La régulation de l’expression des gènes comme objet de la sélection naturelle

La régulation de l’expression des gènes comme objet de la sélection naturelle

La caractérisation du vivant est une tâche ardue. Elle passe par l’attribution d’une liste plus ou moins consensuelle de propriétés à des entités physiques que l’on considère comme des organismes vivants. Parmi ces propriétés, notons la capacité des êtres vivants à protéger, exprimer et transmettre l’information contenue par les molécules d’acide désoxyribonucléiques (ADN) (Benner, 2010). Ce sont les propriétés physico-chimiques de cette molécule qui lui ont conféré son rôle central dans la genèse de l’ensemble des organismes des trois branches de l’arbre du vivant.

Description de l’organisation du génome

Composition de l’ADN 

La molécule d’ADN est une macromolécule biologique constituée d’une répétition d’éléments de base : les nucléotides. Ces monomères, composés d’un ose, le désoxyribose, et de l’une des quatre bases azotées parmi l’adénine, la thymine, la guanine ou la cytosine, sont liés de manière covalente les uns aux autres via un phosphate. C’est cette succession de bases azotées qui détermine la séquence du brin d’ADN, et établit donc l’information génétique portée par l’ADN. Une molécule d’ADN est en général constituée de deux brins antiparallèles enroulés l’un autour de l’autre sous la forme d’une double hélice et liés l’un à l’autre par un appariement entre paires de bases azotées. Cette structure est rendue possible via  l’établissement de liaisons hydrogènes, selon des règles strictes d’appariement : deux liaisons hydrogènes entre une adénine et une thymine, et trois liaisons hydrogènes entre une cytosine et une guanine (voir figure 1.1). Ces règles, qui excluent donc normalement l’appariement entre adénine et guanine, et entre cytosine et thymine, ne rendent possible l’appariement que lorsque les deux brins d’ADN sont complémentaires. Cette caractéristique permet donc une duplication de l’information génétique portée par une molécule d’ADN, et, en conséquence, la réparation d’un brin endommagé à partir de l’autre brin resté intact. De plus, la succession d’oses et de phosphates forme une structure résistante aux clivages, puisque liés de façon covalente — et donc nécessitant une quantité importante d’énergie pour rompre ces liaisons (Grandbois et al., 1999). Élucidée par Watson, Crick et Franklin en 1953 (Watson & Crick, 1953), cette structure bicaténaire hélicoïdale, plus connue sous le nom de double hélice d’ADN, confère donc une grande stabilité à l’information génétique en plaçant les bases azotées dans un environnement stable et possédant un mécanisme de réparation en cas d’erreur. Enfin, la transmission de cette information est assurée grâce à un processus connu sous le nom de réplication de l’ADN. Ce mécanisme, au cours duquel une molécule d’ADN est dupliquée de manière presque identique — le taux d’erreur varie de 10⁻⁷ à 10⁻⁸ mutation par paire de base par réplication chez Escherichia coli, et pourrait même descendre jusqu’à 10⁻⁹ chez les eucaryotes (Schaaper, 1993 ; Loeb et al., 2003 ; McCulloch & Kunkel, 2008) — est une étape primordiale de la division cellulaire. Chaque molécule d’ADN de la cellule mère est répliquée en deux molécules d’ADN, permettant ainsi aux deux cellules filles de recevoir la même information génétique que celle portée par la cellule mère.

Accessibilité de l’ADN

Comme nous venons de le voir, au sein d’un organisme vivant chaque cellule possède, à quelques exceptions près, une copie exacte des mêmes molécules d’ADN. Chez l’Homme, en partant d’une cellule-oeuf possédant 23 paires de chromosomes, le développement nous conduit, par divisions successives, à un corps adulte constitué de quelques milliers de milliards de cellules, chacune possédant sa propre version des 23 paires de chromosomes. Avec un espacement estimé à 0.34 nm entre deux nucléotides successifs, il est estimé que, mises bout à bout, les paires de bases constituant le génome humain atteindraient une longueur totale de presque 2 mètres (Alberts, 2002). Pour un être humain on atteint donc une longueur totale de plusieurs dizaines de millards de kilomètres d’ADN ! Bien évidemment, l’homme moyen ne mesurant que 1.70m et la femme moyenne 1.605m (chiffres donnés à titre indicatif, tirés d’une étude de l’INSEE de 1970 en France (Valdelièvre & Charraud, 1981)), il apparaît que l’ADN ne se trouve pas dans un état libre dans les cellules. À l’échelle de la cellule, réussir à faire tenir l’ensemble de l’ADN dans un noyau d’un diamètre moyen approximant 6 µm est équivalent à essayer d’empaqueter une pelote de fil très fin long de 40 km dans une balle de tennis (Alberts, 2002). Cet exploit est rendu possible par l’action de protéines spécifiques, qui vont permettre de condenser l’ADN, dont nous discuterons maintenant quelques exemples .

En effet, plusieurs niveaux de compaction existent, le plus important et sûrement le plus connu est le chromosome mitotique, qui est la forme que prend chaque chromosome lors de la division cellulaire, avant la séparation de la cellule mère en deux cellules filles. Néanmoins, pour des soucis de clarté, intéressons-nous dans un premier temps au premier niveau de compaction de l’ADN : le nucléosome. Celui-ci implique un noyau protéique, sous la forme d’un octamère d’histones composé de deux exemplaires de chacune des histones H2A, H2B, H3 et H4, autour duquel environ 146 paires de bases de l’ADN s’enroulent sur 1.65 tours, pour une longueur totale de 11 nm (Luger et al., 1997 ; Wolffe, 1998). Cette structure nucléoprotéique, qui se répète toutes les 200 ±40 pb tout au long du génome des eucaryotes, permet d’atteindre un premier niveau de compaction de l’ADN qui est sous cette forme six fois plus compact que la même longueur d’ADN nu. Comme nous venons de le mentionner le nucléosome est une structure répétée le long du génome, cette répétition est entrecoupée de segments d’ADN dits de « liaison », d’une longueur qui varie entre 25 et 70 paires de bases selon l’espèce considérée, et stabilisée par l’histone H1 (Bednar et al., 1998 ; Woodcock, 2006). Ceci conduit à l’établissement d’une structure d’un ordre supérieur, la chaîne de 30nm, dont l’architecture et les modalités de compaction sont encore incertaines, mais qui permet d’atteindre un facteur de compaction estimé entre 30 et 40 (Robinson et al., 2006 ; Grigoryev & Woodcock, 2012). Enfin, le dernier niveau de condensation de l’ADN est la conséquence du surenroulement de la chaîne de 30 nm que nous venons de décrire, et de l’action des protéines SMC (pour Structural Maintenance of Chromosome) (Vologodskii & Cozzarelli, 1994 ; Gassmann et al., 2004). Ce surenroulement qui peut être positif (dans le sens de l’enroulement de la double hélice) ou négatif (dans le cas contraire) permet, dans sa forme la plus extrême, l’établissement des chromosomes mitotiques précédemment évoqués. Pour atteindre ce niveau de compaction (1 :10,000), des protéines SMC telles que les cohésines et condensines, sont requises (Gassmann et al., 2004 ; M. Sun et al., 2011).

L’ensemble des niveaux de compaction que nous venons de décrire nécessite une interaction entre ADN et protéines, la structure résultant de cette interaction est appelée chromatine et correspond à l’état sous lequel l’ADN est trouvé dans le noyau des cellules eucaryotes. On distingue deux formes de chromatine, l’euchromatine d’une part, formée par le simple enroulement de l’ADN autour des coeurs d’histones et l’hétérochromatine de l’autre, plus généralement formée par les fibres de 30 nm et donc dans un état plus condensé que l’euchromatine. Nous venons ici d’établir comment les molécules d’ADN portent une information, la protègent et la transmettent d’une génération à l’autre de manière pérenne. Afin de compléter ce qui fait de l’ADN la molécule essentielle au vivant, intéressons-nous maintenant à l’expression de l’information génétique.

