La religion vécue dans la société vendéenne

LE CURE « SAC AU DOS »

Depuis la loi dite des curés « sacs au dos » de 1889, les prêtres et les séminaristes sont astreints à toutes les obligations militaires comme tous les simples citoyens, ils sont donc concernés par la mobilisation générale qui frappe la population masculine française le 1 septembre 1939.
Le pape Pie XII envoie un message aux prêtres mobilisés. Cette épreuve doit être perçue comme un nouvel apostolat. Les prêtres vont se retrouver aux côtés d’hommes qui ne seraient sans doute pas venus d’eux mêmes demander le secours de la religion. Ce contact est l’occasion d’introduire la « bonne semence » de la religion. D’ailleurs, ces rencontres permettent aux jeunes prêtres de mesurer les connaissances religieuses dans leur régiment. Si l’ignorance n’est pas totale, la foi n’est pas conquérante, « elle n’est souvent que l’habitude de certains gestes pieux, elle est rarement une vie qui pénètre les pensées et les actes ». D’autre part, le prêtre mobilisé doit se montrer austère et sa conduite morale exempte de tous reproches. La liste des prêtres mobilisés est diffusée dans la Semaine catholique du diocèse de Luçon du 27 avril 1940, 154 prêtres sont mobilisés au début de la guerre.
Le prêtre mobilisé garde avec son diocèse et sa paroisse un contact permanent. La semaine catholique du diocèse de Luçon est envoyée gratuitement à tous les prêtres mobilisés. Pour pouvoir remplir leurs obligations spirituelles, des chapelles portatives sont proposées aux prêtres mobilisés du diocèse de Luçon, une souscription de l’OEuvre des autels portatifs est ouverte pour financer une dotation supplémentaire. Le vicaire des Herbiers dans une lettre publiée dans le Bulletin paroissial de décembre 1939 exprime « sa très vive reconnaissance pour le bel autel portatif que vous [les paroissiens] avez eu la délicatesse de lui offrir ». Nous pouvons suivre l’itinéraire de l’abbé Bouffendeau des Lucs-sur-Boulogne à travers le bulletin paroissial. L’abbé Bouffendeau, vicaire aux Lucs-sur-Boulogne depuis un an, est mobilisé comme caporal au 65e Régiment d’Infanterie au début septembre 1939. La lettre qu’il expédie au curé de la paroisse est résumée dans le bulletin paroissial du 17 septembre 1939. Nous apprenons qu’il est à Vannes en attendant un départ vers le front. Le 15 octobre 1939 dans un article « Pour notre vicaire » l’abbé des Lucs-sur-Boulogne demande à ses paroissiens qu’on ne laisse pas à des étrangers le soin de lui offrir un autel portatif. Puis le temps passe et après un séjour dans les environs de Paris, il est promu sergent le 15 avril 1940. Une information datée du 14 juillet 1940 révèle qu’il est retenu prisonnier au Stalag IVB en Allemagne.
Mais les prêtres mobilisés sont aussi des soldats. Un amendement de 1917 a homogénéisé toutes les situations. Les membres du clergé en temps de guerre peuvent être versés dans les unités combattantes. L’abbé Bouffendeau est « monté à l’attaque plusieurs fois. Jusqu’ici, il n’y a pas eu de pertes dans notre bataillon. Seul un homme a été blessé ». Le quotidien devient héroïsme quand la revue diocésaine rappelle que des prêtres sont tombés aux combats. L’abbé Camille Hervouet, ordonné prêtre le 29 juin 1938, sergent au 65e d’Infanterie, est mort en opérations le 27 juin 1940.

LA DEFAITE

En six semaines, du 10 mai au 25 juin 1940, l’offensive allemande est brutale, rapide et elle s’accompagne de l’exode, de la défaite et de la signature de l’armistice du 22 juin 1940. « Cette décision, sans doute nécessaire, nous a frappé au coeur » peut-on lire dans le Bulletin paroissial du 23 juin 1940 des Lucs-sur-Boulogne. « Juin 1940 ne représente-t-il pas l’effondrement d’une civilisation, c’est la victoire d’un Etat totalitaire sur une démocratie, d’une religion néo-païenne sur un catholicisme ». La mode est à l’examen de conscience, la République et le relâchement des moeurs dû à l’absence de religion sont trainés au banc des accusés. Dans la Semaine catholique du diocèse de Luçon du 6 juillet 1940, Massé, vicaire demande que tous les français travaillent au relèvement et à la prospérité de la France et que Dieu soit remis à sa place dans notre vie professionnelle, familiale et sociale. Le curé de la paroisse de Notre-Dame-du-Bon-Port des Sables d’Olonne n’hésite pas à se réjouir « Non, n’ayons pas de regret de voir cette France-là mourir… »185. Le désarroi est sans aucun doute immense mais avec la défaite, l’Eglise met en sourdine des prises de position à l’encontre du nazisme et du bolchevisme qui dans la période précédente justifiaient la guerre.

