La régularité des actes administratifs préparatoires avant la création du Conseil Constitutionnel 

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Le maintien du consensus national, une finalité du contrôle

Les exigences rappelées par le protocole précité, renseignent à suffisance, sur l’intérêt qu’il faut accorder au contrôle de constitutionnalité des dispositions constitutionnelles portant matière électorale. La Cour Constitutionnelle béninoise fait siennes, ces exigences sur le fondement des dispositions de l’article 121, alinéa 1er de la Constitution de 1990106. L’ouverture de saisine de la Haute Cour pour contrôle de constitutionnalité, donne des occasions récurrentes au juge constitutionnel béninois d’examiner la constitutionnalité des lois en général, et celles relatives à la matière électorale en particulier. C’est dans cet esprit que la Haute Cour a érigé le principe du consensus national, ressorti de la Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990, en principe à valeur constitutionnelle.107Cette décision est intervenue à la suite de plusieurs recours enregistrés par la Cour aux fins d’examiner la constitutionnalité de la loi constitutionnelle n° 2006-13 adoptée le 23 juin 2006 et portant modification de l’article 80108 de la Constitution. La loi sus visée avait pour objet de proroger de quatre (04) à cinq (05) ans, avec effet rétroactif, la durée de la législature en cours qui avait démarré le 22 avril 2003 pour qu’elle prenne fin le 21 avril 2008 au lieu de la date du 21 avril 2007 constitutionnellement établie. Les requérants soutenaient essentiellement à l’appui de leur demande, que l’article 02 de la loi soumise à l’examen est contraire à la Constitution au motif que : « elle viole le principe de la rétroactivité des lois (…) que la nouvelle loi constitutionnelle ne peut rétroagir pour remettre en cause un mandat antérieur à sa mise en vigueur ». Ils alléguaient également qu’ « aucune prorogation de mandat ni maintien de députés en fin de mandat ne saurait intervenir hors l’expression du suffrage populaire ». En somme, les requérants soutenaient que la loi constitutionnelle querellée menace l’intérêt supérieur de la nation, la cohésion nationale et viole les droits fondamentaux. En réponse à ces allégations, la Cour a considéré que le : « mandat de quatre (04 ans) qui est une situation constitutionnellement établie est le résultat du consensus national dégagé par la Conférence des Forces Vives de la Nation et consacré par la Constitution en son préambule qui réaffirme l’opposition fondamentale du peuple béninois à la confiscation du pouvoir ».
La Cour poursuit son raisonnement en soutenant que : « même si la Constitution a prévu les modalités de sa propre révision, la détermination du peuple béninois à créer un État de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion nationale commandent que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990, notamment le consensus national, principe à valeur constitutionnelle ». La Haute Cour a conclu, en conséquence, que les dispositions de la loi n° 2006-13 adoptée le 23 juin 2006 prorogeant le mandat des députés, sont contraires à la Constitution du fait qu’elles ne respectent pas « le principe a valeur constitutionnelle ainsi rappelé ». C’est dire que la Haute Cour s’est fondée principalement de consensus national pour déclarer la loi soumise à son examen contraire à la Constitution. Une telle position révèle la témérité du juge qui s’érige en défenseur des valeurs républicaines convenues dans la Conférence nationale et qu’il considère réaffirmées dans le préambule de la Constitution du 11 décembre 1990. La seconde lecture qu’il faut en tirer c’est que le juge constitutionnel béninois a pris une option opposée à celle de ses homologues français et sénégalais qui refusent de statuer sur les lois constitutionnelles. La loi qui était soumise à l’examen du juge béninois présente le même objet que la loi sénégalaise n°29/2005 prorogeant le mandat des députés élus et votée le 16 décembre 2005. Contrairement au juge béninois, le Conseil Constitutionnel sénégalais, dans sa décision du 26 janvier 2005, s’était déclaré incompétent pour statuer sur la loi constitutionnelle sus visée. Une telle jurisprudence contraste avec l’audace de la Cour Constitutionnelle béninoise. La Cour béninoise a confirmé sa jurisprudence dans une récente décision rendue le 20 octobre 2011109. Dans cette décision, la Haute juridiction était saisie d’une requête du Président de la République aux fins de contrôler la constitutionnalité de la loi n° 2011-27 du 30 septembre 2011 portant conditions de recours au référendum. Dans l’exercice de son contrôle de constitutionnalité, la Cour a conclu que l’article 6 de la loi sus visée est contraire à la Constitution au motif qu’il ne cite pas toutes les options fondamentales de la Conférence nationale de février 1990 et qui sont reprises dans les articles 42110, 44111 et 54112 de la Constitution » qui sont hors de portée d’une révision constitutionnelle. Ainsi, pour la constitutionnalité de l’article mis en cause, la Cour a proposé sa reformulation en ces termes : « ne peuvent faire l’objet de questions à soumettre à aux fonctions de Président de la République s’il n’est de nationalité béninoise de naissance ou acquise depuis au moins dix ans ; n’est de bonne moralité et d’une grande probité ; ne jouit de ses droits civils et politiques ; n’est âgé de quarante ans au moins et de soixante-dix au plus à la date de dépôt de sa candidature ; ne réside sur le territoire de la République du Bénin au moment des élections ; ne jouit d’un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins assermentés désignés par la Cour Constitutionnelle ».

