La Rochelle, capitale de la plaisance en Charente-Maritime (1945-2005)

Bien que terme ancien, le mot « plaisance » est encore de nos jours l’objet d’un débat. Il est légitime de s’interroger sur sa signification, son lien avec d’autres termes tels que « yachting » ou « nautisme ». Il parait donc important, avant de mener une réflexion avancée sur le sujet, d’apporter dans un premier temps une définition claire et précise de ce terme. En rapport avec l’élément aquatique sous diverses formes tels que la mer, le fleuve ou le lac, la plaisance ne peut toutefois pas être cataloguée comme étant un simple un loisir aquatique. Au sein d’une arborescence de nombreux loisirs aquatiques, la plaisance est un loisir nautique. En effet, si la natation et la plongée sous-marine sont considérées comme étant des loisirs aquatiques, les loisirs nautiques se définissent quant à eux par l’utilisation d’une embarcation destinée à la pratique de la navigation. Mais la famille des loisirs nautiques est une famille hétéroclite composée de membres aux différences significatives que constituent notamment les types d’embarcation utilisés. Depuis plus d’un demi-siècle le paysage des activités nautiques s’est enrichi de nombreuses pratiques telles que le surf ou la planche à voile. Il convient donc de faire une différence nette entre les différents loisirs nautiques. Si leur objectif de naviguer pour le plaisir s’inscrit totalement dans la définition du terme « plaisance », il existe toutefois une différence qu’il convient de souligner en préambule de cette étude. La pratique de la plaisance se définit par l’utilisation d’une embarcation permettant la navigation autres que des engins dits de plage tels que la planche à voile, le canoë, le surf ou le ski nautique. La plaisance, se caractérisant par l’utilisation d’un bateau, comprend la pratique de la voile mais aussi celle du motonautisme.

Fin 2014, les instances officielles estiment que la navigation de plaisance en France représente une flotte d’environ un million de bateaux, dont 74,6 % sont des navires à moteur et 75, 2 % peuvent être considérées comme de petites à moyennes unités car mesurant moins de six mètres. Cela porterait le nombre de plaisanciers français à plus de quatre millions de personnes  . En 2007, la filière nautique française représente 4 900 entreprises qui emploient environ 45 000 personnes et génèrent un chiffre d’affaires annuel de plus de quatre milliards d’euros. La France est le premier pays constructeur naval de plaisance en Europe mais aussi le leader mondial de la production de voiliers et de bateaux pneumatiques .

En 2015, à l’échelle du département de la Charente-Maritime, le conseil général estime à environ 400 entreprises travaillant dans le secteur du nautisme dans le département. Ces dernières auraient permis la création de 4 000 emplois directs et générerait un chiffre d’affaires annuel de plus de 400 millions d’euros  . Pour satisfaire ce marché national de la plaisance, plus de 500 infrastructures portuaires ont été aménagées en France et ont parfois modifié en profondeur, par d’importants travaux, la morphologie des villes et du littoral. Certaines municipalités ont fait le choix d’implanter leurs ports de plaisance en centre-ville, en réalisant des reconversions de friches portuaires. D’autres municipalités ont, quant à elles, souvent à cause d’une saturation de leurs infrastructures portuaires existantes, été dans l’obligation d’excentrer leur nouveau port. Cela a souvent permis la création d’un quartier moderne à l’orientation urbanistique parfois ambitieuse. La Charente-Maritime aurait ainsi été le théâtre de la création de 56 ports de plaisance disposant ainsi de plus de 10 000 anneaux  .

L’histoire de la plaisance est une thématique vaste, peut-être aussi vaste qu’un océan et tout aussi complexe. L’océan est bordé de territoires divers peuplés de sociétés aux cultures hétérogènes ayant, selon leurs histoires respectives, un regard différent sur cette vaste étendue d’eau. Dans cet esprit, la thématique de la plaisance est elle aussi « bordée » de nombreux champs disciplinaires que sont l’histoire du tourisme balnéaire, l’histoire des loisirs, l’histoire du sport, l’histoire de l’aménagement du territoire mais aussi l’histoire politique, économique et sociale. Concrètement, ce sujet d’étude pourrait s’apparenter à l’étude de la société française depuis le début de la pratique de la plaisance, si tant est que cette pratique hédoniste est un commencement. Toutefois, l’intérêt du sujet réside justement dans la complexité du croisement de ces différentes thématiques. Retracer l’histoire de la plaisance permet d’avoir un regard neuf sur la société française à une époque donnée. La plaisance en France est l’objet d’un corpus littéraire notamment en géographie  mais aussi en histoire .

