Ce mémoire présente mon expérience au sein d’une école maternelle durant ma période de stage ainsi qu’une réflexion menée à partir de mes observations et de l’étude de textes sur la pédagogie institutionnelle. La pédagogie institutionnelle est une pédagogie nouvelle et alternative, mise en place par F. Oury d’après le travail de C. Freinet, dans les années 90. A travers des institutions appropriées et bien définies, l’enseignant va guider les élèves, les former et leur faire respecter des règles de vie. Elle est l’opposée de “l’école caserne” , qui comme son nom l’indique est très autoritaire et ne laisse pas la place à l’expression. Ce manque de liberté bride la prise d’autonomie en particulier chez les jeunes enfants. Cette pédagogie nouvelle est une pédagogie active : « La classe institutionnelle où le fantasme devient parole tout comme l’agitation devient activité est un lieu où toute parole peut être entendue (sinon reçue), justement parce que ce lieu n’est pas n’importe quoi : des lois précises y sont observées, qui permettent transferts, projections, identifications, etc. et un certain contrôle de ce qui se passe », écrit Fernand Oury (Oury Fernand, Vasquez Aïda (1971) dans la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle. Étant enseignante stagiaire en cycle 1, cette pédagogie m’a particulièrement intéressée, d’autant qu’elle est plus souvent employée en élémentaire (cycle 2 et 3). Il me semblait donc intéressant de voir si je pouvais la transposer au cycle 1, chez des jeunes enfants, comment la modifier et l’adapter ? F. Oury avait adapté lui-même les techniques de Freinet de l’école rurale à l’école urbaine. Est-il possible d’utiliser cette pédagogie chez des élèves de maternelle ? La pédagogie institutionnelle étant très riche et diverse, je n’ai pas les moyens ni le temps nécessaire d’en observer tous ses aspects. C’est pourquoi j’ai centré mon observation sur la responsabilisation des élèves au sein de la classe et comment cette responsabilisation des élèves favorise l’autonomie chez les jeunes enfants. Pour ce mémoire, je voulais plutôt développer un aspect de la vie scolaire et découvrir un sujet qui n’était pas ou peu abordé dans notre cursus universitaire. C’est la raison pour laquelle j’ai défini mon sujet autour de la responsabilisation des élèves.
Je réalise mon stage à l’école Delambre. Une petite école maternelle de six classes allant de la très petite section à la grande section. Elle se situe dans le secteur sud-ouest, dans le quatorzième arrondissement de Paris. C’est un quartier privilégié. Les enfants ont un bon niveau scolaire. Je partage la prise en charge de la classe avec une binôme également professeur stagiaire chacune par période de trois semaines. Nous avons beaucoup échangé sur la responsabilisation des élèves dans la classe et dans l’école, et nous avons pu mettre en place ensemble dans une continuité rassurante pour les élèves, des aspects de cette pédagogie institutionnelle. Les résultats s’en sont fait ressentir et je remercie ma collègue d’avoir pu participer à l’élaboration de cette expérimentation. Je me suis interrogée sur la manière dont les enseignants responsabilisent leurs élèves. J’ai fait des recherches et bénéficié des observations chez mes collègues enseignantes expérimentées. Au cours de ces échanges et lectures, je me suis rendu compte que certains utilisent la responsabilisation des élèves dans un but de formation à la citoyenneté, d’autres l’utilisent comme un levier d’apprentissage. Tous sont nécessaires et judicieux mais j’ai choisi de lier le facteur responsabilisation avec la prise d’autonomie qui me semble plus appropriée au jeune âge des élèves.
Les origines
Les situations problèmes rencontrées dans la classe
Problème de cohésion de groupe
Les programmes de l’Éducation Nationale donnent en premier rôle à l’école maternelle l’apprentissage de la vie en collectivité : « c’est une école où les enfants vont apprendre ensemble et vivre ensemble ». En effet, on se rend vite compte dès le début d’année que la vie en communauté n’est pas facile pour les élèves. Ils ont l’habitude, avant d’entamer leur scolarité, d’avoir l’attention portée sur eux et ainsi ont du mal à la partager arrivés à l’école maternelle. Par ailleurs, à leur âge, ils sont très autocentrés et n’ont pas encore de relations sociales établies sinon familiales. En observant leurs relations entre pairs, je me suis aperçue qu’elles étaient effectivement très limitées. Ils bavardent un peu mais d’une manière générale ils travaillent seuls, jouent seuls et créent seuls. Ce qui est paradoxale à mon sens puisqu’ils apprennent énormément par mimétisme. En regardant ce que fait l’autre, en l’imitant puis en essayant à son tour. La classe était alors composée d’une variété d’individus très riche dans leurs différences mais complètement individualiste. Ils avaient tous beaucoup de mal à partager. Il n’y avait aucune cohésion de groupe, ce qui entraînait beaucoup de conflits et de chahut. Comment améliorer l’ambiance de la classe, quelles mises en place permettraient aux élèves de s’ouvrir aux autres et de se socialiser sereinement ? C’est ainsi que mon choix s’est vite porté sur la pédagogie institutionnelle et sa volonté (entre autres) d’instaurer un équilibre social au sein du groupe.