L’EGLISE SOUS LE REGIME DE VICHY : UNE PROXIMITE

La défaite de juin 1940 constitue le plus grand désastre de notre histoire, elle marque l’effondrement d‘une armée, d’un régime et d’une nation. Le plus long régime depuis la révolution disparait le 10 juillet 1940 par le vote d’un parlement qui remet tous les pouvoirs à Pétain.

« MEA CULPA » SUR LA POITRINE DES AUTRES

Après une telle défaite, il faut bien entendu en chercher les raisons et nommer les coupables. Il y a une communauté de vue entre la hiérarchie catholique et Pétain quand il déclare le 25 juin 1940 « L’esprit de jouissance a détruit ce que l’esprit de sacrifice a édifié. C’est à un redressement intellectuel et moral que je vous convie. [ …] Convaincu que l’Eglise peut aider au redressement moral qu’il envisage, le chef de l’Etat est bien disposé à accueillir toutes les demandes qu’elle lui présentera ».
La France a été battue parce qu’elle a péchée, elle ne méritait pas la victoire. Les mesures anticléricales sont la cause de notre défaite. Les désastres ne sont que la sanction de la justice divine. Ce n’est pas la France « fille ainée de l’Eglise » qui a été battue mais la France hérétique, républicaine. La France infidèle, déchristianisée doit redécouvrir sa vocation chrétienne. La France, création de Dieu doit retourner à Dieu, elle a été depuis des décennies républicaines spoliées par des lois anticléricales qui ne voulaient que sa destruction. La défaite devient alors une chance inouïe. « Quel usage aurions-nous fait d’une victoire facile en 1940 »écrit le cardinal Saliège, archevêque de Toulouse dans La Croix du 28 juin 1940. Il faut dès lors travailler au redressement du pays qui passe d’abord par une réforme morale. « Les désirs exagérés de jouissance et la crainte de l’effort ont occasionné nos malheurs. Il faut remettre Dieu à sa place dans notre vie personnelle, familiale et sociale. L’esprit de sacrifice et la générosité dans la peine, nécessaires à nos reconstructions futures, sont des vertus chrétiennes » déclare Massé le 6 juillet 1940. Le clergé paroissial est à l’unisson. « Le mal est grand. Mais c’est notre consolation et notre fierté de penser que le retour à l’Evangile et aux vertus chrétiennes nous sauvera de la ruine et opérera notre redressement ». Mais il ne faut pas se bercer d’illusion « l’épreuve d’ailleurs n’est pas finie », il vaut mieux chercher à en tirer le meilleur profit pour assurer une nouvelle prospérité au pays. L’Eglise est disposée à apporter son soutien à cette oeuvre de reconstruction pour que la France redécouvre sa vocation chrétienne.
Lors de la débâcle, deux institutions ne cèdent pas à la panique et restent sur place : l’Eglise et les municipalités. L’Eglise catholique, considérée comme une force d’ordre et de tradition, est la seule institution organisée en France à la fin du mois de juin 1940.

