La représentation du succès chez les hommes
CONTEXTE DE LA PROBLÉMATIQUE
La question du succès n’a pas fait l’objet de nombreuses études scientifiques. Plusieurs ouvrages issus de la psychologie populaire (Devenez riche et obtenez du succès!) ou du management (Les clés du succès en entreprise) se sont intéressés au succès sans toutefois définir clairement sa portée conceptuelle. Dans ces ouvrages, le succès est essentiellement associé à un résultat atteint à partir d’efforts déployés en fonction d’une stratégie particulière ou d’un objectif à atteindre. D’autres études s’intéressent au succès en tant que résultante ou conséquence d’un processus quelconque. C’est ainsi que les sciences de la gestion tentent de comprendre les facteurs de succès ou de réussite des entreprises (Thibodeau, 20 Il), ou que les sciences de l’éducation travaillent à circonscrire les facteurs de succès de différents programmes éducatifs (PLURI-GREASS, 2003). Mais, très peu d’auteurs ont abordé le succès sous l’angle des représentations sociales propres à un groupe particulier et, spécifiquement, les entrepreneurs.
Les travaux sociologiques de Jean-Charles Falardeau abordent la question du succès sous l’angle historique «pour décrire les conditions dans lesquelles a pris naIssance et a progressé, au Canada français, une catégorie socialement visible de marchands, d’homme d’affaires et d’industriels2». L’auteur identifie trois phases à travers lesquelles se construit cette progression. La première phase concerne la participation des Canadiens-français à la vie économique. C’est dans cette première phase que se constituent une bourgeoisie et une élite, autour d’une manière d’ être et d’une façon de penser socialement le succès. La deuxième phase consacre l’émergence d’une catégorie dirigeante et d’une classe politique. Enfin, la troisième phase annonce le triomphe du capitalisme dans lequel les Canadiens n’ont plus joué qu’un rôle accessoire de subalternes.
Éric Gonzalez, pour sa part, utilise l’approche constructiviste dans un texte intitulé « Cash still rules : La représentation du succès dans le rap » afin d’ identifier les principales représentations associées à la notion du succès dans les textes rap. L’auteur parle de la figure de l’entrepreneur-star pour illustrer la place prépondérante que prend l’idéologie capitaliste dans ce type musical populaire ainsi qu’au sein de l’industrie culturelle mondiale. « Pour le public, ce qu’ il est convenu d’appeler la culture hip-hop constitue un moyen d’afficher une double distinction, certes individuelle, mais surtout collective\>. Au coeur de cette représentation se situe la mise en scène des «vedettes» qui «usent de tous les moyens nécessaires pour faire fructifier leur image et en viennent à reproduire le fonctionnement de l’industrie culturelle4 ».
De son côté, Louis Jacques FilionS (2008) utilise l’approche quantitative pour tenter de discriminer les «représentations entrepreneuriales ». L’auteur décrit les représentations entrepreneuriales comme autant de stratégies d’acteurs pensants et apprenants qui- apportent des nouvelles idées. Les représentations entrepreneuriales s’orchestrent autour de différentes perspectives, caractéristiques et conditions favorables à la réussite. Le modèle entrepreneurial qui en résulte construit l’image que « l’ entrepreneur qui crée une entreprise joue plusieurs rôles connexes6 ». L’entrepreneur crée et renouvèle le système organisationnel et comprend l’existence d’un besoin ou d’un désir à combler auprès d’une cible réelle ou potentielle.
Les sciences de la gestion, et particulièrement la g’estion des organisations et des petites et moyennes entreprises, ont produit beaucoup de connaissances autour du concept de succès. Ainsi, d’aucuns se sont intéressés à mieux documenter le succès en termes de défis de croissance des entreprises ou encore en fonction des différents comportements ou attitudes que les gestionnaires adoptent dans la traverse des cycles de vie des organisations. Par exemple, Petersen (2005) a tenté de cerner les compétences requises chez les gestionnaires et leur entourage afin de mener à bien le succès d’une PME. L’auteur identifie trente compétences et cent quarante-quatre comportements regroupés autour de six facteurs particuliers nécessaires à l’atteinte des ambitions du succès.
CADRE THÉORIQUE
L’étude des représentations sociales est multidmentionnelle. Le concept est né des premières tentatives sociologiques de comprendre les représentations collectives chez Émile Durkheim (1898). Les représentations sociales s’élaborent comme des idées, des images mentales, qui permettent de mieux circonscrire comment les êtres humains se pensent eux-mêmes et se représentent le monde qu’ils habitent. C’est à Émile Durkheim que nous devons la première tentative de définir les représentations sociales comme des schèmes cognitifs (ou une des formes du savoir socialement élaborées et partagées) qui nous permettent de penser, de nous représenter la réalité, d’orienter et d’organiser nos comportements. Selon Durkheim (1898), la société se représente par deux types de représentations: les représentations individuelles et les représentations collectives. Ces deux types de représentations sont influencés par les faits sociaux et la perception qu’on a sur les différents événements de la vie courante. Puisque chaque individu a son substrat, ses états mentaux, l’individu se construit à travers ses expériences. Il a sa propre mémoire, ses concepts qui organisent et construisent ses attributs mentaux.
Les représentations individuelles répondent de processus biologiques et psychologiques qui traduisent des états mentaux qui constituent des images. Celles-ci organisent la mémoire autour de concepts qui forment les attributs propres à la constitution des mentalités. La construction des représentations collectives est externe à la conscience et est influencée par les groupes auxquels l’individu appartient. L’auteur attribue à la psychologie sociale la responsabilité théorique d’étudier les représentations sociales. C’est dans ce contexte que Jean Piaget (1953) argumente, dans une perspective structuraliste, l’importance de la base imitative dans la structure des représentations. Piaget aborde la question des représentations sociales sous l’angle du développement de l’intelligence. L’auteur distingue trois types de structures: l’organique, le rythme et la structure mentale. Ces trois types séquentiels marquent les étapes du développement intellectuel de l’enfant.
Le développement intellectuel comme moteur des représentations sociales se construit sur des régulations structurales (perspectives, représentatives) qui génèrent des opérations (concrètes, hypothético-déductives). Les opérations sont des actions effectives ou intériorisées, entièrement réversibles et coordonnées en structures d’ensemble présentant chacune certaines lois de totalité. Une fois les structures d’ensemble établies, elles caractérisent l’intelligence en son achèvement. Cette boucle de rétroaction produit un effet sur les types de structures qui explique l’évolution de l’individu. En France, c’est au psychologue Serge Moscovici (1961) que l’on doit les travaux les plus féconds autour du concept des représentations sociales. Essentiellement, Moscovici transforme les représentations collectives de Durkheim (1898) en représentations sociales. C’est ainsi qu’il résout le conflit entre l’action individuelle et celle de la société. L’auteur démontre le rôle fédérateur des représentations sociales dans l’ institution d’une réalité consensuelle, leur fonction socio-cognitive dans l’intégration de la nouveauté. Moscovici nous parle du rôle des représentations sociales dans l’organisation de l’identité. L’auteur prétend que la société se représente par deux types particuliers de pratiques sociales.
MÉTHODOLOGIE
Le succès et la réussite sont difficiles à définir. Chaque société produit sa représentation du succès autour de différents indicateurs qui peuvent varier d’une culture à l’autre. Tantôt, ils seront présentés sous l’angle financier; tantôt sous l’angle du leadership et enfin sous l’angle de l’estime public ou de la reconnaissance par un groupe de pairs. Dans le cadre de ce présent mémoire, nous avons étudié les représentations sociales du succès chez trente entrepreneurs québécois (15 hommes et 15 femmes) afin de comprendre les systèmes sémantiques auxquels ils réfèrent pour se représenter le succès. Pour ce faire, nous avons construit un questionnaire d’entrevue semi-dirigée en nous inspirant de la demarche réalisée par la revue Entreprendre dans un numéro spécial consacré au succès en 2010 intitulé «Les 100 femmes leaders de l’avenir». Dans cette édition, soixante femmes de différents milieux d’activités socio-économiques sont présentées comme les «leaders de l’avenir» à cause de leur parcours atypique, de leur réussite d’affaires, du rayonnement de leurs actions sur la scène nationale ou internationale ou encore par l’estime public qu’elles sont parvenues à gagner. Elles sont décrites comme des «femmes à succès», des modèles d’inspiration, des «leaders» d’avenir.
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Table des matières
Remerciements
Résumé
Introduction
CHAPITRE 1 : Problématique
Contexte de la problématique
Question de recherche
CHAPITRE 2 : Cadre théorique
CHAPITRE 3 : Méthodologie
Présentation de l’échantillon
CHAPITRE 4 : Analyse et résultats
La représentation du succès chez les hommes
Les objectifs chez les hommes
Le travail d’équipe chez les hommes
La pérennité chez les hommes
La réussite financière chez les hommes
La reconnaissance sociale chez les hommes
La représentation du succès chez les femmes
Les objectifs chez les femmes
Le travail d’équipe chez les femmes
La pérennité chez les femmes
La réussite financière chez les femmes
La reconnaissance sociale chez les femmes
L’équilibre travail-famille chez les femmes
CHAPITRE 5 : Discussion
Bibliographie
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