LA ROBOTIQUE ET LES BIOTECHNOLOGIES A L’EPREUVE DE L’ETHIQUE

L’analogie cerveau-ordinateur née du paradigme informationnel

   Les progrès en robotique sont en passe de créer de nouvelles formes d‟être jadis imaginaires : des machines qui s‟identifient de plus en plus à l‟homme à tout point de vue, et des hommes assimilables à des robots sur toute la ligne. En fait le défi consiste d‟une part à créer des robots polyvalentes, suivant une zoologie variées, doués d‟autonomie et capable d‟interagir avec les hommes, et d‟autre part, à robotiser l‟homme en intégrant dans le corps de celui-ci des implants, des puces, des prothèses bioniques entre autres : il s‟agit de la création de cyborgs. Mais, cette tendance ne peut être analysée d‟une manière holistique, indépendamment du rôle qu‟ont joué les sciences cognitives sur la conception actuelle de l‟homme. En fait, l‟évolution de la pensée qui nourrit cette tendance est née du débat autour des rapports entre l‟esprit et le corps. De ce débat, jaillissait la conception d‟un esprit désincarné qui serait indépendant et transcendant, au corps, et dont celui-ci constituerait même un obstacle. Ainsi, d‟après cette conception, l‟âme domine le corps et il faut la libérer de celui-ci. Dans ce sens, Descartes soutiendra que les sens nous trompent, et qu‟il faut se référer à l‟esprit. Ce dualisme cartésien, encore nommé le dualisme des substances démontre que l‟esprit est le moyen nous permettant de fonder la connaissance, et affirme la primauté de la subjectivité. Il renvoie à l‟idée de séparation de deux substances : corps (étendue), esprit (substance pensante). Ce dualisme des substances a permis à Descartes de montrer l‟irréductibilité de l‟esprit à la matière, que l‟esprit peut exister indépendamment de celle-ci. Ainsi, il donne à l‟esprit une primauté logique et ontologique : logique en ce que sur le plan du raisonnement l‟esprit apparait comme la première vérité à laquelle nous accédons; ontologique en ce qu‟il fait de nous ce que nous sommes, notre essence. Cette position peut se comprendre à travers le propos de Descartes suivant « pour ce que d‟un côté j‟ai une claire et distincte idée de moi-même, en tant que je suis seulement une chose qui pense et non tendue, et que d‟un autre j‟ai une idée distincte du corps, en tant qu‟il est seulement une chose étendue et qui ne pense point, il est certain que ce moi, c‟est-à-dire mon âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps et qu‟elle peut être ou exister sans lui » Mais, une autre thèse dite évolutionniste va se développer contre ce dualisme des substances, à travers la pensée de Darwin, pour inscrire l‟esprit uniquement dans la nature et en faire un fruit de l‟évolution. En fait, le fait que l‟esprit n‟existe que chez de êtres qui ont une certaine organisation biologique, peut nous pousser à le concevoir comme le produit de cette organisation biologique même, qu‟il y provient et en dépend. Cette remarque a poussé Darwin à soutenir que l‟esprit n‟est pas transcendant, mais immanent à la matière. Pour lui nous avons des facultés supérieures dont le sens moral, la conscience, l‟intelligence … ; c‟est tout ce que l‟on peut entendre par esprit et que cette faculté n‟est que le produit de l‟histoire de la nature. Ainsi, entre l‟organisation biologique et la pensée il n‟y a pas de césure mais une continuité. L‟esprit provient de la matière on ne peut concevoir sa primauté sur celle-ci. Cette idée évolutionniste, qui sous-entend un monisme ontologique, verra son prolongement dans le cognitivisme. Dans ce modèle dominant en science cognitive, l‟esprit n‟est ni transcendant ni surnaturel mais c‟est un système de traitement d‟information basée sur des représentations. Pour le comprendre, il faut chercher comment d‟un point de vue mental l‟homme fonctionne, tout en restant fidèle au présupposé naturaliste. Il s‟agit en fait, d‟étudier l‟esprit en termes de fonctions détachables de leur base. Donc, on peut séparer la base matérielle à partir de laquelle naît l‟esprit, des fonctions mentales. On peut concevoir une autonomie de ces fonctions comme la mémoire. Sur le plan de l‟approche, il y‟a une distinction entre le cerveau et ces fonctions à l‟image de l‟ordinateur (le software (l’ «esprit ») et le hardware(le « cerveau »)). La conséquence est que ces fonctions peuvent être soutenues par une base autre que le cerveau ; par exemple l‟ordinateur, d‟où la métaphore machinique.