Un contrôle de constitutionnalité étendu aux conditions d’éligibilité

Dans l’exercice d’un contrôle de constitutionnalité des lois relatives à la matière électorale, le juge doit faire preuve plus de fermeté lorsque celles-ci se rapportent à la restriction de l’éligibilité. Ainsi, le juge serait dans les conditions d’exercer pleinement ses compétences pour freiner les initiatives de révisions constitutionnelles mues par un mobile d’écarter certains candidats. C’est dans cette logique que s’inscrit la décision la Cour Constitutionnelle béninoise du 05 janvier 1996 dans laquelle le juge a retenu « que la loi ne pouvait ajouter à la Constitution,
en créant une condition d’éligibilité à la Présidence de la République »116. En l’espèce, la Cour était saisie pour examiner la constitutionnalité de la loi n° 95-015 du 11 décembre 1995 définissant les règles particulières pour l’élection du Président de la République. L’article 5 de la loi sus indiquée stipulait qu’ : « au cas où un citoyen se trouve au bénéfice de plusieurs nationalités, il est tenu, lors du dépôt de sa candidature à la fonction de Président de la République, de renoncer officiellement à toute nationalité autre que celle du Bénin et d’en fournir la preuve en versant au dossier de candidature tous documents officiels pouvant faire foi ». Cette disposition ainsi formulée, visait disqualifier Monsieur Nicéphore SOGLO, candidat à sa propre succession qui détenait une double nationalité. La Haute Cour a censuré cet article en considérant que l’article querellé ainsi stipulé, « crée une condition supplémentaire en matière de nationalité pour l’élection du Président de la République, alors que la seule condition exigée à ce titre par la Constitution en son article 44 est d’être de nationalité béninoise de naissance ou acquise au moins depuis dix ans (…) ; qu’il en découle que le législateur impose une condition supplémentaire, au demeurant restrictive de celle prévue par la Constitution ; qu’en conséquence, l’article 5 doit être déclaré inconstitutionnel ».
La Cour a également procédé ainsi en invalidant « un texte durcissant les conditions de résidence au moment de l’élection et susceptible d’éliminer Monsieur Yayi Boni de la compétition électorale»117.
En effet, la Haute Cour avait pris cette décision, à la veille de l’élection présidentielle de 2006, suite à l’adoption d’une loi qui obligeait les futurs candidats à résider sur le territoire national « au moment des élections », c’est-à-dire « de la période allant de l’installation de la Commission électorale nationale autonome à la proclamation des résultats définitifs du scrutin ».118 Le juge constitutionnel béninois a reprécisé le sens du groupe de mots « au moment des élections » et a tenu en échec les déviations du législateur qui visaient à écarter le Président Yayi Boni de la compétition présidentielle de 2006.
En définitive, il semble nécessaire, pour déjouer les pratiques antidémocratiques sus évoquées, d’exercer un contrôle de constitutionnalité des lois entrant dans le champ de la révision constitutionnelle et dont l’objet porterait sur la matière électorale. Dans cette volonté, surgit la problématique du contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles119. En Afrique francophone, à l’exception de la Cour Constitutionnelle du Bénin, les juges restent réticents à contrôler les lois constitutionnelles. C’est ce que Stéphane BOLLE nous enseigne lorsqu’il souligne que : « seule la Cour constitutionnelle du Bénin, en 2006, a pu censurer, sans retour, une loi constitutionnelle prorogeant la durée de la législature en cours ». Ainsi, « le contrôle de constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation peut, dès lors, apparaitre comme le remède le plus efficace pour purger le code électoral de tout vice ».120Aussi l’intervention du juge à ce stade, par le truchement de ce contrôle de constitutionnalité des normes, doit-il permettre de « déjouer les
pièges de l’instrumentalisation des règles du jeu électoral afin de prévenir les contestations violentes et garantir à tous les candidats, une compétition électorale ouverte et loyale ».121 Pour y parvenir, le contrôle de régularité doit s’élargir également aux lois organiques plus particulièrement à celles qui se rapportent à la matière électorale.

