La rénovation des rapports entre les Entreprises et les Services de Santé au Travail

« Vous aboutirez parce que vous n’êtes pas seulement des théoriciens, parce que vous n’envisagez pas seulement les problèmes qui se dressent devant vous sous leur aspect purement théorique, mais parce que vous êtes profondément pénétrés de cette vérité » .

Le parallèle symbolique entre la pratique et la théorie juridique représente l’essence même de ce travail de recherche. Cent vingt ans après l’organisation du Congrès International pour la protection légale des travailleurs, le droit de la santé au travail baigne toujours dans la même problématique : celle de devoir réduire le fossé séparant les normes juridiques de la réalité du terrain. La complexité de ce problème est due au fait que le droit de la santé au travail est un droit particulièrement mouvant. Il dépend non seulement des avancées médicales mais également du développement et du contexte économique des entreprises. Certains auteurs ont pu constater différentes influences : « Le droit de la santé au travail a évolué d’un droit technique de l’organisation de l’hygiène et de la sécurité au travail vers un droit de la protection de la santé de la personne en entreprise : le développement et la diversité des enjeux (santé mentale, vieillissement, pénibilité, qualité de vie), la connexion des risques professionnels, environnementaux, de santé publique et technologiques ou encore la multiplication des dispositifs en attestent » . Cette multi-dépendance a nettement pu être mise en évidence au travers du contexte récent des évènements en lien avec la propagation du Coronavirus . La crise sanitaire a réaffirmé la place prépondérante qu’occupe la santé au travail dans la gestion économique des entreprises et la protection des salariés. Les décisions récentes prises en la matière ont su montrer que la santé au travail pouvait être un réel facteur de continuité économique de l’entreprise. Des décisions jurisprudentielles très médiatiques en lien avec la propagation de la COVID-19 ont quant à elles permis de souligner l’orientation des juges actuels. La jurisprudence récente se tourne vers une valorisation de la prévention en santé au travail. Cette consécration de la prévention a su retentir rapidement dans les décisions des Tribunaux Judiciaires en période d’état d’urgence sanitaire. Pour en illustrer le propos, le tribunal judiciaire du Havre a suspendu la reprise d’activité de l’usine Renault Sandouville estimant que l’organisation des conditions de travail ne permettait pas d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs face au risque lié à la COVID-19. Il était principalement reproché à l’entreprise de ne pas avoir suffisamment associé le comité social économique (CSE) à la démarche d’évaluation et de prévention des risques professionnels. De la même manière, après la décision du tribunal judiciaire de Nanterre , Amazon France avait fermé temporairement ses entrepôts avant de conclure un accord d’entreprise permettant une réouverture. Malgré le caractère exceptionnel et urgent de la situation sanitaire, aucune négligence en matière de prévention de la santé au travail n’a été tolérée.

La santé au travail a évolué d’un objectif unique de protection du travailleur vers une véritable mission globale de prévention inhérente aux différents acteurs de la santé au travail que sont principalement l’entreprise et les services de santé au travail (SST). L’histoire de la santé au travail est imprégnée de nombreux questionnements et réflexions autour des rapports particuliers qu’elle implique entre ses acteurs. « La question du rapport entre santé et travail plonge ses racines dans la plus haute antiquité, un papyrus de 2 500 ans avant Jésus-Christ contient la description dans l’ancienne Égypte du lumbago aigu survenu accidentellement chez un ouvrier ayant participé à la construction d’une pyramide. C’est au cours de la révolution industrielle du XIXe siècle que cette question fut posée de façon la plus aiguë, conséquence du libéralisme effréné qui sévit à cette époque, l’assemblée constituante ayant proclamé après la révolution de 1789 la liberté du travail, liberté sans limite. Les rapports au travail reposent alors sur une base exclusivement contractuelle, l’État étant tenu de ne pas intervenir. Le contrat de travail fait naître à la charge de l’ouvrier une obligation d’exécuter le travail qui lui est confié, et à la charge de l’employeur, une obligation de payer le prix convenu. Il n’y a, ni dans le Code civil, ni dans les textes de la première moitié du XIXe siècle, d’obligation patronale d’assurer à l’ouvrier l’exécution de son travail dans certaines conditions légales de durée, d’hygiène, de moralité, ou d’indemniser l’ouvrier du préjudice résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle » . Devant l’ampleur des axes gravitant autour de la santé au travail, nos propos introductifs se sont organisés autour des prémices des rapports entre santé et travail (I.), pour ensuite s’intéresser aux origines de la création de la médecine du travail (II.) Puis, nous avons observé la transition de la médecine du travail vers le statut de SST (III.). Cette approche historique nous a permis de mettre en exergue les éléments clés de notre de travail de thèse. Il nous a alors paru nécessaire de devoir expliciter notre façon de construire notre sujet de thèse.

Les prémices des rapports entre santé et travail

Le domaine de la santé au travail s’est construit en même temps que l’émergence du droit social, du droit du travail et des découvertes médicales. C’est le contexte de la révolution industrielle du XIXe siècle qui a conduit les études médicales à observer précisément les conséquences de l’activité professionnelle sur la santé des ouvriers. Les rapports entre santé et travail se fondent alors sur le cadre du contrat de travail dans lequel seules les parties à ce contrat peuvent intervenir. La jurisprudence a d’abord peiné à trouver une argumentation juridique pouvant justifier la reconnaissance d’une certaine responsabilité de l’employeur. Selon certains historiens, « la jurisprudence va évoluer dans des sens contradictoires au cours du XIXe siècle. Entre 1836 et 1839 des cours d’appel refusent la réparation lors d’accidents du travail au motif que le contrat de louage de services se résume dans le seul échange d’un salaire contre un service. Il n’y a pas d’autre obligation juridique entre patron et salarié et l’existence du contrat suspend l’applicabilité des règles de la responsabilité civile de droit commun dans leurs rapports » . A cette époque, les obligations de l’employeur en matière de santé au travail, d’hygiène ou de sécurité des conditions de travail sont moindres. Le facteur de développement économique est prioritaire. Cependant, la publication de plusieurs avancées médicales démontre progressivement l’existence d’une corrélation entre l’état physique et moral des ouvriers et les conditions de travail offertes par l’entreprise. Le docteur Louis René Villermé établit notamment en 1840 un « tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie » . Il écrit : « l’Académie des sciences morales et politiques de l’institut nous a chargé de faire dans les départements de la France des recherches d’économie, politique et de statistique, dont le but est de constater aussi exactement qu’il est possible, l’état physique et moral des classes ouvrières » . La publication de cette étude médicale innovante en santé au travail permet d’enclencher un nouveau courant juridique. La même année, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence en acceptant de reconnaître l’existence d’un premier rapport entre santé et travail. La Haute Cour décide alors de se fonder sur la théorie de la responsabilité civile de l’article 1382 du Code civil pour pouvoir retenir la responsabilité personnelle de l’employeur en cas d’accident. La théorie de la responsabilité du fait personnel est ainsi traduite en droit du travail. L’employeur est déclaré responsable des ouvriers de son entreprise qu’il a sous sa « garde ». Mais ce fondement présente certaines limites reconnues par la doctrine : « la théorie de la faute de l’article 1382 laisse sans réparation tout ce qui est le fait du hasard : la force majeure, le cas fortuit, la cause inconnue » . Toutefois, la création en 1892 de l’inspection du travail par le législateur engendre d’autres préoccupations. Les inspecteurs du travail sont désormais chargés d’une mission principale : celle de protéger une partie des salariés et notamment les enfants et les femmes dans les établissements industriels. Quelques années plus tard, la loi du 9 avril 1898 intervient enfin pour fonder le socle de la responsabilité en matière d’accident du travail. Cette loi ouvre alors le chemin d’une nouvelle théorie juridique sur laquelle les juges peuvent valablement se fonder. Elle inverse la charge de la preuve en cas d’accidents survenus par le fait du travail, ou à l’occasion du travail pour ouvrir droit à une indemnisation prise en charge par l’entreprise. Cette loi donne « droit, au profit de la victime ou de ses représentants, à une indemnité à la charge du chef d’entreprise, à la condition que l’interruption de travail ait duré plus de quatre jours » . Tout accident survenu du fait ou à l’occasion du travail est présumé relever de la responsabilité de l’entreprise. Par la suite, ce même fondement juridique sera étendu aux maladies professionnelles . Pour autant, si les employeurs sont désormais responsables de la santé et sécurité de leurs ouvriers, aucune institution n’existe encore pour les conseiller dans cette démarche de protection. En effet, la médecine du travail ne sera créée que bien plus tard.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. LES PREMICES DES RAPPORTS ENTRE SANTE ET TRAVAIL
II. LA CREATION DE LA MEDECINE DU TRAVAIL
III. DE LA MEDECINE DU TRAVAIL AUX SST
IV. LA CONSTRUCTION DU SUJET
PREMIERE PARTIE : UN CADRE JURIDIQUE A L’ORIGINE DE RAPPORTS CONFLICTUELS ENTRE ENTREPTISES ET SST
CHAPITRE 1 : L’INSATISFACTION RECIPROQUE DES RAPPORTS ACTUELS ENTRE ENTREPRISES ET SST
SECTION 1 : LES DIFFICULTES RESSENTIES PAR LES ENTREPRISES
SECTION 2 : LES DIFFICULTES RENCONTREES PAR LES SST
CHAPITRE 2 : LES SOURCES JURIDIQUES DES DIFFICULTES RENCONTREES DANS LES RAPPORTS ENTRE ENTREPRISES ET SST
SECTION 1 : UNE REPARTITION IMPRECISE DES COMPETENCES ET DES RESPONSABILITES DE CHACUN
SECTION 2 : LE DECALAGE ENTRE L’EFFECTIVITE DU DROIT ET LA PRATIQUE
SECONDE PARTIE : VERS LA CREATION DE NOUVEAUX RAPPORTS ENTRE ENTREPRISES ET SST
CHAPITRE 1 : LES VECTEURS D’UNE MEILLEURE COOPERATION ENTRE ENTREPRISES ET SST
SECTION 1 : DE NOUVEAUX RAPPORTS FONDES EXCLUSIVEMENT SUR LA PRENVENTION EN SANTE AU TRAVAIL
SECTION 2 : LA CLARIFICATION DES MISSIONS DE CHAQUE ACTEUR DE LA SANTE AU TRAVAIL
CHAPITRE 2 : LES EFFETS POSITIFS D’UNE RECONSTRUCTION SIMPLIFIEE DES RAPPORTS ENTRE ENTREPRISES ET SST
SECTION 1 : LA MODERNISATION DE LA SANTE AU TRAVAIL
SECTION 2 : UNE CONCEPTION IDEALE DE LA SANTE AU TRAVAIL
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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