L’essor d’un loisir nautique, la plaisance (XIXe-XXe siècles)

Remonter aux origines de la plaisance soulève un problème qu’il serait impossible de résoudre pour l’historien. Les travaux des anthropologues prouvent en effet combien il serait vain de chercher une origine historique aux notions de plaisir et de divertissement, tant elles apparaissent intrinsèquement liées au fonctionnement biologique de l’espèce humaine et plus largement encore de toutes les espèces de primates . L’histoire de la navigation pour le plaisir s’éclaire ainsi à travers le prisme de l’histoire des mentalités, une histoire qui se situe entre le biologique et le culturel. Marc Bloch et Michel Vovelle rappellent que l’histoire des mentalités délaisse les dates et les faits historiques au profit de l’étude de l’Homme du passé et de son environnement matériel . En 1963, Fernand Braudel expose les principes de cette nouvelle vision de l’histoire. Selon lui, chaque époque possède sa propre représentation des choses et, par extension, du monde. Cette mentalité collective qui, si elle n’est pas universelle, est tout de même dominante, influence, par les choix qu’elle implique, l’évolution d’une société. Ainsi, comme le souligne très justement l’historien, les valeurs fondamentales qui la définissent n’évoluent que lentement au fil du temps et après de longues périodes d’incubation. L’histoire des mentalités est donc une histoire du sensible. S’agissant de retracer l’histoire de la navigation en tant qu’activité de loisir, il convient donc de ne pas négliger l’évolution du rapport de l’Homme face à la mer, en procédant à une analyse sur le temps long des représentations du monde et de ses éléments aquatiques. Le sentiment de crainte vis-à-vis de l’Océan, qui est aujourd’hui encore « le fruit d’héritages lointains, de croyances, de peurs, d’inquiétudes anciennes souvent presque inconscientes  », est un bon indicateur sur l’évolution de la navigation. Un premier chapitre sera donc consacré à l’étude de la plaisance, de son hypothétique apparition à sa mutation. Un voyage dans le temps long permettra de définir les contours et les caractéristiques d’une pratique hédoniste ancestrale qui dans un premier temps se codifie pour devenir le yachting puis se mue en une plaisance plus contemporaine et qui, dans un contexte de révolution culturelle du temps libre, tente de se rendre plus accessible.

Dans un second temps, une étude par le local nous permettra de comprendre le processus d’engouement pour la plaisance à l’échelle de Charente-Maritime. La fin des années 1950 et le début des années 1960 sont considérés, à tort ou à raison, comme étant une période de démocratisation de cette pratique. L’analyse de l’émergence d’une plaisance contemporaine à différentes échelles permettra de valider ou non le terme de « démocratisation ». Puis, en partant aux origines de cette pratique au niveau départemental, nous verrons que des hommes ont pleinement participé à son essor mais aussi que la guerre, qui a pourtant mis un terme à l’activité officielle de la Société des Régates Rochelaises, n’a pas arrêté l’engouement des passionnés qui ont continué, tant bien que mal, à naviguer. Une étude approfondie de la presse qui, si elle ne peut être considérée comme une source primaire, apportera, en l’absence de sources plus directes, un regard sur les faits marquants de cette histoire. Après avoir apprécié la reprise de l’activité officielle de la Société des Régates Rochelaises, nous constaterons que de nouveaux bateaux sont conçus dans une volonté d’adaptation à de nouvelles pratiques. Dès le début des années 1950, la construction navale rochelaise amorce un tournant afin de s’adapter à de nouvelles opportunités économiques. La ville de Rochefort, dont la fermeture de l’arsenal a marqué le début du déclin en est le parfait exemple puisqu’elle va devenir, grâce à l’implantation d’une usine Zodiac, la Mecque du canot pneumatique. Enfin, grâce aux initiatives d’aventuriers modernes, un regard plus confiant a pu être porté sur l’élément marin et la navigation.

La plaisance, une démocratisation du yachting ?

Afin de saisir le phénomène d’émergence de la plaisance au milieu du XXe siècle, il est primordial de s’intéresser aux racines de ce phénomène, aux origines d’une pratique qui, d’un point de vue historiographique, sont encore assez floues. Selon Daniel Charles , qui a mené des travaux sur l’histoire du yachting, « retrouver la source réelle de la plaisance, sans s’égarer parmi celles qui sont taries, les résurgences et les affluents, est un problème épineux de géographie temporelle ». L’historien, repris par les géographes Dorothée Rétière et Ewan Sonnic , a tenté de qualifier sommairement les traces d’une plaisance primitive sous les néologismes « paléoplaisance » et « protoplaisance », le second terme semblant plus adapté d’un point de vue lexical. Pour le journaliste et navigateur Olivier Le Carrer, le témoignage le plus ancien laissé à la postérité concernant la protoplaisance est une fresque découverte à Santorin, représentant une fête nautique réunissant plusieurs voiliers et qui daterait de 1600 avant J.-C. environ . Daniel Charles considère toutefois que ces témoignages parcellaires ne peuvent constituer une preuve des origines de la plaisance et du yachting, au sens où elles relèvent d’une pratique confidentielle qui peine à se diffuser dans le temps et l’espace. Pourtant l’historien, qui prend certes la précaution d’utiliser le conditionnel, avance que la plus ancienne manifestation nautique connue pour l’instant aurait eu lieu il y a plus de 600 ans en Gironde. Il s’agissait d’une fête organisée par des artisans et des bateliers et célébrée jusqu’à la Révolution. La plaisance serait-elle donc apparue sur l’estuaire de la Gironde ? Cette hypothèse « localo-centrée » est évidemment peu probable.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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