Le contrôle des actes juridiques de nature règlementaire

Le Conseiller d’État Jacques ARRIGHI DE CASANOVA écrivait que les scrutins politiques « sont toujours précédés d’actes administratifs, ayant pour objet d’en préciser l’organisation et le déroulement».138 C’est dire qu’au-delà de la loi électorale, il existe une série d’actes administratifs relatifs à la préparation de scrutins politiques. Ces actes administratifs pris dans le cadre du processus électoral peuvent être à l’origine de plusieurs contentieux dont le régime est particulier. Cette particularité réside dans le fait que le contrôle des actes administratifs intervenant dans le processus électoral peut comporter deux types de contentieux. D’une part, ces actes peuvent être déférés devant le juge administratif pour annulation dans le cadre du recours pour excès de pouvoir. D’autre part, ces actes peuvent être soumis à l’examen du juge en sa qualité de juge de l’élection dans l’hypothèse où les requérants considèrent, que les actes sus indiqués, entachent la régularité d’un scrutin. En conséquence, ce double contentieux que peuvent engendrer les actes administratifs préparatoires de scrutins, pourrait créer un conflit de compétences entre le juge d’excès de pouvoir et le juge du contentieux de l’élection. A ce double contentieux s’ajoute un dédoublement fonctionnel du juge qui combine les qualités de juge d’excès de pouvoir et celui de juge électoral. Ce dédoublement fonctionnel a été à l’origine de la délicate question de compétence qui a fortement marqué la jurisprudence du Conseil d’Etat français pendant une longue période (§1) avant l’installation d’un dialogue jurisprudentiel entre les juges (§2).

L’historique du contentieux des actes réglementaires préparatoires de scrutins

Un rappel historique de la jurisprudence du juge électoral français sur les actes préparatoires de l’élection permet de comprendre l’attitude actuelle du juge africain sur le contrôle de ces actes. En effet, l’étude historique139du contentieux des actes administratifs pris dans le cadre de la préparation du processus électoral commande qu’il soit distingué deux époques. La première est cette période pendant laquelle les Assemblées parlementaires exerçaient le contrôle de régularité des élections de leurs membres (A). La seconde peut être située à partir de la création du Conseil Constitutionnel français (B).

La régularité des actes administratifs préparatoires avant la création du Conseil Constitutionnel

Avant la création du Conseil Constitutionnel en France, les recours d’annulation des actes administratifs préparatoires de scrutins étaient marqués par une jurisprudence de réticence du juge administratif (1) qui n’est pas sans conséquence pour les requérants (2).