L’ADHESION ET LA VENERATION DU MARECHAL

La proximité de l’Eglise et de l’Etat français est illustrée par la formule sans équivoque prononcée par le cardinal Gerlier le 18 novembre 1940 à Lyon « Pétain, c’est la France et la France aujourd’hui c’est Pétain»193. « Une bonne messe n’a jamais fait de mal à personne »194 déclare Pétain qui pense que la religion avec ses principes moraux peut servir de base au redressement français. Dès juin 1940, Pétain compte sur le concours de l’Eglise catholique pour mettre en oeuvre sa politique. Dans la tourmente traversée par la France, il apparait comme l’homme providentiel, le seul capable de conduire le redressement du pays. Venant au pouvoir dans des circonstances tragiques, détenant une très grande autorité que lui donne son prestige militaire, le maréchal Pétain est l’objet d’une admiration. Les messages du clergé vendéen sont chaleureux dès la signature de l’armistice. « Le grand soldat incarne l’amour désintéressé de la Patrie. Nous devons lui donner notre confiance absolue » peut-on lire dans le Bulletin paroissial d’Olonne du 23 juin 1940. « Laissons aux chefs providentiels qui ont courageusement assumé les terribles responsabilités du gouvernement, en ces jours douloureux le soin de donner des consignes opportunes » dans celui de Luçon de juillet-août-septembre 1940.
L’allégeance est vraiment totale. Cette admiration va même jusqu’au culte de la personnalité. Il suffit que le préfet de Vendée attire l’attention de Massé sur une édition spéciale du portrait de Pétain au profit des prisonniers de guerre et de leur famille pour que celui-ci demande que chaque paroisse, chaque groupement catholique chaque classe acquiert cette « OEuvre d’art qui perpétue le souvenir de celui qui a fait don de sa personne à la France et le témoignage par la dédicace « Pour nos prisonniers et leurs familles, merci! » de la générosité du clergé et des membres des oeuvres ». Un portrait de Pétain est placé dans chaque classe en témoignage de loyalisme envers le chef de l’Etat. Ce culte se trouve amplifié par « les épiceries villageoises et les librairies citadines [qui] offrent également aux enfants des buvards, porte-plume, plumiers ou encriers à l’effigie du chef de l’Etat ».
L’adhésion du clergé vendéen au nouveau régime est entière, il se complète par une vénération du Maréchal en fin d’année 1940. Cette adhésion vient aussi de la traditionnelle soumission au pouvoir établi, soumission d’autant plus aisée que l’Etat manifeste d’excellente disposition vis-à-vis de l’Eglise, rompant avec la défiance laïque. Le nouveau gouvernement qui s’installe bénéficie de l’assentiment international puisque toutes les grandes puissances, à l’exception de l’Angleterre, sont représentées près de lui.

UNE EGLISE DE VENDEE PETAINISTE

Dès qu’il prenne connaissance des grandes lignes de la Révolution nationale que le chef de l’Etat propose aux français, le cardinal Gerlier proclame au congrès de la Ligue ouvrière chrétienne « Travail, Famille, Patrie, ces trois mots sont les nôtres ». Pétain n’a fait que reprendre des projets de la doctrine sociale de l’Eglise fondée sur la famille, le métier et la nation. Il faut applaudir la conversion de l’Etat à la doctrine sociale de l’Eglise. Ces mots « lourd de promesse », à la base du programme de redressement étaient contenus dans le programme des oeuvres. Le pouvoir religieux et le pouvoir civil se préparent à entretenir de meilleurs rapports.
Dès le début de l’année 1941, le préfet Jamet parle de l’aide précieuse de Massé qui « ne manque jamais d’indiquer aux fidèles qu’ils doivent écouter religieusement le Chef de l’Etat dans les heures difficiles que nous traversons ». Ce soutien est signalé à l’occasion de l’annonce de la nomination de Cazaux. Le préfet précise que Massé a toujours apporté un soutien loyal et sans faille à l’oeuvre de Rénovation nationale.
La chaleur de l’adhésion tient moins à la fonction d’autorité qu’à l’appartenance à une génération formée au temps de l’anticléricalisme, puis passée par l’épreuve de la Grande guerre. Le clergé maréchaliste est celui passé par cette double expérience séparation et tranchées. Cazaux qui prend possession du siège épiscopal appartient à cette génération. La présence des principales autorités civiles du département lors de son entrée à Luçon le 30 décembre 1941 scelle cette entente. Cazaux applaudit à la présence de cette France officielle et à l’union entre l’Eglise et l’Etat. Le 18 janvier 1942, répondant à l’invitation du préfet, l’Hôtel de préfecture est rebaptisé « la maison du Maréchal », traduisant une véritable rupture et la volonté d’inaugurer de nouvelles relations marquées par un « esprit de collaboration mutuelle entre la France spirituelle et la France officielle ». Il complète son propos le 3 mars 1942 en affirmant que cette collaboration produit un heureux effet « pour le bien de nos populations et pour le succès de la propagande sociale du Maréchal et de son gouvernement ».
L’arrivée de Cazaux est l’occasion pour les acteurs de la société vendéenne de reconstruire une nouvelle géographie née de la défaite dans un rapport exclusivement français, catholique et pétainiste. Jusqu’en décembre 1942, la Semaine catholique du diocèse de Luçon présente des images qui s’inscrivent « dans la seule réalité de la mémoire et de la fidélité à Pétain ». Le parcours à travers le diocèse de Cazaux, après son intronisation, pour se faire connaitre dans les principales cures devient le parcours d’un nouveau propagandiste. Aux Herbiers, le 23 février 1942, il conclut sa visite par : « Notre salut est en nous, dans notre union autour du chef temporel légitime, le Maréchal, autour du Christ sur le plan spirituel »209. A Saint Hilaire-des-Loges le 4 avril 1942, « Il parle du relèvement de notre pays dont les morceaux se raniment grâce à son véritable chef ». Cette appréciation renouvelée à plusieurs reprises conduit le préfet à parler de l’implication débordante du clergé à l’application constante des principes de la Révolution nationale sous la « haute direction » de Cazaux. Le clergé vendéen joue la carte de la convergence morale et spirituelle et l’image de la « courroie de transmission idéologique »212 peut être retenue jusqu’en 1942, date à laquelle il existe incontestablement une prise de distance dans les relations entre les autorités civiles et religieuses. En effet, les rapports du préfet à partir de 1943 ne mentionnent plus ces relations privilégiées qui sont devenus extrêmement rares.
Cette distanciation n’empêche pas une prise de position personnelle de Cazaux lors de l’Occupation complète de la France en 1942 qui n’entend pas reconsidérer son soutien à Pétain « Le chef prestigieux […] ne nous a jamais paru aussi grand depuis qu’il est, avec le pays qu’il incarne plus gravement touché par le malheur ». L’évolution de cette fidélité maintenue cache une certaine nostalgie de l’élan initial derrière Pétain. Fin 1942, « on ne retrouve pas dans les recommandations de Cazaux , les slogans de la propagande gouvernementale ». Le 1 décembre 1942, Cazaux rend hommage à Pétain, il parle de « l’humiliation sans précédent que représente la tutelle étrangère de l’ensemble du territoire », puis ses déclarations se signalent par l’absence de référence à Pétain. En effet, ses interventions ne rejoignent le discours pétainiste que pour soutenir sa défense d’un certain « ordre moral ».

