La relation entre le style parental et les pratiques parentales
La parentalité
La parentalité implique une multitude d’ingrédients et joue un rôle fondamental dans le développement de l’enfant. Elle est, entre autres, associée à divers impacts relatifs aux compétences sociales et cognitives (Lambourn, Mounts, Steinberg, & Dombusch, 1991).
L’intérêt qu’elle suscite dans le monde de la recherche permet une certaine conscientisation quant aux conduites parentales à adopter pour favoriser le bien-être de l’enfant. Devant l’abondance des données, Fletcher, Walls, Cook, Madison et Bridges (2008) soulignent l’importance de différencier certains aspects de la parentalité. Suivant leurs traces, nous définissons d’abord les dimensions de la parentalité, puis nous établissons la relation entre le style parental et les pratiques parentales. Enfin, nous détaillons l’univers du style parental.
Les dimensions de la parentalité
La parentalité comporte plusieurs dimensions qUI varient d’une étude à l’autre.Prinzie et al. (2009) constatent d’ailleurs qu’il n’y a aucun consensus sur une déflnition de la parentalité. Ils précisent toutefois que malgré l’absence d’une théorie cohésive nous permettant de comprendre l’influence parentale, il existe une uniformité chez les spécialistes contemporains du développement de l’enfant dans leur manière de caractériser les aspects adéquats (versus inadéquats) de la parentalité qui facilitent la croissance chez l’enfant. Trois dimensions de la parentalité semblent faire l’unanimité auprès des chercheurs, soit la sensibilité (versus le rejet), le contrôle (versus le chaos) et l’autonomie psychologique (versus le contrôle psychologique). Ces dernières dimensions peuvent être utilisées pour organiser une grande partie de la variation des mesures de la parentalité (Skinner, Johnson, & Snyder, 2005). Elles sont évidentes dans les études avec observations, questionnaires et méthodes d’entrevues. Elles sont aussi présentes dans diverses évaluations qui examinent la parentalité et ce, de l’âge préscolaire jusqu’à la fln de l’adolescence (prinzie et al., 2009).
La sensibilité parentale et le contrôle parental. La compréhension relative aux dimensions « sensibilité parentale » (chaleur ou soutien) et « contrôle parental » (contrôle comportemental) a évolué au fIl des décennies et divers termes leur ont été attribués (pour une revue historique, voir Grolnick, 2003; Maccoby & Martin, 1983; Skinner et al., 2005). Ces dimensions importantes de la parentalité sont associées au développement prosocial et moral chez l’enfant (Barber, Stolz, & Olsen, 2005; Baurnrind, 1991; Maccoby & Martin, 1983). Les chercheurs constatent aussi divers impacts positifs liés au tempérament, à la personnalité, aux compétences sociales et cognitives et à l’adaptation (Roskam & Meunier, 2009).
Plus spécifiquement, la dimension « sensibilité parentale » (responsiveness) se définit comme étant « la propension du parent à favoriser intentionnellement l’individualité, l’autorégulation et l’affirmation de soi en étant adapté, soutenant et consentant face aux exigences et besoins spéciaux de l’enfant. » [traduction libre] (Baurnrind, 1991, p.62).
Cette dimension est une composante essentielle du développement positif chez l’enfant (Bugental & Grusec, 2006; Coplan, Hastings, Lagace-Seguin, & Moulton, 2002). Sa présence est aussi primordiale dans le développement de l’attachement sécurisé (van IJzendoorn & Bakermans-Kranenburg, 2004 cités dans Paulussen-Hoogeboom et al., 2008). L’enfant qui bénéficie de la présence d’un parent chaleureux a tendance à présenter un niveau faible de détresse psychologique, de retrait social et de symptômes somatiques. Il démontre en outre moins d’agressivité et de comportements délinquants (pettit, Bates, & Dodge, 1997). Un manque de sensibilité parentale peut, quant à lui,favoriser l’apparition de problèmes comportementaux (Rothbaum & Weisz, 1994).
Concernant la dimension « contrôle parental » (demandingness), elle renvoie « aux exigences parentales à l’égard de l’enfant pour l’intégrer à part entière au sein de la famille par l’entremise de demandes de maturité, de surveillance, d’efforts disciplinaires et de dévouement pour lui tenir tête lorsqu’il désobéit. » [traduction libre] (Baurnrind, 1991, pp.61-62). Certaines études démontrent que l’adolescent qui bénéficie d’un contrôle parental ferme a tendance à présenter un faible niveau d’agressivité (Mazefsky & Farrell, 2005) et de problèmes de comportement extériorisés (Galambos, Barker, & Almeida, 2003). Enfm, le manque de contrôle parental équivaut à une stratégie négative
selon plusieurs spécialistes du développement (Prinzie et al., 2009).
