Depuis une vingtaine d’années, les pays en développement se sont vus prescrire le libre échange et l’investissement privé comme vecteurs de développement. La plupart des flux de capitaux qu’ils reçoivent consistent cependant en des investissements directs étrangers dans un petit nombre de secteurs, notamment dans l’industrie pétrolière.
Conformément aux premières politiques d’industrialisation mises en œuvre à Madagascar, l’industrie pétrolière a pris dans un premier temps la forme d’une compagnie nationale. Suite aux politiques d’ajustement structurel préconisant l’ouverture économique dans les années 1990, le pays a été encouragé à créer un environnement économique propre à attirer les investissements directs étrangers (IDE). Il s’agissait de créer ou d’améliorer les infrastructures, de modifier les structures légales et fiscales dans le but de les rendre favorables aux investisseurs. A cette époque, le Gouvernement avait entrepris la privatisation des sociétés d’Etat, reprises pour la plupart par des sociétés étrangères . Cependant, cette stratégie de développement basée sur les IDE a soulevé des critiques. En effet, le cadre d’action des nouveaux venus n’est pas clairement défini : l’absence de code des investissements pour l’heure et, en ce qui relève de la réglementation sectorielle, des textes d’application pour la plupart en cours d’élaboration. Par ailleurs, les impacts environnementaux et sociaux de l’activité industrielle ( cas de la raffinerie de Toamasina par exemple) sont dénoncés par l’ Administration elle même, comme l’ont montré les déboires de la Raffinerie de Toamasina, qui revendique une responsabilisation sociale et environnementale des entreprises.
LA NOTION DE RSE
Définition de la RSE
Il est à noter en premier lieu qu’il n’existe aucune définition de la Responsabilité Sociétale des entreprises (RSE) faisant autorité. Chaque auteur, en fonction de sa vision de l’éthique d’entreprise, donne un contenu divergent à ce concept. S. MERCIER et A. BOYER s’accordent sur un point : l’entreprise est responsable ou éthique dès lors qu’elle applique les normes morales des individus aux « décisions concrètes prises dans l’entreprise, qu’il s’agisse des décisions individuelles ou collectives »… Mais dans leurs conceptions respectives, cette notion n’a absolument pas la même teneur.
Chez Samuel MERCIER , l’éthique est au cœur des contradictions entre logiques économique et sociale et elle oblige l’organisation à « justifier tout acte ou décision en fonction de normes morales et de valeurs ». Au contraire, André BOYER considère que l’éthique est au service du profit et de la survie de l’entreprise. Dans un cas, l’entreprise est éthique lorsqu’elle recourt aux valeurs morales pour résoudre les antagonismes entre l’économique et le social, c’est-à-dire que l’éthique prime. Dans l’autre, la firme est éthique à partir du moment où elle décide en se référant à des valeurs morales, non parce que c’est une fin en soi mais parce que cela concourt à la performance économique. Dans son ouvrage, L’impossible éthique des entreprises, André BOYER affirme que « l’éthique entre en jeu dans l’entreprise, lorsque l’absence ou l’insuffisance d’éthique contrarie le profit . » .
A l’heure actuelle, l’entreprise se trouve dans la ligne de mire de ses parties prenantes. De ce fait, elle doit prendre conscience que, au-delà de leurs effets strictement économiques et financiers, les activités de l’entreprise, même d’une petite unité de production, ont des répercussions sur la vie sociale et l’environnement écologique de la communauté et que le développement économique, même s’il produit globalement des richesses et du progrès social, génère aussi, directement ou indirectement des dégâts écologiques, des inégalités sociales grandissantes, la corruption et des dérives éthiques.
Ainsi, une entreprise responsable est une entreprise qui se soucie de sa performance, de sa croissance et de sa rentabilité, qui veut respecter davantage son environnement et qui veut travailler en tenant compte des aspirations de ses parties prenantes. La première caractéristique de la RSE est sa nature volontaire.
Les facteurs contemporains de la RSE
L’émergence de la RSE résulte de plusieurs facteurs.
L’internationalisation
PERIGOT justifie l’éthique d’entreprise par le passage d’une régulation publique à une régulation privée.