Problème d’autonomie
Au sein de la classe, nous travaillons principalement en ateliers tournants. Avec mon binôme, nous avons divisé la classe en quatre groupes hétérogènes. En début d’année nous n’avions pas assez de recul pour former des groupes de besoin. Ces derniers ont été formés après nos évaluations diagnostiques et ont évolués au fil de l’année, certains élèves faisant des progrès plus rapides que les autres. Quoi qu’il en soit, nous travaillons de manière régulière en ateliers distincts. Dans l’emploi du temps hebdomadaire, les ateliers portent sur les différents domaines des programmes de l’Éducation Nationale, à savoir le langage oral et écrit, le domaine “structurer sa pensée”, le domaine “explorer le monde”, les arts visuels et le graphisme. Nous organisons les ateliers de la manière suivante :
– Soit un atelier par domaine,
– Soit tous les ateliers travaillant une compétence spécifique mais de manière différente. C’est à dire, pour l’acquisition d’une compétence spécifique, chaque élève à sa propre approche d’apprentissage. A cette fin, je mets en place des activités qui solliciteront une approche du plus concret (avec de la manipulation) au plus abstrait (avec un travail sur feuille). Par exemple pour travailler sur le complément à cinq en mathématiques, un groupe travaillera en encastrant des petites briques type Lego, d’autres en positionnant des bâtonnets ou en dessinant, et pour ceux qui ont atteint le niveau d’abstraction nécessaire, un petit exercice sur feuille.
Pour cette dernière modalité nous avons recours aux groupes de niveau. Parmi ces quatre ateliers, l’un était dirigé par moi-même, l’autre semi dirigé par notre Agent Spécialisé des Écoles Maternelle (ASEM). Les deux groupes restants étaient supposés travailler en autonomie. Mais sans résultats probants. Qu’il s’agisse d’ateliers cloisonnés ou d’ateliers travaillant une compétence commune, je me suis rapidement rendu compte que les élèves rencontraient de grandes difficultés à travailler seuls. Par exemple, beaucoup se levaient dès qu’ils avaient tracé une ligne ou assemblé deux objets pour avoir mon approbation. Cela occasionnait beaucoup d’agitation dans la classe et perturbait l’atelier que je dirigeais avec un groupe. Aussi, beaucoup d’élèves, manquaient de concentration, se dispersaient et dérangeaient les autres. Le travail s’en trouvait dégradé par le bruit. Par conséquent j’ai essayé de trouver des solutions en donnant des contenus d’apprentissages très précis, ne travaillant qu’une seule compétence à la fois pour éviter de perdre les élèves. J’ai aussi dû revoir mon matériel, pour vérifier s’il était bien adapté pour tel ou tel atelier. Enfin, je me suis arrangée pour que mes ateliers dirigés ne soient plus que semi dirigés. Les élèves auraient un temps prédéfini où ils devraient être capables de travailler sans mon aide afin que je puisse réguler et vérifier les autres ateliers. Malgré toutes ces mises en place, beaucoup d’entre eux étaient encore trop peu autonomes. Autant pour le travail que pour le reste de leurs activités dans la journée (ex. : attacher seul son manteau, aller chercher ou ranger du matériel, etc.) J’ai réalisé qu’il fallait trouver un moyen de les rendre plus autonomes de manière générale. La répercussion dans leurs travaux se ferait alors ressentir de manière bénéfique.
Réflexions
Mes besoins
Je me suis penchée sur le sujet de la responsabilisation des élèves, parce qu’il me semblait que cet élément pédagogique était essentiel dans l’enseignement et qu’il serait parfaitement adapté pour répondre aux besoins de ma classe. La responsabilisation des élèves étant un des piliers de la pédagogie institutionnelle c’est la raison pour laquelle que je me suis orientée vers celle-ci. J’avais besoin d’une pédagogie qui, d’une part aiderait les élèves à créer un lien social positif et durable et d’autre part les aiderait à devenir plus autonomes dans leur travail mais aussi dans la classe et au sein de l’école. Par ailleurs c’est une approche de la vie en classe et une gestion qui correspondant parfaitement à mon ressenti et à mes convictions personnelles. Je me sentais plus à l’aise avec cette pédagogie et cela me semblait tout à fait cohérent pour ma pratique. Étant novice dans le métier j’ai avancé petit à petit en adaptant les mises en place avec les exigences du terrain.
La question de la responsabilisation
La responsabilisation se définie par l’action de rendre responsable. L’élève doit apprendre à « se porter garant de ses actions » (Dictionnaire Larousse). C’est également une position qui donne des pouvoirs de décision. L’enfant doit apprendre à être maître de ses choix, de ses décisions et de ses actions. Pour cela, tout un travail d’apprentissage est nécessaire et c’est à l’école maternelle que revient cette mission. La responsabilisation est conçue comme l’action de rendre les élèves maîtres de leurs choix et de leur faire prendre conscience de leurs capacités. Cela revient ainsi à leur laisser une certaine liberté d’action dans le but de prendre eux même des décisions et de les gérer avec indépendance. Cette responsabilisation amène alors à l’autonomie. En effet, si être capable d’effectuer des choix selon sa propre loi correspond à l’autonomie, le fait de les assumer pleinement caractérise la responsabilité.
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Table des matières
Introduction
I. Les origines
1.1 Les situations problèmes rencontrées dans la classe
1.1.1 Problème de cohésion de groupe
1.1.2 Problème d’autonomie
1.2 Réflexions
1.2.1 Mes besoins
1.2.2 La question de la responsabilisation
1.3. Textes étudiés
II. Mise en place des institutions relatives à la vie de classe
2.1. Les règles de vie
2.1.1 Mise en œuvre
2.1.2 Bilan
2.2 Les métiers
2.2.1 Mise en œuvre
2.2.2 Bilan
2.3 Le « Quoi de neuf ? »
2.3.1 Mise en œuvre
2.3.1 Bilan
III. Mise en place des institutions relatives au travail scolaire
3.1 le travail individualisé en autonomie
3.1.1 Mise en œuvre
3.1.2 Bilan
3.2 la pratique de texte libre
3.2.1 Mise en œuvre
3.2.2 Bilan
Conclusion
Bibliographie
Sitographie
Annexes