La révolution a clos un siècle car l’ horrible guerre vendéenne de 1793 a couvert le dix-huitième siècle du chapeau mortuaire d’ une France déchirée mais cette première a malheureusement commencé l’ autre : un ébranlement dans les intelligences prépare un bouleversement dans les faits .Apres la concrétisation de la révolution politique qui cherche sa voix il est plus que nécessaire que la révolution littéraire et sociale s’ accomplissent :c’ est le dix-neuvième siècle .On peut s’entendre sur ce pour comprendre le complexe paradoxe que constitue le dix-neuvième siècle en même temps appelé le siècle des révolutions et l’âge d’or de la littérature française . En effet l’explosion de talents qui marque le dix-neuvième siècle s’applique à tous les arts en générale à la littérature en particulier .Le dynamisme littéraire commence avec le romantisme qui occupe toute la première moitié de ce siècle .Apres on assiste à une succession des courants littéraires comme le réalisme, le naturalisme et le symbolisme .Ces regroupements dans des écoles poétiques et courants littéraires ont favorisé une production de haute facture dans le domaine de la poésie avec des auteurs comme Lamartine,Vigny,Muset,Hugo,Baudelaire,Rimbaud,Verlaine,Malarmé…dans le domaine du roman avec Stendhal Balzac, Dumas, Hugo, Flaubert, Zola, Maupassant…et même le théâtre avec le drame romantique avec Musset, Hugo, Edmond Rostand….
Mais il faut croire que cette énorme et riche production a été simultanée à une instabilité politique et sociale qui débute avec la chute définitive de l’empire Napoléonien en 1815 et de la Restauration des Bourbons à la défaite de 1870 la France a connu une horde de révolution (1830-1848) la Seconde et la Troisième République et quelques coups d’Etat. Donc les écrivains de cette époque au lieu d’être freiné dans leur élan ont transformé cette pléthore de conflits en matières premières. C’est pourquoi toutes les œuvres de ce siècle portent une empreinte concrète ou abstraite de ces tribulations. Ainsi à l’instar de Charles Baudelaire qui s’adressaient à sa ville natale(Paris) ils pourraient dire à ce siècle <>.
Une variante du mal du siècle traverse les grandes œuvres de l’époque cependant le roman par la grandeur de son cadre, la multitude de ces personnages et de ces formes était le genre le mieux destiné à cerner le réveil des classes pauvres et la tension vers une République, causes des luttes sociales. C’est dans ce cadre qu’est paru Les Misérables de Victor Hugo en 1862 presque simultanément à Bruxelles le 30 mars et à Paris à partir du 3 avril. Corrigé par Hugo l’Edition Belge sert de modèle pour l’édition dite « ne variateur » .Il a été commencé en 1845 et interrompue par les évènements de 1848, repris en 1860 pendant l’exil, révisé de septembre 1861 à avril 1862, il constitue une véritable somme hugolienne à l’apogée de sa carrière .Il est presque achevé en février 1848. La première idée était d’appeler le roman Jean trejean .Le 30 décembre 1847 il signe un contrat avec son éditeur pour la première partie d’un roman qui porte alors le titre de Misères. Il trouve le titre définitif En novembre 1853.Victor Hugo définit le mot misérables « Il y a un point ou les infortunés et les infâmes se mêlent et se confondent dans un seul mot, mot fatal, les misérables de qui est-ce la faute ? » En effet Hugo entend nommer l’innommable dire l’indicible et l’inacceptable car la misère est interdite de parole par les classes dominantes et les biens pensant. On comprend peut être ainsi ce changement de titre des misères au misérables, le roman passe de l’abstraction à l’incarnation dans des personnages, des lieux de l’usine au quartier et aux faubourgs des bas fond à la sinistre auberge des Thénardier. L’argot intervient alors comme révélateur ,cette langue vulgaire transporte le poids poétique de l’écriture sur les marginaux ,les humiliés et les offensés .Le roman est pris en charge par un narrateur omniscient,qui laisse souvent la place à l’auteur lui-même ,s’exprimant sur le mode de la digression,Hugo utilise ce système tout le long de l’œuvre .Dépassant la fonction de narrateur le je Hugolien témoigne .Il intègre des choses déjà vu à la fiction, tout en maintenant la distance entre les personnages et le lecteur .Il s’agit d’un roman historique de type nouveau .On a affaire à un roman de toutes les formes romanesques et de tous les langages. Il s’agit de l’odyssée et de la souffrance d’un homme rejeté par la société, montant de sacrifice en sacrifice vers une fin glorieuse et une dernière épreuve, la perte d’une fille adoptive qui a été son seul amour.
UN CADRE HISTORIQUE ET SYMBOLIQUE
UN ESPACE HOSTILE ET SYMBOLIQUE
Il serait impertinent d’étudier la Représentation de la lutte sociale dans les Misérables de Victor Hugo sans pour autant passer par le déchiffrement du cadre qui se meut en toile de fond dans ce roman. Même le premier terme de notre sujet nous force à faire cette tâche car une « Représentation » nécessite forcément un prétexte espace-temps où se loge et se déroule l’action romanesque parce que « L’esthétique propre du roman est une composition desserrée d’espace et de temps ». Mais pour valoriser la lutte sociale il fallait une « arène » et cela Hugo l’avait compris en situant Les Misérables au début d’un dix-neuvième siècle où « le passé était mort et l’avenir ne se dessinait pas ». La France à « ces temps incomplets » était fragile sur le plan politique, fragilité qui s’est reflété dans tous les autres domaines et qui s’est fait ressentir dans le roman. Ainsi comme pour aiguiser le combat social Victor Hugo enferme ses personnages dans un espace d’une austérité cruelle. Donc ce cadre historique, austère et vraisemblable donne au Misérables l’étiquette de roman réaliste constat dont Henry Mitterrand fait référence dans Le Discours du Roman par ses mots : « c’est le lieu qui fonde le récit parce que l’événement a besoin d’un ubi autant que d’un quid ou d’un quando. C’est le lieu qui donne à l’action l ‘apparence de la vérité » .Mais dans le roman de Victor Hugo le réalisme n’est pas un fait infertile dans La Représentation De La Lutte Sociale car cet espace et ces époques repérables dans la France de 1815 à 1832 sont les preuves de l’écart qui existe entre deux classes : l’ une souffrante dans des locaux emplit de misères étouffés par l’instabilité politique d’une période et l ‘autre se confondant dans l’utopie d’une ère révolue par l’érection de monuments anachroniques.
