La révision du SROS « Urgences » Rhône-Alpes élément structurant des exemples empiriques de Cluses et de Moûtiers
Le législateur, à travers la loi HPST, a effectivement organisé la gestion sanitaire de manière à prendre en considération les spécificités des territoires et d’appréhender la santé selon un parcours patient global, ne se résumant pas aux soins. C’est la responsabilité confiée aux directeurs des Agences Régionales de Santé ayant compétence sur l’ensemble des champs : prévention, soins de ville et hospitalier, médico-social dans sa dimension sanitaire. Il leur est demandé d’assurer le décloisonnement entre ces champs, afin de remédier aux dysfonctionnements observés dans le parcours de prise en charge des personnes. La loi confie pour cela de nouveaux outils aux agents leurs permettant d’élaborer de manière concertée avec l’ensemble des acteurs producteurs de soin, un projet pour la région, qui permette de rassembler les ressources autour d’actions prioritaires. Les outils de gouvernance de l’ARS sont les suivants, l’ensemble constituant le Projet Régional de santé (PRS) :
– Le Plan stratégique Régional de santé (PSRS) qui définit, à partir d’un état des lieux, les orientations de la région pour les 5 ans à venir dans le domaine de la santé ;
– 3 schémas régionaux d’organisation du système de santé : prévention, organisation médicosociale, organisation des soins ;
– L’élaboration de programmes d’actions dont : le programme régional d’accès à la prévention et aux soins pour les populations en situation de précarité (PRAPS), le programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC), le programme régional de gestion du risque (PR GDR), le programme régional télémédecine, les programmes territoriaux de santé.
Ces outils existaient auparavant mais n’étaient pas regroupés sous un seul document juridique. L’innovation apportée par la création des ARS consiste en la transversalité des parcours et la coordination de celui par un acteur unique.
La Loi HPST apporte deux innovations majeures aux SROS (qui deviennent dès lors schémas régionaux d’organisation des soins et non plus sanitaire), avec, d’une part, leur intégration au sein des projets régionaux de santé et d’autre part, l’extension de leur champ d’application à l’offre de soins ambulatoires. Ainsi dès 2012, le SROS constitue un outil opérationnel de mise en œuvre des PRS, qui comporte notamment l’évaluation des besoins de santé, de l’offre de soins et la détermination des orientations stratégiques de la région en matière de santé. Effectivement, le SROS a pour objet de prévoir les évolutions nécessaires de l’offre de soins afin de répondre aux besoins de santé de la population selon des exigences d’efficience en tenant compte des contraintes
d’accessibilité géographique. Le document se divise en un volet ambulatoire et un volet hospitalier.
Le volet ambulatoire, non opposable, a vocation à diffuser les orientations et priorités définies dans le Plan stratégique régional de santé. Le volet hospitalier est quant à lui obligatoire et opposable, il prévoit les autorisations d’exercice sur le territoire conformément aux besoins de soins.
Les établissements sanitaires sont donc encadrés par le SROS comprenant plusieurs volets selon les spécialités. Il existe un volet « Urgences » qui encadre les autorisations d’ouvertures de services dans la région. Les autorisations sont données par arrêtés du Directeur Général de l’ ARS tous les 5 ans. Suite à une évaluation portant sur les pratiques des usagers face aux services d’urgences (voir résultats plus haut), la direction générale de l’ARS, à travers la direction de l’offre de soins a réalisé en décembre dernier une révision du volet « urgences » de son SROS en cours 2012 – 2017.
En effet, compte tenu du recours croissant aux urgences par la population en parallèle de l’évolution des contraintes en termes de démographie médicale, il s’est avéré nécessaire de s’interroger sur l’adaptation de l’organisation de l’offre de soins en termes d’accès aux soins non programmés et accès aux soins urgents. Cette réflexion intervient également dans un contexte de consignes nationales de maîtrise des dépenses publiques.
