DEFINITION ETYMOLOGIQUE DE LA METAPHYSIQE
ย ย Comprendre le processus qui a poussรฉ Hegel ร entreprendre une rรฉhabilitation de la mรฉtaphysique comme science, est lโobjet de notre rรฉflexion. Il serait donc important de voir comment le fait de sโintรฉresser ร ce sujet, permettrait dโapporter des รฉlรฉments nouveaux dans la comprรฉhension que nous avons de la mรฉtaphysique avant lโavรจnement de Hegel et aprรจs lui. En effet, รฉtymologiquement, le terme mรฉtaphysique vient de ยซ mรฉta ta phusica ยป qui signifie en grec : ยซ ce qui est au-delร des choses naturelles ยป, ยซ au-delร des choses physiques ยป. Entendons par lร ce qui se trouve hors de la portรฉe des humains. La mรฉtaphysique donc se donne lโobjectif de saisir et de comprendre les objets qui ne sont pas physiques, les objets qui ne sont pas de la nature, les objets qui ne sont saisissables que par la pensรฉe. Elle se fait un chemin ouvert par les diffรฉrentes philosophies, qui ont creusรฉ leurs chemins diffรฉrents et divergents ร partir de la mรชme discipline interrogative quโest la mรฉtaphysique. Une interrogation qui est ร la fois inรฉvitable et infinie dans ses perspectives et illimitรฉe dans ses expressions. Cela sous-entend le fait que la mรฉtaphysique se prรฉsente toujours comme un chemin que chaque homme doit ouvrir devant soi, un chemin qui est en principe en rapport avec sa vie, que tout homme cherche toujours ร comprendre et ร saisir les causes et les effets de certains phรฉnomรจnes. Kant รฉcrit ร ce propos : ยซ La raison humaine a se destin particulier, dans un genre de ses connaissances, quโelle se trouve accablรฉe par des questions quโelle ne peut รฉcarter โcar elles lui sont proposรฉes par la nature de la raison elle-mรชme โ, mais auxquelles elle ne peut pas non plus apporter de rรฉponse โcar elles dรฉpassent tout pouvoir de la raison humaine. ยป Ici, Kant ne fait pas que critiquer la mรฉtaphysique mais il en fait รฉgalement une disposition naturelle de la raison dont tout homme a besoin dans sa vie. Elle est souvent constituรฉe de questionnements que lโhomme nโarrรชte jamais de se poser de faรงon naturelle dans la mesure oรน ces questions sont en rapports avec sa vie ou sa destinรฉe. Elle cherche ร comprendre les phรฉnomรจnes de la vie humaine qui sont parfois insaisissables dโune maniรจre concrรจte. Du fait de son caractรจre interrogatif, quโelle partage avec la philosophie, la mรฉtaphysique peut รชtre appelรฉe philosophie dans la mesure oรน elle commence et recommence sans se fatiguer dans la stupรฉfaction et lโรฉtonnement que suscitent le questionnement et la philosophie. Aristote รฉcrit: ยซ Cโest en effet par lโรฉtonnement que les humains maintenant aussi bien quโau dรฉbut, commencent ร philosopher, dโabord en sโรฉtonnant de ce quโil y avait dโรฉtrange dans les choses banales, puis, quand ils avanรงaient peu ร peu dans cette voie, en sโinterrogeant aussi sur des sujets plus importants par exemple sur les changements de la lune, sur ceux du soleil et des constellations et sur la naissance du Tout. ยป Aristote dรฉmontre dans ce passage que cโest ร partir de lโรฉtonnement que les hommes commencent ร se demander sur lโexistence de certaines choses et de certains รฉvรฉnements. Cette activitรฉ de la raison qui est animรฉe de savoir et dโenvie de comprendre nโest rien dโautre que la philosophie. Cette derniรจre quโon dรฉcouvre la mรฉtaphysique qui se donne ce mรชme dรฉsir de savoir par nature. Dโailleurs, Aristote lui-mรชme considรจre la mรฉtaphysique mรชme comme รฉtant la philosophie mais une philosophie