DES PRINCIPES PARTAGES AVEC LE NOUVEAU REGIME

Lorsque Pétain s’est déclaré disposer à étudier favorablement les demandes de l’Eglise pour aider au redressement national, L’Eglise envoie ses premières demandes qui concernent les Congrégations et l’école.

les Congrégations

Le 3 septembre 1940, Raphaël Alibert, garde des sceaux lève l’interdiction d’enseigner par les membres des Congrégations. Après 36 ans de sécularisation, les enseignants ont reparu avec l’habit religieux. « Le 27 octobre 1940, les institutrices sécularisées de l’école chrétienne de filles des Lucs paraissent avec leurs habits religieux. La directrice Mlle Marie Chiron redevient comme au jour de son entrée dans la Congrégation de Mormaison Marie-Louise de Jésus ». La justice est enfin rendue envers ceux qui « ont sauvé l’enseignement libre de Vendée et grandement contribué à son développement ». Le Bulletin paroissial des Lucs-sur-Boulogne du 8 septembre se réjouit que des catholiques ne soient plus traités en « parias » et celui de la paroisse Notre-Dame-du-Bon-Port des Sables d’Olonne du 8 septembre 1940 en « citoyens de seconde zone ». Les congrégations enseignantes retrouvent enfin un fonctionnement normal, le clergé diocésain salue ce « geste de concorde et d’apaisement ».

L’école

C’est l’autre dossier majeur où les demandes au gouvernement sont les plus pressantes. L’interlocuteur de l’épiscopat est alors Jacques Chevalier, responsable de l’Instruction publique qui fait paraitre dès septembre 1940, une série de lois et de décrets. La loi du 15 octobre 1940 donne aux enfants des écoles privées le droit d’être secouru par la caisse des écoles. Le 6 décembre 1940 les instituteurs doivent enseigner « les devoirs envers Dieu, une loi du 6 janvier 1941 permet au commune d’accorder des subventions aux écoles privées, et une autre introduit dans l’horaire scolaire, l’enseignement religieux en option et enfin celle du 22 février 1941 permet aux enfants de l’enseignement libre de bénéficier des bourses nationales. Si ces mesures satisfont le clergé vendéen, elles ne donnent pas lieu à beaucoup de commentaires, la Semaine catholique du diocèse de Luçon se borne à rappeler ces textes sans commentaires particuliers comme d’ailleurs les différents bulletins paroissiaux, l’augmentation des crédits alloués aux caisses des écoles est signalée. Le curé de la paroisse de Notre-Dame-du-Bon-Port des Sables d’Olonne se félicite que « les maîtres de la France officielle deviennent simplement raisonnables »en introduisant Dieu à l’école publique. Jérome Carcopino qui remplace Jacques Chevalier fait adopter la loi du 10 mars 1941 qui précise que l’instruction religieuse doit être donnée en dehors des édifices scolaires et à titre facultatif. Les instituteurs ne doivent plus parler de Dieu mais des valeurs spirituelles225. Le prêtre n’a donc pu enseigner que deux mois dans les écoles publiques. Cette évolution n’a pas donné lieu à des réactions d’opposition dans la presse religieuse.
Mais ces premières décisions apportent un certain soulagement, les responsables diocésains sont enfin reconnus et aidés. La caisse des Ecoles privées ou publiques « n’a aucune conséquence concrète immédiate. Dans de nombreuses communes, la caisse ne servira jamais»226. L’important encore une fois, c’est que public et privé soient sur un même pied d’égalité. L‘attitude des pouvoirs publics a changé. Le préfet intervient auprès du maire de Sainte-Radegonde-des-Noyers, suite à la réclamation du 27 octobre 1941 du Directeur de l’école privée auprès de Tainguy, député de la Vendée, qui demande la création de la caisse des écoles. C’est également le curé de Sérigné qui demande au sous-préfet de Fontenay-le-Comte d’intervenir auprès du maire pour qu’il respecte la règlementation sur la gestion de la caisse des écoles.
Il reste la question des subventions à l’enseignement privé. La loi du 6 janvier 1941, permettant aux communes d’aider les établissements d’enseignement privé n’est pas jugée suffisante. Les négociations avec l’Etat sont difficiles mais aboutissent finalement à la loi du 2 novembre 1941. Cette loi renferme la promesse de subsides à partir de 1942. La Semaine catholique du diocèse de Luçon du 27 décembre 1941 exprime sa reconnaissance au Maréchal d’avoir édicté une loi qui constitue la première mesure importante prise en faveur de l’Enseignement libre. En mars 1942, les dossiers de demandes d’aides sont déposés à la Préfecture par l’évêque. Le « fonctionnement des établissements Ŕ entretien, équipements et salaire des enseignants – profite largement des subventions »dont les premières aides sont versées en mars 1942. La commission consultative du 13 mai 1942, chargée d’examiner les premières demandes de subvention s’est déroulée dans un « esprit d’ouverture, [] 15 à 20 dossiers sur 240 sont ajournés ». La subvention aux écoles privées est maintenue à titre provisoire par le Ministre de l’Education nationale le 13 novembre 1944.
La politique du régime de Vichy a présenté pour le clergé des aspects extrêmement séduisants. Elle s’inspire de la volonté de redressement intellectuel et moral voulue par Pétain qui « désire voir se développer en France, aux côtés d’une école publique assainie et fortifiée, un enseignement libre et protégé ».

LE CLERGE ET L’OCCUPANT

Après avoir évoqué les relations de l’Eglise vendéenne avec les autorités civiles, il nous faut évoquer ses relations avec les autorités allemandes qui occupent le département.
Les relations de l’évêque avec l’Occupant sont pratiquement inexistantes. Le clergé vendéen n’a pas collaboré avec les autorités allemandes. Gardant en mémoire le souvenir de la guerre précédente, l’Allemand reste l’ennemi et toute la population attend son départ, Cazaux déclare à l’Aiguillon-sur-Mer : « quand ils seront partis, eux les autres, vous comprenez ce que je veux dire… ». Il recommande la plus extrême prudence dans les relations avec les autorités d’Occupation, il parle même de « silence »pour qualifier ces relations, Il ne faut surtout pas s’afficher avec les troupes d’occupation, la mission de l’Eglise n’est pas de se faire le champion d’une politique. Elle est « d’agir pour communiquer aux différentes paroisses l’âme chrétienne ». Il est facile de commettre une imprudence. Un mot colporté, déformé peut compromettre gravement le clergé et l’église. La discrétion et le calme sont indispensables dans cette période et deviennent la règle absolue.

