012, les parcelles au-dessus de 1400 m d’altitude ont été moins sévèrement atteintes que celles de basse altitude (Avelino et al., 2015). A l’inverse, les mycoparasites qui affectent la rouille orangée du caféier sont multiples (Carrion & Rico-Gray, 2002). Lecanicillium lecanii est le principal (John Vandermeer, Perfecto, & Philpott, 2010). L. lecanii est particulièrement abondant sous ombrage. Selon Staver cela est dû aux conditions humides que procure l’ombrage (Staver, Guharay, Monterroso, & Muschler, 2001). Les lésions de rouille sont parasitées par L. lecanii en général à la fin de la saison des pluies, quand la maladie est déjà très développée (Figure V). Dû à cet effet tardif, le mycoparasite peut seulement affecter la quantité d’inoculum primaire de rouille (Staver et al., 2001). Dans une volonté de hiérarchiser les facteurs favorisant le plus l’épidémie de rouille, Waller (1982) a identifié (1) la distribution et l’intensité de la pluie, (2) l’inoculum résiduel à la fin de la saison sèche (malgré les caractéristiques polycycliques de la rouille) et (3) la quantité de feuilles encore présente à l’entrée de la saison des pluies. Avelino quant à lui, a identifié la charge fruitière et la masse foliaire, l’ombrage et la fertilisation et l’altitude (associée aux températures) et le pH du sol comme principaux facteurs favorisant la rouille, respectivement dépendant de l’hôte, de l’itinéraire technique et de l’environnement (J. Avelino et al., 2006).
L’ombrage : une solution de biocontrôle
LA MONOCULTURE DE CAFE : UN SYSTEME PRODUCTIF MAIS NON DURABLE
La monoculture de café a été largement adoptée en Amérique Centrale car de par sa forte exposition au soleil, les caféiers offrent un meilleur rendement. Cependant, ce relatif gain en rendement peut être limité par (1) les conditions de sol et du climat, (2) après une à deux décennies par la dégradation de l’environnement – sol ; résidus de pesticides – la production et/ou sa qualité peut être sérieusement réduite (Boyce, Fernández Gonzalez, Fürst, & Segura Bonilla, 1994), et (3) par l’espérance de vie réduite des caféiers en « plein soleil » (Ahenkorah, Akrofi, & Adri, 1974; Beer, Muschler, Kass, & Somarriba, 1998).
D’autre part, la vulnérabilité des agrosystèmes aux bioagresseurs – en comparaison aux écosystèmes naturels – s’explique en premier lieu par une diminution de la diversité végétale et animale. Dans les systèmes intensifs en monoculture, les cultivars sont plus sujets au développement des bioagresseurs (Altieri, 1999; Malezieux et al., 2009; Mouen Bedimo et al., 2012), ce qui génère des inquiétudes (Perfecto, Rice, Greenberg, & van der Moort, 1996). Suite à l’épidémie de 2012 qui a eu une ampleur régionale, l’ombrage fut ainsi proposé comme moyen pour ralentir la dispersion des urédospores de rouille orangée et donc de la maladie entre parcelles, paysages, pays (Vandermeer, J., Jackson, D., and Perfecto, 2014).
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Table des matières
REMERCIEMENTS
SIGLES ET ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALE
CONTEXTE DE L’ETUDE
I- Le CIRAD : un centre de recherche à portée internationale
II- Le changement climatique : une menace pour la caféiculture ?
1. Le café : une production de grande importance économique et sociale en
Amérique Latine
2. La caféiculture malmenée par l’augmentation en fréquence et puissance des aléas
climatiques
III-La rouille : une maladie qu’il faut apprendre à maîtriser
1. Hemileia vastatrix : responsable de la rouille du caféier
2. Le cycle de la rouille
3. Epidémiologie de la rouille orangée et les facteurs l’influençant
IV-L’ombrage : une solution de biocontrôle
1. La monoculture de café : un système productif mais non durable
2. Les arbres d’ombrage : un outil de lutte face au changement climatique
3. Non « un » sinon « des » agrosystèmes caféiers sous ombrage
V- Les premiers effets de l’ombrage mis à jour
1. Effets directs de la mise en place d’arbres d’ombrage
2. Modification du microclimat
3. Fournitures de services écosystémiques
4. Effets sur la rouille
HYPOTHESES ET ETAPES DE TRAVAIL
MATERIEL ET METHODES
I- Matériel et plan expérimental
1. Localisation et description physique et biologique de la zone étudiée
2. Choix du réseau de parcelles
3. Taille des parcelles de caféiers
4. Caractérisation du système d’ombrage
5. Caractérisation du microclimat
6. Suivi de la croissance de la rouille et du caféier
II- Variables analysées et méthodes d’analyse
1. Caractérisation de l’ombrage
2. Caractérisation du microclimat
3. Croissance de la rouille et du caféier
4. Charge fruitière des caféiers
RESULTATS
I- Caractérisation des systèmes d’ombrage
1. Caractérisation des feuilles d’ombrage
2. Caractérisation du microclimat
II- Progression de la rouille sous ombrage
1. Degré d’infection des caféiers selon le système d’ombrage
2. Degré de colonisation des caféiers selon le système d’ombrage
3. Etude de la dynamique foliaire (croissance et défoliation)
4. Charge fruitière
DISCUSSION
I- Originalité et limites de l’étude
1. Plus-value de l’étude
2. Domaine de validité de l’expérimentation
II- Analyse critique des résultats et conclusion pratiques
1. Modification de l’énergie cinétique des gouttes de pluie par les arbres d’ombrage
2. Etude des températures au sein de la parcelle selon le système d’ombrage
3. Impact de l’ombrage sur l’abondance de rouille
4. Conception d’un système agroforestier luttant contre le réchauffement climatique
et luttant contre la rouille
III-Suite de l’étude
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
FIGURES
TABLEAUX
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