premiรจre qui est ร la base de toute autre connaissance. Il รฉcrit : ยซ Il y a une science qui รฉtudie lโรชtre, en tant quโรชtre, et les propriรฉtรฉs qui appartiennent ร cet รชtre par soi. Cette science nโest identique ร aucune de celles quโon appelle partielles, car aucune des autres nโexamine en totalitรฉ lโรชtre, en tant quโรชtre, mais elles en dรฉcoupent une partie et รฉtudient ร son sujet le coรฏncident par soi, comme font les sciences mathรฉmatiques. Or puisque nous cherchons les principes, cโest-ร -dire les causes les plus hautes, ร lโรฉvidence il est nรฉcessaire quโils relรจvent de ce qui est une nature par soi. ยป Cette science qui รฉtudie lโรชtre, en tant quโรชtre dans sa totalitรฉ est la mรฉtaphysique. Elle est diffรฉrente des sciences dites partielles comme les mathรฉmatiques car ces sciences nโรฉtudient quโune partie de lโรชtre et non sa totalitรฉ. Du point de vue historique, nous pouvons affirmer que lโidรฉe mรฉtaphysique a vu le jour dans les ลuvres de certains philosophes comme Platon. Nous lโavons brossรฉ dans notre introduction, que Platon mรชme sโil nโa nulle part ailleurs mentionnรฉ le terme mรฉtaphysique dans ses dialogues, lโa dรฉveloppรฉ dans sa thรฉorie philosophique. En รฉtablissant lโexistence de deux mondes divers, Platon englobe dans sa thรฉorie une pensรฉe mรฉtaphysique. En effet, pour Platon, le monde est scindรฉ en deux domaines : le domaine sensible et le domaine intelligible. Le domaine sensible est considรฉrรฉ comme รฉtant vouรฉ ร la naissance, au changement et ร la disparition. Cโest en quelque sorte le domaine des illusions, lร oรน rรจgnent lโobscuritรฉ et lโignorance. Le second est le domaine des essences et de la vรฉritรฉ. Les objets de ce domaine ne connaissent pas la naissance ni le changement ni la mort, ce sont les objets immuables et รฉternels. Cโest ce second monde de Platon qui est en quelque sorte le gรฉnรฉrateur des objets du monde sensible. Cโest ร travers ce monde que nous arrivons ร connaitre la vรฉritรฉ des choses. Il รฉcrit dans la Rรฉpublique VII : ยซ Dans le monde intelligible lโidรฉe du bien est perรงue la derniรจre et avec peine, mais on ne le peut percevoir sans conclure quโelle est la cause de tout ce quโil y a de droit et de beau en toute chose ; quโelle a, dans le monde visible, engendrรฉ la lumiรจre et le souverain de la lumiรจre, que dans le monde intelligible, cโest elle-mรชme qui est souveraine et dispense la vรฉritรฉ et lโintelligence ; et quโil faut la voir pour se conduire avec sagesse dans la vie privรฉe et dans la vie publique. ยป Platon dรฉmontre lโimportance et la supรฉrioritรฉ de ce monde par rapport au monde sensible. Cโest ร partir de ce monde intelligible quโil faut accรฉder ร la connaissance des choses et leur vรฉritรฉ dans la mesure oรน lโidรฉe du bien, qui nโest prรฉsente que dans le monde intelligible, est la cause de tout ce quโil y a de beau en toute chose. Ainsi, pour possรฉder la vraie connaissance, il faut contempler cette idรฉe par le biais de la puissance de la raison. Par consรฉquent, le deuxiรจme monde qui est ici prรฉsentรฉ par Platon peut รชtre vu comme le monde mรฉtaphysique. Il est le monde des abstractions, de lโidรฉe dans sa pure spรฉculation. Aprรจs Platon, cโest ร son รฉlรจve Aristote de thรฉoriser sur le concept de mรฉtaphysique. Mais il faut noter tout de mรชme quโAristote ne nommait pas cette science mรฉtaphysique. En effet, il faut signaler que lโhistoire raconte que le terme mรฉtaphysique vient du titre donnรฉ par un disciple et รฉditeur des ลuvres dโAristote, du nom dโAndronicos