« L’école a besoin de rituels ». Tel est le point de vue de Philippe Meirieu, spécialiste des sciences de l’éducation et de la pédagogie. En effet, les rituels scolaires sont au cœur même de l’éducation et leur pratique est de plus en plus recommandée. Ces rituels, dont je donnerai une définition précise dans ma première partie, aideraient les élèves d’un point de vue pédagogique, affectif et favoriseraient ainsi les apprentissages .
Lors de mes stages d’observation et de pratique, j’ai vu plusieurs formes de rituels dans des classes de cycles différents. J’ai eu la chance de pouvoir observer des classes des cycles 1,2 et 3. J’ai alors été intriguée par la pratique de ces rituels et par l’importance qu’on lui donne dans l’éducation des enfants. J’ai remarqué que cette pratique était assez inégale dans les différentes classes. En effet, j’ai pu constater que certains enseignants ne la privilégiaient pas dans leur classe car ils n’en faisaient que très peu. Au contraire, certaines autres classes faisaient plusieurs rituels par jour. J’ai même été surprise par un paradoxe que j’ai noté lors de ces stages. La classe de CM1 fait beaucoup plus de rituels que la classe de CP ! Je me suis donc intéressée à la place des rituels dans l’apprentissage, à leurs fonctions, leurs avantages, et leurs inconvénients.
Quelle place donner aux rituels à l’école maternelle et élémentaire ? Il y a, en effet un besoin de routiniser afin de favoriser les apprentissages et de rassurer les élèves.C’est d’ailleurs la compétence P4 commune à tous les professeurs. L’enseignant doit pouvoir « organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves ». Or, il faut aussi, à la fois, veiller à diversifier les activités et les modalités afin de ne pas lasser ses élèves.
Pour tenter de répondre à cette question, j’ai pris en compte les observations faites lors des stages que j’ai effectué en classe, les remarques faites sur ma propre pratique, les apports théoriques de mes lectures ainsi que les apports de l’ESPE qui m’ont beaucoup aidé à comprendre certains éléments. Je ferai d’abord une première partie générale sur la définition d’un rituel, ses fonctions et ses différents types. Ensuite, dans une deuxième partie, j’analyserai la nécessité de ritualiser dans sa classe et je mettrai en avant les avantages de cette pratique. Enfin, j’examinerai les limites des rituels.
Qu’est-ce qu’un rituel?
Étymologie du « rituel » et définition générale
Définition
Le mot « rituel » vient du latin «rituales libri » (=livres traitant des rites). Voici quelques définitions :
– « Livre qui décrit les rites, les cérémonies d’un culte »
– « Ensemble des règles et habitudes fixées par la tradition »
L’une des ses autres significations est « l’ensemble des pratiques habituelles et codifiées » ou encore « une pratique immuable comparable à une coutume » . Autrement dit, un rituel est une pratique ayant des codes et qui est répétée. De plus, les rituels sont des pratiques ayant un aspect social important : ils permettent d’élaborer un espace commun dans lequel les individus vont construire et partager des pensées et des actes. Ainsi, le rituel peut être considéré comme un espace de construction du groupe social mais aussi comme un espace permettant la construction du savoir et ainsi de l’apprentissage. Les programmes scolaires insistent bien sur l’importance de la socialisation des élèves , et du travail collectif permettant la confrontation cognitive et ainsi la construction du savoir. De plus, il s’agit de l’une des compétences communes à tous les professeurs : « organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves » (P4) . Le rituel a donc toute sa place à l’école et permet d’atteindre de multiples objectifs.