Le projet de la cyborgisation de l’humain «normal »

   En parallèle de la tentative d‟humaniser le robot qui est lié à d‟énormes défis, on note une autre perspective de la robotique, celle consistant à robotiser les hommes à travers un appareillage de leurs corps. Cette perspective de la robotique consiste à copier le modèle des robots dans la répartition ou l‟augmentation de l‟homme en l‟appareillant à tout point de vue, afin d‟augmenter ses capacités, et de remédier à ses défauts : il s‟agit de la cyborgisation de l‟homme, à partir des procédures informatiques adaptées à son organisme et qui en relaieraient les fonctions. Ainsi, le dépassement des limites physiques se fera à travers l‟incorporation de prothèses bioniques pour restaurer ou relayer la fonction d‟un organe défaillant ; ces prothèses permettent aux handicapés de rivaliser, en termes de performances, avec des personnes bien portantes. D‟autre part, des implants cérébraux connus encore sous le nom de puce électronique cérébrale sont prévus pour être intégrés dans le cerveau afin de le stimuler « pacemakers cérébraux », prévenir certaines crises comme l‟épilepsie, lutter contre la dépression, permettre aux paralysés de contrôler par leurs pensées leur appareil électronique et d‟améliorer leur système cognitif. Cette démarche est une nécessité pour sauver l‟humain des robots comme le dit le plasticien Stelarc : « Il est temps de se demander si un bipède, avec un corps respirant, battant, avec une vision binoculaire et un cerveau de 1400 cm3 est encore une forme biologique adéquate. L‟espèce humaine a créé un environnement technique et informatique qu‟il n‟est plus en mesure de suivre. D‟un côté, il est écrasé par la vitesse, la précision et le pouvoir de la technologie, et de l‟autre, il est submergé par la quantité et la complexité d‟informations accumulées ».Dans cette logique d‟augmentation des capacités de l‟homme pour qu‟il puisse faire face, sans danger aux robots, la société Intel a prévu de commercialiser d‟ici 2020 des puces électroniques cérébrales «brainchips » qui permettent de contrôler des machines à distance. De même, le journal « LE PARISIEN » DU 28 MARS 2017 nous a fait état du projet de création d‟une entreprise d‟interface « cerveau-machine » par le milliardaire américain Elon Musk baptisée NEURALINK, dont le but est de créer des dispositifs qui augmentent les capacités cognitives de l‟homme pour qu‟il puisse s‟adapter au rythme du développement des machines sous risque d‟être un jour dominé par celles-ci, en raison de leurs capacités grandissantes qui pourront leur permettre de se perfectionner et de se reproduire devant une humanité de plus en plus désuète. Ce but est poursuivi dans le projet de création d‟une « dentelle neuronale » ; un implant qui assure la connexion entre le cerveau et la machine à partir de l‟injection d‟un implant, au niveau du cerveau, connecté aux neurones et qui se chargera de décrypter les codes neuronaux puis en envoie un retour. Cette idée selon laquelle l‟homme doit nécessairement s‟hybrider, fusionner avec la machine sous risque d‟être réduit en esclave par celle-ci, est soulevée aussi par le roboticien Moravec en ces termes : « …Dans les siècles prochains, elles deviendrons des entités aussi complexes que nous mêmes puis bientôt, elles deviendront tout ce que nous nous connaissons… Délivrés des pesantes contraintes biologiques, ces enfants de notre esprit pourront se mesurer aux grands défis de l‟univers [….] Ils iront chercher fortune pour leur propre compte, tandis que nous, leurs vieux parents, nous nous éteindront doucement [….] Notre ADN se retrouvera au chômage : il aura perdu la course à l‟évolution au profit d‟une nouvelle forme de compétition ». Cette vision est donc présentée comme le salut de l‟humanité. L‟homme doit se débarrasser du biologique pour sortir du corps qui l‟emprisonne, qui l‟empêche de s‟épanouir. Cette tentative d‟augmenter l‟homme prend une autre forme en biotechnologie. Dans cette sphère, le but de l‟augmentation est poursuivi à travers la manipulation génétique. Le développement de