L’enseignant (e) dans l’acquisition des rôles traditionnels de sexe et le traitement différentiel
Un grand nombre d’influences subtiles, comme la présence d’ éléments liés aux rôles traditionnels de sexe dans le matériel scolaire contribuent à forger des comportements révélant les stéréotypes sexuels tout en nuisant au système d’ Éducation à tous les niveaux: à l’élémentaire, au secondaire, au collégial, tout comme à l’université. Depuis la fin des années 1960, un nombre important d’études ont confirmé l’existence des stéréotypes sexuels dans le matériel scolaire des élèves du primaire et du secondaire dans les domaines des mathématiques, des sciences appliquées et des sciences sociales (Blom, Waite, et Zimet, 1970 ; Jaklin, Heuners, Mischell et Jacobs, 1972 ; Trecker, 1971 ; U’Ren, 1971 ; Weitzman et Rizzo, 1974 ; Women in Words and Images, 1974). Les chercheurs ont démontré que les écrits et les illustrations présentaient beaucoup plus de caractéristiques associées traditionnellement à l’ homme qu’ à la femme.
Les hommes apparaissaient en plus grand nombre dans des rôles de carrière que les filles ; ces dernières étaient présentées occupant des emplois traditionnellement réservés aux femmes ou encore plus fréquemment comme travailleuses à temps complet à la maison. Les garçons exhibent des traits de bravoure, d’ agressivité, de curiosité et de force en étant impliqués activement dans des situations de résolutions de problèmes. D’ autre part, les filles démontraient des traits de dépendance, de faiblesse, de peur concernant leur apparence, en plus de se soustraire aux différentes exigences de l’ entourage. Par ailleurs, dans les années 1970, les maisons de publication de matériel scolaire aux États-Unis ont développé un guide « anti-sexiste » mis à la disposition des auteurs. Des enquêtes plus récentes tenues dans les années 1980-90 permettaient de constater que l’ aspect cosmétique du matériel avait évolué mais que la trace des stéréotypes sexuels était toujours présente (Thomas, 1983). Le matériel scolaire à l’usage des étudiants de niveaux supérieurs d’ éducation contenait aussi des stéréotypes sexuels. Sadker et Sadker (1979) ont analysé 24 manuels de travail destinés aux étudiants de facultés d’ Éducation, donc à de futurs enseignants (es). Ils ont trouvé un nombre impressionnant de stéréotypes sexuels autant dans le contexte écrit que dans les illustrations ; plus encore, des éléments réflexifs sur la question du sexisme étaient presque totalement absents.
Depuis quelques années, plusieurs enseignants (es) et directions d’écoles ont commencé à se pencher sur la question du sexisme en éducation. Ils sont de plus en plus conscients de la présence des stéréotypes sexuels en éducation et tentent de développer des stratégies pour contrer leurs manifestations. Ils analysent le matériel scolaire et tentent d’y repérer la trace des stéréotypes; ils essaient ainsi d’ utiliser du matériel non sexiste; par le biais d’ activités diverses, certains tentent de conscientiser davantage les élèves à l’ existence et aux méfaits des stéréotypes sexuels; enfin, ils mettent concrètement de l’avant des politiques et des pratiques éducationnels de manière à favoriser l’équité entre les filles et les garçons (Sadker, Thomas, et Sadker, 1982). Gérin-Laj oie, dans un article daté de 1991 , s’est penchée sur la situation des écoles de langue française de l’ Ontario en matière d’éducation non sexiste, en mettant particulièrement l’ accent sur le matériel scolaire.
Elle voulait ainsi décrire la tangente que semblait prendre le système scolaire de langue française en ce qui a trait à l’ élimination des stéréotypes sexistes. Elle s’ est rendu compte qu’il existait toujours des stéréotypes sexistes à l’école, et ce, malgré la politique existante du ministère de l’Éducation de l’Ontario en matière d’éducation non sexiste. Suite à ce constat, on suggérera deux domaines à explorer en vue de l’ élimination des stéréotypes sexistes, soit la formation des enseignantes et des enseignants et la production d’un plus grand nombre d’ études empiriques sur l’ enseignement non sexiste, en particulier liées aux pratiques éducatives en salle de classe et en ce qui a trait au matériel scolaire utilisé.
