La topographie
Toute indication topographique ou toponymique a pour but de situer et de représenter les endroits où se déroulent les actions. Chez les romanciers, les espaces dans lesquels se déroulent les actions sont des lieux réels, évoqués par des noms précis ; certains sont urbains, d’autres ruraux. Mais il ne faut pas oublier que l’auteur ne décrit pas seulement des villes ou des campagnes. Il parle parfois des éléments naturels, telles la terre ou la mer, des préoccupations littéraires et idéologiques à propos desquelles Henri Mitterand écrit « Le nom de lieu proclame l’authenticité de l’aventure par une sorte de reflet métonymique qui court-circuite la suspicion du lecteur puisque le lieu est vrai, tout ce qui lui est contigu, associé, est vrai » L’analyse topographique de ces deux romans nous mène à une étude plus approfondie des données spatiales, qui selon le professeur Abdoulaye Berthé : regroupent toutes les informations relatives à l’espace, qui peut être considéré comme tout ce qui est compris entre le ciel et la terre. En dehors des quatre éléments de la nature (l’eau, l’air, le feu et la terre), la notion d’espace englobe les continents, les océans, les forêts, les déserts, les calottes glaciaires et tout ce qui y vit. A l’intérieur des continents se situent les pays et à l’intérieur des pays, les villes et villages. Ajoutons à cela tous les autres lieux où l’homme vit et déploie ses activités économiques (agricoles, halieutiques, pastorales, industrielles, commerciales, etc.) et ludiques (sportives, musicales, artistiques, etc.). Il faut prendre aussi en compte la flore (végétation terrestre et aquatique) et la faune (animaux et oiseaux). Il s’agira de déterminer les différentes formes d’espaces relevées dans ces récits et de montrer le procédé descriptif utilisé pour leur représentation. Comme beaucoup d’écrivains, Sembène Ousmane privilégie une esthétique réaliste. Il est un auteur qui a beaucoup fait recours aux données spatio-temporelles, surtout l’espace, pour camper le décor de ses récits et leur donner de la contexture. On peut ainsi remarquer son enracinement dans le pays où il est né, puisque la majorité des actions de ses écrits s’y déroulent soit entièrement, soit en partie. L’écrivain affirme dans une interview « Quand on crée, on ne pense pas au monde en général, on pense à son propre pays. » Sembène Ousmane privilégie donc son cadre de vie en l’utilisant comme décor de ses écrits. C’est pourquoi, dans ses œuvres, il fait de nombreuses références à l’espace véritable en décrivant des sites et une topographie concrète dont on peut facilement trouver les noms sur une carte du Sénégal. L’espace de « OPMBP » se rapproche donc plus souvent de la réalité de ces lieux qu’il ne s’en écarte, même si la fiction est bien présente. Le roman déroule toute son action en Afrique plus précisément en Casamance. Après nous avoir présenté le bateau, dans lequel se trouvait Oumar Faye en provenance de l’Europe, l’auteur nous fait la connaissance de la mère du héros, Rokhaya qui s’indigne du fait que son unique fils épouse une femme blanche du nom d’Isabelle. Sembène donne quelques détails géographiques tels, la configuration de la maison, de la ville mais aussi des informations sur la végétation, la faune…Il présente aussi l’activité principale de la famille qui demeure la pêche. Des quartiers sont aussi évoqués, le port, les champs et le marché qui est leur centre commercial et le principal point de convergence des pêcheurs, des commerçants et des clients. A partir de cette topographie, le narrateur indique mais aussi informe sur la zone d’origine de son héros. Oumar était parti faire de la guerre en France comme beaucoup d’autres Africains. En donnant tous ces détails et ces indications précises dans la description des différentes villes et quartiers, il essaie de maintenir l’illusion réaliste qui consiste à créer un univers pareil à celui dans lequel les individus évoluent, faisant ainsi refléter la réalité dans ses œuvres. TECCA est composé de deux espaces : Dakar et Casamance. Il est vrai que ce qui nous intéresse c’est la Casamance, mais nous ne pouvons pas mettre à côté Dakar car tout démarre ici. Le héros anonyme y est présenté comme un raté qui se lance dans beaucoup d’activités (duplicateur de clé, mendiant, voleur puis convoyeur d’armes). Pour les données géographiques, le narrateur présente Ouakam, la Médina pour Dakar et à Ziguinchor, il cite Boucott, Kagnobon… Abdourahmane Ndiaye essaye de représenter des villes, quartiers et villages qui se trouvent sur la carte du Sénégal, de même que l’avait fait Ousmane Sembène. A travers les déplacements ponctuels du héros, l’auteur nous présente la population casamançaise, sa culture et sa tradition mais aussi leurs activités et tout son potentiel économique.