Régulation de l’expression de l’ADN

Comme nous venons de le mentionner, les molécules d’ADN sont essentiellement une succession de nucléotides formant un code et portant donc une information. En particulier certaines parties de l’ADN, plus communément appelées gènes, portent une succession de nucléotides, qui lus trois par trois par les organismes vivants peuvent être interprétés en acides aminés, les briques unitaires des protéines. Cette correspondance entre trios de nucléotides (plus connus sous le nom de « codons ») et acides aminés est appelée le code génétique et est à la base de la capacité qu’ont les organismes vivants à interpréter l’information contenue par les séquences d’ADN (Crick et al., 1961). Ce processus de lecture de l’information génétique est appelé expression de l’ADN, ou expression génique, et repose sur deux étapes fondamentales : la transcription de l’ADN en ARN messager (ARNm), puis la traduction du-dit ARNm en protéine (nous nous restreindrons ici au cas des gènes codant des protéines, bien qu’il existe aussi de nombreux exemples de gènes codant des petits ARN circulants, longs ARN non-codants ou autres (Esteller, 2011 ; UszczynskaRatajczak et al., 2018)). La première de ces étapes est intimement liée à l’accessibilité de l’ADN puisque nécessitant un accès direct à la séquence de l’ADN par toute une machinerie de protéines requise pour la transcription en ARNm. De ce fait, on comprend facilement le rapport important qui existe entre la transcription et le taux de compaction de l’ADN : si l’euchromatine concerne en général les gènes activement transcrits, l’hétérochromatine regroupe les zones non-actives de l’ADN. Notons qu’on distingue l’hétérochromatine constitutive, commune à l’ensemble des cellules, de l’hétérochromatine facultative quand spécifique au type cellulaire et/ou à l’état de différenciation. Dans cette partie nous allons nous intéresser à l’ensemble des mécanismes qui permettent la régulation de l’expression de l’ADN, avec dans un premier temps une description des éléments régulateurs du génome. Pour des soucis de clarté, nous nous concentrerons dorénavant sur le cas de l’être humain.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
1 La régulation de l’expression des gènes comme objet de la sélection naturelle
1.1 Description de l’organisation du génome
1.1.1 Composition de l’ADN
1.1.2 Accessibilité de l’ADN
1.2 Régulation de l’expression de l’ADN
1.2.1 Les différents éléments régulateurs
1.2.2 Facteurs environnementaux et intrinsèques de la variabilité de l’expression génique
1.2.3 Facteurs génétiques de la variabilité de l’expression génique
1.3 La sélection naturelle
1.3.1 Lamarckisme
1.3.2 Darwinisme et Néo-Darwinisme
1.3.3 La diversité phénotypique et génétique comme cible et acteur de la sélection
1.4 Les phénotypes, conséquences directes de l’expression de l’ADN
1.4.1 Établissement des profils d’expression au cours du développement
1.4.2 Variabilité inter-espèce et interindividuelle des profils d’expression
1.4.3 L’importance de la régulation de l’expression génique dans le cadre de l’évolution
2 Les marques épigénétiques : variabilité et héritabilité au travers de l’exemple de la méthylation de l’ADN
2.1 L’épigénétique, architecte de la conformation de l’ADN
2.1.1 Définition de l’épigénétique
2.1.2 Les différentes marques épigénétiques
2.2 La méthylation de l’ADN
2.2.1 Dans les différents domaines du vivant
2.2.2 Genèse et maintien des profils de méthylation chez l’Homme
2.3 La variabilité des profils de méthylation de l’ADN chez l’Homme, à plusieurs échelles
2.3.1 Au cours de la vie
2.3.2 Entre types cellulaires
2.3.3 Entre individus et populations
2.4 L’origine de la variabilité de la méthylation de l’ADN
2.4.1 Les facteurs génétiques
2.4.2 Les facteurs environnementaux
2.5 L’héritabilité de la méthylation de l’ADN
2.5.1 Héritabilité cellulaire
2.5.2 Héritabilité trans-générationnelle
3 Le rôle régulateur de l’expression par la méthylation de l’ADN chez l’Homme
3.1 Les phénotypes associés à la variabilité de la méthylation
3.1.1 Études d’association à l’échelle du génome (EWAS)
3.1.2 Méthylation et réponse immunitaire
3.2 Implication de la méthylation de l’ADN dans la régulation de l’expression des gènes
3.2.1 Preuve expérimentale et modèle canonique
3.2.2 Mécanisme d’action
3.3 La méthylation : marqueur ou acteur de l’expression génique
3.3.1 Développement des études d’association à l’échelle du génome (eQTM)
3.3.2 Analyse de la causalité des associations entre méthylation et expression génique
4 Objectifs de la thèse
5 Résultat 1 : Exploration des origines génétiques des différences populationnelles de méthylation de l’ADN et de leur impact causal sur la régulation des gènes de l’immunité
5.1 Contexte
5.2 Article 1
5.3 Résumé des résultats et perspectives
6 Résultat 2 : À la découverte de la spécificité cellulaire et de la causalité des effets de la méthylation de l’ADN dans la régulation de l’activité des gènes de l’immunité dans le sang
6.1 Contexte
6.2 Article 2
6.3 Résumé des résultats et perspectives
Conclusion

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *