La reproduction et la gestion génétique
Les nouveaux principes et leur application
Le programme de conservation de 1976 avait pour objectif une augmentation de la population et un contrôle du taux de consanguinité notamment par des accouplements raisonnés : ce plan s’est révélé efficace concernant la démographie (311 femelles en 1976, 1200 en 2002), mais le schéma de reproduction rotatif est contraignant pour les éleveurs et ne permet pas une gestion optimale du taux de consanguinité. Un nouveau programme est donc choisi par le conseil d’administration de la société des éleveurs de BPN fin 2002 et est mis en application dès 2003 (68). Le choix des mères à taureaux se fait sur plusieurs critères : possession d’allèles rares et très faible coefficient de parenté avec l’ensemble du troupeau femelle. Ensuite, on associe à cette femelle le mâle avec lequel elle a le moins de parenté. Plusieurs veaux naîtront de cette association et on en choisira un seul qui remplacera son père. Par ces différentes étapes, on minimise la parenté entre père et mère et on maintient au sein de la population des allèles rares (26). Avant d’être mis en place, ce plan est simulé par informatique pour évaluer le taux de consanguinité futur. Les simulations montrent que le taux de consanguinité des génisses nées en 2005 serait de 2,7 %.
Or en 1999, il était d’environ 5 %, il y aurait donc une réduction d’environ 50 % de ce taux. L’augmentation annuelle du taux de 2005 à 2020 serait de 0,07 %, ce qui est nettement plus bas que le taux 0,17 % obtenu avec le plan rotatif. En 2030, le taux de consanguinité serait compris entre 4,2 et 4,7 %. La notion d’ancêtres fondateurs est également intéressante pour le suivi de la consanguinité, au sein d’une population. Un fondateur est un individu n’ayant pas de parents connus. Au sein d’une population, les différents fondateurs sont à l’origine de tous les gènes actuels. Ils transmettent leurs gènes d’une manière inégale selon leur utilisation dans le schéma de reproduction. On peut donc calculer la probabilité qu’un gène, pris au hasard dans la population, provienne de tel ou tel fondateur. La somme des probabilités pour chaque gène est égale à 1 et chacune de ces probabilités représente la contribution des différents fondateurs au patrimoine génétique de la population. Ceci est particulièrement intéressant pour définir le nombre et l’identité des fondateurs qui ont réellement contribué au patrimoine génétique. Plus le nombre de fondateurs est élevé, plus la diversité génétique originelle sera grande.
Bilan Cependant, malgré ces efforts de communication, le nombre de nouvelles installations n’est pas satisfaisant. En 2006, il y a 1 à 2 nouvelles installations par an, alors qu’on en espérait 6. On pouvait cependant s’y attendre, puisqu’à cette période on note une forte diminution du nombre d’installations agricoles de toutes sortes. Le programme de relance est donc modifié par Pierre Quéméré et le Conseil de la Société des Éleveurs de BPN l’adopte en 2007. La Société des Éleveurs doit continuer la promotion de la race. Elle doit faire connaître la BPN par une bonne communication et la participation à des grands événements, mais aussi développer le contact avec les futurs agriculteurs, proposer des stages dans les élevages de Bretonnes Pie Noir, créer un système de parrainage. Il faut consolider ce qui a été mis en place, notamment les réunions entre éleveurs de BPN, le journal Bonnes Pour Tous et les programmes de reproduction raisonnés. Il faut aussi, d’après Pierre Quéméré, développer le contact avec les élus politiques et autres responsables pour expliquer l’intérêt économique et environnemental de ces élevages référence (22).
Pour cela, il serait intéressant de travailler en collaboration avec les associations des autres races bretonnes à petits effectifs. Pour séduire davantage de nouveaux agriculteurs, il est prévu de renforcer l’image d’élevage viable mais aussi d’associer les élevages Bretonne Pie Noir au développement durable. La Bretagne présente des problèmes environnementaux liés aux nitrates, or les élevages de Bretonne Pie Noir fonctionnent en extensif donc sont beaucoup moins polluants. Certains éleveurs ont obtenu la certification agriculture biologique. Suite à ces efforts de communication et promotion de la race, des vocations sont nées comme celle de Carole Perherin, éleveuse de 15 BPN à Cap Sizun, dont le témoignage fut présenté dans une émission de télévision grand public le 15 mai 2013. Elle explique que, suite à un stage chez un éleveur de BPN, elle décide de monter une exploitation laitière de BPN : elle traie seule ses 15 BPN chaque jour, puis transforme une partie du lait en beurre traditionnel de Baratte. Elle vend ses produits en vente directe (lait, beurre et fromage frais). Ses clients sont fidèles, ils sont séduits par ses produits frais de grande qualité ainsi que par l’accueil de l’exploitante.
Carole Perherin fait partie d’un groupe de jeunes éleveurs et agriculteurs très dynamique de Bretagne, qui se réunissent régulièrement dans un restaurant Brestois, ne servant que du 100% breton. Ces éleveurs disent vouloir conserver le « Patrimoine vivant », allant de la Bretonne Pie Noir à la célèbre fraise de Plougastel ainsi que le savoir faire breton. Même si comme le montre, le tableau 5, le nombre d’éleveurs de BPN n’augmente pas, on peut constater l’augmentation de l’effectif bovin. Le système BPN ne séduit pas encore assez d’éleveurs, confronté aux difficultés de rendement de ces exploitations. Néanmoins, certains comme Carole Perherin se battent et arrivent à faire survivre la Bretonne Pie Noir. Comme le montre le tableau 5, les effectifs de BPN continuent de s’accroître, même si on constate une diminution progressive du nombre d’éleveurs. Certains éleveurs abandonnent face au manque de rentabilité. Il faut noter que cette diminution du nombre d’éleveurs se retrouve dans presque toutes les races suite à la situation économique actuelle. On remarque également un effectif stable de jeunes bovins de BPN, ce qui assure un bon renouvellement de la race. Les troupeaux laitiers constitués exclusivement de BPN suivis par le CL sont encore rares, les contraintes sont trop importantes.
Le développement de la race : la fondation de la station d’élevage
En 1874, le Conseil général menace de supprimer les subventions car l’administration estime les améliorations de la race trop lentes. Pour cela, le préfet d’Isère nomme M. Beviere, vétérinaire de Grenoble, responsable de la coordination des éleveurs. M. Beviere a pour mission de communiquer avec les éleveurs pour coordonner leurs efforts, « diriger les bonnes volontés et assurer les progrès techniques » (37). Pour faciliter la communication, la Station d’Élevage de Villard-de-Lans est créée le 7 février 1875. Les objectifs de cette station sont d’améliorer et perfectionner la race, d’assurer sa propagation et de contribuer à la vulgarisation des bonnes méthodes d’élevage (4). Les éleveurs inscrits à la station paient une cotisation fixe. L’inscription à la Station leur assure une aide en cas de difficultés financières, ainsi que des conseils de bonnes pratiques d’élevage par le vétérinaire de la Station.
En effet, d’après l’article 17 des statuts de la Station d’Élevage, le vétérinaire a le rôle de conseiller : « il fait des tournées dans les cantons tant pour se rendre compte de la situation hygiénique des animaux et des soins qu’ils reçoivent que pour donner le plus possible d’utiles conseils aux éleveurs et contribuer efficacement à l’amélioration du bétail » (45). Pour obtenir une homogénéité du cheptel Villard-de-Lans, la Station lance une campagne de sélection. Celle-ci est permise par le passage régulier du vétérinaire de la Station dans les élevages. Ce dernier conseille les accouplements et l’élimination des sujets non conformes avec les critères. De même, la sélection est permise au cours des concours regroupant l’ensemble du cheptel Villard-de-Lans. En 1864, l’objectif est d’améliorer les critères décrits par M. Tisserant, par exemple en éliminant les animaux au dos ensellé et en sélectionnant les animaux présentant une ligne du dos droite. La Station d’Élevage a un rôle clé dans l’amélioration de la race Villard-de-Lans : elle permet une bonne communication avec les éleveurs ainsi qu’une sélection des meilleurs représentants de la race. Diffloth (1922) note l’efficacité de la sélection puisqu’il constate que « l’attache un peu haute de la queue, défaut assez fréquent chez les races de montagne, particulièrement accusée autrefois, a presque complètement disparu » (37).
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Table des matières
LISTE DES ABRÉVIATIONS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ANNEXES
INTRODUCTION
Première partie : Les programmes de conservation basés sur la reproduction et la gestion génétique
Le programme de conservation de la Bretonne Pie Noir
Présentation de la race Bretonne Pie Noir
1.1. Présentation générale de la race
1.2. Les caractéristiques et qualités spécifiques
1.3. Le contexte de déclin de la race Bretonne Pie Noir
2.Du bilan de 1975 à la mise en place d’un programme de conservation
2.1. Le bilan de 1975
2.2. La mise en place du programme de conservation
2.2.1. Les financements
2.2.2. Les objectifs
2.2.3. Les premières étapes
2.2.4. Le plan de reproduction rotatif et raisonné, spécificité du programme de conservation de la Bretonne Pie Noir….
3.Les différents bilans et l’évolution du programme
3.1. Le bilan de 1992
3.1.1. Évolution de l’effectif global
3.1.2. Évolution du type d’éleveurs
3.2. Les solutions proposées suite à ce bilan
3.3. Bilan intermédiaire réalisé entre 1997 et 2002
3.3.1. Évolution des types d’élevage
3.3.2. L’évolution du taux de consanguinité et de la parenté moyenne
3.3.3. L’évolution géographique du cheptel
3.4. 2002 : Le nouveau programme orienté vers la relance
3.4.1. Les nouveaux principes et leur application
3.4.2. L’évaluation de la faisabilité d’un plan de relance
3.5. Bilan
3.5.1. Nouvelle orientation du programme de conservation
3.5.2. Descriptif actualisé de la race
Le programme de conservation de la Villard-de-Lans
1.Présentation de la race Villard-de-Lans
1.1 Origine et caractéristiques de la race Villard-de-Lans
1.2. Le développement de la race : la fondation de la station d’élevage
1.3. L’extension de la race via les concours
1.4. Le déclin de la race : de la seconde guerre mondiale à la mécanisation
1.5. Essais de croisement avec la Blonde d’Aquitaine
2.Le programme de conservation
2.1. Mise en place d’un programme de conservation
2.1.1. Les acteurs et les objectifs du programme
2.1.2. Les méthodes utilisées pour ce programme
2.1.2.1. Les premières étapes classiques du programme de conservation
2.1.2.2. L’achat de reproducteurs
2.1.2.3. L’utilisation de l’insémination artificielle : résultats, intérêts et limites
2.1.2.4. L’utilisation de la technique du transfert embryonnaire
a) La technique
b) Les résultats obtenus avec les vaches Villard-de-Lans
c) Intérêts et limites
2.1.2.5. L’utilisation des techniques de ponction ovocytaire et de fécondation in vitro
a) Les techniques
b) Les résultats obtenus à la station Châteauvillain, en 1998
c) Intérêts et limites
2.2. Bilans du programme de conservation
2.2.1. Évolution démographique
2.2.1.1. L’effectif Villard-de-Lans au début du programme et pendant les premières années.
2.2.1.2. Bilan démographique, en 1996
2.2.1.3. Bilan démographique en 2011
2.3. Descriptif actualisé de la race
Deuxième Partie : Les méthodes de valorisation des races bovines à faible effectif en France : exemples de deux races, la maraichine et la ferrandaise
I.La race Ferrandaise
1.Présentation de la race Ferrandaise
1.1. Historique de la Ferrandaise
1.2. Les critères morphologiques de la race
1.3. Performances et rusticité de la Ferrandaise
2.Le déclin de la race
3.Le programme de conservation de la race bovine Ferrandaise
3.1. La prise de conscience
3.2. Mise en place de l’association de sauvegarde de la race Ferrandaise et premières mesures
3.3. Les acteurs du programme de conservation
3.4. Bilan après 12 ans de conservation…
3.4.1. Évolution de la population Ferrandaise
3.4.2. Évolution des élevages de Ferrandaises
3.5. Bilan après 30 ans de conservation
3.5.1. Évolution de la population Ferrandaise
3.5.2. Évolution des élevages de Ferrandaises
3.5.3. Une politique de communication efficace
3.6. La valorisation des produits issus des bovins Ferrandais
3.6.1. Les circuits courts
3.6.2. Les circuits longs
3.6.3. La filière lait
3.6.4. La valorisation par le Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne
3.6.5. Les labels et les conférences
3.7. Descriptif actualisé de la race
II.La race Maraîchine
1.Les Caractéristiques de la Maraîchine
1.1. Présentation générale de la race
1.2. Les caractéristiques morphologiques
2.Le déclin de la race
3.Mise en place du programme de conservation
3.1. Les fondateurs du programme et leurs objectifs
3.2. Les différentes étapes du programme de conservation
3.2.1. Identification des représentants restants de la race
3.2.2. Le placement dans des élevages adaptés
3.2.3. Les modalités de la reproduction
3.2.4. Les autres partenaires
3.3. Évolution des effectifs et du taux de consanguinité
3.3.1. Évolution des effectifs
3.3.2. Évolution du taux de consanguinité
3.4. Évolution du programme vers la valorisation
3.4.1. Le système agro-écologique intégrant la Maraîchine
3.4.2. Vente en circuits courts
3.4.3. Le veau rosé du marais
3.5. Un projet territorial intégré dans les marais poitevin
3.6. Descriptif actualisé de la race
Troisième Partie : Bilan sur les différents programmes de conservation français et synthèse de la situation en europe
I.Comparaison des programmes de conservation des races bovines présentées et leur efficacité
1.Importance des acteurs du programme de conservation
1.1. Les éleveurs
1.2. Les organismes de soutien des programmes de conservation ..
1.2.1. Les sources de financements
1.2.2. L’Institut de l’Élevage et les Coopératives
1.2.3. Le soutien des Parcs Naturels Régionaux
1.3. Organisme de Sélection dédié aux Races Bovines en Conservation
1.4. Les éco-musées et fermes
1.5. Les moyens de communication autour des races en conservation
2.Bilan sur ces différents programmes de conservation et synthèse de la situation en Europe
2.1. Évolution des effectifs de bovins pour les races présentées.
2.1.1. Évolution des effectifs de femelles
2.1.2. Évolution des effectifs de taureaux
2.1.3. Évolution de la consanguinité
2.2. Évolution des modes de reproduction
2.3. Les méthodes de valorisation et leur efficacité
2.4. Les programmes de conservation bovins abandonnés : l’exemple de la race bovine Rouge Flamande « originelle
Comparaison avec les programmes de conservation français dans les autres filières
Le cheval Boulonnais, un programme limité dans sa valorisation
La chèvre des fossés, un programme de conservation via l’Écomusée de Rennes
Le mouton de Mérinos précoce : un programme qui stagne
III. Comparaison des programmes de conservation au niveau européen entre les pays du Nord et du Sud
1.Prise de conscience d’un besoin de conservation
2.Organisation des programmes de conservation
3.Organisation des programmes de valorisation
4.La situation européenne en 2010 et le projet EURECA
4.1. Les chiffres clés de la conservation des races bovines en Europe
4.2. Le projet EURECA
4.2.1. Présentation du projet
4.2.2. Les résultats du premier sondage
4.2.3. Les résultats du second sondage….
4.2.3.1. Les éleveurs centrés sur la production
4.2.3.2. Les éleveurs centrés sur le produit
4.2.3.3. Les amateurs
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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