L’enseignant (e) dans l’acquisition des rôles traditionnels de sexe et le traitement différentiel Les enseignants (es) auraient une influence importante dans l’ acquisition des rôles sexuels chez l’ élève (Féat et Salomon, 1991). Selon Féat et Salomon (1991), les différentes expériences par lesquelles passerait l’élève auraient de lourdes conséquences; les filles seraient mises dans une situation passive au détriment d’ une situation d’ apprentissage actif et d’ indépendance. Les comportements d’autonomie, les habiletés plus grandes en mathématiques des garçons, selon Serbin (1980), pourraient être le résultat du traitement différentiel que les adultes, et en particulier les enseignants (es), exercent sur les élèves. Consciemment ou inconsciemment, certains (es) enseignants (es) montreraient des préférences pour certains élèves, tout comme d’autres pourraient être portés (es) à les ignorer, à leur offrir moins de support ou à moins considérer leurs efforts (Morency et Bordeleau, 1995). L’école encouragerait certains rôles sexuels et transmettrait des messages favorisant l’adhésion à ces rôles (Féat et Salomon, 1991).
L’ adhésion aux stéréotypes serait à son paroxysme chez les élèves entre cinq et sept ans, âges cruciaux d’entrée à l’école au préscolaire et au primaire. Si nous ne sommes pas conscients de cette forme de socialisation chez les garçons et les filles comme parents, enseignants et enseignantes, nous risquons d’étiqueter des enfants en difficulté d’adaptation alors qu’ils vivent tout simplement une étape capitale de leur développement psychosexuel, c’ est-à-dire que par la reproduction d’attitudes typées et rigides, ils sont à s’identifier à un genre (Lajoie, 2003). Beaucoup d’ enseignantes et d’ enseignants du secondaire perpétuent toujours des modèles ancestraux de division du travail. Les études littéraires sont souvent présentées comme activité « typiquement féminine», et les métiers, « masculin ». Les enseignants de mathématiques préparent de longue date leurs meilleurs élèves à entrer en sciences appliquées, mais y destinent en particulier les garçons (Féat et Salomon, 1991). Selon le Conseil Supérieur de l’Éducation (1999), à leur entrée au primaire, les enfants ont acquis un statut: celui d’élèves. « Élève » est un terme neutre qui illustre que la variable sexe n’ est pas prise en compte à l’école. Pourtant, les enseignants et les enseignantes ayant participé à une étude menée par le Conseil supérieur de l’Éducation dont les conclusions ont été rendues publiques en 1999 mentionnent qu’ils observent quotidiennement des différences en classe entre les garçons et les filles et ils font aussi part de la séparation sexuée des comportements. Les enfants, quant à eux, veulent affirmer leur identité de sexe à l’école; identité dont le développement a débuté très tôt à la petite enfance et qui se poursuit au cours du cheminement scolaire.
Les interactions diverses entre les pairs
Ce sont les interactions sociales entre les pairs qui constituent l’environnement principal où se développe le comportement typique des sexes et qui forgent l’identité psycho sexuelle et sociale (Baudoux, 1998 ; Bouchard, St-Amant, 1996 ; Maccoby, 1990). Maccoby (1990) insiste sur un élément majeur dans la dynamique de la différenciation, soit le contexte des interactions sociales entre jeunes où interviennent également l’âge et l’expérience culturelle. Il existerait ainsi une variété de modèles sexués façonnés au sein des classes sociales et des sous-cultures de jeunes. Certains de ces modèles sexués qui inspirent les jeunes sont limitatifs, c’est-à-dire qu’ils ont une incidence négative sur les parcours scolaires et entrent en contradiction avec la culture scolaire de la réussite. La socialisation de sexe s’accomplit et se réalise dans des milieux sociaux qui en forment le cadre de référence (Felouzis, 1993). En ce sens, l’expérience scolaire n’est pas que scolaire. La vie de l’élève n’est pas totalement identifiable à son rôle.
L’école accueille une expérience extérieure très largement autonome qui participe tout autant à la formation de la personne. Cette expérience constitue un espace dans lequel les élèves évoluent et s’approprient plus ou moins les connaissances scolaires. C’est dans cet espace que les jeunes s’ accordent sur un degré d’ adhésion ou de distance à l’égard de la culture scolaire (Bouchard, St-Amand, Baudoux, 1998 ; Dubet, 1991). Il n’ en demeure pas mOinS que pour Lee, Marks et Byrd (1994), les élèves, dans le contexte de la classe, adoptent des comportements relatifs aux modèles traditionnels de sexe, et ce, malgré les efforts de l’enseignant (e) d’enrayer cette possibilité. Les élèves alimentent donc eux-mêmes un certain sexisme.