Selon PERIGOT, l’internationalisation et la décentralisation vont réduire à peau de chagrin le rôle de l’Etat :« dans ce contexte, l’entreprise, atout majeur de la nouvelle donne, va devoir affronter une demande accrue. Valeur sûre, valeur refuge, elle hérite de problèmes que l’Etat et les hommes politiques seuls ne peuvent plus prétendre maîtriser et résoudre. Ce déplacement du pouvoir sera pour nous un challenge. Pour décrisper une société « bloquée », on attend de l’entreprise une réponse globale et multiforme qui dépasse son seul rôle économique. Nous ne pouvons refuser ces nouvelles responsabilités. Ce sont elles qui consacreront notre réhabilitation et nous donnerons notre pleine légitimité. » .
Les caractéristiques de la RSE
Le Livre vert de l’OCDE énoncé les principes de RSE, notamment :
– sa nature volontaire (c’est-à-dire non imposée aux entreprises); ce premier critère n’est pas souvent respecté par les pays européens, qui adoptent de plus en plus des mesures contraignantes et pratiquent un interventionnisme croissant dans l’économie, pour aller vers un développement durable ;
– son caractère complémentaire et non substitutif aux dispositions légales;
– la nécessité de rendre les pratiques de la RSE crédibles et transparentes, au moyen de mesures fiables de respect de ces pratiques et de comptes-rendus publiés;
– l’association des parties prenantes, internes et externes, dans un dialogue civil et social;
– une approche large et équilibrée, englobant les aspects économiques, sociaux et environnementaux, ainsi que les intérêts des consommateurs;
– une approche «socialement responsable» englobant les entreprises, leurs filiales et l’ensemble de leurs sous-traitants, chacun(e) dans son contexte local.
Déclinaison du » développement durable » pour l’entreprise, la RSE se déplace depuis quelques années de la sphère des intentions vers celle des engagements, quantifiés et contrôlables, envers les parties prenantes. Cependant, ce sont les acteurs économiques des pays du Nord qui font vivre ce mouvement, alors que les plus grands enjeux sociaux et environnementaux de demain sont au Sud. La RSE devra donc s’étendre aux pays en développement (PED).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : CADRE THEORIQUE
SECTION 1 : LA NOTION DE RSE
A. Définition de la RSE
B.Les facteurs contemporains de la RSE
1. L’internationalisation
2. La nouvelle exigence sociétale
3. Les nouvelles régulations
C.Les caractéristiques de la RSE
SECTION 2 : LA RSE A MADAGASCAR
A.Le contexte
1. La taille des entreprises
2. L’absence de contrat social
3. Un cadre réglementaire sommaire
B.Une démarche proactive
1. Une situation de rationalité limitée
2. Typologie d’actions en situation de rationalité limitée
C.Le principe de précaution
1. Les origines du principe
2. L’application du principe
CHAPITRE 2 : ETUDE DU CAS DE SHELL MADAGASCAR
SECTION 1 : LE SECTEUR PETROLIER A MADAGASCAR
A. Le cadre réglementaire
1. Une nouvelle réglementation après la privatisation
2. Les textes sur l’environnement
3. La politique de gestion des pollutions industrielles
B. Les organismes de régulation
1. L’Office Malgache des Hydrocarbures
2. L’Office National pour l’Environnement
C. Les intervenants dans le secteur pétrolier aval
1. La raffinerie de Toamasina
2. La Logistique Pétrolière
3. Les sociétés de distribution
SECTION 2 :L’ADOPTION D’UNE STRATEGIE DE REDUCTION DES RISQUES POUR RENFORCER LA REGLEMENTATION
A. Les priorités en matière de RSE au sein de Shell Madagascar
1. Les Principes de conduite
2. Une orientation vers la gestion des risques
3. Les modalités d’application du RP&G
B. Les initiatives volontaires à Shell Madagascar
1. La gestion du produit le long de son cycle de vie
1.1 Une approche intégrée : le HSE
1.2 Le Product Stewardship
2.Les Global Environmental Management Standards (GEMS)
3.Encourager la gestion des risques au niveau du personnel
3.1.Justification
3.2 La formation et la gestion de performance en matière de risques
C. Les audits
1.Pourquoi un audit ?
2.Le Network Environmental Risk Assessement (NERA)
3.Les « seven pillars »
3.1 Le contenu des « sept piliers »
3.2 Les audits « seven pillars »
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE