La représentation de la société grâce à la rencontre entre deux mondes étrangers

La rencontre entre Orient et Occident

J’ai décidé de commencer mon propos en analysant la rencontre entre Orient et Occident car celle-ci constitue le point de départ fondamental de l’histoire des opéras choisis.
Cette rencontre, qui est physique, est possible car l’Orient et l’Occident sont deux mondes distincts et que les Occidentaux cherchent à découvrir cet autre monde. Sans cette rencontre il n’y aurait pas la création de représentations stigmatisantes et stéréotypées de l’autre, en l’occurrence de l’Orient. Ainsi, la notion de rencontre me permet de situer tout mon propos dans l’orientalisme d’Edward Saïd et également d’aborder le concept géographique de lieu (« Portion déterminé de l’espace » selon le dictionnaire le Robert Plus de 2007).
En effet, ce sont dans les lieux que se déroulent et se localisent des phénomènes géographiques. La notion de « rencontre » (fait que deux personnes se trouvent être en contact) se situant dans la géographie sociale nous permet d’analyser la rencontre à partir du lieu, d’autant plus que ce lieu est déterminant pour l’action et permet de poser certaines questions.
Si l’histoire de l’opéra se déroulait en Occident, nous n’aurions, tout d’abord, pas la découverte d’une culture étrangère à la nôtre, mais surtout nous questionnerions sûrement de manière différente l’issue de l’opéra. Les enjeux ne seraient pas les mêmes et bien que certaines questions resteraient identiques (par exemple : les amants arriveront-ils à s’enfuir ? etc.), le fait d’être dans un lieu totalement étranger au nôtre ferait évoluer les questions. C’est d’ailleurs ce que j’ai pu constater : l’Occidental va-t-il dominer dans un pays qui n’est pas le sien ? L’homme oriental peut-il être meilleur que l’occidental ? La femme occidentale est-elle identique à la femme orientale ?
Ainsi, la question du lieu amène de nombreuses et nouvelles questions et, parce que le lieu se trouve être différent, l’Homme en vient à interroger l’altérité. L’altérité est un concept souvent utilisé au sens philosophique pour désigner la découverte d’un « autre » qui se trouve être totalement différent de nous. Mais, pour approfondir cette question de l’altérité, il faut comprendre que celle-ci vient d’une volonté de comprendre l’autre, ce qui permet la relation entre les protagonistes. Si l’altérité n’a pas lieu alors les deux mondes se trouvent être en confrontation et ils ne peuvent par conséquent pas se comprendre.
L’opéra étant une culture de masse à ses débuts (comme je l’ai expliqué dans l’introduction), il constitue un excellent moyen de faire voyager les spectateurs et de leur faire découvrir une culture différente de la leur. Il permet également de faire miroir ou écho à l’actualité.
Dans cette partie je cherche à démontrer comment la rencontre est possible, c’est-à dire quelles sont les modalités requises pour que la rencontre ait lieu. C’est pourquoi la première partie visera à problématiser les opéras afin de rendre compte du fait que l’histoire est basée sur la rencontre entre deux mondes et s’inscrit dans ce mouvement orientaliste.En ce qui concerne Les pêcheurs de perles,j’expliquerai qu’il n’y a pas de rencontres physiques.
Son but est de faire découvrir un peuple qui habite sur une île, qui paraît pourtant inhabitée, mais dont on parle car l’ethnologie se crée.
Il s’agit de faire découvrir aux spectateurs occidentaux des cultures différentes. Ensuite, je rendrai compte des références historiques et culturelles qui font que les opéras sont écrits sur ces thèmes précis. Enfin, j’analyserai le concept d’altérité à travers la représentation des lieux et la représentation de la femme comme objet de désirs et de fantasmes.

Présentation des trois opéras : une histoire « orientaliste »

Pour commencer mon travail d’analyse, il me faut tout d’abord présenter les trois opéras que j’ai sélectionné car, en effet, leur histoire se trouve être « orientaliste ». J’emploie ici le terme « orientaliste » dans le sens où les opéras traitent de sujets d’inspirations orientales et qu’ils ont été écrits par des Occidentaux ayant une certaine représentation de l’Orient. L’utilisation de ce terme me permet également d’évoquer l’orientalisme d’Edward Saïd, à ceci près que j’estime que l’orientalisme ne débute pas avec la conquête de l’Égypte que l’auteur analyse à travers les discours de Balfour. En effet, si l’on reprend cette citation disant que l’Orient « a presque été une invention de l’Europe » (Saïd, 2015, p.30) alors on peut l’utiliser pour dire que cette invention ne date pas seulement de la colonisation. Elle est, pour moi, bien plus ancienne, à en juger par la date de composition de certains opéras véhiculant des représentations stéréotypées de l’Orient et traitant de la rencontre entre Orient et Occident.
J’ajoute que ces trois opéras sont des moyens de donner à voir l’Orient : ils participent à la création, à l’invention de l’Orient, puisqu’ils cherchent à reproduire sur scène un lieu étranger et exotique, afin de montrer au public qui ne voyage pas que l’Orient vient à eux pour être découverte.
Nous verrons également à travers ces résumés d’opéras de quelle manière nous nous trouvons dans la logique que François Hartog décrit dans son livre Le miroir d’Hérodote : Hérodote, en voyageant et en décrivant ce qu’il découvrait dans les autres sociétés, se décrivait lui-même par miroir. À la différence, dans les opéras présentés, il est possible que le protagoniste parle de ce qui est bien/bon chez lui et sous-entende ainsi que ces valeurs exemplaires dont il dispose n’existent pas en Orient. Il s’agit de tout faire pour que le spectateur découvre l’autre, l’étranger, l’altérité.

Un contexte d’écriture marquant l’opéra

« Au siècle de Louis XIV, on était helléniste, maintenant, on est orientaliste. Il y a un pas de fait. Jamais tant d’intelligences n’ont fouillé à la fois ce grand abîme de l’Asie… Le statu quo européen, déjà vermoulu et lézardé, craque du côté de Constantinople. Tout le continent penche à l’Orient. »

Victor Hugo, Les Orientales

L’opéra prend appui sur son époque et son histoire qui constituent un arrière-plan riche sur lequel il est possible de s’appuyer pour écrire les livrets. Comme le dit Hugo, le continent occidental a le regard tourné vers l’Orient car c’est cet endroit qu’ils cherchent à découvrir. De fait, les compositeurs et librettistes sont influencés par les évènements historiques marquants qu’ils vivent. En tant qu’artistes, ils s’en imprègnent forcément, au point de le faire ressentir dans leur opéra. Certains opéras font l’objet d’une commande pour un évènement particulier (comme nous le verrons ci-dessous pour L’enlèvement au sérail) ancrant ainsi l’opéra dans un contexte historique tout à fait particulier. Cette seconde souspartie me permet par conséquent de continuer ma démonstration en appliquant une dimension plus réelle en prenant en considération le contexte historique de la création de l’opéra, qui dépasse dès lors la simple histoire fictive. Cela renforce l’idée qu’il y a bien une rencontre, qu’elle n’est pas que fiction mais au contraire réelle. Il est intéressant de constater que cette rencontre n’est pas qu’historique : elle est également culturelle. En effet, la découverte de cet autre monde a permis à la culture de ce dernier de rayonner et de créer certaines modes en fonction de l’époque dans certains pays.
Puisque l’opéra était une culture de masse, il s’agissait de plaire au maximum de personnes, ce qui explique pourquoi les compositeurs suivaient les modes et inscrivaient dans leurs travaux des ornementations rappelant l’Orient.
Ceci permettait également de faire voyager les spectateurs et de leur donner un aperçu musical d’un monde qui leur était étranger.
 Des références historiques : créations de « plusieurs » Orients J’évoque ici l’idée qu’il y a plusieurs Orients, tout simplement parce qu’à l’époque où ont été écrits ces opéras, l’Orient est entendu comme le monde n’étant pas occidental. De fait, à partir du moment où l’on s’éloigne de l’Occident et que l’on trouve des peuples aux religions différentes et aux langues différentes, alors on est en Orient.
Dans les opéras que j’étudie, cette idée des Orients multiples est vraiment marquante car chaque opéra évoque un Orient différent. Comme je l’ai mentionné dans l’introduction, je me trouve en présence de L’Empire Ottoman, de l’Ile de Ceylan et du Japon. Tous sont des Orients. L’Orient viennois est donc particulier par exemple. Pour eux, l’Orient est là où l’on parle turc, arabe ou perse. « A cela répond encore une incertitude spatiale, qui est propre aussi à l’orientalisme. Géographiquement parlant, l’Orient est fluctuant et incertain.» L’Orient est là où on en parle. Il répond plus à des codes esthétiques et moraux qu’à une localisation formelle et définitive.
Finalement le terme Orient devient en quelque sorte un terme un peu « fourre-tout » où l’on peut insérer chaque destination qui représente une altérité, c’est-à-dire un monde étranger au monde occidental. Le contexte historique peut avoir un impact significatif sur la création de l’opéra puisque certaines parties du monde évoquent plus tardivement un intérêt pour l’Occident.
Bien que le livret de l’opéra puisse être tiré d’une histoire ancienne ou non, il reflète une vision actuelle de la société. Dans la mesure où il s’agit de plaire aux spectateurs afin de connaître le succès, l’opéra se doit de « coller » aux évènements qui ont lieu au moment de sa création tout en confortant les gens dans leurs opinions. C’est en ce sens que l’analyse géopolitique est importante car elle permet de comprendre que l’opéra est aussi un instrument politique, c’est-à-dire que l’opéra donne à voir sa position et sa décision dans certaines situations.

Le japonisme

Le japonisme est, comme son nom l’indique, un courant artistique se créant grâce à la découverte du Japon, mais ce terme de japonisme représente surtout l’engouement de l’Occident pour le Japon. Ce terme ne fait pas référence à la culture du Japon au Japon, mais bien la culture du Japon telle qu’elle est réceptionnée Occident ainsi que son influence sur les artistes et écrivains. L’art résultant de cette influence est appelé « japonesque ».
En effet, « l’extraordinaire vogue en faveur du Japon qui se propage […] dans le dernier tiers du XIXème siècle apparaît comme un phénomène à rattacher sans aucun doute à un large orientalisme, […]. Mais elle doit aussi se concevoir comme une nouvelle donne, dans la mesure où l’exotisme des années 1800-1850 s’était surtout porté sur le Maghreb, la Palestine ou la Turquie au détriment des cultures chinoises indonésiennes ou japonaises, moins sollicitées parce que d’un accès encore malaisé.» (Sabatier, in Miroirs de la musique, p.313, T.II).
Dans cette citation, Sabatier dit bien que si la ferveur envers la découverte de la culture japonaise est si intense c’est bien parce que ce pays s’est ouvert au reste du monde, cette ouverture s’établissant grâce aux traités établis avec les Américains. Sans certains évènements historiques, le japonisme ne se serait peut-être pas créé ou du moins il ne serait apparu que bien plus tard.
Ce courant transmet également l’idée que les artistes européens qui sont influencés par l’art japonais tentent de le retransmettre à travers leurs œuvres. C’est en cela que Puccini est un exemple parfait avec Madame Butterfly, puisqu’il a cherché à retransmettre cette culture japonaise dans son opéra. Puisqu’il se situe dans un mouvement de vérisme, comme nous l’avons dit plus haut, il tente de présenter avec le plus de réalité possible la culture japonaise, à travers les personnages de la Geisha et de la servante Suzuki, mais surtout à travers la maison qui est décrite lors du premier dialogue qui débute l’opéra.
De ce fait, pour écrire cet opéra, Puccini se renseigne sur les caractéristiques de la musique traditionnelle japonaise. Il étudie cette dernière afin d’apporter des touches japonaises dans sa musique et se sert alors d’airs japonais existants ou utilise par exemple la gamme pentatonique (gamme composée de cinq sons) qui est à l’origine des musiques asiatiques et grâce à laquelle il va créer toute une écriture musicale reprenant des sonorités et des caractères asiatiques et, de ce fait, exotiques.
Ainsi, à chacune des interventions mélodiques japonaises de l’opéra, Puccini associe le timbre des bois (surtout le hautbois) ainsi que des cloches japonaises ou bien encore le gong afin de soutenir l’atmosphère japonaise qui doit régner dans cette histoire émouvante.
De plus, les notes sont égrainées de manière piquée pour se rapprocher des sonorités de la musique japonaise. Grâce à la musique, Puccini marque la différence en créant un thème occidental et militaire pour Pinkerton, l’homme américain, et un thème doux et japonisant pour Madame Butterfly.
C’est aussi cette musique qui entoure le personnage de Cio-Cio-San dans quelque chose de très doux et de féminin : la femme japonaise est très jeune, elle n’a que 15 ans et la musique l’accompagnant la rend encore plus frêle et douce. Le public ressent bien qu’il n’y a aucune violence en elle, c’est d’ailleurs ce qui la perdra puisqu’elle ne se révoltera jamais contre Pinkerton qui la voue dès le départ à la mort. La musique montre cette soumission de la femme face à l’homme conquérant qu’est l’Américain.

Les turqueries

La mode des turqueries marque toute l’Europe du XVIIIème siècle. En effet, à cette époque, « la Turquie incarne dans l’imaginaire de l’Occident chrétien la figure d’un islam destructeur, violent et stérile». Ces valeurs négatives qu’il incarne sont bien ancrées, ainsi les représentations et idées qui sont véhiculées par les personnes qui voyagent dans ce pays sont directement assimilées comme étant une vérité immuable. Il y a donc de véritables représentations de l’Orient qui ont été véhiculées par des récits et que l’on a ancré dans notre vision comme si elles incarnaient la stricte vérité. C’est pour cela que dans l’opéra, le texte insiste sur toutes ces représentations puisque dans l’imaginaire du public de l’époque elles sont réelles : le compositeur a tendance à les conforter en les montrant dans son œuvre car il offre une histoire plausible qui prouve que les Turcs se comportent bien comme on le prétend.
Les turqueries sont donc des œuvres d’inspiration orientalisme qui cherchent à rendre compte de cette culture et notamment de l’Empire Ottoman à l’époque, bien que les œuvres soient souvent plus soumises à l’imaginaire européen qu’à la réalité. Si Mozart parle de l’Empire Ottoman, c’est à la fois car la mode des turqueries est importante mais aussi parce que cet Empire est bien connu des Autrichiens puisqu’il a été leur ennemi et qu’il a marqué la culture viennoise (les fameux croissants).
L’opéra L’Enlèvement au séraildonne quelques représentations erronées de l’Orient ; mais il s’agit de respecter avant tout les pensées, fantasmes et représentations des occidentaux. Cependant, je dois nuancer mon propos en rappelant que bien que Mozart et ses librettistes estiment l’Occident supérieur à l’Orient, et que la religion chrétienne est mise en avant par rapport à l’islam, ils restent néanmoins prudents sur certains points et ne montrent pas un monde manichéen dans lequel il y aurait d’un côté les bons Occidentaux et de l’autre les mauvais Orientaux. Par ailleurs l’on sent une certaine ironie dans l’opéra car certains personnages sont beaucoup trop caricaturés, notamment Osmin dont nous avons parlé auparavant.