Les interactions maître-élève
Parmi les différents véhicules des biais de sexe, nous constatons aujourd’hui que trop peu d’efforts ont été déployés à analyser les caractéristiques des interactions enseignants (es) – élèves et à décrire les éléments qui peuvent sous-tendre les manières qu’ ont les enseignants (es) de traiter les garçons et les filles. Les enseignants (es) ne cherchent évidemment pas à traiter les filles et les garçons de manière différente, mais les iniquités subsistent et sont très subtiles et difficiles à identifier (Sadker, Thomas, et Sadker, 1982). De plus, le déroulement des interactions en classe est si rapide que les enseignants (es) disposent d’un très court laps de temps pour prendre conscience des différentes iniquités dans la qualité et la quantité et de leurs interactions (Sadker et Sadker, 1980). Sadker et Sadker (1980) ont conclu que les enseignants (es) interagissaient différemment en classe avec leurs élèves filles et garçons dans quatre situations différentes: la ségrégation par le sexe, en séparant les élèves simplement sur la base de leur sexe; la gestion disciplinaire en classe, c’ est-à-dire les iniquités de sexe dans les réprimandes verbales, les punitions, et les autres approches disciplinaires ; l’ attention accordée aux élèves, les iniquités de sexe dans les interactions verbales entre l’enseignant (e) et l’ élève durant la classe ; et l’ évaluation verbale, les iniquités de sexe à travers la distribution des compliments et des critiques sur le travail des élèves. Il émerge des recherches de Sadker sur les interactions entre enseignants (es) et les élèves et les stéréotypes sexuels que lorsque les enseignants (es) conscientisent la présence des iniquités dans les interactions en classe, ils peuvent exercer des changements positifs dans leur enseignement, dans la classe et dans la vie de leurs élèves (Sadker et Sadker, 1982).
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie: les assises de cette recherche
CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE
1.1 Les biais de sexe – une dimension du curriculum caché
1.2 Les biais de sexe dans le matériel scolaire
1.3 L’enseignant (e) dans l’acquisition des rôles traditionnels de sexe et le traitement différentiel
1.4 Les interactions diverses entre les pairs
1.5 Les interactions maître-élève
1.6 Les enseignants (es) vis-à-vis les stéréotypes sexuels
1.7 État de la question
1.8 La réussite scolaire des garçons et des filles
1.9 L’enseignement donné par un homme ou par une femme
1.10 Déconstruire les stéréotypes sexuels
1.11 Question de recherche
1.12 Objectifs de la recherche
CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE
2.1 Distinctions entre la notion de « genre» et celle de « sexe»
2.2 Des stéréotypes universels
2.3 La différentiation sociale des sexes à l’école
2.4 Les enseignantes et les enseignants: porteurs des biais de sexe
2.5 Des élèves « adhèrent» aux stéréotypes sexuels
2.6 Définition de concepts clés véhiculés dans l’étude
CHAPITRE III MÉTHODOLOGIE
3. 1 Participants
3.2 Technique de collecte des données
3.3 Stratégie de collecte des données
3.4 Traitement préliminaire
3.5 Phase d’analyse
Deuxième partie : les résultats de cette recherche
CHAPITRE IV PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
4.1 Catégorisation des résultats (énoncé A)
4.2 La gestion de classe
4.2.1 Répartition des incidents
4.2.2 Observation des incidents
4.3 Le commentaire informel
4.3. 1 Répartition des incidents
4.3.2 Les caractéristiques d’ ordre intellectuel
4.3.3 Les caractéristiques d’ordre psychologique
4 .3. 4 Les caractéristiques d’ ord re physique
4.3.5 Les prédictions de réalisations
4.3.6 Les formes d’opinions discriminantes – sexistes
4.4 L’attention accordée aux élèves
4.4.1 Répartition des incidents
4.4.2 Réponse de l’enseignant (e) aux questions posées
4.4.3 Le droit de parole
4.4.4 Choix d’élèves pour une tâche donnée
4.4.5 Distribution de compliments et marques d’encouragement .
4.4.6 Aide apportée aux élèves
4.4.7 Questions posées aux élèves
4.4.8 Contestation des élèves
4.4.9 Autres formes d’attention
4.5 L’évaluation
4.5.1 Répartition des incidents
4.5.2 Type d’évaluation
4.5.3 Observation des incidents
4.6 La ségrégation par le sexe
4.6.1 Répartition des incidents
4.6.2 Observation des incidents
4.7 Le commentaire formel
4.7.1 Répartition des incidents
4.7.2 Observation des incidents
4.8 Catégorisation des résultats (énoncé B)
4.8.1 Les préjugés défavorables à l’endroit des filles ou des garçons
4.8.3 La motivation
4.8.4 Le rendement scolaire des élèves
4.8.5 L’état d’esprit de l’enseignant (e)
4.8.6 Réactions aux traits distinctifs des élèves
4.8.7 Des élèves « adhèrent» à la stéréotypie
Troisième partie: l’interprétation des résultats
CHAPITRE V INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
5.1 La gestion de classe
5.2 Le commentaire informel
5.3 L’attention accordée aux élèves 99
5.4 L’ évaluation
5.5 La ségrégation par le sexe
5.6 Le commentaire formel
5.7 Des élèves expliquent le comportement des enseignants (es)
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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