Un contrôle de régularité longuement anéanti par la réticence du juge administratif en croire

Richard GHEVONTIAN, « à première vue, le contrôle de ces actes (actes administratifs préparatoires de scrutins) devrait relever du contentieux de la légalité dont le juge administratif a, par nature, la charge, par la voie de recours pour excès de pouvoir »140. L’auteur s’empresse de préciser que cette apparence ne correspond pas à la réalité du fait que l’attribution de l’ensemble du contentieux des actes préparatoires des élections aux juridictions administratives compétentes, dans le contentieux de l’annulation, ne relève pas de l’évidence. L’étude de la jurisprudence du juge administratif en matière d’actes juridiques préparatoires de scrutins confirme cette thèse de l’auteur. La politique de cette jurisprudence administrative a consisté à refuser d’examiner au fond les recours dirigés contre les actes administratifs préparatoires. Le juge administratif a longtemps considéré qu’il était du ressort des Assemblées parlementaires de contrôler la régularité des élections de leurs membres par la « technique de vérification des pouvoirs». Pendant tout le temps qu’a duré la «technique de vérification des pouvoirs»,141 le juge administratif adoptait des décisions d’incompétence et d’irrecevabilité, sous réserve de quelques rares exceptions142, suivant la nature de l’élection. Ainsi, le Voir Francis DELPEREE qui affirmait à ce propos que : «Une technique simple caractérise ce contentieux. L’assemblée fraîchement élue s’érige en juge de l’élection de ses membres. Les élus contrôlent les élus. Ou, pour être précis, les élus contrôlent la régularité du processus électoral qui a contribué à sélectionner les élus. L’assemblée vérifie les pouvoirs de ses membres, ainsi que le prescrivent plusieurs constitutions européennes ». ; F.DELPEREE, «Le contentieux électoral en Europe », Cahiers du Conseil Constitutionnel n°13, (dossier la sincérité du scrutin), janvier 2003 ; voir également B.DAUGERON, « le contrôle des élections parlementaires avant le Conseil Constitutionnel : la « vérification des pouvoirs, histoire et théorie », Nouveaux cahiers du Conseil Constitutionnel n°41, (dossier le Conseil Constitutionnel, juge électoral) octobre 2013, pp.17-31.

L’actualité du contentieux des actes préparatoires de scrutins

L’étude de l’actualité de la jurisprudence des actes préparatoires des scrutins s’entend comme l’analyse des décisions récentes prises aussi bien par le Conseil Constitutionnel que par le Conseil d’État dans le cadre de ce contentieux.
Concernant la jurisprudence du juge constitutionnel, l’étude sera circonscrite dans une séquence temporelle allant de l’important arrêt Delmas du 11 juin 1981 à nos jours. Une séquence temporelle marquant l’irruption du Conseil constitutionnel dans le contentieux des actes préliminaires (A). S’agissant de la jurisprudence administrative, l’examen de ses arrêts dans la matière indiquée, sera circonscrit dans la période allant de la jurisprudence du Conseil français du 03 juin 1983 jusqu’aux décisions les plus récentes (B).

L’irruption du Conseil Constitutionnel dans le contentieux

Le contentieux des actes administratifs concourant à la préparation de l’élection est marqué par l’irruption du juge constitutionnel français dans la résolution du contentieux. Cette incursion de la juridiction constitutionnelle dans ce contentieux peut entretenir un paradoxe.
En effet, le paradoxe supposé résulte de cette compétence naturelle du juge constitutionnel de veiller à la constitutionnalité des lois et non à la légalité des actes administratifs antérieurs aux scrutins. Cette nouvelle compétence qui n’est pas consacrée162, peut laisser paraître une concurrence entre le juge administratif, compétent naturellement pour ces actes, et le juge constitutionnel, investi de la mission de subordonner la validité des actes législatifs à leur conformité à la loi fondamentale.
Toutefois, la compétence du juge constitutionnel demeure logiquement fondée pour connaitre les actes administratifs pris dans le cadre de l’organisation des scrutins dont la régularité relève de sa compétence. C’est dire que la compétence sus indiquée de la juridiction constitutionnelle, peut être justifiée pour deux raisons au moins. La première tient de ce vide consécutif à l’attitude du juge administratif consistant à refuser de connaître, pour excès de pouvoir, les actes susnommés. La seconde raison se déduit de cette mission générale du juge constitutionnel de veiller à la régularité des élections parlementaires et présidentielles. Ces raisons évoquées ci-dessus ont été retenues à la lecture de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.
En effet, dès 1981163, le juge constitutionnel français a pris un important arrêt en acceptant d’examiner un recours dont les griefs portaient sur la contestation des décrets préparatoires des élections législatives.164En l’espèce, les recours étaient d’abord portés devant le Conseil d’État pour annulation « des décrets n° 81-627 du 22 mai 1981 portant convocation des collèges électoraux pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale et fixant le déroulement des opérations électorales et des décrets n° 81-628 et 81-629 de la même date relatifs au même objet, le premier pour le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, le second pour les territoires de la Polynésie française et des îles Wallis et Futuna ». En réponse aux requêtes introduites, le juge administratif français, par sa décision du 03 juin 1981, s’était déclaré incompétent « pour connaître de requêtes dirigées contre lesdits décrets au motif qu’il n’appartient qu’au Conseil constitutionnel, juge de l’élection des députés à l’Assemblée nationale, d’apprécier la légalité des actes qui sont le préliminaire des opérations électorales ».
C’est à la suite de cette décision d’incompétence que le juge constitutionnel a été saisi par François DELMAS pour annulation des décrets sus visés au motif qu’ils seraient contraires aux dispositions législatives relatives aux campagnes électorales des élections législatives et violeraient des opérations électorales et l’égalité des citoyens.
Le Conseil Constitutionnel a tenu à justifier d’abord sa compétence par le fait que « les griefs allégués mettent en cause (…) la régularité de l’ensemble des opérations électorales telles qu’elles sont prévues et organisées par les décrets du 22 mai 1981 et non celle des opérations électorales dans telle ou telle circonscription ; qu’il est donc nécessaire que, en vue de l’accomplissement de la mission qui lui est confiée par l’article 59 de la Constitution, le Conseil constitutionnel statue avant le premier tour de scrutin ».