L’autonomie psychologique. La dimension « autonomie psychologique » a évolué avec la diversité des études et présente une terminologie variée (pour une revue historique, voir Barber, 1996; Grolnick, 2003; Skinner et al., 2005). Certains chercheurs se concentrent plus spécifiquement sur la dimension « contrôle psychologique » (Barber, 1992; Barber, 1996; Barber, Olsen, & Shagle, 1994), alors que Steinberg, Elmen et Mounts (1989) démontrent que la dimension « autonomie psychologique » caractérise le style parental démocratique (voir la section Les quatre principaux styles parentaux et leurs impacts sur le bien-être de l’enfant).
L’autonomie psychologique est la capacité du parent à encourager l’enfant à explorer, à découvrir et à exprimer son point de vue, ses préférences et ses buts. Il favorise en outre sa capacité à résoudre des problèmes (Barber, 1996; Prinzie et al., 2009; Skinner et al., 2005). Cette dimension contribue par ailleurs au développement moral de l’enfant par l’intériorisation des règles (Grusec, Goodnow, & Kuczynski, 2000; Kochanska, 2002). À cet égard, Maccoby (1992) affirme que ce type de soutien parental privilégie le rappel des règles, le raisonnement et qu’il encourage l’adoption de comportements alternatifs appropriés. D’autre part, le parent conscientise l’enfant quant aux conséquences de son comportement sur autrui. En revanche, le contrôle psychologique (coercition) se rapporte à des attitudes parentales intrusives, à une forte affirmation de pouvoir ou à un excès de contrôle devant l’enfant (Barber, 1996; Prinzie et al., 2009; Skinner et al., 2005). Rothbaum et Weisz (1994) indiquent que ce type de contrôle est lié aux problèmes de comportement extériorisés chez l’enfant.
La relation entre le style parental et les pratiques parentales
La documentation empirique fait ressortir trois concepts de la parentalité qUI influencent le développement de l’enfant. Il s’agit des valeurs ou des buts parentaux, des pratiques parentales et des attitudes parentales mis de l’avant pour socialiser l’enfant (Darling & Steinberg, 1993). En s’appuyant sur ces derniers concepts, Darling et Steinberg (1993) élaborent un modèle de la parentalité qui se divise en deux catégories, soit le style parental et les pratiques parentales. La relation entre ces deux catégories est complexe puisque le parent exprime son style parental (voir la section Le style parental) à travers ses pratiques parentales qui ont pour objectif l’atteinte d’un but spécifique sur le plan de la socialisation. Cette dernière visée peut s’accomplir dans différents secteurs de la vie de l’enfant (p. ex., réussite scolaire, autonomie, coopération). Le parent peut,
entre autres, s’impliquer sur le plan scolaire pour soutenir l’enfant au plan académique ou pour favoriser son estime de soi. Il peut aussi démontrer de l’intérêt pour ses activités sportives ou pour ses relations avec ses amis. Les stratégies disciplinaires telles que les punitions physiques (p. ex., la fessée), le retrait de privilèges ou crier contre l’enfant font également partie du répertoire des pratiques parentales (Darling & Steinberg, 1993; Fletcher et al., 2008).
Le style parental
La définition du style parental. Le style parental est défini comme « une constellation d’attitudes qui sont communiquées à l’enfant et qui créent un climat émotif à travers lequel les comportements parentaux sont exprimés. » [traduction libre] (Darling & Steinberg, 1993, p.493). Il implique non seulement des pratiques parentales, mais aussi d’autres aspects de la relation parent-enfant qui communiquent une attitude émotive et ce, sans qu’aucun objectif parental ne soit vraiment ciblé. En ce sens, le langage corporel, la tonalité de la voix, l’inattention ou les changements d’humeur du
parent peuvent faire office d’illustrations (Darling & Steinberg, 1993).
Les dimensions du style parental. Les dimensions du style parental se rapportent aux dimensions de la parentalité que nous avons déjà abordées, soit la «sensibilité parentale », le « contrôle parental» et « l’autonomie psychologique» (Grolnick, 2003; Grolnick & Ryan, 1989). Ces dernières dimensions peuvent non seulement être étudiées dans un contexte individuel, mais également dans un contexte typologique ou stylistique qui implique alors une diversité de combinaisons de styles parentaux. Fletcher et al. (2008) soulignent les avantages de ces deux types de contexte. Elles précisent d’une part que l’examen individuel des dimensions du style parental permet de tirer profit de la gamme complète des réponses représentées par la mesure continue. Elles mentionnent
d’autre part que l’approche stylistique permet, quant à elle, d’identifier les impacts de chaque combinaison dimensionnelle sur le bien-être de l’enfant.
