La relation entre autorité politique et ASC
La politique de la jeunesse, exemple d’une répartition subsidiaire des tâches politiques
Comme de nombreuses politiques publiques, celle dédiée à la jeunesse répond à différentes dispositions constitutionnelles précises. En effet, l’article 11 de la Constitution fédérale prône la protection, l’encouragement et la participation des jeunes au sein des cantons ; de plus, son article 67 charge les cantons d’être attentifs aux besoins des enfants et de la jeunesse et d’y répondre au mieux. « Dans son message relatif à la LEEJ2, le Conseil fédéral souligne qu’il est nécessaire de garantir un accès sans discrimination à l’éducation et à la formation pour tous les jeunes qualifiés et d’offrir aux jeunes défavorisés les mêmes chances qu’aux autres »(sociales, 2014, p. 5). Ces deux dispositions constitutionnelles révèlent trois axes importants : la protection, l’encouragement ou la promotion et la participation.
Concernant l’axe de l’encouragement prôné dans l’article 11 de la Constitution, la répartition des tâches entre la confédération, les cantons et les communes s’organise de manière subsidiaire. Le fédéralisme corporatif consiste à déléguer certaines tâches juridico-administratives à l’échelle cantonale, puis à l’échelle des communes (social.info, 2002). Pratiqué en Suisse, il incite les cantons à collaborer entre eux et à l’État fédéral d’en faire de même avec ceux-ci.
De la lutte des parties à la gestion de la Cité, qu’est-ce que la politique ?
Le sociologue Jean-Claude Gillet définit l’institution politique comme : « l’ensemble juridique et administratif organisant l’ordre public dans une société et l’institution économique impliquant la production, la distribution, l’échange et la consommation »(GILLET, 2005, p. 65). Cette définition met l’accent sur l’aspect juridique et administratif, présentant la politique comme le garant de cet ordre. Dans la définition de Gillet, la politique est chargée d’étudier, de repenser et de réfléchir aux lois régissant un territoire donné, en soumettant initiatives et autres postulats aux citoyens disposant du droit de vote, sensibles aux enjeux politiques.
Sur le plan administratif, la politique chapeaute l’ensemble des services publics présents sur un territoire donné, par exemple celui des sports, de la jeunesse et des loisirs. Il s’agit de déléguer le travail de gestion, en fonction des services compétents pour la réalisation d’un ou plusieurs objectif(s) politique(s).
Au-delà de l’aspect juridico-administratif souligné par Gillet, le terme de politique peut être compris, selon Monceau (MONCEAU, 2013), sous l’angle du « jeu politique » qui renvoie à la lutte partisane pour accéder au pouvoir et « organiser la Cité ».
Les critères expliquant les décalages entre la décision et sa mise en œuvre
La mise en œuvre « correspond à toutes les étapes post parlementaire d’une politique publique prise en charge par l’administration » (HASSENTEUFEL, 2009, p.85). Boussaguet, Jacquot et Ravinet, qui citent Padolieau (1982), la mise en œuvre est présentée comme « un processus au sein duquel se succède une série d’actions sociales mettant en jeu des ensembles d’acteurs plus ou moins organisés, qui Vincent Délèze BAC15 travail de Bachelor of Arts HES-SO in travail social Remis le 7 septembre 2018 occupent des positions hétérogènes et portent des intérêts et des ressources différents » (BOUSSAQUET L. , 2010, p. 344). Ces définitions soulèvent plusieurs constats liés au processus de mise en œuvre. Premièrement, si la décision est élaborée par les élus/représentants politiques, sa mise en œuvre passe par les acteurs administratifs et les agents de terrains comme les ASC. Les acteurs administratifs et les ASC sont donc plus concernés que les élus/représentants politiques, qui sont chargés de la mettre en place et de l’évaluer.