La compétence du Conseil d’État dans le contentieux des actes préliminaires : entre constance et évolution

L’étude de l’actualité des décisions du Conseil d’État français en matière de contentieux des actes administratifs organisant des scrutins laisse entrevoir une tendance de refus du juge de connaitre la légalité de ces actes administratifs préparatoires. Cette jurisprudence de refus a fini par instaurer un dialogue avec le juge constitutionnel (1). Toutefois, d’autres jurisprudences du juge administratif se sont révélées floues voire dissidentes (2).

La confirmation de la jurisprudence classique conduisant à un dialogue des juges173

Dès 1981, dans l’arrêt DELMAS du 03 juin 1981, le Conseil d’État a exprimé fermement sa volonté de maintenir la jurisprudence Sieur Maître174. Dans cette espèce, le Conseil d’État était saisi par François DELMAS aux fins d’annulation du décret du 22 mai 1982 portant d’une part, convocation des électeurs et d’autre part, le déroulement des opérations électorales pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale.
En réponse aux allégations du requérant, le Haut conseil avait considéré dans l’arrêt DELMAS qu’il n’appartient qu’au Conseil Constitutionnel, qui, en vertu de l’article 59 de la Constitution du 04 octobre 1958, juge de l’élection des députés à l’Assemblée nationale d’apprécier la légalité des actes qui sont le préliminaire des opérations électorales ; que dès lors, le C.E n’est pas compétent pour se prononcer sur la légalité » du décret sus visé. À travers cette jurisprudence, il réapparait la crainte du juge administratif à l’endroit du « juge politique » comme l’affirmait Jean SALOMON175. Le juge administratif est réconforté par le juge constitutionnel qui a été saisi une semaine plus tard par le même requérant, Monsieur DELMAS suite à la décision insatisfaisante obtenue devant le juge administratif. Ainsi, en réponse au requérant DELMAS, le juge constitutionnel a retenu dans sa décision n° 81-1 ELEC du 11 juin 1981 qu’il peut être amené à statuer exceptionnellement sur les recours dirigés contre les actes administratifs préparatoires de scrutins avant le contentieux de l’élection. Cette intervention du juge constitutionnel est envisageable lorsque les griefs soulevés sont de nature à remettre en cause sa mission de régularité de l’élection et à entacher la sincérité de celle-ci. C’est le début d’un dialogue entre les deux juridictions. Ce dialogue va s’installer définitivement à partir des années 2000 après une courte période de jurisprudences dissidentes. Le juge administratif va désormais rependre dans ses décisions le considérant de principe du juge constitutionnel. Il en est ainsi de ses décisions du 1er septembre 2000176 et du 14 septembre 2001177.
Dans ses arrêts, la juridiction administrative fait désormais référence à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel pour justifier son incompétence à connaitre des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les actes administratifs préparatoires de l’élection. Ainsi dans la première décision sus référencée, le Conseil d’État était saisi d’un recours aux fins d’annulation, entre autres, pour excès de pouvoir, le deuxième alinéa de l’article 3 du décret n° 2000-667 du 18 juillet 2000. L’article querellé était relatif à la campagne du référendum. En guise de réponse aux allégations des requérants, le juge administratif a pris une décision d’incompétence en faisant référence aux considérants des arrêts du Conseil Constitutionnel des 25 juillet et 23 août 2000.
C’est ainsi que la Haute juridiction administrative, a rappelé dans sa décision du 1er septembre 2000 que le Conseil Constitutionnel a décidé : «qu’il lui appartenait, en vertu de la mission générale de contrôle de la régularité des opérations référendaires qui lui est conférée par l’article 60 de la Constitution, de se prononcer sur les requêtes dirigées contre ces décrets dès lors qu’une irrecevabilité opposée à ces requêtes risquerait de compromettre gravement l’efficacité de son contrôle des opérations référendaires, vicierait le déroulement général du vote et porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics ; que l’existence, devant le Conseil constitutionnel, avant la proclamation des résultats du scrutin ».