L’EGLISE ET LA VIE SOCIALE

Dans les mentalités de cette époque, la pratique religieuse et le comportement moral vont de pair. Le prêtre est dans une certaine mesure le gardien de la moralité publique. Il s’agit de décrire les diverses formes prises par ces actions moralisatrices. D’autre part, face à l’Occupation et à la guerre, l’Eglise s’organise et renforce sa présence auprès des personnes touchées par la guerre. Mais, s’il existe un domaine particulier où l’Eglise s’efforce d’exercer son influence, c’est sans aucun doute celui de la jeunesse qu’elle ne veut en aucun cas abandonner à la mainmise des différents responsables de la jeunesse de Vichy.

PAROISSE ET COMMUNE

Dans la société catholique vendéenne, les liens entre la commune, entité civile et la paroisse, entité religieuse, sont étroits. Avec le régime de Vichy, l’Eglise poursuit son implantation globale dans la société. La participation des autorités civiles aux cérémonies religieuses et l’introduction du Christ dans les mairies témoignent de cette influence cléricale au sein des communes.
Le 12 octobre 1940, le conseil municipal de Luçon a décidé que l’ « image de Christ crucifié présiderait aux séances ». A Saint-Hilaire-de-Mortagne, fin janvier 1941, le maire entouré de son conseil municipal place le Christ à la place d’honneur dans la salle de la mairie. « Ce geste réparateur contribue au relèvement moral de la France » A Sainte-Flaive des-Loups, Cazaux préside la cérémonie d’introduction du Christ à la mairie. Il en fait un exemple quand il déclare « A la mairie, nos regards rencontreront les deux symboles qui doivent nous entraîner le Christ et le Maréchal, Dieu et la Patrie. Qu’on ne sépare jamais les deux, être français parce que chrétiens. Chrétiens parce que Français ». Ces interpénétrations entre les domaines laïc et religieux qui entretiennent la confusion entre paroisse et commune renforcent l’influence de l’église dans la population rurale vendéenne.

LA DEFENSE D’UN CERTAIN « ORDRE MORAL »

Compte tenu de cette influence, le clergé intervient dans le débat public dès lors que des actions sont contraires aux bonnes moeurs imposées par la religion. Ces interventions sont multiples et concernent aussi bien la défense des valeurs familiales que l’hygiène, en passant par l’aspect physique et les loisirs.

La famille, communauté primordiale

La famille est la cellule essentielle, elle est l’assise même de l’édifice social. La valeur familiale est mise en avant par l’Eglise à l’occasion de la Fête des Mères et remit à l’honneur avec le régime de Vichy. La restauration de la famille répond aux voeux de l’Eglise et la Fête des Mères du 25 mai 1941 est célébrée avec une ferveur particulière. L’Eglise a toujours défendu le rôle social de la famille et la présence des autorités civiles à cette cérémonie confirme son point de vue. Il s’agit de rappeler l’importance du rôle de la mère dans l’éducation des enfants. Les enfants participent à la messe solennelle. Les trois messes de la paroisse du Boupère du 25 mai 1941 sont célébrées pour les « mamans » de la paroisse et les enfants doivent participer à la quête en mettant 15 centimes prélevés sur leurs économies. En 1943, il n’y a pas de concours comme en 1942 mais une semaine d’actions morales sur le thème de la famille.
En parallèle à ces actions, la tragique dénatalité est mise en avant. 1 022 000 naissances en 1876 et seulement 518 000 en 1941. Il devient un devoir moral d’avoir des enfants et Pétain n’hésite pas à parrainer les enfants des familles nombreuses et l’évêque se déplace pour le baptême. Cette « rareté du sang français »exige une lutte contre les fléaux sociaux pour protéger la race.