de Rhodes. Dans le catalogue quโil a dressรฉ pour les ลuvres de son maitre, il distingue deux catรฉgories dโouvrages : les ouvrages qui parlaient de la physique et ceux qui traitaient des objets non physiques. Cโest cette deuxiรจme catรฉgorie qui englobe le terme mรฉtaphysique. Le mot avait donc ร cette รฉpoque un sens รฉditorial : les livres dโAristote qui viennent aprรจs ceux quโil a consacrรฉs ร la physique. Mais selon certains platoniciens et commentateurs dโAristote comme Simplicius, la mรฉtaphysique est : ยซ La discipline qui considรจre les rรฉalitรฉs entiรจrement sรฉparรฉes de la matiรจre et la pure activitรฉ de lโintellect en acte et en puissance, celle qui est รฉlevรฉe ร lui du fait de lโactivitรฉ, tout cela ils lโappellent thรฉologie, philosophie premiรจre et mรฉtaphysique, puisque cela se situe audelร des rรฉalitรฉs physiques. ยป Ce nรฉoplatonicien ne voit pas seulement un sens รฉditorial du terme, pour lui la mรฉtaphysique est une discipline qui porte sur les rรฉalitรฉs qui sont au-delร de la physique. Il faut noter que le terme mรฉtaphysique nโest apparu quโaprรจs la mort dโAristote. Donc ce dernier nโa jamais dรฉsignรฉ par le terme mรฉtaphysique la science quโil recherchait. Il utilisait, dans son ouvrage majeur Mรฉtaphysique, les termes comme : la ยซ sagesse ยป (livre A), la science de lโรชtre, en tant quโรชtre ยป (livre ฮ), ยซ philosophie thรฉologique ยป (livre ฮ). Ce sont lร les termes quโAristote utilisait pour designer sa philosophie premiรจre qui a pris plus tard le nom de mรฉtaphysique.
LA METAPHYSIQUE DOGMATIQUE
ย ย Cette partie du travail nous conduira ร faire une analyse de la conception quโont les rationalistes sur la question de la dรฉtermination de la vรฉritรฉ. Une conception qui se base sur le pouvoir illimitรฉ de la raison humaine qui peut connaitre toute chose et sans exception. Les choses qui sont exclues du champ de la connaissance par certaines doctrines, sont connues par la raison chez les rationalistes. En effet, comme nous lโavons montrรฉ plus haut, les rationalistes comme Descartes ont donnรฉ un pouvoir illimitรฉ et une confiance abusive ร la raison. Ce qui leur a valu le qualificatif de dogmatiques. Le dogmatisme est un courant de pensรฉe qui suppose lโexistence dโune connaissance vraie intangible ou une vรฉritรฉ dรฉcisive, universelle, immuable et incontestable. Les partisans de ce courant, ร part Descartes, rejettent le doute et la critique. Ils se basent en principe sur des certitudes inรฉbranlables, incontestables quโils qualifient dโuniverselles. Les dogmatiques sโopposent ร plusieurs doctrines philosophiques comme le scepticisme qui soutient que la vรฉritรฉ nโexiste pas. Ensuite, il sโoppose ร lโempirisme de David Hume qui contredit sans cesse la certitude et fonde toute connaissance sur lโexpรฉrience. Enfin les dogmatiques se prennent pour adversaire du criticisme kantien qui soutient quโil faut tout soumettre ร une critique de la raison au prรฉalable et admet que la connaissance nโest possible que dans la sphรจre spatiale temporaire. Donc les objets qui se prรฉsentent chez les dogmatiques comme รฉtant des objets de connaissance comme Dieu, lโรขme et le monde, sont considรฉrรฉs comme non saisissables par la raison les empiristes. Prenant le contrepied de ces doctrines, qui, dโune part, dรฉlimitent le champ de la connaissance dans lโespace et dans le temps et dโautre part dรฉfendent lโidรฉe que la connaissance dรฉcoule uniquement de lโexpรฉrience, les rationalistes dogmatiques dรฉfendent lโidรฉe que la raison a un pouvoir infaillible