Une réponse plus en adéquation aux besoins passe par un renforcement du premier recours en particulier de la médecine générale en ville et une adaptation de l’organisation de la médecine d’urgence. La place du premier recours est importante dans l’organisation des soins urgents avec notamment la participation des médecins correspondants SAMU à l’Aide Médicale Urgence ou l’organisation des soins non programmés en période de permanence des soins ou en journée. L’idée de la révision du SROS est de faire émerger des entités appelées « centre de soins non programmés », permettant de s’affranchir des normes légales de fonctionnement des services d’urgences (notamment relatives aux qualifications et aux horaires d’ouverture) et de transformer un certain nombres de structures d’ urgences à faible taux d’hospitalisation en ces nouvelles entités.
Ces centres de consultations ont été anticipés par le service premier recours de l’ARS et la transformation de certains services d’urgences antérieurement à la révision. Effectivement, la réflexion s’accompagne d’actions menées par les agents du service premier recours. Différents services d’urgences sur la région ont été transformés en CSNP tels que le service de Saint Marcellin, Chamonix, Cluses et Moûtiers. La révision du SROS vient entériner ces premières transformations et apporter ainsi un cadre légal plus fort pour permettre aux agents de l’ARS de continuer ces transformations.
La conduite de la révision a été mené par la direction de l’efficience de l’offre de soins et la mission inspection, évaluation et contrôle (MIEC) afin d’identifier au Programme Régional d’Inspection d’Evaluation et de Contrôle 2015 (PRIEC) et d’appuyer la révision sur des éléments quantitatifs. La direction a travaillé sur un état des lieux des services d’urgences de la région à partir des données Résumé de passages aux urgences (RPU) et a élaboré un tableau récapitulatif de la situation des 30 structures d’urgences dont l’activité est inférieure à 20 000 passages par an d’après la Statistique annuelle des établissements 2013 (SAE). A partir de ce tableau, ont été ciblées 8 structures à soumettre à évaluation.
Ce travail de révision a été mené durant un an afin d’aboutir fin décembre 2015 à la publication du volet « Urgences » du SROS. Outre les évaluations menées par les agents inspecteurs de l’ARS, les organisations professionnelles de démocratie sanitaire ont été impliquées. La révision a ainsi été soumise à l’avis de la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA).
Ce travail concerne le volet technique de la révision du SROS. Cette compétence technique apportée par les agents du premier recours de l’ARS appuie la direction générale dans son rôle politique. La présentation à la CRSA a été facilité par cela. Les représentants des différents corps professionnels ont adopté sans difficultés réelles la révision. Cependant, les élus ont refusé la publication d’établissements ciblés à la transformation et ont demandé une évaluation technique impartiale. Se révèle un attribut de l’ARS, un gage technique d’appui à la décision.
La révision du SROS « urgences » Rhône-Alpes intervient en anticipation des renouvellements d’autorisations des services de médecine d’urgence. Une très grande majorité des activités de soins de médecine d’urgence, a été accordée par délibération du 14 mars 2012 pour une durée de 5 ans à compter de la notification. Ces autorisations arrivent donc à échéance le 14 mars 2017 et devaient faire l’objet d’un dossier d’évaluation au plus tard le 14 janvier 2016.
Cette révision intervient dans un cadre national de réflexion amorcé par le rapport Grall, cependant le ministère ne se prononce pas vis à vis de ces centres et ne propose pas de modélisation nationale. Une réflexion relative à la modélisation financière des services d’urgences est actuellement en cours. Celle-ci doit permettre un décloisonnement entre les financements forfaitaires des services d’urgences hospitalier et le FIR, fonds de financement des structures ambulatoires. Cependant, ce modèle n’est toujours pas défini. Le ministère ne vient donc pas en appui à l’Agence régionale dans cette réflexion, laissant la direction générale autonome.
C’est en parallèle de ce chantier de restructuration juridique que l’ARS Rhône-Alpes a été le terrain de transformation de services d’urgences en centres de soins de premiers recours, dont la clinique privée de Cluses et l’hôpital publique de Moûtiers. Ainsi, gardant à l’esprit ce contexte, il est intéressant de se focaliser sur ces deux cas afin de répondre à la question de recherche suivante : Quelle construction du processus décisionnel public a conduit l’ARS Rhône-Alpes à mener des travaux de fermeture de services d’urgences de manière relativement rapide alors même que les constats en termes d’efficience qui ont justifié l’action, sont les mêmes depuis de nombreuses années ?