La typologie du style parental.
Diana Baurnrind (1967) s’est intéressée aux liens existants entre les diverses conduites parentales et le développement social et émotionnel des enfants d’âge préscolaire. Elle est reconnue comme étant la pionnière dans le domaine des styles parentaux. C’est en utilisant les dimensions « contrôle » (demandingness) et « sensibilité » (responsiveness) qu’elle élabore sa typologie
comprenant trois styles parentaux, soit le style démocratique (authoritative), le style autoritaire (authoritarian) et le style permissif (permissive). Le style permissif est ensuite scindé en deux catégories par Maccoby et Martin (1983). Le terme « style permissif » est alors préservé, mais un nouveau terme fait son apparition. Il s’agit du « style désengagé » (neglecting, indifferent) (Baurnrind, 1991 ; Lambom et al., 1991; Maccoby & Martin, 1983). Maccoby et Martin (1983) proposent ainsi une typologie donnant accès à quatre styles parentaux – démocratique, autoritaire, permissif, désengagé – en conservant l’interaction des dimensions « contrôle » et « sensibilité » utilisées par Baurnrind. Même si ces typologies parentales se sont développées à partir de données basées sur de jeunes enfants, Lambom et al. (1991) soulignent l’obtention de résultats
similaires entre le style parental et les impacts développementaux chez les adolescents.
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Table des matières
Sommaire
Remerciements
Introduction
Contexte théorique
La parentalité
Les dimensions de la parentalité
La sensibilité parentale et le contrôle parental
L’autonomie psychologique
La relation entre le style parental et les pratiques parentales
Le style parental
La définition du style parental
Les dimensions du style parental
La typologie du style parentaL
Les quatre principaux styles parentaux et leurs impacts sur le bien-être de l’enfant
Les autres styles parentaux à découvrir
Le style parental à privilégier pour le bien-être de l’enfant et de l’adolescent
Les mesures des dimensions du style parental et des styles parentaux
L’avenir du style parental
La personnalité parentale
Le Big Five ou le Modèle des Cinq Facteurs (MCF)
La mesure de personnalité liée à la parentalité
La mesure de personnalité liée aux styles parentaux
Les cinq facteurs de personnalité et leurs impacts sur la parentalité
Le profil de personnalité parentale associé au bien-être de l’enfant
Le style parental et la personnalité parentale
Les mécanismes de liaison entre le style parental et la personnalité parentale
Les mesures individuelles des dimensions du style parental en lien avec la personnalité parentale
Les mesures de la typologie du style parental en lien avec la personnalité parentale
Les liens directs entre le style parental et la personnalité parentale
Metsapelto et Pulkkinen (2003)
Huver, Otten, de Vries et Engels (2010)
Les modérateurs du cadre relationnel du style parental et de la personnalité parentale
Le style parental et la personnalité parentale comme agents modérateurs
L’influence génétique liée aux relations entre la parentalité et la personnalité
La singularité de l’étude
Les innovations liées aux participants
Les innovations liées à la mesure du style parental
Les innovations liées à la mesure de la personnalité parentale
L’Inventaire psychologique de Californie révisé (CPI-R)
Les motivations sous-jacentes au choix du CPI-R
La question de recherche et les hypothèses sous-jacentes
Méthode
Les participants
Les instruments de mesure
Mesure du style parental
Description de l’activité graphique du zoo et de la ferme de Lemaire
Description de la codification des interactions
Mesure de la personnalité parentale
Déroulement général de l’expérimentation
Résultats Les corrélations
Les tableaux croisés
Les analyses d’agglomération (clusters) utilisant la Distance complète
Discussion
Mise en lien des résultats de l’étude avec les données contemporaines
Analyse des influences probables liées aux résultats
L’absence de variance liée aux dimensions chaleur et contrôle du style parental
Le faible niveau de contrôle parentaL
Le niveau élevé de chaleur parentale
L’adéquation des choix relatifs aux cinq traits de personnalité du CPI-R
Analyse des impacts de la recherche pour la communauté scientifique
Évaluation des forces et des faiblesses de notre étude
Conclusion
Références
Appendice A. L’activité graphique du zoo et de la ferme de Lemaire
Appendice B. Échelle globale des niveaux de chaleur et de froideur
Appendice C. Établissement de limites (contrôle)
Appendice D. Structure assurée par le parent (autonomie psychologique)
Appendice E. Arbre hiérarchique pour les mères (Figure 1)
Appendice F. Arbre hiérarchique pour les pères (Figure 2)
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