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Table des matières

INTRODUCTION
Première Partie Le contrôle juridictionnel du processus électoral assorti d’une fonction de régularité
Titre premier. La fonction de régularité antérieure au scrutin
Chapitre premier. La régularité du cadre normatif précédant le scrutin
Section I. La régularité des actes juridiques de nature parlementaire
§1. La régularité des lois constitutionnelles
A. Un contrôle timide
1. L’origine de la timidité du contrôle
2. Une timidité à l’origine de la substitution du peuple au juge ou au Parlement
B. Un contrôle déjouant les initiatives antidémocratiques
1. Le maintien du consensus national, une finalité du contrôle
2. Un contrôle de constitutionnalité étendu aux conditions d’éligibilité
§2. Un contrôle de régularité de la loi organique portant Code électoral
A. L’emprise politique dans l’adoption d’un Code électoral
B. Le régime variable du contrôle de régularité du Code électoral
1. La pluralité de régimes de contrôle des lois organiques
2. Un contrôle réservé aux autorités politiques
Section II. Le contrôle des actes juridiques de nature règlementaire
§1. L’historique du contentieux des actes réglementaires préparatoires de scrutins
A. La régularité des actes administratifs préparatoires avant la création du Conseil Constitutionnel
1. Un contrôle de régularité longuement anéanti par la réticence du juge administratif
2. Une réticence préjudiciable aux requérants
B. Le contrôle des actes administratifs préparatoires après la création du Conseil Constitutionnel
§2. L’actualité du contentieux des actes préparatoires de scrutins
A. L’irruption du Conseil Constitutionnel dans le contentieux
B. La compétence du Conseil d’État dans le contentieux des actes préliminaires : entre constance et évolution
1. La confirmation de la jurisprudence classique conduisant à un dialogue des juges
2. La nuance du juge dans certaines de ses décisions
Chapitre II. La régularité du cadre opérationnel précédant le scrutin
Section I. L’identification des personnes physiques devant participer au scrutin
§1. L’acquisition de la qualité d’électeur
A. La liste électorale, un cadre d’exercice du contrôle de régularité
1. Le principe de l’universalité du vote comme source d’établissement de la liste électorale
a. La consécration supranationale du principe
b. La consécration nationale du principe
2. L’inscription, une condition d’établissement de la liste électorale
B. Le contrôle de régularité de la liste électorale
1. Le contrôle de régularité de la liste électorale par le juge constitutionnel
a. Par voie d’action
b. Par voie d’exception
2. Le contrôle de régularité de la liste électorale par le juge judicaire
§2. L’acquisition de la qualité de candidat
A. Les principes de la liberté de candidature
1. L’éligibilité des candidats
a. L’éligibilité procédant des conditions de candidature
b. L’inéligibilité des candidats
2. L’égalité des candidats
a. L’affirmation du principe
b. Principe d’égalité et d’équilibre des candidats
B. La protection juridictionnelle de la liberté de candidature
1. Le contentieux des candidatures à l’initiative concurrencée avec les candidats
2. Le contentieux des candidatures à l’initiative exclusive des candidats
Section II. La régularité des organes de gestion des élections
§1. La création laborieuse des Commissions électorales
A. Le contrôle de régularité au moment de la création des Commissions électorales
1. Le contrôle du fondement légal de la création des Commissions électorales
2. Un contrôle débouchant sur la constitutionnalité de la C.E.N.A
B. Un contrôle étendu aux compétences conférées aux commissions électorales
1. La restriction des attributions de la C.E.N.A dans certains cas
2. Le renforcement des attributions de la C.E.N.A dans d’autres cas
§2. La mise en place contentieuse des Commissions électorales
A. La difficile détermination des membres devant siéger dans les Commissions
1. L’exigence du respect de la configuration politique de l’Assemblée nationale
2. Dans la composition des bureaux des commissions électorales
B. Un contrôle de moralité des personnalités siégeant dans les Commissions
1. L’exigence des critères de moralité
2. Les incompatibilités attachées aux fonctions de membres des commissions électorales
Titre II. La fonction de régularité postérieure au scrutin
Chapitre premier. Une fonction de régularité intensément consacrée
Section I. L’étendue de la fonction
§1. Le contrôle de régularité des diverses opérations de vote
A. Les opérations internes au bureau de vote
1. La composition irrégulière ou dysfonctionnement d’un bureau de vote
2. La régularité des documents électoraux
B. Les opérations externes au bureau de vote
§2. Le contrôle de conformité des opérations aux principes du vote
A. Le principe du secret du vote
1. L’installation de l’isoloir, une garantie du secret du vote
2. L’utilisation de l’enveloppe, un gage du secret du vote
B. Le principe de la liberté du vote
1. L’entrave au libre accès du bureau du vote
2. Les actes de violences mettant en cause la liberté de vote
Section II. Les pleins pouvoirs juridictionnels du juge de la régularité électorale
§1. L’attribution d’un pouvoir d’annulation
A. Le pouvoir d’annulation des opérations électorales du scrutin
1. La fréquence des annulations partielles
2. La rareté d’une annulation globale d’un scrutin
B. Le pouvoir d’annulation des élections individuelles
1. L’annulation de l’élection avant l’acquisition du mandat : l’invalidation
2. L’annulation de l’élection après l’acquisition du mandat : la déchéance
§2. Le pouvoir de réformation du juge de régularité électorale
A. L’origine controversée du pouvoir de réformation
1. Un pouvoir de réformation d’origine textuelle incertaine
2. Un pouvoir de réformation d’origine jurisprudentielle avérée
B. Le déploiement du pouvoir de réformation
Chapitre II. Une fonction de régularité retenue
Section I. Une fonction de régularité retenue du fait du juge
§1. La substitution de la sincérité à la régularité
A. Les vertus du contrôle de sincérité
1. Le réalisme du contrôle de sincérité
2. La sincérité comme mesure de l’authenticité des résultats
B. Les vices du contrôle de sincérité
1. L’usage intempestif de la technique de sincérité
2. Le procès doctrinal du contrôle de sincérité
§2. Une fonction de régularité anesthésiée
A. Les aveux d’impuissance du juge
1. Par des considérations de regrets
2. Par des situations d’impasse
B. La technique du refuge fragilisant la fonction de régularité
Section II. Une fonction de régularité retenue du fait de la loi
§1- L’impénétrable prétoire du juge de la régularité électorale
A. Un prétoire peu accessible
B. Une procédure contentieuse rédhibitoire
§2. L’infaillibilité des décisions du juge de la régularité électorale
A. Une infaillibilité constitutionnellement proclamée
B. Une infaillibilité préjudiciable aux requérants
Deuxième Partie. Le contrôle juridictionnel du processus électoral assorti d’une fonction de régulation électorale
Titre premier. Les origines de la fonction de régulation électorale
Chapitre premier. L’origine politique de la fonction de régulation : le processus historique
Section I. Un contexte politique hostile à l’émergence d’une justice constitutionnelle
§1. L’instabilité caractéristique de la période post indépendance
A. L’instabilité politique et institutionnelle
B. Les conséquences de l’instabilité politique et institutionnelle
§2. L’état embryonnaire de la justice constitutionnelle africaine d’avant 1989
A. La gestation de la justice constitutionnelle
1. La Création de chambres ou sections constitutionnelles
2. La reconnaissance de compétences constitutionnelles mineures