Hygiène morale et sociale : alcoolisme, tuberculose

Le premier d’entre eux est pour le régime de Vichy l’alcoolisme « il était en train de détruire notre race » affirme Pétain. Vichy déclare la guerre à l’alcoolisme avec des mesures : interdiction de vendre des boissons spiritueuses aux jeunes de moins de vingt ans, fermeture par le préfet des cafés près des écoles et des camps de jeunesse. Cette propagande est relayée dans le département par le clergé. En janvier 1944, Cazaux lance une « croisade de sobriété ». L’alcoolisme est un ennemi destructeur. Sur 95 malades entrés entre le 1 octobre 1940 et le 1 octobre 1941 à l’asile d’aliénés de La Roche-sur-Yon, il y avait 55 alcooliques et la plupart était intoxiqué en ne buvant que du vin. Il est surtout mortel pour la famille car il introduit la violence, la désunion voire la destruction du foyer. Il demande que les mouvements catholiques s’impliquent dans cette croisade, la meilleure législation n’a aucun effet si les mentalités n’évoluent pas. La Direction diocésaine de l’Enseignement reprend à son compte cette croisade et donne quelques conseils. Les institutrices rencontrent les mères et les informent du mal qu’elles font à leur bébé en donnant du vin dès l’âge de 12 à 15 mois. « Des infirmes et des idiots, voila ce que préparent à l’école, les mères qui agissent ainsi ». Le clergé paroissial est aussi partie prenante. A l’occasion de la récolte de 1943 qui s’annonce « abondante et de bonne qualité », le curé du Boupére met en garde ses paroissiens contre les excès de boisson trop fréquents chez certains. Il persiste dans les semaines suivantes mais dans un autre registre « S’enivrer ou souler son voisin est un péché. Vos excès déplaisent à Dieu. Comment voulez vous dans ces conditions qu’Il exauce vos prières? ». Il conclut par « prenez au sérieux les avertissements de votre évêque » en reprenant la croisade diocésaine. Dans une synthèse du mois de novembre 1943, les renseignements généraux attribuent la diminution de l’alcoolisme plutôt au rationnement du vin, à son prix excessif et à la disparition partielle de l’alcool pur qu’aux lois contre l’alcoolisme.

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Table des matières

INTRODUCTION
1-HISTORIOGRAPHIE ET QUESTIONNEMENT
11-Une histoire des années noires de l’occupation
111-Une histoire de l’Occupation
1111-Une histoire naissante qui donne une vision rassurante
1112-Une production de plus en plus politique sur la véritable nature du régime de Vichy
112-Un glissement des champs d’études à travers la société française sous l’Occupation
1121-Une description de la société qui émerge au niveau national
1122-Cette description se prolonge en Vendée
113-Un nouveau départ historiographique sur le régime de Vichy
12-Une histoire de l’Eglise
121-Une histoire religieuse ancienne
122-Des facteurs de renouveau qui permettent son intégration complète comme champ historique
1221-Un facteur sociologique
1222-Des facteurs évènementiels
123-De nouveaux jalons émergent : l’Eglise catholique et la Seconde Guerre mondiale
124-La conquête territoriale : l’appropriation de l’espace local
13-Problématique
131-Les questions posées
132-Une proposition
1321-Une problématique possible
1322-Des axes de réflexion
13221-L’Eglise comme société religieuse
13222-L’Eglise dans la société
13223-La religion vécue dans la société vendéenne
2-SOURCES
21-Les sources religieuses
211-Des fonds intéressants
212-Les sources diocésaines
213-Les sources paroissiales
22-Les sources administratives départementales
221-Des fonds d’archives diversifiés
222-La presse
3-L’EGLISE : UNE SOCIETE A PART ENTIERE
31-L’Eglise de Vendée
311-Le diocèse de Luçon
3111-Son organisation territoriale
3112-Sa structure administrative
3113-L’évêque
31131-Un nouvel évêque : Monseigneur Cazaux
31132-La génération de l’épiscopat français ancien combattant
3114- Le clergé vendéen
3115-Les institutions les plus significatives
31151-Les oeuvres et la Maison des OEuvres
31522-Les séminaires
31153-Les écoles
312- Des interventions multiples qui dépassent le cadre de la sphère religieuse
3121-Des lignes directrices pour la société vendéenne
3122-Des consignes religieuses
3123-Des consignes aux fidèles
3124-Le rôle majeur du clergé local
313-Des moyens d’informations qui pénètrent dans la société
3131-Des outils de communication diocésains
3132-Des outils de communication paroissiaux
32-L’Eglise et l’Etat
321-L’Eglise et la guerre
3211-La déclaration de guerre
3212-Un soutien ne se dément pas pendant la « drôle de guerre »
3213-Le curé « sac au dos »
3214-La défaite
322-L’Eglise sous le régime de Vichy : une proximité
3221-« Mea culpa »sur la poitrine des autres
3222-L’adhésion et la vénération du maréchal
3223-Une Eglise de Vendée pétainiste
3224-Des principes partagés avec le nouveau régime
32241-Les congrégations
32242-L’école
3225-Le clergé et l’occupant
323-L’Eglise et la vie sociale
3231-Paroisse et commune
3232-La défense d’un certain « ordre moral »
32321-La famille, communauté primordiale
32322-Hygiène morale et sociale : alcoolisme, tuberculose
3233-Une Eglise présente sur le terrain
32331-L’aide aux personnes touchées par la guerre
3234-L’Eglise et la jeunesse
32341-Les écoliers
32342-Les patronages
33-L’Eglise confrontée aux réalités de l’évènement
331-La Résistance et le clergé
3311-Les raisons d’une résistance : par idéologie, en bon français
3312-Des clercs dans les réseaux. Un exemple : l’abbé Arnaud
3313-Les aumôniers
3314-Des clercs cachés
332-L’Eglise aux secours des personnes persécutées par les nazis
3321-Les prêtres
3322-Le STO
3323-Résistance chrétienne et persécution religieuse
Un exemple : l’abbé Giraudet
333-la Libération
3331-Une présence incontournable de l’Eglise.
3332-Un clergé sollicite
3333-Les regrets affichés
3334-Une épuration inexistante
4-LA VENDEE : « UNE SOCIETE CATHOLIQUE A L’EPREUVE DE LA GUERRE »
41-La société vendéenne dans la République
411-Un département rural
412-Une société dominée par des notables
413-La stabilité du corps électoral
42-Les Vendéens dans la guerre
421-La mobilisation
422-De la «drôle de guerre» à la débâcle
423-La loi du vainqueur pendant quatre ans
424-Le soulagement et le soutien au Maréchal
4241-Le nouveau régime
4242- « Un régime à la convenance de l’élite vendéenne »
42421-Les structures nationales
42422-Les structures départementales
42423-Les structures municipales
4243-La société civile vendéenne se rallie à Vichy
4244-L’adhésion de la population
43-Les premières réactions
431-La collaboration d’Etat ne passe pas dans la société vendéenne
432-Un environnement de plus en plus pesant
433-Des réactions diffuses dans la population
4331-Des sabotages
4332-Une hostilité affichée
4333-La résistance sort de l’ombre
44-La rupture à la fin de l’année 1942
441-Un environnement militaire en profonde évolution
442- Des changements sur le plan intérieur
4421-Pétain « vénération et distance critique »
4422-Le refus de la collaboration
443-Le rejet de l’occupant
45-La mobilisation se développe à partir de 1943
451-Une résistance a l’idéologie qui s’amplifie
4511- Les Vendéens et les Juifs
45111-Les persécutions
45112-Des différents mouvements de solidarité
4512-Les réfractaires au STO
452-La Résistance s’organise et intensifie ses actions
46-Vers la Libération
461-« Subir »
462- « Oublier Vichy »
463-« 1944 : le rêve d’une transition pacifique, le cauchemar de la guerre civile »
5-LA RELIGION VECUE
51-Les pratiques religieuses traditionnelles
511- Un acte traditionnel : le baptême
512-Les actes réguliers
5121-Les enquêtes
5122-La vie sacramentaire perçue dans les différentes zones cultuelles
5123-Une approche particulière avec la fête de Pâques
5124-Les raisons possibles d’une baisse sensible des pratiques religieuses
5125-La vie sacramentaire perçue par sexe
5126-La vie sacramentaire perçue par groupes sociaux
51261-Cas particuliers : la pratique religieuse des marins
52-La religion populaire : une grande diversité
521-Des cérémonies dans l’église paroissiale à l’heure de la guerre
522-Des cérémonies dans l’espace public à l’heure de la guerre
5221-Le cas particulier des écoles
5222-Un autre aspect : la fête de la mer aux Sables d’Olonne
5223-Les saints locaux
52231-Les grottes de Lourdes
52232-Notre-Dame-de-Bourgenay
523-La piété mariale
5231-Le contexte particulier en 1943
5232-L’année mariale en Vendée 1943
5233-La piété populaire avec Notre-Dame-de-Boulogne
524-L’Eglise poursuit son développement
5241-Une nouvelle paroisse
5242-Des vocations sacerdotales qui se confirment
53-OEuvres et mouvements : l’apostolat des laïcs
531- La situation des différents mouvements avant la guerre
532-La naissance des différents mouvements spécialisés d’Action catholique
5321-La JAC
5322-La JOC
5323-Les autres mouvements d’action catholique spécialisés
533-Les mouvements spécialisés confrontés à la guerre
534- La vitalité des mouvements spécialités pendant l’Occupation
535-Les raisons de ce développement
5351-Un pilotage voulu au plus haut niveau
5352-Un soutien incontournable : celui de l’évêque
5353-Une demande de la société vendéenne
5354-L’« honneur d’être chrétien »
536-Les freins au développement des mouvements spécialisés
537-Des mouvements dynamiques à la Libération
CONCLUSION
TABLEAUX
ANNEXES
SOURCES
SOMMAIRE

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