la biotechnologie se présente aujourd‟hui comme un défi lancé à l‟ordre de la nature. Le pouvoir de l‟homme sur les mécanismes vitaux, à travers la manipulation génétique l‟amène à changer l‟itinéraire de l‟évolution naturelle du vivant. Ce dans le but de son augmentation. Ainsi, il s‟agira d‟augmenter l‟homme physiquement, intellectuellement, émotionnellement, moralement, et d‟augmenter aussi son espérance et sa qualité de vie à travers la modification de son génome. Dès lors, il ne s‟agit plus d‟utiliser les techniques biomédicales à des fins thérapeutiques, mais bien dans une logique méliorative. La principale locomotive de cette tendance est le transhumanisme. D‟après la philosophie transhumaniste, encore nommée extropianisme, l‟humanité n‟est pas le stade ultime de notre développement. L‟homme est un être à dépasser, à perfectionner, car il n„a pas fini de se réaliser, il n‟est qu‟une étape dans le sentier de l‟évolution. Ainsi, nous dit MAX MORE, un des promoteurs de cette idéologie, dans « principe extropien 3.0 » : « Nous contestons l‟inévitabilité de la vieillesse à la mort, et nous cherchons à continuer d‟améliorer nos capacités intellectuelles, nos capacités physiques et notre développement émotionnel. Nous voyons l‟humanité comme une étape transitoire dans le développement évolutif de l‟intelligence ».

L’automatisation et le marché du travail

   Cet élargissement du champ d‟action des robots, ainsi que leur perfectionnement qui pose tant de problèmes au niveau social, est aussi lié à des enjeux économiques. En fait, la présence grandissante des machines dans les usines fait du chômage technologique un sujet qui mérite réflexion ; Pour rappel, cette idée selon laquelle la machine tue l‟emploi a activement été soutenue au dix-huitième siècle par un groupe de travailleurs anglais, dirigé par NED LUDD, qui considérait les machines à tisser comme facteur de chômage dans l‟industrie textile. Cette révolte a mené dans le nord de l‟Angleterre dans les années 1811-1812, à la destruction de ces machines. Les robots dont on parle ici, ne sont que l‟image perfectionnée de ces machines, et se bousculent maintenant dans les usines avec les humains et présentent des capacités de plus en plus à la hauteur des attentes de l‟employeur. En fait, dans le souci d‟améliorer leur productivité, beaucoup d‟usines se lancent dans la course aux robots, qui d‟après eux, augmentent leur productivité en raison de leur efficacité relativement à l‟homme. L‟intégration grandissante des robots dans ces domaines est aussi justifiée par le fait que ces derniers soient dotés d‟une rapidité et d‟une capacité extraordinaire de traitement de données de masse, et par le fait qu‟ils allient souvent tâches manuelles et intellectuelles, favorisant ainsi l‟augmentation de la productivité. Ce qui en fait de potentiels concurrents de l‟homme et participe à grossir le rang des chômeurs, car progressivement, ils mènent à une substitution totale du capital au travail. La clef du perfectionnement des robots reste les big data et l‟apprentissage automatique. Les big data sont de gros volume de données brutes ou structurés, constitué par nos navigation sur la toile, sur les réseaux sociaux, nos échanges (mail, sms), nos interventions et envoies (commentaires, photos) et aussi des capteurs qui collectent dans le monde en temps réel des informations et les envoie en permanence sur le net. Ces données se comptent aujourd‟hui en « zettaoctets » (10 puissances 21octets). Pour avoir une idée de ce volume, notons qu‟un pétaoctet (10 puissance 15 octets) équivaut à 2millards de photos de résolution moyenne. Cette quantité obéit à sa propre loi de Moore, doublant tous les trois ans. Les serveurs de Google seules traitent 24 pétaoctets par jour à partir des données émanant des demandes quotidiennes de leurs utilisateurs. Ce réservoir d‟informations non structuré, conduit à la création d‟outils capables de les structurer. C‟est le cas de l‟outil de rédaction Qill développé pour exploiter ces quantités gigantesques et brutes de données collectées par les gouvernements, les entreprises, les organisations… « Quill est conçu pour être un moteur d‟analyse et d‟écriture universel, capable de produire des articles de haute qualité tant pour la consommation interne qu‟externe, pour toute une gamme de secteurs. Qill commence par collecter des données provenant de diverses sources, comme les bases de données, les rapports financiers, les sites web et les medias sociaux. L‟algorithme opère ensuite une analyse pour tirer les informations les plus pertinentes. Enfin, il tisse toute cette information dans un récit cohérent. Narrative Science estime que Quill produit des résultats du même niveau que les meilleurs analystes humains. Une fois paramétré, Quill peut générer des articles presque instantanément et les livrer en flux continu sans intervention humaine » Ceci nous enseigne que les emplois jusque-là considérés comme réservés aux professionnels et aux diplômés sont aussi menacés par l‟automatisation. Ces logiciels en questions parviennent, grâce à l‟immensité des données qu‟ils traitent en un temps record, à changer la nature et le nombre d‟emplois jadis réservés à des savants car leurs capacités dépassent celles de l‟homme. Dès lors, de plus en plus, les chefs d‟entreprises, pour des soucis de performance prendront leur décision suite à la consultation de ses outils automatisés, ce qui en toute logique induit le rétrécissement des services d‟analyse de données. Ainsi, un algorithme puissant épargnera les chefs d‟entreprises de ce long processus de traitement d‟informations qui consiste pour leurs services d‟analyse à traiter les informations et de soumettre les résultats du traitement à l‟appréciation des différents niveaux de sa hiérarchie. Dans cette logique plusieurs emplois vont disparaitre en raison de l‟aplatissement de l‟organigramme des entreprises. La start-up WorkFusion est une parfaite illustration de l‟impact qu‟aura l‟autonomisation sur les cols blancs. « Le logiciel WorkFusion analyse d‟abord le projet afin de définir les taches qui peuvent être automatisées et celles qui doivent être gérées par des ressources internes. Il est capable ensuite de déterminer la liste des emplois vacants, de les publier sur des sites web et de gérer la sélection et le recrutement des travailleurs indépendants. Une fois que les travailleurs sont affectés au projet, le logiciel leur attribue des taches, et évalue régulièrement leur performance en leur demandant de répondre à des questions dont il connait déjà la réponse – sorte de test d‟évaluation. Il suit les métriques de productivité, comme la vitesse de frappe au clavier, et affecte automatiquement aux travailleurs des taches en fonctions de leurs capacités. Si quelqu‟un n‟arrive pas à terminer dans les temps la mission qui lui est confiée, le système réaffecte automatiquement cette tâche à quelqu‟un possédant les compétences nécessaires. »Notons qu‟au fur et à mesure que les employés accomplissent les tâches sous la direction de ce système, l‟algorithme d‟apprentissage automatique de WorkFusion cherche les possibilités d‟automatiser ses travaux en se basant sur les données que génèrent les travailleurs jusqu‟à l‟automatisation totale de la tâche.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA ROBOTIQUE A L‟EPREUVE DE L‟ETHIQUE
CHAPITRE I : LES ENJEUX ETHIQUES ET ONTOLOGIQUES
1-L‟analogie cerveau-ordinateur née du paradigme informationnel
2- De quelques enjeux du paradigme informationnel
3-Le projet de la cyborgisation de l‟humain «normal »
CHAPITRE II : LES ENJEUX SOCIO-ECONOMIQUES
1-Les interactions homme-robot
2-Le droit face à la robotique
3-L‟automatisation et le marché du travail
DEUXIEME PARTIE : DE LA BIOETHIQUE
CHAPITRE III : LES ENJEUX DE LA REVOLUTION GENETIQUE
1-Les enjeux des enfants sur mesure
2- Nos rapports sociaux face au triomphe de la volonté sur le don
3- La recherche sur les cellules souches
CHAPITRE IV: DES CONFLITS MORAUX A LA NECESSITE BIOETHIQUE
1-L‟eugénisme
2-L‟euthanasie
3-De la déontologie médicale à la bioéthique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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