La tradition du rituel
Philippe Meirieu, chercheur et écrivain français, spécialiste des sciences de l’éducation et de la pédagogie, affirme qu’il n’y a « pas de société possible, en effet, sans rituels, pour signifier ce qui, précisément, « fait société ». Et pas d’institution sans rituels, non plus, pour instituer concrètement « ce qui fait tenir les humains ensemble » et les relations qu’on veut promouvoir entre eux ». Pour appuyer son argument, il mentionne les rituels funéraires pour lesquels nos ancêtres interrompaient leurs activités et venaient « se recueillir sur les dépouilles ». En honorant ainsi leurs morts, ils s’inscrivent, selon lui, dans « l’espace – où reposent les corps – et dans le temps de la généalogie qu’ils célèbrent ». Pour Meirieu, c’est le premier pas de l’humanité vers un collectif institué de valeurs communes. Si nous prenons en compte cet argument, cela signifierait que les rituels existent et sont pratiqués depuis des siècles. Il n’y aurait donc pas d’ »humanité sans rituels ». Christophe Wulf, professeur d’anthropologie et de philosophie de l’éducation allemand, le rejoint sur ce point en stipulant que toutes les institutions ont des rituels et ces derniers sont ce qui les différencie. Pour lui, « dans les sociétés modernes, avec leur compartimentation, beaucoup de minorités culturelles se différencient par des rituels déterminés en opposition à la culture majoritaire » Ainsi, chaque famille, par exemple, aurait ses propres rituels. En conclusion, une école sans rituels n’est pas imaginable selon ces deux théories.
Caractéristiques du rituel
« Le rituel est un mode d’organisation régulier lié à une intention de l’ordre de l’éducation, de l’apprentissage ou de l’enseignement en milieu scolaire et qui est de l’ordre du collectif. » (definition de A.-M. Gioux ) Comme l’indique cette citation, le rituel a plusieurs caractéristiques :
– Avant tout, un rituel doit être régulier. En d’autres mots, une activité peut être appelée « rituel » seulement à partir du moment où elle est reproduite de manière régulière. Il peut être mené de manière quotidienne ou hebdomadaire. Il répond ainsi au besoin de l’élève qui est de s’approprier un savoir par la répétition. Par exemple, la lecture et l’explication de l’emploi du temps, chaque matin, est un rituel quotidien. Un enseignant peut aussi décider de mener un rituel un seul jour dans la semaine.
Par exemple, le rituel des « ceintures de comportement » (dont je parlerai plus tard) dans lequel l’élève auto-évalue son comportement de la semaine peut se faire le vendredi aprèsmidi seulement. En effet, cela n’aurait aucun sens de le faire chaque jour car l’élève ne verrait pas sa progression. Et le progrès ne se fait pas un une seule journée !
– Le rituel doit être de courte durée. Il ne doit pas durer plus de 15 à 20 minutes. S’il dure plus longtemps, il serait une séance à part entière. D’autre part, le rituel, à force d’être répété, devient, au final un exercice presque « automatisé ». Une durée de 15 minutes est donc appropriée.
– Les enjeux d’un rituel ne changent pas. Un rituel,par définition, doit constituer des repères pour les élèves. Si l’enjeu change sans cesse, il ne s’agit plus de la même activité et, par conséquent, n’a plus beaucoup d’intérêt. Au contraire, les contenus doivent évoluer afin de ne pas perdre l’intérêt du rituel et de ne pas le transformer en routine mécanique. Par exemple, j’ai observé au sein de mon stage un rituel d’orthographe appelé les « 5 minutes chrono ». Comme son nom l’indique, il dure cinq minutes. Dans ce rituel, les élèves doivent apprendre l’orthographe d’une liste de mots contenant un même son. Et le lendemain, l’enseignante leur dicte les mots et les élèves les écrivent. Ils doivent ensuite ajouter un déterminant à chaque mot lorsque cela est possible (possible pour un nom commun mais pas pour un verbe, par exemple). L’enjeu qui est d’apprendre des mots, de les écrire en classe sans erreur et de leur ajouter un autre mot ne change donc pas. Par contre, le contenu change. En effet, les mots à apprendre contiennent à chaque fois des sons différents. Par exemple, écrire des mots avec le phonème [s] comme dans « savoir » et des mots avec le phonème [g] comme dans « guitare » n’est pas du tout le même contenu. Pour le phonème [s], les élèves doivent s’attarder sur les multiples graphèmes qui transcrivent le son (s, ss, ç, t, x,c) alors que pour le son [g], ils doivent comprendre que, devant les voyelles, e, i, y, il faut ajouter un « u » auxiliaire afin de faire le son [g].