UN Chapelet d’habitats misérables
Dans les misérables de Victor Hugo, l’essentiel du récit se fait autour de quelques malheureux c’est pourquoi le cadre de vie des personnages se trouve être des endroits d’une austérité déprimante. Le chapelet d’habitats misérables qui jalonne le roman de Victor Hugo n’est pas seulement à lire comme une peinture qui vise à dénoncer l’extrême pauvreté dans laquelle baigne une certaine partie de la population cependant il éclaire sur le sacrifice que consente des fonctionnaires tels que Javert et M Charles François Bienvenue évêque de Digne mais aussi marque la séparation de certains jeunes avec leur groupe familial car n’ayant plus les mêmes objectifs. « Ainsi comme il arrive souvent la nature semblait s’être mise d’accord avec ce que les hommes allaient faire rien ne dérangerait les funestes harmonies de cet ensemble » . Le dévouement du policier Javert qui dans sa traque des malfrats pour assainir la société quitte le petit confort du commissariat de police pour habiter la masure Gorbeau. Sacrifiant même ses heures de repos à la poursuite des évadés comme Jean Valjean, il n’hésite pas à occuper des taudis
Il y’a quarante ans, le promeneur solitaire qui s’avançait dans les pays perdus De la salpêtrière et qui montait par le boulevard jusque vers la bannière D’Italie, Arrivait a des endroits où l’on n’eut pu dire que Paris disparaissait ce N’était pas la solitude, il y’avait des passants ce n’était pas la campagne, il Y avait des maisons et des rues ; ce n’était une ville ;{- – -} qu’était-ce donc ? {- – -} Une rue de Paris plus farouche la nuit qu’une forte plus morne le jour qu’un Cimetière .
Ici Victor Hugo opère un changement dans sa fiction car l’habitat misérable n’est pas occupé par un pauvre mais par un citoyen qui croit à la noblesse de sa mission et en fait plus qu’il n’en faut. L’auteur des Misérables reproche tout au long du roman à ce personnage son excès de zèle mais l’action de Javert peut être versée dans une lutte sociale car les types sociaux dont il poursuit empêchent selon lui la purification sociale. Cette précarité du cadre de vie pour un citoyen qui n’est pas pauvre et mu par le sacrifice est le cas de l’évêque de Digne. Personnage religieux controversé Monsieur Bienvenu ne ferme jamais la porte de sa maison et proclame qu’elle est ouverte à tous. De ce fait, le vieillard d’environs 75 ans après son installation dans la ville de Digne remarque la promiscuité de l’hôpital sacrifie le beau palais épiscopal en faveur des malades en tenants les propos suivant au directeur de l’hôpital :
Tenez, Monsieur le directeur de l’hôpital, je vais vous dire. Il y’a évidemment une Erreur .Vous êtes vingt-six personnes dans cinq petites chambres .Nous sommes Trois ici et nous avons place pour soixante, il y a erreur je vous dis, vous Avez mon logis et j’ai le vôtre .Rendez-moi ma maison, c’est ici chez vous.
Par ce geste l’évêque se condamne à vivre sous un toit austère et se désolidarise des autres religieux qui semblent être attirés par les richesses profanes. Ainsi il va découvrir toutes les incommodités qu’offre un hôpital comme habitat « Il y avait encore dans l’alcôve fermée une chaise mais elle était à demi dépaillée et ne portait que sur trois pieds, ce qui faisait qu’ elle ne pouvait servir qu’appuyée contre le mur». Victor Hugo se particularise dans cette œuvre car les métamorphoses qu’il apporte sont surprenantes. Les tristes maisons ne sont plus habités que par les pauvres familles elles deviennent l’antre d’autres personnalités qui se lancent dans la quête d’un bien-être social pour tous. C’ est pourquoi Lamartine reprochait à V.HUGO son idéalisme utopique :
Le livre est dangereux, parce que le danger suprême en fait de sociabilité, l’excès séduisant l’idéal, le pervertit. Il passionne l’homme peu intelligent pour l’impossible : la plus terrible et la plus meurtrière des passions à donner aux masses, c’est la passion de l’impossible .
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Table des matières
Introduction
Partie I Un cadre historique et symbolique
Chapitre I : Un Espace hostile et symbolique
Section a : Un chapelet d’habitat misérables
Section b : L’Opposition de lieux symboliques
Chapitre II : Un temps réaliste et troublé
Section a : La convocation de troubles historiques
Section b : L’Epoque des Misérables : des moments précaires
Partie II : De la lutte individuelle à la lutte collective
Chapitre I : La lutte individuelle
Section a : la portée symbolique de quelques personnages
Bibliographie commentée
Conclusion
Bibliographie