Deuxièmement, la plupart des auteurs de l’analyse des politiques publiques (BOUSSAQUET L. , 2010) relèvent qu’il existe un écart entre les décisions des élus concernant une politique publique et la mise en œuvre de ces décisions par les employés administratifs et les ASC. Dans son ouvrage, Hassenteufel(HASSENTEUFEL, 2009, p. 90) propose six facteurs pouvant expliquer cet écart. Néanmoins, ce travail n’en retiendra que trois car ils permettent de comprendre le rôle de l’ASC dans la mise en œuvre :
Les moyens de la mise en œuvre
Les structures organisationnelles de la mise en œuvre
Le comportement des acteurs chargés de la mise en œuvre
La relation entre acteurs, facteur influençant la mise en œuvre
Le deuxième facteur est celui des structures organisationnelles. Ce facteur fait référence aux relations entre les différents acteurs chargés de la mise en œuvre d’une politique publique (HASSENTEUFEL, 2009). Ils possèdent des origines professionnelles multiples et un niveau de formation différent engendrant diverses interprétations du public cible et de facto, la façon de mettre en œuvre une politique publique. Au sein de cette relation, des conflits entre professionnels peuvent avoir lieu. Ces différents horizons professionnels ne sont pas guidés par les mêmes valeurs et les fonctions occupées possèdent des intérêts prioritaires différents. Par exemple, le rôle d’un chef de service tendra davantage à garantir l’ordre financier et administratif tandis que l’ASC visera la création de projets construits avec les bénéficiaires.
Cette divergence entre les acteurs se manifeste également lors de l’interprétation des directives (BOUSSAQUET L. , 2010). En effet, les formations professionnelles étant multiples, le sens donné aux directives peut varier en fonction des domaines et de leurs intérêts. La rencontre de ces différentes interprétations peut générer des situations de conflit au sein de l’équipe professionnelle. Ce conflit se construit principalement autour du sens que les acteurs cherchent à donner à l’action. Ainsi, de véritables débats se créent entre le budget, les valeurs de l’institution et les rôles des différents acteurs.
La profession de l’animation socioculturelle
En Suisse romande, l’animation socioculturelle est introduite par les mouvements religieux, syndicaux et ceux de certains privés actifs dans le domaine de la jeunesse durant les années 50 (MOSER, MÜLLER, WETTSTEIN, & WILLENER, 2004). C’est en 1962 que l’État commence à manifester un intérêt pour la pratique de l’animation socioculturelle avec la création du service des loisirs à l’office de la jeunesse, la mise en place d’une formation en emploi pour les animateurs de jeunesse ainsi que l’ouverture de dix centres de loisirs (MOSER, MÜLLER, WETTSTEIN, & WILLENER,2004).
En 1968 s’est opéré un changement de paradigme : « On entendait ouvrir ces structures à tous et donner à chacun les moyens de gouverner sa propre existence » (MOSER, MÜLLER, WETTSTEIN, & WILLENER, 2004, p. 50). Cette idée s’inscrit dans une logique centrée sur les ressources et compétences personnelles de chaque individu en accordant la priorité aux activités culturelles et aux politiques de quartiers. Cette situation amena une mutation de l’animateur jeunesse en animateur socioculturel entraînant dans la foulée, le développement des cursus de formations à l’animation socioculturelle professionnels (MOSER, MÜLLER, WETTSTEIN, & WILLENER, 2004).
Aujourd’hui, l’animation socioculturelle représente l’un des trois secteurs principaux du travail social. En Suisse, les professionnels de l’animation peuvent se distinguer via deux niveaux de formation : le CFC6 d’assistant socio-éducatif et la formation HES-SO7 débouchant sur un titre de bachelor.
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Table des matières
1. Introduction
1.1 La question de recherche
1.2 Objectifs
2.Paysage de la politique jeunesse
2.1. La politique de la jeunesse, exemple d’une répartition subsidiaire des tâches politiques
2.2. Le canton du Valais
2.3. Les communes valaisannes
3. Cadre conceptuel
3.1.De la lutte des parties à la gestion de la Cité, qu’est-ce que la politique ?
3.2. La profession de l’animation socioculturelle
3.3. La relation entre autorité politique et ASC
3.4. Résumé du cadre théorique
4. Hypothèses et Dimensions : explications et argumentations
4.1. Les hypothèses
4.2. Les dimensions
4.3. Tableau synthétique
5. Méthodologie de l’enquête
5.1. Présentation et argumentation du terrain d’enquête sélectionné
5.2. Méthode de collecte de données
5.3. Présentation et argumentation de l’échantillon
5.4. Biais méthodologiques
5.5. L’éthique de la recherche
6. Analyse et interprétation des résultats
6.1. Le centre de loisir, outil de promotion de la politique jeunesse
6.2. Le métier de l’animation socioculturelle : Sens de l’action et représentations
6.3. Le type de management : engrenages d’une coopération dans la mise en œuvre de la politique jeunesse
7. Retour sur les hypothèses
8. Conclusion
9. Bibliographie
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