– Répétitivité des paroles et des codes : dans un même rituel, il est essentiel de choisir un mode de fonctionnement avec des codes précis dès le début et de s’y tenir. En effet, par exemple, dans un rituel de mathématiques dans lequel les élèves utiliseraient l’ardoise, il faut que les phases et les consignes soient toujours les mêmes (« Ecoutez », « Ecrivez », « Levez »). Les élèves s’approprient ainsi l’activité et ne se sentent pas déstabilisés.
– Le rituel doit être porteur de sens. L’élève doit percevoir l’intérêt et le sens de ce qu’il fait. Telle est la raison d’une évolution des contenus primordiale. En effet, demander à un élève, par exemple, au début de chaque séance d’anglais « What’s the weather like today ? » risque d’être une routine ennuyeuse et inutile. L’élève n’y portera pas tant d’intérêt et finira par se détacher de l’apprentissage. Ainsi, cette définition du rituel et de l’apprentissage ritualisé reprend donc bien la définition de Meirieu : « l’élève a besoin que l’on identifie les espaces dédiés et les temps consacrés à chaque activité, non pour le brimer, mais, pour, au contraire, lui permettre de s’y adonner en toute sécurité ? […]L’enfant a besoin qu’on sache scander le temps et marquer les césures entre les moments où il peut se livrer à des activités librement choisies et ceux où il convient qu’il s’inscrive dans un collectif qui, tout à la fois, lui donne une place et le protège. Et, bien sûr, l’enfant a besoin que ces rituels soient assortis d’une symbolique qui permette d’identifier clairement les frontières, de marquer précisément les étapes ».
Types de rituels
Le rituel et l’apprentissage ritualisé
Il faut bien, distinguer, cependant, le « rituel » de l’ « apprentissage ritualisé ». Un apprentissage ritualisé est toujours accompagné de compétences tandis que le rituel peut être, par exemple, un moment de transition. Il n’est pas forcément accompagné de compétences. Ils peuvent, en effet, être des rituels « marqueurs temporels » visant à structurer le temps (entrée dans l’activité ou changement d’activité ou de discipline) mais aussi des apprentissages ritualisés visant à travailler, mémoriser et réinvestir certaines compétences. Les rituels sont indissociables des apprentissages ritualisés car leur rôle principal est toujours de favoriser les apprentissages. En effet, demander aux élèves de rester debout devant leur chaise en remontant de la cour de récréation jusqu’à ce qu’on leur donne l’autorisation de s’asseoir permet de recentrer l’attention des élèves et de les remettre en position d’écoute avant de se mettre au travail. Ainsi, les élèves sont plus aptes à se concentrer et à construire un apprentissage. Nous reparlerons et analyserons cet exemple très pertinent plus profondément dans ma deuxième partie. Il faut aussi garder à l’esprit que les temps de récréation ou de sieste en maternelle sont aussi des rituels. En effet, ce sont des repères pour les élèves. Un élève de maternelle apprend, au fur et à mesure, qu’après la récréation de l’après-midi, l’heure des mamans approche à grands pas.
Natures de rituels
Un rituel peut donc être de différents types. Il peut être un rituel de politesse, comme par exemple, accueillir l’élève en lui disant « bonjour » et attendre ainsi une réponse de sa part. Ce type de rituel peut aussi être présent aux cycles 2 et 3. En effet, le chef de rang sait qu’il a pour rôle de tenir la porte aux élèves derrière lui . Et de manière générale, les élèves se tiennent à leur rôle. D’où l’importance des responsabilités que les enseignants ont tendance à pratiquer. Aux quatre stages auxquels j’ai pu assister, le rituel des responsables était présent. Les rituels de politesse trouvent leur importance, selon Dominique Picard , « dans toutes les activités de la vie quotidienne et ils servent à marquer la reconnaissance des identités et des statuts et à donner à chacun les marques de respect qui lui sont dues ; ils assurent l’entretien et l’équilibre des relations sociales » . Ainsi, ces rituels permettraient à l’élève de se reconnaître comme faisant partie d’un groupe mais aussi à donner le respect et l’importance requis à ses camarades. Picard va plus loin en affirmant que les « rituels de politesse sont nombreux (marques de respect, visites et invitations, changements de statut, excuses et réparations, etc., mais on peut s’appesantir particulièrement sur les plus courants : les salutations et les présentations ». Il est vrai que c’est l’une des choses qu’on enseigne en premier en cycle 1 et qu’on exige tout au long de la scolarité. D’ailleurs, il s’agit aussi des éléments que nous apprenons en première lorsqu’on apprend une nouvelle langue vivante. Ces rituels font donc partie d’un processus qui vise à faire de l’élève un futur citoyen. Il s’agit du domaine 5 du socle commun dont voici une citation : « [l’école] a pour tâche de transmettre aux jeunes les valeurs fondamentales et les principes inscrits dans la Constitution de notre pays » et cela, dans un « apprentissage permanent ». Autrement dit, ces formules et pratiques de politesse doivent être intégrées par les élèves, non pas au sein d’une séquence par exemple,mais de manière régulière et sur le long terme. Un autre rituel intéressant qui pourrait illustrer ce dernier point est le rituel des ceintures du comportement dont j’ai parlé précédemment. Lors d’un stage effectué dans une classe de CP l’année dernière, j’ai pu observer ce rituel à deux reprises en fin de semaine. Chaque vendredi, la PEMF demande à chacun de ses élèves où ils se situeraient dans l’échelle de couleurs en fonction de leur comportement de le semaine. Une échelle de cinq couleurs ( de haut en bas : bleue, verte, orange et jaune) où chaque couleur représente un niveau de comportement plus ou moins satisfaisant. La couleur bleue signifiait que le comportement est irréprochable tandis que la couleur jaune signifiait que l’élève avait eu un comportement inacceptable car il n’avait pas respecté plusieurs règles de vie de l’école. Lorsque l’enseignante leur demande de lui dire dans quelle couleur ils pourraient se classer, les élèves répondent avec franchise et de lanière réfléchie. Les élèves s’étant mal comporté ne manquent pas de le reconnaître et de justifier leur réponse. L’élève reconnaissant qu’il n’a pas respecté certaines règles, il s’agit donc d’un premier pas dans la réflexion sur ses agissements.
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Table des matières
Introduction
I- Qu’est-ce qu’un rituel ?
1. Ethymologie du « rituel » et définition générale
1.1 Définition
1.2 La tradition du rituel
2. Caractéristiques du rituel
3. Types de rituels
3.1 Le rituel et l’apprentissage ritualisé
3.2 Natures de rituels
II- Une necesssité de routiniser les apprentissages
1. La structuration du temps
1.1 Un cadrage temporel
1.2 Exemple pratique de rituels servant à structurer le temps
1.3 L’accueil
1.3.1 L’accueil en école maternelle
1.3.2 Un temps d’accueil en école élémentaire
1.4 La comptine
2. Les rituels favorisent et facilitent les apprentissages
2.1. Rituels à visée sociale et en lien avec les règles de la classe en maternelle
2.2 Apprentissages et compétences disciplinaires acquises grace aux rituels
2.2.1 En maternelle
2.2.2 En élémentaire
3. Le rituel permet l’autonomie des élèves et aident ceux à besoins particuliers
3.1 Autonomie des élèves
3.2 Une aide pour les élèves à besoins particuliers
III – Zones de danger des rituels
1. Difficulté de « faire sans » les rituels
2. Des élèves lassés par les rituels?
2.1 Inconvénient du caractère répétitif du rituel
2.1.1 Exemple de situation problématique
Conclusion
Annexes
Bibliographie
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