L’objectif est de comprendre en quoi la création des ARS a introduit une nouvelle dynamique permettant un changement dans la politique publique de santé et induisant une évolution des pratiques guidées par une volonté de rompre avec l’hospitalo-centrisme en allant vers l’intégration de la médecine de premier recours.
Construction de la question de recherche et des hypothèses
A partir de l’étude de la littérature existante, il convient de positionner le travail de recherche et de construire ainsi une problématique de départ (2.1). Deux hypothèses seront proposées, guidant la recherche menée pour y répondre (2.2).
Construction de la problématique et positionnement de la recherche
La question de recherche est ainsi issue d’une première approche lors d’un stage en Agence Régionale de Santé au sein du service premier recours de la direction de l’offre de soin. Les missions réalisées dans le service ne correspondaient pas directement à la question, et les cas empiriques n’y ont jamais été abordés. Cependant, un passage dans l’Agence a permis une observation des services en charge de dossiers, du fonctionnement de l’institution et des instances de représentation utiles au travail de recherche. Ainsi, une première approche observatoire du terrain de recherche a anticipé les réflexions sur la question. L’observation de la révision du SROS urgences à travers les travaux préparatoires des agents de l’ARS, ainsi que le déroulement des commissions paritaires de démocraties sanitaires de décisions, montrent un changement important pour les acteurs sur un sujet particulièrement sensible.
Il apparait que les évaluations des services d’urgences réalisées, sur lesquelles s’appuie l’ARS pour justifier la révision du SROS, fournissent des résultats similaires depuis une quinzaine d’année. Les agents en poste depuis de nombreuses années, confirment des constats de longue date.
Or, les actions en faveur du changement sont relativement récentes, les premières datent de 2012 avec les évaluations des cliniques en vue de la fermeture de certains services. Il convient de s’intéresser à l’existant dans la littérature de recherche sur la construction et l’aboutissement d’un changement en politique publique.
Les chercheurs se sont intéressés à la construction de la prise de décisions en politique publique. Herbert Simon est le premier à avoir démontré que la rationalité de la décision ne peut pas être absolue. Une politique publique est issue d’un processus complexe avec une prise de décisions intervenant en différents temps et selon des influences multiples. Comprendre une politique publique revient ainsi à analyser la manière par laquelle la prise de décisions s’est organisée et selon quels processus décisionnels la politique est mise en place. Charles Jones propose ainsi une grille d’analyse séquentielle en six séquences successives. Avoir celle-ci en tête permettra de réaliser une analyse pertinente des exemples empiriques. Il convient de s’intéresser d’abord, à deux grilles d’analyse classique de l’étude des processus décisionnels publics : la construction des politiques publiques et le choix des outils de mise en oeuvre d’une politique publique.
La notion de changement dans la littérature d’analyse des politiques publiques est centrale.
Elle est effectivement omniprésente dans les discours politiques. Cependant, l’observation tend à nuancer cette importance du changement dans l’action. Beaucoup de travaux montrent en effet l’existence d’un certain nombre de freins et d’obstacles à l’irruption du changement. Etudier une politique publique revient ainsi à étudier son apparition dans un cadre déjà existant. Dans les cas empiriques de fermeture de services d’urgences, la question se situe bien là. Rose et Davies sont les premiers à s’intéresser aux changements de politiques publiques à travers la notion d’héritage historique et l’idée que « gouverner revient à hériter ». Cette théorie a été adaptée par la notion de Path Dependancy développée par Paul Pierson . Celui-ci met en avant le fait qu’une politique publique s’inscrit dans un contexte précis et qu’une volonté politique de changement connaît nécessairement des conséquences importantes qui reviennent à bloquer son déploiement. Ainsi un changement brutal ne peut pas intervenir en politique publique. Bruno Pallier a en partie atténué cette thèse à travers l’exemple des réformes sociales relatives aux politiques des retraites. Il montre alors que malgré une tradition française marquée par un système de retraite par répartition, un système par capitalisation en complément du premier vient s’imposer petit à petit. L’auteur explique ce phénomène par les instruments de politique publique.
Cette idée s’accompagne de la théorie des référentiels développée par Pierre Mullerà partir de la première conception de Peter Hall selon laquelle les acteurs décisionnels sont porteurs de cadres cognitifs et donc normatifs, qui ont une prégnance et qui sont ainsi difficiles à modifier. Ils le sont d’autant plus si ces cadres sont partagés et s’imposent de façon dominantes dans la société. Effectivement, les politiques publiques s’inscriraient dans un cadre culturel d’influence. Les penseurs comme les applicateurs de celles-ci, seraient influencés par une culture partagée. Le changement de politique publique intervient alors par l’évolution de ce cadre normatif. Selon l’exemple empirique de la création des ARS, la fusion des institutions étatiques et des organismes de sécurité sociale induit la rencontre entre deux cadres normatifs pouvant amener la construction d’un nouveau référentiel et donc un changement. Stefan Svallfors à travers l’exemple de la réunification de l’Allemagne met également en avant l’influence institutionnelle de l’opinion publique et un phénomène de résistance aux changements. Charles Lindbolm s’est également intéressé à la manière dont le changement en politique publique intervient, il développe la théorie du changement par incrémentalisme. Cette idée repose sur une observation selon laquelle, il est rare de voir en politique publique de vraies ruptures. Cependant, sur le long terme les changements sont parfois profonds. Nombreux sont ainsi les chercheurs à se positionner et à étudier l’interruption d’un changement dans une politique publique. Ces théories développées apportent une grille de lecture à l’analyse empirique de la politique publique étudiée. Les différentes théories peuvent être testées sous le prisme des cas de Moûtiers et de Cluses. Il s’agit de comprendre de quelle manière se construit la réflexion autour des CSNP mais également ce qui amène les auteurs du changement à se saisir de cette problématique et à l’analyser d’un certain point de vue.
Ces deux grilles de lecture permettront d’analyser par la suite le cas empirique de la politique publique de santé relative aux services d’urgences en Rhône-Alpes et la fermeture des services d’urgences de l’hôpital de Moûtiers et de la clinique de Cluses. Alors que la littérature relative au changement permet de comprendre la construction de la réflexion par les décideurs, celle concernant les instruments apportent des éléments d’explication dans sa mise en oeuvre. En effet, l’analyse des instruments a deux apports : l’emploi fait par les décideurs pour légitimer un changement et l’usage des administrés dans l’application réelle de la politique publique. Avant cela, il est intéressant de se pencher sur l’analyse en littérature des grands changements de positionnement de l’Etat à travers une restructuration de celui-ci et un changement de paradigme. Béatrice Van Haeperen, à travers l’exemple de l’administration wallonne analyse comme principal critère structurel du phénomène de New Public Management la déconcentration des services de l’Etat vers des entités autonomes. On parle alors d’Agences, celles-ci rompent avec les services déconcentrés antérieurs. Elles disposent d’une plus grande indépendance opérationnelle et d’un domaine de compétence technique. L’auteure parle alors d’un phénomène d’agencification qu’elle définit par la création en nombre important d’organismes autonomes. Ceux-ci se voient confier des fonctions opérationnelles techniques en opposition aux responsabilités stratégiques concernées au niveau de l’Etat central. Les Agences Régionales de Santé en France répondent entièrement à ce phénomène notamment de manière sémantique. L’auteure apporte alors une analyse critique de ce phénomène. En effet, une complexité due à leur multiplication ainsi qu’une difficulté d’adaptation des mécanismes traditionnels de contrôles entrainent, selon l’auteure, des difficultés de pilotage des politiques. Van Haeperen montre également un changement de gouvernance des politiques publiques par la création des agences avec la légitimation de nouveaux instruments de gestion et le passage d’un contrôle a priorià un contrôle a posteriori. Cela entraine l’apparition de nouveaux outils d’analyse comme les tableaux de bords, les évaluations … Ainsi, il existe un phénomène d’agencification issue de la diffusion de la culture du New Public Management. Celui-ci implique une restructuration de la gouvernance de l’Etat et de ses entités déconcentrés ainsi que l’apparition de nouveaux instruments de politiques publiques. Ainsi, l’agencificationde l’Etat issue d’un nouveau référentiel théorique engage des changements dans la manière de construire les politiques publiques. Or, la création des CSNP de Cluses et de Moûtiers intervient suite à la création de l’Agence sanitaire de régulation. Il apparait, dès lors, intuitif que la construction politique des centres et le changement apporté trouvent son origine dans la création des Agences.
Selon l’idée de l’influence sur les politiques publiques de la vision et de la forme de gouvernance de l’Etat, Renaud Epstein s’intéresse à la construction des politiques de la ville.
L’auteur démontre l’influence de la restructuration de l’organe central étatique sur la construction des politiques publiques locales. Il s’intéresse à la recomposition moderne de l’Etat par l’instauration de nouvelles règles budgétaires impulsées par la Loi Organique relative aux Lois de Finance (LOLF) qui instaure une culture de la performance et l’impulse de nouveaux outils de gestion. L’auteur montre que contrairement à la volonté du législateur d’accompagner les politiques de décentralisation des politiques budgétaire, la loi a conduit à un renforcement du fonctionnement vertical et hiérarchique de l’administration centrale. L’auteur aborde également le phénomène d’agencification des services de l’Etat qu’il analyse comme une volonté de décharge de l’Etat envers ces services déconcentrés historiques au profit d’ « une gouvernance à distance ». Epstein s’intéresse par la suite à l’influence de ce phénomène sur l’autonomisation des pouvoirs décentralisés locaux et notamment les villes. Ici encore, le lien est fait avec la question de recherche quant à l’autonomie laissée à l’Agence Rhône-Alpine dans la création des CSNP. Aucun modèle national n’est proposé. La législation est suffisamment floue pour permettre les transformations sans modélisation. Cette liberté d’action permet aux directions d’Agences de négocier directement avec les acteurs le modèle et de les amener vers la transformation. Le niveau national se contente de la diffusion des idées et des outils. Ce que l’on peut constater par exemple avec le rapport Grall ou les publications d’évaluations menées par la DRESS.
Daniel Benamouzig s’intéresse également au phénomène d’agencification sur les institutions françaises traditionnelles. Celui-ci pose le questionnement « de l’articulation entre décision, science et démocratie ». Il met également en avant l’usage récurrent de l’expertise comme instrument de décision légitimant l’action publique menée. L’auteur met en exergue un apport des Agences dans le développement d’intervention de l’Etat dans des champs intermédiaires, où les Agences vont intervenir auprès des communautés professionnelles là où l’Etat historique n’intervenait pas. Effectivement, l’intuition de recherche appelle une influence de l’agensification de la santé dans l’intégration des professionnels de médecine libérale sur les politiques de santé.
Cela permet de penser les transformations de services hospitaliers. On constate ainsi dans la littérature, une part importante à une analyse partagée d’un phénomène d’agencification de l’Etat issu du courant de pensée du, New Public Management. Ce dernier est à l’origine de la restructuration de la gouvernance des politiques publiques, notamment cette nouvelle forme de déconcentration et l’apparition de nouveaux instruments de gouvernance. Ceux-ci révèlent une gestion différente par la performance et l’évaluation. Cette nouvelle gouvernance conduit à une modification du rôle de l’Etat et l’apparition d’un Etat régulateur. Annick Valette s’est intéressée à ce phénomène en se questionnant sur la relation entre les nouveaux modes de régulation et le changement d’organisation. L’auteure se concentre plus particulièrement sur les Agences Régionales de l’Hospitalisation, ancêtres des ARS et premières entités du ministère de la Santé sous forme d’Agences selon une volonté politique de régulation des acteurs des territoires. Valette étudie la pertinence des ARH à des fins de régulation. Elle montre que la réforme de création des Agences a permis une facilitation du pilotage des acteurs de santé par interaction, soit la coopération et contractualisation des acteurs. Les ARH font naitre une nouvelle forme de pilotage par leadership : l’apparition d’une entité de l’Etat capable du déploiement d’une dynamique sur les autres acteurs. L’ARH devient un entrepreneur régulateur capable d’impulser une dynamique faisant naitre un changement de politique publique issu des acteurs eux-mêmes. Valette cite notamment le SROS, dont la construction a été citée en contextualisation, et montre un apport de l’instrument dans l’élaboration d’une représentation commune de l’offre de soins, inexistante auparavant et permettant une cohérence des acteurs entres eux.
Il existe dans la littérature un questionnement important sur la notion de changement en politiques publiques. De manière générale, corroboré par de nombreuses études de sociologie historique de l’Etat, un changement de paradigme dans la forme de l’Etat est accepté.Le phénomène de New Public Management et d’évolution de l’Etat en régulateur des acteurs a fait l’objet de nombreuses publications, et amènent les auteurs à parler désormais d’agencification de l’Etat. Cette théorie littéraire est appuyée dans l’étude du cas empirique par une littérature professionnelle étudiée sur le terrain de stage. Effectivement, il existe des documents professionnels notamment des évaluations internes et des publications de recherches professionnelles visant à évaluer la pertinence d’une politique précise. Il ne s’agit pas de cela dans le présent travail mais bien de mettre en perceptive la littérature relative aux théories de politiques publiques avec les cas empiriques d’étude. Afin de comprendre : Comment, la création des Agences Régionales de Santé peut-elle être appréhendée comme une étape dans la diffusion d’une nouvelle idée permettant la concrétisation d’un changement ?
Ainsi, l’analyse rapide des observations des cas en lien avec un contexte institutionnel et des publications littéraires existantes amène à proposer deux hypothèses de recherche :
Hypothèse 1: La création de l’ARS en 2010 est le fruit d’une construction historique qui va dans le sens de l’intégration de la médecine de premier recours, ce qui permet des changements de pratiques.
Hypothèse 2:La création des ARS a concrétisé de nouveaux instruments de politiques publiques qui ont permis aux acteurs de s’en saisir afin d’entériner la transformation de services d’urgences en centres de soins non programmés.
Construction des hypothèses
Hypothèse 1: La politique publique de création des ARS par la loiHPST de 2010 est issue d’une construction historique des changements de pratiques qui va dans le sens de l’intégration de la médecine de premier recours, cette évolution permet de nouvelles pratiques.
On constate par l’étude du contexte institutionnel une évolution des politiques de santé depuis 1945 qui vont dans le sens d’une recherche de rationalisation des deniers publics. Ces évolutions semblent être marquées par une dynamique constante d’évolution dans un même sens et ce malgré les alternances politiques rencontrées dans l’histoire. Il s’agit alors de revenir sur ces éléments afin de comprendre la construction des politiques publiques au cours du temps qui ont permis d’aboutir à la naissance des ARS. Cela permettra de mettre en exergue les changements intervenu. Il s’agit d’employer les grilles de lectures proposées par la littérature d’analyse des politiques publiques afin de comprendre la construction de la politique publique de santé aboutissant à la LoiHPST et la création des ARS. La construction des ARS serait donc issue d’un changement constant de politiques publiques par incrémentalisme et marquée par une volonté de recherche de rationalisation des fonds publics.
Cette recherche de rationalisation marque les politiques nationales de santé qui cherchent à travers chaque axe de déploiement cet objectif. Ainsi, la politique relative à la médecine de premier recours répond à celui-ci. Cependant, les politiques de santé sont particulièrement marquées par l’influence de ses propres acteurs. Ainsi la construction d’une politique publique s’inscrit dans ce double contexte de recherche de rationalisation des fonds et d’influences professionnelles qui conduit à la construction d’une politique particulière. Les ARS connaissent de multiples influences qui légitiment leurs formes et compétences d’attributions dans le sens d’une rationalisation de l’action publique selon une construction collective.
Méthodologie de l’enquête
La question de recherche s’est développée au cours d’un terrain de stage au service premier recours de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes auprès du Docteur Argaud en charge de la planification des services d’urgences et de la permanence des soins ambulatoires au niveau régional. Les missions de stage n’étaient pas en lien direct avec la question de recherche mais ont cependant soulevé la question de l’intégration récente de l’offre de soins de premier recours principalement libérale et les services hospitalier notamment d’urgences. Effectivement, les missions de stage ont constitué, pour partie, en un état des lieux de l’offre de soins non programmés de manière à réaliser une campagne d’information auprès du public. Le stage a également été l’occasion d’assister à une commission des soins d’urgences, entité de la Conférence de Santé et de l’Autonomie, instance de démocratie sanitaire, représentante des acteurs de santé et usagers d’un territoire. Cela a permis d’observer une volonté de discussion et d’intégration des acteurs aux politiques de santé menées dans la région. La période de stage a également coïncidé avec la révision du « SROS urgences » sur lequel le Docteur Argaud a travaillé. La construction de celui-ci, son approbation et ses ajustements ont ainsi pu être observés. L’intérêt issue de cette observation a conduit à rechercher l’historique de cette réflexion régionale. Ce travail à permis de prendre connaissance de l’existence de centres de soins non programmées à Cluses et à Moûtiers suite à des fermetures de services d’urgences récentes. Ces centres fonctionnent selon des statuts différents et sont encore en construction. De ces observations, sont construites des intuitions de recherche qui ont donné lieu à une question de départ. Un lien entre la création des Agences et la possibilité de créer de telles structures s’est imposé et a suscité des questionnements.
Deux entretiens exploratoires ont pu être menés afin de corroborer ces intuitions. Depuis le terrain de stage, la responsable à l’ARS du Programme Régionale de Santé (PRS), outil de pilotage principale de l’ARS et, qui plus est, a la double casquette d’ancienne directrice de l’URCAM (entité de la sécurité sociale responsable de l’organisation de la médecine de premier recours et ayant fusionné pour créer les ARS en 2010) a pu être rencontrée. Cette rencontre qui n’a pu être enregistrée a cependant permis de confirmer les intuitions de départ et susciter l’intérêt d’approfondir cette idée de lien entre la création des ARS et le rapprochement de la médecine hospitalière avec la médecine de premier recours engageant la création de centres de soins non programmées et la révision du « SROS urgences ». Par la suite, un second entretien exploratoire a pu être conduit auprès d’un médecin généraliste exerçant en cabinet de montagne et travaillant avec les urgences de Cluses.
Ces deux entretiens ont permis de faire un lien important entre le terrain de stage professionnel et les approches théoriques de politiques publiques, conduisant à l’établissement de premières hypothèses plus précises.
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Table des matières
Introduction
Première partie : construction du travail de recherche
Chapitre 1 Conceptualisation de la recherche
1.1 La construction de la médecine de premier recours et la création des Agences Régionales de Santé
1.2 La région Rhône-Alpes, un contexte favorable à une interrogation de l’organisation des soins d’urgences
1.3 La révision du SROS « Urgences » Rhône-Alpes élément structurant des exemples empiriques de Cluses et de Moûtiers
Chapitre 2 Construction de la question de recherche et des hypothèses
2.1 Construction de la problématique et positionnement de la recherche
2.2 Construction des hypothèses
Chapitre 3 Méthodologie de l’enquête
3.1 Guide d’entretien et profils des enquêtés
3.2 Contexte et difficultés liées à la conduite des entretiens
Deuxième partie : test des hypothèses
Chapitre 1 Présentation des exemples empiriques
1.1 Le centre de soins non programmés de la clinique de Cluses
1.2 Le centre d’accueil médical de l’hôpital de Moûtiers
Chapitre 2 Première hypothèse
2.1 La perception des politiques publiques hospitalières sous le prisme de ses acteurs
2.2 La mise en oeuvre de la transformation des services d’urgences
2.3 Résultats
Chapitre 3 Seconde hypothèse
3.1 Les effets des nouveaux instruments de politiques publiques apportés par la création des ARS
3.2 L’appropriation des instruments par les acteurs de la mise en oeuvre
3.3 Résultats
Discussion
Chapitre 1 synthèse des résultats
Chapitre 2 limites
Chapitre 3 Conclusion
Bibliographie 1
Annexes 1
Annexe 1: Classification clinique des malades aux urgences (CCMU)
Annexe 2 : Extrait du CPOM Etat-ARS Rhône-Alpes 2015 – 2018 septembre 2015 (1)
Annexe 3 : Extrait dossier de presse ARS « la santé en Tarentaise : enjeux, orientations et plans d’actions pour une offre adaptée au besoin des populations. »
Annexe 4 : Extrait du CPOM Etat-ARS Rhône-Alpes 2015 – 2018 septembre 2015 (2)
Annexe 5 : Extraits du CPOM de la Clinique de Cluses avec l’ARS Rhône-Alpes
Annexe 6 : Extrait du rapport du cabinet de conseil Acsantis relatif à la modélisation de structures de 1er recours
Annexe 7 : Extrait volet urgences du SROS révision de décembre 2015
Table des matières
Résumé
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