Le temple

Le temple est le lieu significatif des Pêcheurs de perles. Il est présent dans la première didascalie du livret : « Une plage aride et sauvage de l’île de Ceylan – A droite et à gauche quelque huttes en bambous et en nattes. – Sur le premier plan, deux ou trois palmiers ombrageant de gigantesques cactus tordus par le vent. Au fond, sur un rocher qui domine la mer, les ruines d’une ancienne pagode indoue. – Au loin, la mer éclairée par un soleil ardent». C’est celui qui a le plus de signification car c’est dans ce lieu que les problèmes vont surgir.
C’est donc l’ancienne pagode indoue qui est le temple de l’opéra, le fait de décrire ce lieu comme une pagode indoue, l’inscrit directement dans la religion de ce peuple. Au départ, le temple est un lieu religieux, situé au-dessus de la mer, dans lequel Leila prie les dieux d’être cléments et bons avec le peuple venu pêcher les perles. La seule fonction de ce lieu est de prier.
Nous trouvons aussi la description de la plage qui indique que le peuple est nomade et qui relève d’un certain fantasme dès le départ. Les hommes y sont nombreux, bien qu’il y ait quelques femmes et enfants mais c’est surtout c’est un lieu exotique, que l’on peut concevoir comme paradisiaque. Le fait que cela soit une île renforce l’idée du lieu exotique, car l’île est loin et inaccessible. Les autres didascalies présentes dans le livret décrivent les endroits précis où ont lieu les actions : « Une tente indienne fermée par une draperie : une lampe brûle sur une petite table en jonc», (Acte III) ou « Un site sauvage. Au milieu de la scène, un bûcher» (didascalie du Deuxième tableau de l’acte III). Mais le lieu le plus important est bien le temple. En effet, le temple devient rapidement le lieu où l’on enferme Leila afin qu’elle respecte son serment de garder sa virginité, tout en empêchant, dans l’autre sens, les hommes d’approcher d’elle : les fakirs gardent le lieu en sureté. De plus, parce que le lieu devient une prison pour Leila, cela apporte une signification nouvelle : en faisant le serment de garder sa virginité et de n’aimer aucun homme, elle promet également de rester dévouée à ses dieux et de prier pour eux ; de ce fait, elle se soumet complétement au prêtre Nurabad, au roi Zurga, et surtout aux dieux de sa religion.
De plus, puisque le temple devient un lieu où l’on enferme Leila, il devient aussi le lieu où l’on cache la beauté, où l’on cherche à protéger des désirs. Le temple devient un lieu fantasmé pour lequel on peut tout imaginer.
Le soir venu, quand Leila se retrouve seule dans le temple, elle est effrayée par la nuit : d’une part, elle a retrouvé son amant ce qui la perturbe grandement, d’autre part, le temple n’est pas un lieu serein et apaisant pour elle. C’est là qu’apparaît Nadir, son amant, qui déjoue la surveillance des fakirs et parvient à gravir jusqu’au temple prétendument inaccessible. Parce que Nadir désire et aime Leila, il parvient à pénétrer ce lieu sacré. Or, du moment où l’homme foule le sol qui lui était interdit, les deux amants sont perdus. Le respect que l’on devait à ce lieu sacré et religieux est bafoué car le temple devient le lieu où les retrouvailles sont possibles. À partir de cet instant, le temple est érotisé, il est le lieu de l’amour et les dieux n’ont plus leurs places. C’est l’histoire de ce temple qui le rend exotique puisque tous ces évènements en font du temple un lieu attirant sur lequel l’homme peut fantasmer car la femme qui y était cachée s’adonne à l’amour et trahi son serment en reniant ses dieux. Le temple est donc aussi le lieu de la trahison car Nadir et Leila trahissent tous deux un serment fait à Zurga. Néanmoins, l’amour prend le dessus puisqu’ils sont prêts à rejeter les dieux pour vivre heureux et être ensemble.

Le sérail

Dans L’enlèvement au sérail, nous nous trouvons dans le palais du Pacha Selim mais le lieu sur lequel je m’interroge le plus est le sérail. En effet, ce lieu est très particulier par sa fonction et sa signification. La fonction du sérail est de garder les femmes enfermées, de façon à ce qu’elles restent fidèles à un seul homme, mais il protège également les femmes des hommes extérieurs qui les convoitent et cherchent parfois à les enlever. Par conséquent, ce lieu représente la polygamie. Cette polygamie est vue à double sens : elle est le signe d’une certaine liberté des mœurs pour les hommes, bien qu’ils revendiquent leur amour fidèle à l’occidental, et d’une forme de soumission pour les femmes qui sont contraintes à être destinées à un seul homme. C’est tout d’abord un manque d’égalité mais c’est aussi vu comme un manque de respect envers la femme qui se transforme en objet dans le lieu du sérail.
Pour les Occidentaux, le sérail est donc vu comme le lieu de l’infidélité en ce qui concerne l’homme puisqu’il a la possibilité de changer de femmes quand bon lui semble. Le sérail est le lieu d’un amour tout à fait particulier : Selim aime surement chacune des femmes se trouvant dans son sérail mais ce n’est pas le même amour qu’entre Belmonte et Constance puisque la polygamie est interdite en Occident. Le sérail marque donc la différence entre l’amour occidental et l’amour oriental. De ce fait, ce lieu particulier très érotique devient rapidement, dans l’imaginaire occidental, un lieu de fantasmes, d’autant plus que les récits de voyage racontent que les femmes enfermées dans ces sérails sont très belles, couvertes des plus jolies parures et habillées de voiles presque transparents laissant apparaître les formes de leurs corps par intermittence. « Le sérail est le lieu où se passe l’action. Le public de l’époque adore les histoires de sérail qui font jouer l’érotisme et le sadisme dans un cadre enchanteur. Le sérail est le point de rupture entre Orient et Occident : ce que les Européens ne tolèrent pas et qui les intrigue, ou même qui fascine. Le rapport amoureux y est raconté sous forme de soumission et de sensualité, de domination de l’homme aussi.» (Le Nabour, in Dossier pédagogique sur L’Enlèvement au sérail). Le sérail est donc un lieu qui fascine car il est absolument nouveau pour les Occidentaux qui n’auraient pas imaginé pouvoir faire ce genre de chose. C’est un lieu très exotique et qui tend à faire rêver, d’autant plus dans l’atmosphère que nous décrit Blonde dans la scène 2 de l’acte II : « Mais distrayez-vous un peu. / Regardez comme la soirée est belle, comme tout est en fleurs, comme les oiseaux nous invitent à leur concert !». Malgré tout ce qu’elle peut dire, c’est surtout l’homme Oriental qu’elle critique en général : elle ne critique pas le pays car, tout comme le spectateur, elle observe, admire et est attirée par ce qu’elle découvre de l’autre pays. Par ailleurs ses paroles renvoient directement à l’imagerie très traditionnelle que les Occidentaux ont de l’Orient, imagerie qui se rapproche de celle des récits de voyages.
Dans cet opéra, le sérail n’est pas le lieu principal car les évènements principaux ne s’y déroulent pas. Pourtant, le sérail est le lieu porteur de toute l’histoire car c’est lui qui fait rêver. Le palais du Pacha prend de l’importance car on sait que ce dernier a un sérail, qu’il a de nombreuses femmes soumises à lui, mais qu’il n’en désire qu’une, Constance, la femme qui ne fait pas partie du sérail. Grâce à cette analyse on ressent d’avantage la séparation que créé le sérail entre les deux mondes. Nous avons d’un côté les Occidentaux qui rêvent d’apercevoir ces femmes enfermées à l’abri dans le sérail, et de l’autre côté l’homme oriental qui, malgré toutes ses femmes, veut posséder celle qui est différente, la femme occidentale.
Par conséquent, le sérail est un lieu paradoxal. C’est ce paradoxe qui fait de lui un lieu sur lequel on peut fantasmer et imaginer l’inimaginable.
Tous ces lieux ont donc la même particularité : ils enferment la femme, objet de désirs et de fantasmes. Ils protègent cependant des hommes extérieurs pouvant les convoiter ; mais ils permettent également à la femme de rester fidèle à son serment. De ce fait, ils participent à la représentation d’un Orient où l’homme domine en général la femme et où le lieu a une signification très importante et quelque chose de sacré. Il est d’ailleurs intéressant de constater que ces lieux sont très liés à la femme, celle-ci ayant une place très particulière dans les opéras à cause de l’altérité érotique qu’elle dégage. C’est pourquoi je me dois d’analyser l’altérité de la femme qui fait l’objet de désirs forts et permet à l’homme de fantasmer.

La femme asiatique 

La femme asiatique est certainement le personnage le plus stéréotypé. Dans son opéra, Puccini ne choisit pas n’importe quel métier pour Cio-Cio-San, c’est une ancienne Geisha, et bien que la Geisha n’ait en réalité que peu de liens avec la prostitution, c’est pourtant ce qui dégage en premier de ce mot. La Geisha devient alors le type stéréotypé par excellence qui mêle esthétique raffinée et érotisme très marqué.
Puccini essaie, comme nous l’avons déjà dit, de représenter le Japon le plus fidèlement possible, à tel point que le personnage principal qu’est Cio-Cio-San sera par la suite considéré comme une fidèle représentation de la femme asiatique et de ses habitudes. Ainsi, l’opéra va contribuer à ancrer des représentations occidentales dans la culture, à tel point qu’aujourd’hui encore on se représente beaucoup la femme asiatique comme une femme soumise, très douce et avec une certaine dévotion dans ce qu’elle fait puisque la honte peut la conduire à la mort.
Cela peut paraître très réducteur mais c’est parce que les représentations occidentales concernant l’Orient l’ont toujours été, s’appuyant sur l’idée simple que l’Occident est supérieur à l’Orient. À partir de cette constatation, on comprend que même les femmes sont plus « femmes » quand elles sont occidentales.

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Table des matières
1. La rencontre entre Orient et Occident 
1.1 Présentation des trois opéras : une histoire « orientaliste »
1.2 Un contexte d’écriture marquant l’opéra
1.3 L’exotisme de l’altérité ou l’Orient fantasmé
2. La représentation de la société grâce à la rencontre entre deux mondes étrangers
2.1 La représentation du pouvoir : quelle est sa place dans l’opéra ?
2.2 Les représentations stigmatisantes et stéréotypées de l’autre

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