LA REHABILITATION DE LA METAPHYSIQUE COMME SCIENCE CHEZ HEGEL

DEFINITION ETYMOLOGIQUE DE LA METAPHYSIQE

   Comprendre le processus qui a poussé Hegel à entreprendre une réhabilitation de la métaphysique comme science, est l’objet de notre réflexion. Il serait donc important de voir comment le fait de s’intéresser à ce sujet, permettrait d’apporter des éléments nouveaux dans la compréhension que nous avons de la métaphysique avant l’avènement de Hegel et après lui. En effet, étymologiquement, le terme métaphysique vient de « méta ta phusica » qui signifie en grec : « ce qui est au-delà des choses naturelles », « au-delà des choses physiques ». Entendons par là ce qui se trouve hors de la portée des humains. La métaphysique donc se donne l’objectif de saisir et de comprendre les objets qui ne sont pas physiques, les objets qui ne sont pas de la nature, les objets qui ne sont saisissables que par la pensée. Elle se fait un chemin ouvert par les différentes philosophies, qui ont creusé leurs chemins différents et divergents à partir de la même discipline interrogative qu’est la métaphysique. Une interrogation qui est à la fois inévitable et infinie dans ses perspectives et illimitée dans ses expressions. Cela sous-entend le fait que la métaphysique se présente toujours comme un chemin que chaque homme doit ouvrir devant soi, un chemin qui est en principe en rapport avec sa vie, que tout homme cherche toujours à comprendre et à saisir les causes et les effets de certains phénomènes. Kant écrit à ce propos : « La raison humaine a se destin particulier, dans un genre de ses connaissances, qu’elle se trouve accablée par des questions qu’elle ne peut écarter –car elles lui sont proposées par la nature de la raison elle-même –, mais auxquelles elle ne peut pas non plus apporter de réponse –car elles dépassent tout pouvoir de la raison humaine. » Ici, Kant ne fait pas que critiquer la métaphysique mais il en fait également une disposition naturelle de la raison dont tout homme a besoin dans sa vie. Elle est souvent constituée de questionnements que l’homme n’arrête jamais de se poser de façon naturelle dans la mesure où ces questions sont en rapports avec sa vie ou sa destinée. Elle cherche à comprendre les phénomènes de la vie humaine qui sont parfois insaisissables d’une manière concrète. Du fait de son caractère interrogatif, qu’elle partage avec la philosophie, la métaphysique peut être appelée philosophie dans la mesure où elle commence et recommence sans se fatiguer dans la stupéfaction et l’étonnement que suscitent le questionnement et la philosophie. Aristote écrit: « C’est en effet par l’étonnement que les humains maintenant aussi bien qu’au début, commencent à philosopher, d’abord en s’étonnant de ce qu’il y avait d’étrange dans les choses banales, puis, quand ils avançaient peu à peu dans cette voie, en s’interrogeant aussi sur des sujets plus importants par exemple sur les changements de la lune, sur ceux du soleil et des constellations et sur la naissance du Tout. » Aristote démontre dans ce passage que c’est à partir de l’étonnement que les hommes commencent à se demander sur l’existence de certaines choses et de certains événements. Cette activité de la raison qui est animée de savoir et d’envie de comprendre n’est rien d’autre que la philosophie. Cette dernière qu’on découvre la métaphysique qui se donne ce même désir de savoir par nature. D’ailleurs, Aristote lui-même considère la métaphysique même comme étant la philosophie mais une philosophie première qui est à la base de toute autre connaissance. Il écrit : « Il y a une science qui étudie l’être, en tant qu’être, et les propriétés qui appartiennent à cet être par soi. Cette science n’est identique à aucune de celles qu’on appelle partielles, car aucune des autres n’examine en totalité l’être, en tant qu’être, mais elles en découpent une partie et étudient à son sujet le coïncident par soi, comme font les sciences mathématiques. Or puisque nous cherchons les principes, c’est-à-dire les causes les plus hautes, à l’évidence il est nécessaire qu’ils relèvent de ce qui est une nature par soi. » Cette science qui étudie l’être, en tant qu’être dans sa totalité est la métaphysique. Elle