L’Espace physique intérieur
Ce cadre relève parfois de la vie privée des personnages du récit. Il s’agit des maisons, des concessions, des cases et chambres, des bureaux, de tout ce qui est clos. La description de cet endroit permet de mieux connaître les personnages dans leur intimité. En parlant de cet espace, nous pensons à Michel Raimond qui dit que décrire une maison, une chambre ou un appartement, « ce n’est pas seulement procéder à un état des lieux avant que ne débute l’action : c’est rendre le lecteur sensible à la qualité d’une existence qui a modelé à son image l’espace dans lequel elle s’est accomplie. Il y a empreinte d’une vie dans l’atmosphère d’une maison, c’ est pourquoi les descriptions annoncent l’action. » Raimond nous fait comprendre que dans la description intérieure d’une pièce, il ne suffit pas de mentionner uniquement le matériel mais il faut tenter en même temps d’y poser l’empreinte des occupants. Ces lignes sont illustratives : « A l’intérieur, le bar servait à la fois de salon et de fumoir pendant les averses. Le comptoir était fait de tiges de bambou, seule note « exotique » de ce demi-palace tropical. Aux murs blancs et jaunes, étaient accrochés des panneaux publicitaires de syndicats d’initiative, vantant les stations thermales et les villes touristiques de la métropole. A l’extrémité du bar, un pick-up était posé sur un tabouret et, pour compléter l’ameublement, il y avait en outre un ping-pong et un billard russe. » OPMBP ; p.168. A travers un tel développement on pourrait identifier la catégorie sociale à laquelle appartient l’occupant et connaitre plus intimement sa personnalité. Ce passage est aussi témoin car il nous montre clairement que les occupants de cette chambre sont des démunis : « C’était là que demeurait la mère d’Itylima. Une pièce unique, qui servait de salle commune et de cuisine durant les heures de pluie. Une buche se consumait au centre, la fumée piquait les yeux. Habitué à la demi-obscurité, Faye pouvait apercevoir des canaris de toutes dimensions, des calebasses en désordre encombrant la pièce, une natte sur une petite élévation de terre battue paraissait servir de lit. Faye s’assit sur un cul de mortier, près du lit. Le dépôt de fumée sur les lattes de la toiture semblait une épaisse couche de peinture…les parois au long desquelles étaient accrochées des grappes calcinées de maïs, des cornes de tous gabarits, des queues d’animaux ; le lit, composé de lattes liées par des lanières, était posé sur quatre pieux fourchus, enfoncés dans le sol. Des peaux séchées servaient de matelas et de couvertures… »OPMBP ; pp.104- 105. « Cette unique pièce » sert à la fois de chambre à coucher et de cuisine, d’où les traces de « fumée sur les lattes de la toiture. » Les maisons où l’on remarque des taules de zinc, des pailles… ressemblent plus à des abris de gens pauvres qu’à des concessions. Néanmoins le narrateur insiste sur l’expression « maison » comme pour signifier que malgré le dénuement de ces lieux, ils demeurent quand même des maisons. Comparé au cercle européen (des Blancs) qui est épanoui et rayonnant, le quartier des Noirs est misérable. Que ce soit à Ziguinchor ou aux alentours, les maisons des indigènes sont semblables parce qu’elles sont occupées par les mêmes individus qui partagent les mêmes conditions de vie. La répartition des habitats dépendait de la catégorie socio-professionnelle à laquelle appartenaient les personnages. Elle s’effectue ainsi : les Blancs, les marabouts ou les nouveaux riches noirs occupent le quartier résidentiel, alors que les démunis occupent le quartier populaire. En effet, ce cadre est souvent révélateur de certains aspects de la face cachée des êtres qui y évoluent. Entre la description de l’espace physique extérieur et celle de l’espace physique intérieur, il peut y avoir une différence. L’espace physique intérieur est représenté par les espaces de vie comme les maisons dont la cour est le lieu habituel personnages travaillent. Dans OPMBP, lorsque Sembène mentionne un lieu, il prend soin de le dépeindre dans les moindres détails. C’est ainsi qu’il procède pour la description de la nouvelle maison de Oumar Faye : Le nouveau foyer des Faye était entouré de claies. Des arbres fruitiers puisaient leur substance dans le sol humide. Traversant une pelouse verte, une allée centrale conduisait vers les cinq marches qui accédaient à la véranda ceinturant le rez-dechaussée. Celui-ci se composait de quatre grandes pièces, largement aérés par des portes-fenêtres. Des peaux de bêtes couvraient le parquet et, tout autour de la salle de séjour, des livres étaient rangés sur des étagères. Un petit escalier, fait de troncs de rônier, menait aux chambres du premier. Dans leur chambre à coucher, un très grand lit de bois verni se dissimilait sous une moustiquaire. La fenêtre ouvrait sur le marigot et, dans le lointain, on apercevait la Casamance. OPMBP ; p.55. Si ces pièces de la maison sont distinctes l’une de l’autre, elles sont aussi pour les décorations intérieure comme extérieure de leurs maisons. Celles-ci reflètent la personnalité de leurs occupants dont elles témoignent du goût. Car il est à noter que Sembène nous fait aussi savoir qu’Oumar s’est un peu métamorphosé. C’est le même cas dans TECCA. Les intérieurs ont les mêmes caractéristiques que les locataires comme ce passage : « Ass me regarde, nullement surpris. Il porte une chemise et un jean délavé qui lui donnent l’aspect d’un étudiant fauché. Il me conduit à l’intérieur de la maison qui parait vide…Ass ouvre la chambre et me désigne l’unique chaise en bois de teck placée au coin. » TECCA ; p.45. Ce décor est vide d’ornement, il n’y a pas de meuble. Comme si c’est pour souligner la pauvreté des occupants. L’intérieur de la chambre ressemble aux occupants dans leur misère. L’étude de cet espace nécessaire à l’orientation du lecteur permet une meilleure compréhension du texte. Dans sa tentative de représenter le réel, l’auteur procède à l’analyse de l’espace physique intérieur qui donne accès à l’espace privée des personnages.
Le temps de l’histoire
A la lecture des deux œuvres du corpus, deux cadres temporels se dégagent. OPMBP s’inscrit dans la période coloniale, tandis que TECCA situe son action dans la période postindépendance. A travers le premier récit, deux camps antagonistes se dégagent (colonisateurs et colonisés) déterminant et marquant à la fois le champ de forces et de tensions au sein de la société coloniale. La colonisation demeure très importante dans l’évolution de l’histoire africaine. En effet, elle était un système d’occupation territoriale, de domination politique, culturelle et d’exploitation économique des colonisés. D’après Bernard Lecherbonnier elle « est l’équivalent au niveau des peuples de ce qu’est l’esclavage au niveau de l’individu. »De ce point de vue, nous tenterons de dégager les différents éléments qui montrent que l’on se situe soit à l’époque de la colonisation soit dans la période des indépendances. Sembène Ousmane qui traite de la situation difficile de la population casamançaise durant la colonisation dans OPMBP met en exergue les dures conditions de vie de cette communauté opprimée et particulièrement celles du héros Oumar Faye qui était parti faire la guerre en Europe. Son long séjour lui a permis de découvrir et d’apprendre beaucoup de choses. Oumar, après huit années d’exil décide de rejoindre son pays, plus particulièrement sa Casamance natale. Il trouvera son peuple sous une extrême domination coloniale. L’espoir de vivre dans de meilleures conditions va l’amener à combattre les Blancs. Il va entreprendre et mettre en place des plans pour pouvoir les faire partir. C’est la raison pour laquelle on situe l’action de cette œuvre « OPMBP» durant la colonisation. Ce sont tout d’abord les différentes allusions à la présence des Blancs et leur administration. Les Blancs financent et fixe les prix des produits. Tout ce qui est bon leur appartient, par exemple au cinéma « …Il y’ avait deux catégories de places : des bancs pour les indigènes et des chaises pour les blancs… » (OPMBP ; p.60.) C’est une période qui a été teintée d’hostilité, de discrimination raciale, d’exploitation et d’injustices Cette exploitation n’est qu’une des injustices subies par les Casamançais, ou les Africains de manière générale. Ils étaient aussi victimes d’exactions verbales et physiques. Ce sont ces pratiques horribles qui ont poussé Oumar à se révolter contre les Blancs « cf. p 89».Nous pouvons dire qu’après ces révoltes contre l’exploitation capitaliste, l’Afrique est rendue aux Africains qui se chargèrent de leur propre destin. C’est l’ère des indépendances en Afrique noire, aussi bien francophone qu’anglophone. C’est cette période des indépendances qu’Abdourahmane Ndiaye a tenté de peindre dans TECCA. L’auteur représente l’ensemble des couches sociales que constitue la Casamance. Il a voulu montrer le vrai visage de ce peuple qui se trouve dans une extrême crise, une guerre entre armée et séparatistes qui réclament une indépendance totale de leur zone, en faisant cette peinture des atrocités. Ce dialogue entre le héros et une femme est illustratif :
-Pourquoi toutes ces tueries ? ne puis-je m’empêcher de lui demander ?
-Tu as très bien compris que nous sommes tous du FLS. Nous luttons pour l’indépendance de notre pays.
-Mais votre pays est le nôtre aussi, le Sénégal !
-Ça c’est toi qui le dis. Nous avions été liés par les colonisateurs il y a plus de cent ans, par un bail entre Français et Portugais en faveur des premiers. Un bail, que je sache, c’est quatrevingt-dix neuf ans. Au bout de ce temps, il est caduc s’il n’est pas renouvelé. Et c’est le cas.
Nous ne vous demandons absolument rien d’autre que de nous rendre notre liberté. En effet, il s’agit d’une société postcoloniale qui se lance dans un avenir sombre. L’auteur en profite pour montrer les différentes facettes de la guerre tout en décriant le comportement des pays limitrophes qui pourrissent l’univers social de ce récit. D’où ces propos d’une femme rebelle. La seconde raison découle directement des conflits avec les pays voisins. Certains de ces pays se basent sur le principe que « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Du coup, des armes nous viennent à moindres frais et nous bénéficions de formidables conseillers tapis dans l’ombre. Ce qui nous garantit une invisibilité à l’épreuve même de la C.I.A ou du K.G.B. Dans TECCA, il s’agit des fils de la Casamance qui réclament leur indépendance à l’état du Sénégal. C’est la raison pour laquelle l’on ne doute plus du contexte de production de l’œuvre. Bref, l’histoire d’OPMBP se situe durant la colonisation et celle de TECCA après les indépendances.
Le temps de la fiction ou durée de l’action
Selon Jean Pierre Goldenstein l’étude du temps de la fiction doit déterminer la durée du déroulement de l’action. Ce temps de fiction romanesque peut s’étendre sur une période de quelques jours, heures ou mois comme il peut couvrir plusieurs années, voire plusieurs siècles. Dans OPMBP comme dans TECCA la datation s’est effectuée de manière implicite par rapport à un événement mentionné. Sembène dans son ouvrage ne dit jamais de façon nette que l’action de son roman se situe après la Seconde Guerre mondiale. Ce passage est témoin « Faye Omar était casamancien, il retournait au domicile paternel après huit ans d’absence, ayant quitté le pays natal comme nombre de ses camarades, pour aller faire la guerre en Europe, il rentrait quatre ans après la victoire. » OPMBP ; p.14 Il est vrai que l’on peut se douter de quelle guerre s’agit-il, car il y a deux guerres mondiales. Mais cette discussion entre le père d’Oumar (Moussa) et son ami M’boup semble nous guider « J’ai fait la guerre de 1914-18. Moussa, présent là, était venu me joindre en 15, je m’en souviens comme du couscous que j’ai mangé hier soir… » OPMBP ; pp.19-20. Il sera incompréhensible après ces deux passages que le père fasse la même guerre avec Oumar qui est de ses plus petits fils. C’est ce qui nous a poussé à retenir la période d’après, la seconde guerre mondiale. L’action de TECCA se situe dans les années 90. Il s’agit de la crise casamançaise. Ces échanges de paroles entre le héros et un des passagers du minibus nous guident tant soit peu : «De la gauche, deux policiers apparaissent, armés jusqu’aux dents. Je demande à mon voisin de derrière… tu n’écoutes pas les nouvelles, à ce qu’il parait, hein, mon petit gars ? … Ce sont les séparatistes qui sèment la pagaille dans le sud, avec leurs attentats à n’en plus finir … » TEC ; pp. 39-40. Ce paragraphe nous plonge au cœur de la guerre casamançaise qui opposait la population et l’armée sénégalaise. Grace à de tels recoupements les deux récits ont pu être situés dans leurs contextes historiques. De la même manière que le temps de la fiction, la durée de l’action peut être déterminée approximativement. Pour cela relevons les différents indices au cours de lecture qui nous permettront d’estimer la durée. Dans TEC, au chapitre 1, des indications temporelles précises ont été mentionnées mais cela concerne le nombre d’année que le héros a fait à l’université « Je venais d’être viré de l’Université ; enfin, pas exactement parce que j’avais la possibilité de me réinscrire dans une autre faculté ; mais vous conviendrez avec moi que passer onze années à courir derrière un inaccessible diplôme n’encourage guère à rester sur les bancs. » TECCA ; p.9. Ce n’est qu’au deuxième chapitre que les indicateurs temporels précis se font noter. L’on va maintenant compter à partir du deuxième chapitre, ce qui sera très difficile, qui commence par « après deux jours d’errance à travers la capitale, j’atterris chez Ass ». L’on dit qu’après ces trois jours « un matin » qui est un indicateur imprécis, parce que cela peut être le lendemain comme le surlendemain. Le héros nous dit aussi « Le jeudi, six heures du soir, (ou dix-huit heures, si vous préférez) nous nous présentions devant le 127 de la nouvelle cité ». Donc après la discussion entre le héros et son ami Ass, ils sont partis le jeudi pour voir un Monsieur. Au chapitre IV, une autre indication claire nous dit que sommes « le samedi, minuit et demie. J’étais assis sur le siège de la mort, à côté de mon truculent ami qui pilotait avec dextérité sa grosse saviem bleue » TECCA ; p.25. Les informations temporelles continuent « j’étais allé le dimanche matin parlementer avec le monsieur qui vendait des appareils du même genre, au coin de la rue. » TECCA ; p.27. Donc c’est le lendemain. La veille, c’est-à-dire le samedi, ils étaient partis voler chez le Monsieur de la 127 de la nouvelle cité. Et c’est le dimanche que le héros est venu dans le but de vendre son appareil. Il sera cueilli par la police comme en témoigne cette phrase : « Quand, en début d’aprèsmidi deux policiers me reçurent avec des menottes, après m’avoir délesté de ma lourde charge, alors, là, je compris tout. » Le héros sera arrêté et pour six mois. « Une arnaque combinée par un ancien camarade de classe m’a valu six bon mois de taule. » A sa sortie, il travaille dans une boîte de sécurité pendant vingt-deux jours comme le montre cette phrase« …pour avoir suivi et protégé un politicien dans une houleuse campagne où on devait s’attendre à tous les coup fourrés pendant vingt-deux jours, je suis simplement révolté. » Et le jour suivant « dès le lendemain de la soirée passée dans le clando », la dame est venue le voir là où il logeait pour qu’il puisse aller à Ziguinchor, le matin « Il ne me restait qu’à me mettre en route, ce que je fis sans me faire prier dès le lendemain, de très bonne heure. » Jusqu’ici les indications temporelles des actions sont claires et nettes. L’action continue avec le voyage du héros sur Casamance. Il arrive à destination le même jour comme l’atteste ses propos : « Au bout du pont … et tourne à gauche en direction de la gare routière où il trouve un parking dans un désordre indescriptible »…Après deux jours passés à Ziguinchor, il est appelé à aller vers la Gambie, mais, en route, il sera intercepté par des rebelles. Il doit aller à Kagnobon : « Je dois aller, non pas à Banjul, mais à Kagnobon. » Le personnage principal arrive à destination le même jour. Il décide de retourner le lendemain après avoir reçu le bagage. Le héros va informer les militaires sur la situation qui prévaut dans cette zone de turbulence. Il quitte le village pour Ziguinchor et arrive le même jour. Le lendemain, Ass et Dior viendront lui rendre visite. Après une discussion, les visiteurs décident d’aller chercher la caisse de munition à l’aide d’une moto. Le personnage principal, lui, ira avec les militaires dans le but d’inspecter la zone. Ils feront une descente sur les lieux et un affrontement les opposera aux rebelles jusqu’à causer la blessure du héros qui sera vite transféré sur Dakar et la mort d’Ass. L’hospitalisation durera quarante-cinq jours. Ce passage en témoigne : « j’ai oublié de vous dire : je suis ici depuis bientôt quarante jours… »TECCA, p.157. Nous pourrions dire que la durée de l’action serait huit mois et vingt-deux jours. La durée pourrait dépasser cela, mais quoi qu’il en soit, elle n’a pas atteint trois cent soixante-cinq jours, à notre avis. Abdourahmane Ndiaye a préféré condenser son histoire, même s’il y a des épisodes dilatés. Beaucoup de parties ont été résumées. Il est impossible de raconter cette guerre en cent-cinquante-sept pages. Même en lisant le roman, l’on note beaucoup de non-dit. L’histoire est très brève. Ces quelques indices temporels nous ont permis de dire que le récit de TECCA a une durée de huit mois et vingt-deux jours. OPMBP a un temps de fiction moins. Le récit se déroule pendant la saison sèche, plus précisément trois mois avant la saison des pluies : « Si tu veux … la maison devra être construite avant les pluies. Dans trois mois ?, et s’achèvera au milieu de la saison des pluies ». Toute l’histoire est condensée dans cet intervalle. Nous précisons que dans TECCA comme dans OPMBP, les histoires ne sont pas longues. Les auteurs sont très brefs de manière générale. Mais n’empêche que parfois ils font recours à la technique de la dilatation qui est un procédé qui a permis aux deux auteurs de camper le décor, présentant ainsi l’essentiel des activités menés par les différents personnages. Ils occupent le temps en procédant à la représentation et à la description des rues, ruelles, des fleurs, des maisons, de la faune, des personnages… Parfois l’on voit tout un chapitre qui n’est consacré qu’à la description ou à des détails qui seraient inutiles. La description a été un moyen que les deux auteurs ont utilisé pour dilater leurs récits. Quelques indications temporelles nous permettront d’avoir une idée sur la durée de l’action dans OPMBP. La même démarche va être appliquée comme dans TECCA. Nous allons passer en revue le texte tout en comptant la durée. L’auteur commence par nous donner quelques informations sur le voyage d’Oumar. Il est dans un bateau avec sa femme Isabelle. Des révélations sont aussi faites sur la manière dont les Blancs traitaient les Noirs comme ce passage « …le blanc se mit à distribuer des coups, des coups que le furieux donnait avec une chicotte….Cela fit une terrible bousculade dans l’étroite coursive où certains tombèrent. »OPMBP ; p.13. Le Blanc a toujours perçu le Noir comme un animal. Mais il y a eu une riposte car le « sauveur » Oumar va corriger le perturbateur « soudain l’homme, pris par un crochet au menton…le sang qui coulait de sa bouche ». Dans ces premières pages c’est le voyage et son parcours qui sont tracés. Les indications temporelles commencent par « ce jour-là ». C’est le jour où le télégramme arrive chez les Fayènes pour les informer du retour d’Oumar Faye de la France avec sa femme blanche. Donc on compte à partir de ce jour car la durée du voyage reste inconnue. Toute la famille est au courant de la nouvelle le même jour. Le jour suivant sera consacré à l’arrivée du héros et à sa femme. Le troisième jour est marqué par les différentes conversations avec les voisins. Le personnage principal et sa femme vont se balader au quatrième jour, ils prendront un bain dans un ruisseau. C’est de cet endroit qu’ils construiront leur maison dans les jours à venir. Parce que le père d’Oumar ne veut pas cohabiter avec sa bru prétextant que le Blanc est mauvais. Oumar se sentant offenser, va déménager au cinquième jour. Il n’a fait donc que quatre jours chez son père. Le héros restera deux mois dans sa nouvelle demeure sans retourner à sa grande famille : « voilà deux mois qu’elle n’avait pas revu son fils.» OPMBP ; p.50 Les cinquante et une pages n’auraient duré que deux mois et six jours. C’est que l’auteur préfère développer certains points pour donner plus de détails. La première partie le récit durerait deux mois huit jours. La deuxième partie commence par un échange de lettres entre Isabelle et sa famille d’origine. C’est un jour de fête chez Oumar et avec ses amis. Cette journée sera marquée par une forte pluie. C’est l’annonce de la saison des pluies. Vient le jour suivant où le docteur passera à la palmeraie pour panser le héros qui s’est blessé, la veille au port lors d’un bagarre avec des Blancs qui torturaient des dockers. Oumar ira le troisième jour chez Itylima. Il marchera toute une journée pour y arriver. Le séjour durera deux jours. A un moment donné l’auteur décide d’aller plus vite sans indiquer le temps. Le héros sera malade pendant un mois et vingt jours : « combien de temps suis-je resté coucher ? demanda-t-il – Un mois et vingt jours aujourd’hui ». Une fête de deux jours sera organisée dans le village « La fête devait durer les deux derniers jours. » Cette fête sera clôturée par la célébration de l’indépendance de la France (le quatorze février).
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Table des matières
PREMIERE PARTIE/ LE FONCTIONNEMENT DE L’ESPACE ET LA DISTRIBUTION DU TEMPS
Chapitre 1/ Le fonctionnement de l’espace : de l’espace ouvert à l’espace fermé
1-La topographie
2-L’espace physique extérieur
3-L’espace physique intérieur
4-L’espace social
Chapitre2/ La distribution du temps
II-Les temps externes
1-Le temps de l’histoire
2-Le temps de l’écriture
II- Les temps internes
3-Le temps de la fiction ou durée de l’action
4-Le temps de la narration
DEUXIEME PARTIE/ LA TECHNIQUE NARRATIVE ET LA FONCTION DE L’ECRITURE (LA PORTEE)
Chapitre1/ La technique narrative : les procédés narratifs
1-La narration
2-La description
3-Le dialogisme et le monologue intérieur
Chapitre2/La fonction de l’écriture : la portée
1-La fonction dénonciatrice
2-La fonction explicative
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