B. L’inexistence d’un contentieux constitutionnel
Section II. Le processus d’institution de juridictions constitutionnelles à partir de 1990
§1. La Conférence nationale, un procédé de transition démocratique
A. Les Conférences nationales souveraines
B. Les Conférences nationales non souveraines : l’exemple du Gabon
§2. L’institution de juridictions constitutionnelles
A. L’autonomie des juridictions constitutionnelles
1. L’autonomie organique
2. L’aménagement d’attributions majeures
B. La mission de régulation politique conférée aux juridictions constitutionnelles
Chapitre II. L’origine juridique de la fonction de régulation: les bases textuelles
Section I. La clause générale de régulation électorale
§1. La consécration textuelle de la clause générale de régulation
§2. La consécration jurisprudentielle de la clause de régulation
Section II. Les clauses spécifiques de la régulation électorale
§1. La rupture d’un mandat électif présidentiel, une source de régulation électorale
A. La rupture du mandat présidentiel du fait de la démission
B. La rupture du mandat présidentiel du fait du décès
§2. Le retrait d’un candidat, une source de régulation électorale
A. Le retrait volontaire du candidat : Le désistement
B. Le retrait involontaire d’un candidat : la disparition, le décès et l’empêchement définitif
Titre II. La mise en œuvre de la fonction de régulation électorale
Chapitre premier. Le déclenchement de la fonction de régulation électorale
Section I. Le déclenchement de la régulation électorale par les autorités politiques
§1. Sur l’initiative de l’exécutif
A. L’initiative du Président de la République
1. Une demande de suspension des opérations électorales
2. Une demande d’avis sur l’expiration des mandats des députés
B. L’initiative du Chef du Gouvernement
1. L’invocation d’un cas de force pour le report d’un scrutin
2. L’invocation des conditions climatiques pour le report ou l’anticipation des élections
§2. Sur l’initiative du Parlement
A. L’initiative parlementaire portant sur la prorogation des mandats électifs
B. L’initiative portant sur l’installation des Commissions électorales
Section II. Le déclenchement de la régulation électorale par les Commissions électorales
§1. Sur l’initiative de la Commission de Recensement des Votes
A. Une saisine de la commission recevable en dépit du silence des textes
1. Le constat du blocage de la Commission
a. Un élément factuel déterminant la recevabilité de la saisine
b. Un blocage lié à la divergence de vues des membres de la Commission
2. La nécessité d’assurer la continuité du fonctionnement des institutions
B. Un examen laborieux de la saisine
1. La construction éprouvante de la compétence du juge
2. L’invitation à l’endroit de la Commission à poursuivre ses travaux
a. Le nécessaire respect des droits des candidats
b. La poursuite des travaux de la Commission dans un délai raisonnable
§2. Sur l’initiative de la Commission électorale autonome
Chapitre II. Les prérogatives exorbitantes du juge de régulation électorale
Section I. Le déploiement de l’exorbitance des pouvoirs du juge
§1. Le pouvoir d’injonction du juge de régulation électorale
A. Une injonction contraignant une institution à s’exécuter
B. Une injonction mettant fin à l’entrave du fonctionnement d’une Institution
§2. Le pouvoir de substitution du juge de régulation électorale
Section II. Une exorbitance contestée des pouvoirs du juge
§1. Le procès doctrinal des pouvoirs exorbitants du juge
A. L’assimilation de la régulation électorale à une fonction politique
B. L’assimilation de la fonction de régulation à un contrôle d’opportunité
§2. L’auto-limitation de l’exorbitance des pouvoirs du juge
A. Les soubassements juridiques de l’auto-limitation
B. Les soubassements extra-juridiques de l’auto-limitation

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