est différente des sciences dites partielles comme les mathématiques car ces sciences n’étudient qu’une partie de l’être et non sa totalité. Du point de vue historique, nous pouvons affirmer que l’idée métaphysique a vu le jour dans les œuvres de certains philosophes comme Platon. Nous l’avons brossé dans notre introduction, que Platon même s’il n’a nulle part ailleurs mentionné le terme métaphysique dans ses dialogues, l’a développé dans sa théorie philosophique. En établissant l’existence de deux mondes divers, Platon englobe dans sa théorie une pensée métaphysique. En effet, pour Platon, le monde est scindé en deux domaines : le domaine sensible et le domaine intelligible. Le domaine sensible est considéré comme étant voué à la naissance, au changement et à la disparition. C’est en quelque sorte le domaine des illusions, là où règnent l’obscurité et l’ignorance. Le second est le domaine des essences et de la vérité. Les objets de ce domaine ne connaissent pas la naissance ni le changement ni la mort, ce sont les objets immuables et éternels. C’est ce second monde de Platon qui est en quelque sorte le générateur des objets du monde sensible. C’est à travers ce monde que nous arrivons à connaitre la vérité des choses. Il écrit dans la République VII : « Dans le monde intelligible l’idée du bien est perçue la dernière et avec peine, mais on ne le peut percevoir sans conclure qu’elle est la cause de tout ce qu’il y a de droit et de beau en toute chose ; qu’elle a, dans le monde visible, engendré la lumière et le souverain de la lumière, que dans le monde intelligible, c’est elle-même qui est souveraine et dispense la vérité et l’intelligence ; et qu’il faut la voir pour se conduire avec sagesse dans la vie privée et dans la vie publique. » Platon démontre l’importance et la supériorité de ce monde par rapport au monde sensible. C’est à partir de ce monde intelligible qu’il faut accéder à la connaissance des choses et leur vérité dans la mesure où l’idée du bien, qui n’est présente que dans le monde intelligible, est la cause de tout ce qu’il y a de beau en toute chose. Ainsi, pour posséder la vraie connaissance, il faut contempler cette idée par le biais de la puissance de la raison. Par conséquent, le deuxième monde qui est ici présenté par Platon peut être vu comme le monde métaphysique. Il est le monde des abstractions, de l’idée dans sa pure spéculation. Après Platon, c’est à son élève Aristote de théoriser sur le concept de métaphysique. Mais il faut noter tout de même qu’Aristote ne nommait pas cette science métaphysique. En effet, il faut signaler que l’histoire raconte que le terme métaphysique vient du titre donné par un disciple et éditeur des œuvres d’Aristote, du nom d’Andronicos de Rhodes. Dans le catalogue qu’il a dressé pour les œuvres de son maitre, il distingue deux catégories d’ouvrages : les ouvrages qui parlaient de la physique et ceux qui traitaient des objets non physiques. C’est cette deuxième catégorie qui englobe le terme métaphysique. Le mot avait donc à cette époque un sens éditorial : les livres d’Aristote qui viennent après ceux qu’il a consacrés à la physique. Mais selon certains platoniciens et commentateurs d’Aristote comme Simplicius, la métaphysique est : « La discipline qui considère les réalités entièrement séparées de la matière et la pure activité de l’intellect en acte et en puissance, celle qui est élevée à lui du fait de l’activité, tout cela ils l’appellent théologie, philosophie première et métaphysique, puisque cela se situe audelà des réalités physiques. » Ce néoplatonicien ne voit pas seulement un sens éditorial du terme, pour lui la métaphysique est une discipline qui porte sur les réalités qui sont au-delà de la physique. Il faut noter que le terme métaphysique n’est apparu qu’après la mort d’Aristote. Donc ce dernier n’a jamais désigné par le terme métaphysique la science qu’il recherchait. Il utilisait, dans son ouvrage majeur Métaphysique, les termes comme : la « sagesse » (livre A), la science de l’être, en tant qu’être » (livre Γ), « philosophie théologique » (livre Ε). Ce sont là les termes qu’Aristote utilisait pour designer sa philosophie première qui a pris plus tard le nom de métaphysique.

LA METAPHYSIQUE DOGMATIQUE

   Cette partie du travail nous conduira à faire une analyse de la conception qu’ont les rationalistes sur la question de la détermination de la vérité. Une conception qui se base sur le pouvoir illimité de la raison humaine qui peut connaitre toute chose et sans exception. Les choses qui sont exclues du champ de la connaissance par certaines doctrines, sont connues par la raison chez les rationalistes. En effet, comme nous l’avons montré plus haut, les rationalistes comme Descartes ont donné un pouvoir illimité et une confiance abusive à la raison. Ce qui leur a valu le qualificatif de dogmatiques. Le dogmatisme est un courant de pensée qui suppose l’existence d’une connaissance vraie intangible ou une vérité décisive, universelle, immuable et incontestable. Les partisans de ce courant, à part Descartes, rejettent le doute et la critique. Ils se basent en principe sur des certitudes inébranlables, incontestables qu’ils qualifient d’universelles. Les dogmatiques s’opposent à plusieurs doctrines philosophiques comme le scepticisme qui soutient que la vérité n’existe pas. Ensuite, il s’oppose à l’empirisme de David Hume qui contredit sans cesse la certitude et fonde toute connaissance sur l’expérience. Enfin les dogmatiques se prennent pour adversaire du criticisme kantien qui soutient qu’il faut tout soumettre à une critique de la raison au préalable et admet que la connaissance n’est possible que dans la sphère spatiale temporaire. Donc les objets qui se présentent chez les dogmatiques comme étant des objets de connaissance comme Dieu, l’âme et le monde, sont considérés comme non saisissables par la raison les empiristes. Prenant le contrepied de ces doctrines, qui, d’une part, délimitent le champ de la connaissance dans l’espace et dans le temps et d’autre part défendent l’idée que la connaissance découle uniquement de l’expérience, les rationalistes dogmatiques défendent l’idée que la raison a un pouvoir infaillible et illimité, qu’elle a donc la possibilité de produire du savoir sur tous les objets, y compris sur ceux qui sont hors de la nature sensible comme Dieu, l’âme, le monde, etc. C’est en ce sens que ce rationalisme devient dogmatique. On parle du rationalisme dogmatique lorsque la raison, considérée comme la seule source déterminante de la connaissance, et par ses principes a priori, prétend atteindre la vérité, particulièrement dans le domaine métaphysique. Après Descartes, d’autres rationalistes nommés dogmatiques ont aussi affirmé le pouvoir absolu de la raison de connaitre toute chose et même la chose en soi. Parmi ces admirateurs et défenseur de la raison absolue, nous pouvons citer Leibniz et Wolff. En effet, selon Leibniz, comme nous l’avons évoqué plus haut, la raison est entièrement logique. Elle opère sous l’empire unique des principes traditionnels de la logique formelle. Il estime dans ses analyses que la raison, en énonçant seulement des jugements analytiques, est capable de rendre compte à l’aide de ces jugements analytiques de la totalité du monde. Contrairement au courant empiriste, Leibniz défend, dans la théorie de la connaissance, une position qui accorde la priorité à la pensée pure a priori par rapport à l’expérience sensible. Il perçoit dans cette pensée pure la seule voie qui mène vers le savoir authentique, digne de confiance. Il conçoit encore un problème beaucoup plus général et qui est typiquement métaphysique ; c’est celui exprimé en ces termes par Leibniz lui-même : « pourquoi y a –t-il quelque chose plutôt que rien ? » En effet, l’existence du monde est un donné implicite à partir duquel la science déploie son énergie pour l’expliquer, mais qu’elle présuppose toujours sans jamais le mettre en question. Pourquoi y a-t-il un monde plutôt que le néant ? Ce type de questionnement est purement métaphysique et sa formulation se situe au-delà des sciences expérimentales. Il ne peut être saisi que par la raison pure. Leibniz confère, une fois de plus, à la raison le pouvoir de résoudre les questions d’ordre métaphysique. La logique formelle est l’étude purement abstraite de l’inférence, en linguistique. La logique dite « informelle » est cette branche de logique qui étudie, examine la structure de l’argumentation dans les langues naturelles. La logique dite formelle est la logique au sens propre du terme. En la qualifiant de « formelle », on entend distinguer la logique au sens propre du terme de certaines autres théories, que leurs auteurs ont aussi appelées des « logiques », mais en un sens totalement différent : par exemple, la « logique transcendantale » de Kant (1724-1804), ou la « science de la logique » de Hegel (1770-1831). Les « logiques » de Kant ou de Hegel sont plutôt des théories métaphysiques, qui ambitionnent de dégager les caractéristiques les plus fondamentales de la réalité par le biais d’une exploration des structures de la pensée humaine : ce qu’on appellera le logos. Un jugement analytique est un jugement qui n’étend pas notre connaissance, il ne fait qu’expliciter le contenu implicite d’un concept dont on a déjà connaissance. Par contre, un jugement synthétique est un jugement qui améliore notre connaissance et nous apprend quelque chose que nous ne connaissons pas dans le concept. Au XVIIIème siècle, Christian Wolff entreprend de prolonger le raisonnement leibnizien. Comme son prédécesseur, Wolff soutient aussi que toutes les vérités découlent nécessairement de deux principes que sont : le principe de la contradiction qui concerne les vérités nécessaires et le principe de la raison suffisante qui concerne les vérités contingentes : ces principes peuvent être connus, selon Wolff, a priori. En appliquant la méthode déductive des mathématiques, il développa le principe leibnizien de l’explication rationnelle du monde. Tout comme le père du rationalisme moderne à savoir Descartes, Leibniz et Wolff ont aussi considéré la raison comme une voie sure du savoir, elle est la seule voie qui peut mener à un savoir authentique et sûre. Ainsi, la raison est à ce point infaillible et peut produire du savoir en dehors du monde physique et la métaphysique à son tour constitue un savoir sûr et certain. En somme, la conception dogmatique de la métaphysique, qui fera l’objet d’une critique chez Kant, n’a jamais subi, depuis l’époque de Locke et de Leibniz ou bien depuis la naissance de la métaphysique aucun événement ou critique à son l’égard. Elle s’est développée dans un contexte où la raison n’a pas encore reçu de critiques qui peuvent éveiller son fonctionnement. C’est pourquoi Les dogmatiques lui conféraient un pouvoir illimité et absolu qui lui donne la possibilité de connaitre toutes les choses et même les choses en soi. Mais cette doctrine qui procède sans se poser la question sur le problème de la valeur de la raison et sans avoir fait une critique préalable de son pouvoir de connaitre les choses, fera l’objet d’une critique destructrice qui lui ôtera toute forme de scientificité. Cette critique est l’œuvre de Kant, dans la Critique de la raison pure, il examine le pouvoir de connaitre de la raison ce qui n’était pas le cas chez les dogmatiques.

LES POINTS DE DESACCORD ENTRE HEGEL ET KANT

   Nous avons, dans la première partie, évoqué l’historique et l’origine de la métaphysique depuis l’Antiquité jusqu’à la période kantienne. Une période qui a marqué la séparation entre les classiques et les modernes dans le cadre de la conception de l’esprit et de la manière d’évoquer la vérité ; ce qui se trouve être le but de la recherche philosophique ou scientifique. Cette nouvelle période a été marquée par une critique de la raison et une libération de l’esprit humain comme le justifie cette fameuse formule des Lumières « Sapere aude » qui est une exhortation lancée pour que chaque individu fasse usage de sa raison de façon autonome car en usant de sa propre raison, l’homme peut arriver à atteindre la liberté et l’épanouissement. Ce courant philosophique est marqué par la lutte contre l’obscurantisme et le dogmatisme de l’Eglise qui légitime la monarchie de droit divin. En effet ce changement de vision sera sanctionné par une critique de la métaphysique dogmatique et par une remise en cause du caractère infaillible de la raison humaine qui cesse désormais d’être perçue comme étant la faculté qui a la capacité et la possibilité d’une connaissance absolue. Elle est plutôt limitée selon Kant dans le temps et dans l’espace qu’il considère comme étant les deux domaines de son déploiement. Ainsi la métaphysique, qui prétendait connaitre même les objets abstraits, est dénudée et considérée comme une illusion. Cette critique est l’œuvre de Kant qui a refondé cette discipline comme croyance et non comme savoir comme le pensaient les dogmatiques. C’est cette dévalorisation de la raison humaine et l’abaissement de la métaphysique, qui poussa Hegel à entreprendre une reconstruction de cette discipline. Cela se fera par un rejet de la conception kantienne de la raison et de sa vision sur la métaphysique qui est une vision destructrice et négatrice de cette discipline. C’est cet effort de Hegel qui fera l’objet de la deuxième partie de ce travail. En effet, dans cette seconde partie, nous allons faire une analyse et une étude qui exhibe la refondation hégélienne de la métaphysique dans la mesure où, si Hegel se donne la peine et sent le besoin de faire une reconstruction de cette discipline comme science, cela sous-entend une perte de valeur ou une critique adressée à cette dernière dans le passé. Sa refondation est une remise en cause de la critique de la raison exposée par Emmanuel Kant et qui a valu à la métaphysique une dévalorisation et une perte de pouvoir qui la conduit vers le statut de croyance. En se focalisant sur la critique kantienne de la raison, la refondation hégélienne se dresse en même contre elle en réfutant les idées et les hypothèses avancées par Kant dans sa théorie de connaissance. Ce travail de taille se fera avec de nombreux désaccords entre Kant et Hegel sur beaucoup de points. En effet, l’apparition de l’ouvrage majeur de Kant qu’est la Critique de la raison pure, ouvre la page de l’idéalisme allemand. Cette période est située au XVIIIème et XIXème siècle et fait suite à la période des Lumières qui était contre le dogmatisme religieux et l’obscurantisme du Moyen Âge. La science à cette période, construit son autonomie et se détache de la Scolastique notamment par le matérialisme promu par certains auteurs. Mais la théologie, malgré des luttes qui se multiplient contre elle, sera toujours considérée comme le sommet de la pyramide. Ainsi, pour éviter une certaine confusion intellectuelle, la science se forgea un nouveau vocabulaire qui lui permettra de se distinguer des autres sphères et qui a tendance à supprimer le langage religieux. Mais face à ce fléau, pour sauver les apports du domaine religieux, après des siècles de progrès dans les méthodes pour acquérir des connaissances, de grandes énergies sont déployées pour appliquer ces méthodes à la connaissance des choses spirituelles. Parmi ces énergies, nous pouvons citer la métaphysique qui, par ces efforts, tente de connaitre les objets spirituels ou de fournir une explication de ces choses. C’est dans ce contexte qu’apparait la métaphysique hégélienne qui prend sa source dans la religion et qui considère Dieu comme étant le contenu qui fournit la connaissance. Il écrit à propos de Dieu comme étant le contenu net et l’Essence du monde qui permet de connaitre le réel : « Mais, même en Allemagne, la platitude de l’époque antérieure s’est tellement écartée de la régénération de cette chose, qu’elle s’est imaginé et a assuré avoir trouvé et démontré qu’il n’y avait aucune connaissance de la vérité ; Dieu, l’essence du monde et de l’esprit serait quelque chose d’inconcevable, d’insaisissable ; il faudrait que l’esprit s’en tienne à la religion, et la religion à la croyance, au sentiment et au pressentiment sans savoir rationnel. » Dans cet extrait, Hegel s’en prend à Kant et à sa théorie qui tourne le regard vers l’extérieur et qui considère Dieu comme étant un objet que l’esprit ne peut pas connaitre ni saisir. Selon Hegel, Dieu est un objet de connaissance que l’on est capable de saisir par la raison dans la mesure où il est l’essence du monde et de l’esprit. Il n’est plus comme chez Kant une substance coupée de la réalité, insaisissable et méconnaissable dont la connaissance absolue serait impossible. A cette époque la connaissance ne concernait que les choses naturelles et concrètes. Hegel considère cette conception antérieure comme ce qui produit une connaissance sans vérité, une connaissance temporelle et passagère qui n’a pas de fondement solide dans la mesure où Dieu qui constitue le consistant de toute recherche scientifique, y est exclu et pris comme quelque chose qui est extérieur à la raison humaine. Hegel considère ainsi la philosophie de Kant comme étant celle qui renonce à la vérité du fait qu’elle exclut le contenu de la vérité et l’essence du monde et de l’esprit. Ce qui chez Kant constitue le moteur secret de l’idéalisme c’est-à-dire la scission entre le sujet pensant et l’objet connaissant, n’est pas le dernier mot chez Hegel. Ce dernier ajoute quelque chose qui n’est pas kantien qui constitue l’unité du sujet et de l’objet. Théodore W. Adorno écrit : « (…) qu’en saisissant conceptuellement l’obstacle, la limite imposée à la subjectivité, qu’en la perçant à jour comme « simple » subjectivité nous serions déjà au-delà de la limite. Hegel, qui à bien des égards est un Kant parvenu à son accomplissement, est mû par la pensée que s’il y a connaissance, c’est par définition, la connaissance toute entière, que tout jugement unilatéral vise l’absolu par sa simple forme et n’a de cesse qu’il n’ait trouvé son dépassement dans l’absolu. »

KANT ET HEGEL, SUR LA CONCEPTION DE LA RAISON

   Au cours d’une lecture de l’ouvrage de Béatrice Longuenesse qui est présenté sous le titre de : Hegel et la critique de la métaphysique, l’auteur fait une analyse critique de la philosophie kantienne et celle hégélienne qui sont deux systèmes de pensées qui se contredisent malgré leurs complémentarités. Ce sont deux systèmes divergents mais qui ont souvent des thèmes communs comme la métaphysique, l’art, la connaissance etc. Cependant, notre étude se focalisera sur le premier des thèmes cités antérieurement. Béatrice Longuenesse affirme que Hegel dans sa présentation du système critique de Kant, semble être paradoxal du fait qu’il loue d’une part les efforts du philosophe critique et d’autre part il les dénigre. Elle écrit à ce sujet : « D’un côté, Hegel loue Kant pour avoir énoncé la « véritable idée de la Raison » dans sa Critique de la raison pure et sa Critique de la faculté de juger. D’un autre côté, il décrit ce que Kant appelle « raison pure pratique exposée dans la Critique de la raison pratique, comme résultant d’un « complet piétinement de la raison ».» Ces lignes introductives montrent déjà la vision double de Hegel sur la philosophie de Kant et sur sa théorie de la métaphysique, qui va se matérialiser par une limitation de la raison. D’une part, Hegel montre l’importance de la philosophie de Kant dans la mise en place d’une métaphysique comme savoir véritable et d’autre part, il met en exergue les limites de cette philosophie qui tend à réduire la métaphysique au champ de la croyance. Qu’est ce qui a motivé Hegel à s’approprier du système critique de Kant ? On peut déjà trouver la réponse dans les premiers écrits théologiques de Hegel, où il démontre la supériorité de l’enseignement de Jésus, qui avait pour principe l’amour comme expression de la vie, sur la morale kantienne, qui prône l’asservissement des inclinations et de la sensibilité par la raison et par ce qu’il appelle la loi morale. Son objectif est de s’opposer à la morale de Kant et au dualisme de la métaphysique qui est matérialisé par la mise en place de deux mondes de connaissances : le monde des phénomènes et le monde des noumènes. Cet objectif est atteint non pas en développant un sentiment de croyance à l’instar de Kant, mais en mettant en place un système philosophique qui récolterait les bénéfices de la Révolution copernicienne de Kant tout en unifiant ce que ce dernier avait divisé, à savoir raison et sensibilité, pensée et existence, liberté et nécessité. Mais, avant d’entrer au fond du sujet, essayons de voir quelle est la définition classique de la raison et ensuite comment les deux auteurs conçoivent cette faculté chacun dans son système de pensée. Par définition : « Le terme de raison –du latin ratio, qui désigne à l’origine le calcul pour prendre ensuite le sens de faculté de compter, d’organiser, d’ordonner –possède dans toutes les langues modernes une multitude d’acceptions qui, cependant, par des détours plus ou moins longs, peuvent être ramenées au sens premier. Une raison est ainsi un argument qui appuie une affirmation en la fondant selon un calcul logique. Un livre de raison est le livre de comptes d’une famille. Un homme raisonnable est celui qui tient compte des facteurs qui caractérise la situation dans laquelle il est appelé à se décider et qui se décide alors en vue du résultat le plus favorable, soumettant ses penchants au calcul de ses intérêts. Partout, sauf dans quelques formules figées, comme « raison sociale », il s’agit d’une attitude ou d’une méthode qui s’oppose aux mouvements irréfléchis de la passion du cœur, du sentiment. » Le concept raison désigne à l’origine le Calcul dans la mesure où au moment où les grecs étaient des orateurs, les romains étaient des comptables. C’est pourquoi ratio désigne en premier lieu le calcul, la supputation, le compte. Elle est la faculté par laquelle l’homme connait des choses et parvient à émettre un jugement. C’est elle qui marque une distinction nette entre les hommes et les autres êtres de la nature. Elle est la faculté qui caractérise l’homme et qui lui permet de réaliser pleinement son humanité. Sans la raison l’homme serait semblable aux autres êtres qui ne pensent pas et qui agissent sous la commande de leur instinct. Cependant, il n’est pas surprenant que le concept de raison joue un rôle essentiel voire central dans le domaine de la philosophie. Mais il faut noter que le sens philosophique du terme n’est pas fixe par ses liens avec le langage, dans la mesure où il y a des langages qui s’opposent au langage rationaliste

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA METAPHYSIQUE : DE SON ORIGINE A KANT
CHAPITRE I : DEFINITION ET HISTORIQUE DE LA METAPHYSIQUE 
1) DEFINITION ETYMOLOGIQUE DE LA METAPHYSIQE
2) LA METAPHYSIQUE DOGMATIQUE
CHAPITRE II : KANT ET LA METAPHYSIQUE
1) DU DOGMATISME AU CRITICISME
2) CRITIQUE ET REFONDATION DE LA METAPHYSIQUE CHEZ KANT
DEUXIEME PARTIE : LA REFONDATION HEGELIENNE DE LA METAPHYSIQUE
CHAPITRE I : HEGEL : LE REFUS DE LA CRITIQUE KANTIENNE DE LA RAISON 
1) LES POINTS DE DESACCORD ENTRE HEGEL ET KANT
2) KANT ET HEGEL, SUR LA CONCEPTION DE LA RAISON
CHAPITRE II : LA LOGIQUE : UN PROJET METAPHYSIQUE
1) LA LOGIQUE COMME SUBSTITUT DE LA METAPHYSIQUE
2) LA METAPHYSIQUE COMME SCIENCE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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