et illimitรฉ, quโelle a donc la possibilitรฉ de produire du savoir sur tous les objets, y compris sur ceux qui sont hors de la nature sensible comme Dieu, lโรขme, le monde, etc. Cโest en ce sens que ce rationalisme devient dogmatique. On parle du rationalisme dogmatique lorsque la raison, considรฉrรฉe comme la seule source dรฉterminante de la connaissance, et par ses principes a priori, prรฉtend atteindre la vรฉritรฉ, particuliรจrement dans le domaine mรฉtaphysique. Aprรจs Descartes, dโautres rationalistes nommรฉs dogmatiques ont aussi affirmรฉ le pouvoir absolu de la raison de connaitre toute chose et mรชme la chose en soi. Parmi ces admirateurs et dรฉfenseur de la raison absolue, nous pouvons citer Leibniz et Wolff. En effet, selon Leibniz, comme nous lโavons รฉvoquรฉ plus haut, la raison est entiรจrement logique. Elle opรจre sous lโempire unique des principes traditionnels de la logique formelle. Il estime dans ses analyses que la raison, en รฉnonรงant seulement des jugements analytiques, est capable de rendre compte ร lโaide de ces jugements analytiques de la totalitรฉ du monde. Contrairement au courant empiriste, Leibniz dรฉfend, dans la thรฉorie de la connaissance, une position qui accorde la prioritรฉ ร la pensรฉe pure a priori par rapport ร lโexpรฉrience sensible. Il perรงoit dans cette pensรฉe pure la seule voie qui mรจne vers le savoir authentique, digne de confiance. Il conรงoit encore un problรจme beaucoup plus gรฉnรฉral et qui est typiquement mรฉtaphysique ; cโest celui exprimรฉ en ces termes par Leibniz lui-mรชme : ยซ pourquoi y a โt-il quelque chose plutรดt que rien ? ยป En effet, lโexistence du monde est un donnรฉ implicite ร partir duquel la science dรฉploie son รฉnergie pour lโexpliquer, mais quโelle prรฉsuppose toujours sans jamais le mettre en question. Pourquoi y a-t-il un monde plutรดt que le nรฉant ? Ce type de questionnement est purement mรฉtaphysique et sa formulation se situe au-delร des sciences expรฉrimentales. Il ne peut รชtre saisi que par la raison pure. Leibniz confรจre, une fois de plus, ร la raison le pouvoir de rรฉsoudre les questions dโordre mรฉtaphysique. La logique formelle est lโรฉtude purement abstraite de lโinfรฉrence, en linguistique. La logique dite ยซ informelle ยป est cette branche de logique qui รฉtudie, examine la structure de lโargumentation dans les langues naturelles. La logique dite formelle est la logique au sens propre du terme. En la qualifiant de ยซ formelle ยป, on entend distinguer la logique au sens propre du terme de certaines autres thรฉories, que leurs auteurs ont aussi appelรฉes des ยซ logiques ยป, mais en un sens totalement diffรฉrent : par exemple, la ยซ logique transcendantale ยป de Kant (1724-1804), ou la ยซ science de la logique ยป de Hegel (1770-1831). Les ยซ logiques ยป de Kant ou de Hegel sont plutรดt des thรฉories mรฉtaphysiques, qui ambitionnent de dรฉgager les caractรฉristiques les plus fondamentales de la rรฉalitรฉ par le biais dโune exploration des structures de la pensรฉe humaine : ce quโon appellera le logos. Un jugement analytique est un jugement qui nโรฉtend pas notre connaissance, il ne fait quโexpliciter le contenu implicite dโun concept dont on a dรฉjร connaissance. Par contre, un jugement synthรฉtique est un jugement qui amรฉliore notre connaissance et nous apprend quelque chose que nous ne connaissons pas dans le concept. Au XVIIIรจme siรจcle, Christian Wolff entreprend de prolonger le raisonnement leibnizien. Comme son prรฉdรฉcesseur, Wolff soutient aussi que toutes les vรฉritรฉs dรฉcoulent nรฉcessairement de deux principes que sont : le principe de la contradiction qui concerne les vรฉritรฉs nรฉcessaires et le principe de la raison suffisante qui concerne les vรฉritรฉs contingentes : ces principes peuvent รชtre connus, selon Wolff, a priori. En appliquant la mรฉthode dรฉductive des mathรฉmatiques, il dรฉveloppa le principe leibnizien de lโexplication rationnelle du monde. Tout comme le pรจre du rationalisme moderne ร savoir Descartes, Leibniz et Wolff ont aussi considรฉrรฉ la raison comme une voie sure du savoir, elle est la seule voie qui peut mener ร un savoir authentique et sรปre. Ainsi, la raison est ร ce point infaillible et peut produire du savoir en dehors du monde physique et la mรฉtaphysique ร son tour constitue un savoir sรปr et certain. En somme, la conception dogmatique de la mรฉtaphysique, qui fera lโobjet dโune critique chez Kant, nโa jamais subi, depuis lโรฉpoque de Locke et de Leibniz ou bien depuis la naissance de la mรฉtaphysique aucun รฉvรฉnement ou critique ร son lโรฉgard. Elle sโest dรฉveloppรฉe dans un contexte oรน la raison nโa pas encore reรงu de critiques qui peuvent รฉveiller son fonctionnement. Cโest pourquoi Les dogmatiques lui confรฉraient un pouvoir illimitรฉ et absolu qui lui donne la possibilitรฉ de connaitre toutes les choses et mรชme les choses en soi. Mais cette doctrine qui procรจde sans se poser la question sur le problรจme de la valeur de la raison et sans avoir fait une critique prรฉalable de son pouvoir de connaitre les choses, fera lโobjet dโune critique destructrice qui lui รดtera toute forme de scientificitรฉ. Cette critique est lโลuvre de Kant, dans la Critique de la raison pure, il examine le pouvoir de connaitre de la raison ce qui nโรฉtait pas le cas chez les dogmatiques.
LES POINTS DE DESACCORD ENTRE HEGEL ET KANT
ย ย Nous avons, dans la premiรจre partie, รฉvoquรฉ lโhistorique et lโorigine de la mรฉtaphysique depuis lโAntiquitรฉ jusquโร la pรฉriode kantienne. Une pรฉriode qui a marquรฉ la sรฉparation entre les classiques et les modernes dans le cadre de la conception de lโesprit et de la maniรจre dโรฉvoquer la vรฉritรฉ ; ce qui se trouve รชtre le but de la recherche philosophique ou scientifique. Cette nouvelle pรฉriode a รฉtรฉ marquรฉe par une critique de la raison et une libรฉration de lโesprit humain comme le justifie cette fameuse formule des Lumiรจres ยซ Sapere aude ยป qui est une exhortation lancรฉe pour que chaque individu fasse usage de sa raison de faรงon autonome car en usant de sa propre raison, lโhomme peut arriver ร atteindre la libertรฉ et lโรฉpanouissement. Ce courant philosophique est marquรฉ par la lutte contre lโobscurantisme et le dogmatisme de lโEglise qui lรฉgitime la monarchie de droit divin. En effet ce changement de vision sera sanctionnรฉ par une critique de la mรฉtaphysique dogmatique et par une remise en cause du caractรจre infaillible de la raison humaine qui cesse dรฉsormais dโรชtre perรงue comme รฉtant la facultรฉ qui a la capacitรฉ et la possibilitรฉ dโune connaissance absolue. Elle est plutรดt limitรฉe selon Kant dans le temps et dans lโespace quโil considรจre comme รฉtant les deux domaines de son dรฉploiement. Ainsi la mรฉtaphysique, qui prรฉtendait connaitre mรชme les objets abstraits, est dรฉnudรฉe et considรฉrรฉe comme une illusion. Cette critique est lโลuvre de Kant qui a refondรฉ cette discipline comme croyance et non comme savoir comme le pensaient les dogmatiques. Cโest cette dรฉvalorisation de la raison humaine et lโabaissement de la mรฉtaphysique, qui poussa Hegel ร entreprendre une reconstruction de cette discipline. Cela se fera par un rejet de la conception kantienne de la raison et de sa vision sur la mรฉtaphysique qui est une vision destructrice et nรฉgatrice de cette discipline. Cโest cet effort de Hegel qui fera lโobjet de la deuxiรจme partie de ce travail. En effet, dans cette seconde partie, nous allons faire une analyse et une รฉtude qui exhibe la refondation hรฉgรฉlienne de la mรฉtaphysique dans la mesure oรน, si Hegel se donne la peine et sent le besoin de faire une reconstruction de cette discipline comme science, cela sous-entend une perte de valeur ou une critique adressรฉe ร cette derniรจre dans le passรฉ. Sa refondation est une remise en cause de la critique de la raison exposรฉe par Emmanuel Kant et qui a valu ร la mรฉtaphysique une dรฉvalorisation et une perte de pouvoir qui la conduit vers le statut de croyance. En se focalisant sur la critique kantienne de la raison, la refondation hรฉgรฉlienne se dresse en mรชme contre elle en rรฉfutant les idรฉes et les hypothรจses avancรฉes par Kant dans sa thรฉorie de connaissance. Ce travail de taille se fera avec de nombreux dรฉsaccords entre Kant et Hegel sur beaucoup de points. En effet, lโapparition de lโouvrage majeur de Kant quโest la Critique de la raison pure, ouvre la page de lโidรฉalisme allemand. Cette pรฉriode est situรฉe au XVIIIรจme et XIXรจme siรจcle et fait suite ร la pรฉriode des Lumiรจres qui รฉtait contre le dogmatisme religieux et lโobscurantisme du Moyen รge. La science ร cette pรฉriode, construit son autonomie et se dรฉtache de la Scolastique notamment par le matรฉrialisme promu par certains auteurs. Mais la thรฉologie, malgrรฉ des luttes qui se multiplient contre elle, sera toujours considรฉrรฉe comme le sommet de la pyramide. Ainsi, pour รฉviter une certaine confusion intellectuelle, la science se forgea un nouveau vocabulaire qui lui permettra de se distinguer des autres sphรจres et qui a tendance ร supprimer le langage religieux. Mais face ร ce flรฉau, pour sauver les apports du domaine religieux, aprรจs des siรจcles de progrรจs dans les mรฉthodes pour acquรฉrir des connaissances, de grandes รฉnergies sont dรฉployรฉes pour appliquer ces mรฉthodes ร la connaissance des choses spirituelles. Parmi ces รฉnergies, nous pouvons citer la mรฉtaphysique qui, par ces efforts, tente de connaitre les objets spirituels ou de fournir une explication de ces choses. Cโest dans ce contexte quโapparait la mรฉtaphysique hรฉgรฉlienne qui prend sa source dans la religion et qui considรจre Dieu comme รฉtant le contenu qui fournit la connaissance. Il รฉcrit ร propos de Dieu comme รฉtant le contenu net et lโEssence du monde qui permet de connaitre le rรฉel : ยซ Mais, mรชme en Allemagne, la platitude de lโรฉpoque antรฉrieure sโest tellement รฉcartรฉe de la rรฉgรฉnรฉration de cette chose, quโelle sโest imaginรฉ et a assurรฉ avoir trouvรฉ et dรฉmontrรฉ quโil nโy avait aucune connaissance de la vรฉritรฉ ; Dieu, lโessence du monde et de lโesprit serait quelque chose dโinconcevable, dโinsaisissable ; il faudrait que lโesprit sโen tienne ร la religion, et la religion ร la croyance, au sentiment et au pressentiment sans savoir rationnel. ยป Dans cet extrait, Hegel sโen prend ร Kant et ร sa thรฉorie qui tourne le regard vers lโextรฉrieur et qui considรจre Dieu comme รฉtant un objet que lโesprit ne peut pas connaitre ni saisir. Selon Hegel, Dieu est un objet de connaissance que lโon est capable de saisir par la raison dans la mesure oรน il est lโessence du monde et de lโesprit. Il nโest plus comme chez Kant une substance coupรฉe de la rรฉalitรฉ, insaisissable et mรฉconnaissable dont la connaissance absolue serait impossible. A cette รฉpoque la connaissance ne concernait que les choses naturelles et concrรจtes. Hegel considรจre cette conception antรฉrieure comme ce qui produit une connaissance sans vรฉritรฉ, une connaissance temporelle et passagรจre qui nโa pas de fondement solide dans la mesure oรน Dieu qui constitue le consistant de toute recherche scientifique, y est exclu et pris comme quelque chose qui est extรฉrieur ร la raison humaine. Hegel considรจre ainsi la philosophie de Kant comme รฉtant celle qui renonce ร la vรฉritรฉ du fait quโelle exclut le contenu de la vรฉritรฉ et lโessence du monde et de lโesprit. Ce qui chez Kant constitue le moteur secret de lโidรฉalisme cโest-ร -dire la scission entre le sujet pensant et lโobjet connaissant, nโest pas le dernier mot chez Hegel. Ce dernier ajoute quelque chose qui nโest pas kantien qui constitue lโunitรฉ du sujet et de lโobjet. Thรฉodore W. Adorno รฉcrit : ยซ (โฆ) quโen saisissant conceptuellement lโobstacle, la limite imposรฉe ร la subjectivitรฉ, quโen la perรงant ร jour comme ยซ simple ยป subjectivitรฉ nous serions dรฉjร au-delร de la limite. Hegel, qui ร bien des รฉgards est un Kant parvenu ร son accomplissement, est mรป par la pensรฉe que sโil y a connaissance, cโest par dรฉfinition, la connaissance toute entiรจre, que tout jugement unilatรฉral vise lโabsolu par sa simple forme et nโa de cesse quโil nโait trouvรฉ son dรฉpassement dans lโabsolu. ยป
KANT ET HEGEL, SUR LA CONCEPTION DE LA RAISON
ย ย Au cours dโune lecture de lโouvrage de Bรฉatrice Longuenesse qui est prรฉsentรฉ sous le titre de : Hegel et la critique de la mรฉtaphysique, lโauteur fait une analyse critique de la philosophie kantienne et celle hรฉgรฉlienne qui sont deux systรจmes de pensรฉes qui se contredisent malgrรฉ leurs complรฉmentaritรฉs. Ce sont deux systรจmes divergents mais qui ont souvent des thรจmes communs comme la mรฉtaphysique, lโart, la connaissance etc. Cependant, notre รฉtude se focalisera sur le premier des thรจmes citรฉs antรฉrieurement. Bรฉatrice Longuenesse affirme que Hegel dans sa prรฉsentation du systรจme critique de Kant, semble รชtre paradoxal du fait quโil loue dโune part les efforts du philosophe critique et dโautre part il les dรฉnigre. Elle รฉcrit ร ce sujet : ยซ Dโun cรดtรฉ, Hegel loue Kant pour avoir รฉnoncรฉ la ยซ vรฉritable idรฉe de la Raison ยป dans sa Critique de la raison pure et sa Critique de la facultรฉ de juger. Dโun autre cรดtรฉ, il dรฉcrit ce que Kant appelle ยซ raison pure pratique exposรฉe dans la Critique de la raison pratique, comme rรฉsultant dโun ยซ complet piรฉtinement de la raison ยป.ยป Ces lignes introductives montrent dรฉjร la vision double de Hegel sur la philosophie de Kant et sur sa thรฉorie de la mรฉtaphysique, qui va se matรฉrialiser par une limitation de la raison. Dโune part, Hegel montre lโimportance de la philosophie de Kant dans la mise en place dโune mรฉtaphysique comme savoir vรฉritable et dโautre part, il met en exergue les limites de cette philosophie qui tend ร rรฉduire la mรฉtaphysique au champ de la croyance. Quโest ce qui a motivรฉ Hegel ร sโapproprier du systรจme critique de Kant ? On peut dรฉjร trouver la rรฉponse dans les premiers รฉcrits thรฉologiques de Hegel, oรน il dรฉmontre la supรฉrioritรฉ de lโenseignement de Jรฉsus, qui avait pour principe lโamour comme expression de la vie, sur la morale kantienne, qui prรดne lโasservissement des inclinations et de la sensibilitรฉ par la