La régulation des systèmes socio-techniques sur lalongue durée

Le travail qu’on va lire a sa petite histoire. De cette histoire, il ne sera pas question ici de retracer les tenants et aboutissants. Hésitations et reculs, fourvoiements et certitudes aussitôt démenties, n’ajouteraient au produit achevé que la charge de ce qui devrait, sans succès, être évité. Mieux vaut effacer les traces de tous ces résidus qui risquent de ternir l’image de bel ordre réservée à la scène finale. En revanche, le bref rappel de certains moments forts de cette histoire, où se sont opérés les choix sur les objectifs de la recherche et les partis-pris méthodologiques, éclairerait utilement le parcours finalement retenu. Nous nous proposons dans cette longue introduction de nous expliquer sur l’allure d’ensemble du projet, à savoir : les premières interrogations qui ont donné naissance à ce travail, la fixation des objectifs finaux que nous nous sommes assignés à la lumière des résultats d’explorations préliminaires ; la problématique et le cadre méthodologique construits, enfin les limites strictes de notre entreprise.

Approches qui focalisent leur attention sur la technique 

Approche « essentialiste  » (archétype Heidegger) 

« (…) l’essence de la technique n’est absolument rien de technique. Aussi ne percevrons-nous jamais notre rapporta l’essence de la technique, aussi longtemps que nous nous bornerons à nous représenter la technique et à la pratiquer, à nous en accommoder ou à la fuir » Q-). Cette phrase peut être considérée comme l’annonce programmatique d’une tradition de recherche qui s’applique à sonder la signification et la place de la technique dans le monde actuel. On connaît la thèse centrale de Heidegger sur la technique, exprimée pour la première fois en termes explicites dans « L’époque des «conceptions du monde» » ( ) : l’homme moderne — de par son appartenance à une époque où il est devenu sujet, adoptant à l’égard du monde de l’étant une posture d’objectivation et d’appropriation — est provoqué à provoquer (*) « l’étant » à des emplois toujours nouveaux et intensifs en vue d’accomplir ses propres fins, à réduire le réel au statut de « l’équipement », à l’envisager comme fonds exploitable dans une imposition générale du calcul et de la planification. Dans cette optique, la technique se présente comme la manifestation par excellence de l’essence des temps modernes, en empreignant sa logique dans pratiquement tous les phénomènes de notre civilisation — de la science à l’organisation des loisirs, en passant par le travail industriel et l’Etat bureaucratique. Sans nier l’acuité  de ce regard novateur qui a dévoilé quelques conditions générales de possibilité de l’activité technique en tant que telle — par exemple, l’opération à double face, d’une objectivation du monde accompagnée de l’apparition d’une subjectivité qui cherche à accroître sa puissance au moyen du calcul — nous croyons que cette approche pèche par l’excès de son « essentialisme ». Réalisée au nom de concepts forts  visant l’essence des choses, elle finit rapidement par subsumer hâtivement une réalité multiforme sous quelques formules stéréotypées, en se montrant impuissante aux exigences d’une description et évaluation différenciées .

Si nous avons mis l’accent sur cet auteur, c’est parce que son attitude convaincue de devoir et de pouvoir unifier en profondeur la multiplicité des phénomènes de surface, par la postulation de l’existence d’un état de choses extrêmement général qui leur serait commun (= l’essence) mais dissimulé sous la diversité des apparences, a été reprise dans une perspective qui se voulait plus analytique et socio-historique. Selon cette perspective, les catégories philosophiques et la périodisation de l’histoire de l’Etre façonnées par Heidegger sont abandonnées au profit des vocabulaires et des découpages chronologiques empruntés aux sciences humaines. Ainsi, l’histoire de l’Etre devient succession de « modes de production », la subjectivité moderne, indifférenciée chez Heidegger, se scinde en consciences antagonistes des groupes sociaux … La technique porte en elle des intérêts cristallisés des rapports de forces, véhicule le contrôle et la domination de l’homme sur l’homme. Encore une fois, ce type d’analyse, dans la mesure où elle reste subordonnée à un cadre théorique totalisant qui saisit l' »état des choses » indépendamment des recherches empiriques régionales, cumule les inconvénients évoqués précédemment (caractère extrêmement général de l’analyse) et une négligence des faits qui n’entrent pas dans les « schémas préconstruits ».

Cet exercice qui vise à mettre à nu l’essence de la technique dans ses traits invariants, soit « positivement » à l’aide de définitions, soit « négativement » en s’appuyant sur un jeu d’oppositions (technique/science , technique/culture…), soit par l’intermédiaire de ses effets présumés sur la nature et la société, semble à divers signes avoir parcouru tout l’arc de ses possibilités . Loin de proposer des outils nous permettant d’appréhender les objets techniques dans leur « mode d’être » et fonctionnement différenciés, les discours globalisants sur la technique risquent d’être trop dépendants de leur aura culturelle, en oscillant incessamment entre une dénonciation teintée de pessimisme  et une exaltation aux couleurs optimistes , sans oublier l’air souvent fredonné de la neutralité de la technique, ni bonne ni méchante mais prise dans des luttes et des jeux de pouvoir .

Approches centrées sur le procès de production 

Ces approches, caractérisées par une sensibilité commune à l’égard des processus techniques, peuvent être groupées dans deux grandes catégories se distinguant de par leurs choix différents quant au niveau de l’organisation où s’opère l’analyse. Alors que la sociologie du travail thématise les rapports homme/machine, les approches contingentes de l’organisation (au moins une partie d’entre elles) se focalisent sur les rapports procès de production/organisation.

Une grande partie des travaux appartenant à la tradition de recherche communément appelée Sociologie du travail (ou Sociologie Industrielle)  peut être considérée comme une somme de réponses parfois opposées à la question : qu’en est-il des rapports de la technique et du travail ?

La stratégie de recherche qui semble se dégager est la suivante : on a d’un côté le système technique avec ses propriétés intrinsèques et de l’autre côté le travail disposant de son propre espace d’attributs. Dans un deuxième temps, on met en rapport ces deux mondes séparés dans le but d’identifier des configurations plausibles ou même nécessaires (plausibles dans le cas où les visées de l’analyse sont uniquement descriptives ; nécessaires quand l’analyse est orientée par une conception téléologique de l’histoire, et/ou cède à un déterminisme technologique rigide). Quelques exemples célèbres donneront à notre position des contours plus précis. Ainsi pour G. Friedmann, le machinisme industriel (système technique) entraîne un « éclatement progressif des anciens métiers unitaires » et a comme corollaire « la dégradation de l’habileté professionnelle »  ; en même temps le perfectionnement des machines suscite des « nouveaux métiers qualifiés » (régleurs, réparateurs, outilleurs) . Naville quant à lui, dans ses travaux de pionnier, reconnaît dans l’automatisation une exigence de coopération ainsi que le développement des nouvelles activités de commande, de surveillance et de contrôle réalisées grâce à la lecture et l’interprétation de signes provenant du système technique . L’extension du contenu de la notion de « travail » qui désigne maintenant également les attitudes des ouvriers devant le système technique, leurs formes de conscience , ne marque pas un déplacement de problématique. Les correspondances sont postulées entre les différentes phases de l’évolution technique et la conscience ouvrière.

Les années soixante-dix sont caractérisées par un changement de vocabulaire et de polarité : alors que dans les analyses précédentes la technique semble être la réalité première induisant nombre de phénomènes, elle devient maintenant réalité dépendante puisque cristallisation des rapports sociaux qui lui préexistent et la modèlent. L’accent est mis sur le pouvoir hiérarchique de la chaîne fordienne, la nouvelle « économie du temps et du contrôle »… La technologie forme un chapitre dans une archéologie du contrôle et de la discipline . Au moment où elle dénonce l’emprise du travail mort sur le travail vivant, la sociologie découvre l’existence de « pores » dans cet édifice dominé par la technique : des zones d’autonomie, des gestes de réappropriation du travail, des qualifications tacites sont mises au clair grâce à l’adoption d’une démarche d' »observation participante » .

Avec les approches contingentes de l’organisation, on change d’échelle. Tandis que la sociologie du travail franchit rarement les frontières de l’atelier, les approches évoquées par la suite s’intéressent à l’organisation prise dans son ensemble. Leur programme de recherche se résume ainsi : en partant de l’hypothèse d’une congruence nécessaire entre technologie et structure organisationnelle, on cherche a repérer des relations causales entre types de technologie (par exemple : production à l’unité ou en petite quantité ; production de masse ou en grande quantité ; production continue) et variables organisationnelles (par exemple : nombre de niveaux d’autorité, proportion du personnel de supervision, spécialisation, standardisation…) . Dans la même veine, d’autres auteurs ont essayé de mettre en rapport des variables contextuelles autres que la technologie avec l’organisation :

citons sur le thème de la taille de l’entreprise, P.M. Blau (*) ; sur le thème de l’analyse multi-critère prenant en compte la combinaison de plusieurs variables contextuelles, le groupe d’Aston  privilégie les variables internes tels que la taille de l’organisation, sa dépendance à l’égard des facteurs externes, le degré d’intégration de sa technologie, son type de propriétaire ; enfin, Burns, Stalter, Lawrence, Lorsch, Emery, Trist, accordent quant à eux une priorité aux variables externes propres aux situations de marché .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : DE LA ROUTINE A LA CRISE. LES MUTATIONS DANS LE SECTEUR DE L’ASSAINISSEMENT
Introduction
Chapitre I : Urbanisation et routines (phases B et C du mode de régulation)
Section 1. L’urbanisation
Section 2. Les paradoxes de la routine
Chapitre II : Les mutations actuelles
Section 1. Le contexte technique
Section 2. Le contexte social et économique
Chapitre III : Des mutations aux acteurs
Section 1. Le service
Section 2. Les rapports entre le service et les autres acteurs
Chapitre IV : Vers un nouveau mode de régulation ?
Section 1. L’Ancien
Section 2. Le Nouveau
Conclusion de la partie I
PARTIE II : QUELQUES INGREDIENTS DU NOUVEAU MODE DE REGULATION
Introduction
Chapitre I : Position du problème
Chapitre II : Présentation du projet
Section 1. Présentation générale
Section 2. Cadre théorique
Section 3. La problématique « indicateur »
Section 4. Etat de l’art
Section 5. Méthodologie
Chapitre III : Déroulement du projet – Résultats
Section 1. Déroulement du projet
Section 2. Résultats
Section 3. Indicateurs retenus
Conclusion de la partie II
CONCLUSION GENERALE
Annexes
Bibliographie
Liste des illustrations
Liste des personnes contactées
Table des matières

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