raison et par ce quโil appelle la loi morale. Son objectif est de sโopposer ร la morale de Kant et au dualisme de la mรฉtaphysique qui est matรฉrialisรฉ par la mise en place de deux mondes de connaissances : le monde des phรฉnomรจnes et le monde des noumรจnes. Cet objectif est atteint non pas en dรฉveloppant un sentiment de croyance ร lโinstar de Kant, mais en mettant en place un systรจme philosophique qui rรฉcolterait les bรฉnรฉfices de la Rรฉvolution copernicienne de Kant tout en unifiant ce que ce dernier avait divisรฉ, ร savoir raison et sensibilitรฉ, pensรฉe et existence, libertรฉ et nรฉcessitรฉ. Mais, avant dโentrer au fond du sujet, essayons de voir quelle est la dรฉfinition classique de la raison et ensuite comment les deux auteurs conรงoivent cette facultรฉ chacun dans son systรจme de pensรฉe. Par dรฉfinition : ยซ Le terme de raison โdu latin ratio, qui dรฉsigne ร lโorigine le calcul pour prendre ensuite le sens de facultรฉ de compter, dโorganiser, dโordonner โpossรจde dans toutes les langues modernes une multitude dโacceptions qui, cependant, par des dรฉtours plus ou moins longs, peuvent รชtre ramenรฉes au sens premier. Une raison est ainsi un argument qui appuie une affirmation en la fondant selon un calcul logique. Un livre de raison est le livre de comptes dโune famille. Un homme raisonnable est celui qui tient compte des facteurs qui caractรฉrise la situation dans laquelle il est appelรฉ ร se dรฉcider et qui se dรฉcide alors en vue du rรฉsultat le plus favorable, soumettant ses penchants au calcul de ses intรฉrรชts. Partout, sauf dans quelques formules figรฉes, comme ยซ raison sociale ยป, il sโagit dโune attitude ou dโune mรฉthode qui sโoppose aux mouvements irrรฉflรฉchis de la passion du cลur, du sentiment. ยป Le concept raison dรฉsigne ร lโorigine le Calcul dans la mesure oรน au moment oรน les grecs รฉtaient des orateurs, les romains รฉtaient des comptables. Cโest pourquoi ratio dรฉsigne en premier lieu le calcul, la supputation, le compte. Elle est la facultรฉ par laquelle lโhomme connait des choses et parvient ร รฉmettre un jugement. Cโest elle qui marque une distinction nette entre les hommes et les autres รชtres de la nature. Elle est la facultรฉ qui caractรฉrise lโhomme et qui lui permet de rรฉaliser pleinement son humanitรฉ. Sans la raison lโhomme serait semblable aux autres รชtres qui ne pensent pas et qui agissent sous la commande de leur instinct. Cependant, il nโest pas surprenant que le concept de raison joue un rรดle essentiel voire central dans le domaine de la philosophie. Mais il faut noter que le sens philosophique du terme nโest pas fixe par ses liens avec le langage, dans la mesure oรน il y a des langages qui sโopposent au langage rationaliste
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA METAPHYSIQUE : DE SON ORIGINE A KANT
CHAPITRE I : DEFINITION ET HISTORIQUE DE LA METAPHYSIQUEย
1) DEFINITION ETYMOLOGIQUE DE LA METAPHYSIQE
2) LA METAPHYSIQUE DOGMATIQUE
CHAPITRE II : KANT ET LA METAPHYSIQUE
1) DU DOGMATISME AU CRITICISME
2) CRITIQUE ET REFONDATION DE LA METAPHYSIQUE CHEZ KANT
DEUXIEME PARTIE : LA REFONDATION HEGELIENNE DE LA METAPHYSIQUE
CHAPITRE I : HEGEL : LE REFUS DE LA CRITIQUE KANTIENNE DE LA RAISONย
1) LES POINTS DE DESACCORD ENTRE HEGEL ET KANT
2) KANT ET HEGEL, SUR LA CONCEPTION DE LA RAISON
CHAPITRE II : LA LOGIQUE : UN PROJET METAPHYSIQUE
1) LA LOGIQUE COMME SUBSTITUT DE LA METAPHYSIQUE
2) LA METAPHYSIQUE COMME SCIENCE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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