La régénération parodontale des défauts intra osseux en secteur antérieur

Principes de régénération

   Selon Melcher (2), la régénération est un processus biologique par lequel l’architecture et la fonction des tissus détruits sont complètement restaurées ; lors de la régénération parodontale il y a donc néoformation de cément et de fibres desmodontales. Elle est à distinguer de la réparation qui restaure uniquement la continuité des tissus. Au niveau du site de cicatrisation parodontale, quatre tissus peuvent être impliqués, tous n’ayant pas la même vitesse de prolifération. Ainsi Melcher a émis quatre hypothèses nommées la théorie des domaines (3) :
• Première hypothèse : l’épithélium réaliserait la cicatrisation. Il migrerait en direction apicale le long de la racine jusqu’à rencontrer les fibres supra-crestales. L’os sous-jacent cicatriserait. Cela aboutirait à une nouvelle jonction dento-gingivale et un épithélium jonctionnel long. (Figure 1)
• Deuxième hypothèse : le tissu conjonctif gingival réaliserait la cicatrisation. Le tissu conjonctif coloniserait la surface radiculaire en la résorbant superficiellement. Il y aurait alors une adhésion conjonctive avec des fibres parallèles. (Figure 2)
• Troisième hypothèse : les cellules osseuses réaliseraient la cicatrisation. Un phénomène d’ankylose et de résorption de la surface radiculaire se produirait et l’épithélium plongerait en direction apicale jusqu’à rencontrer l’os. Il y aurait alors un épithélium jonctionnel long. (Figure 3)
• Quatrième hypothèse : les cellules du ligament parodontal réaliseraient la cicatrisation. Elles coloniseraient la surface radiculaire, il y aurait alors dépôts de néo-cément et de fibres ancrées perpendiculairement dans ce cément. L’os cicatriserait et l’épithélium ne migrerait pas en direction apicale, ce serait la situation idéale. (Figure 4)
Ces hypothèses ont été vérifiées par Nyman et Karring lors d’études expérimentales sur le chien (4)(5)(6) et il s’avère que ce sont les cellules épithéliales qui colonisent en premier la surface radiculaire. (Figure 5) La régénération parodontale consiste en un réaccolement des tissus mous à la surface dentaire mettant en jeu des tissus biologiquement distincts, de nature et de consistances différentes. (7) Certains principes de cicatrisation doivent être respectés afin d’optimiser la régénération parodontale (8)(9)(10) :
– Des compartiments tissulaires respectés.
– Une distance entre les berges minimale afin d’obtenir une cicatrisation de première intention.
– L’absence de contraintes sur le site opéré.
– Un volume du caillot sanguin le plus faible possible.
Il y a six grands principes biologiques de la cicatrisation parodontale (11):
– Histocompatibilité des surfaces : en assainissant la surface radiculaire et la face interne du lambeau.
– Exclusion cellulaire : en évitant la migration apicale de l’épithélium. Ce principe a donné naissance à la régénération tissulaire guidée.
– Maintien de l’espace cicatriciel : en évitant l’effondrement des tissus mous dans la lésion. Ce principe est respecté lors des régénérations tissulaires guidées, régénérations osseuses guidées et greffes osseuses.
– Stabilité précoce du caillot : en immobilisant le caillot lors des premières phases de la cicatrisation.
– Adhésion du caillot à la surface radiculaire et à la face interne du lambeau.
– Induction cellulaire : en assurant la promotion des cellules desmodontales et osseuses.
L’efficacité de la chirurgie régénérative est évaluée cliniquement grâce au gain d’attache clinique, à la réduction de la profondeur de poche et à la diminution des récessions.

Les membranes résorbables

  Elles peuvent être collagéniques, d’origine porcine, bovine ou équine. Ou bien elles sont synthétiques, à base d’acide polylactique, plus ou moins des polymères d’acides polyglycoliques et polylactiques. Leur résorption est lente, en quatre à six semaines, et compatible avec la cicatrisation. Leur manque de rigidité engendre un fort risque d’effondrement ce qui limite alors le volume du caillot et donne de moins bons résultats du fait de l’absence de maintien de l’espace cicatriciel. Il y a simplification de la procédure chirurgicale qui ne comporte plus qu’un temps, ce qui diminue la morbidité des tissus mous. (11) Il ne semble pas y avoir de différence significative en termes de gain d’attache et de profondeur de migration des cellules épithéliales entre les membranes résorbables et les non résorbables. Les indications des membranes non résorbables apparaissent donc plus limitées

Les matériaux d’origine synthétique

   Ces matériaux se doivent d’être biocompatibles, en étant biologiquement inertes, et en ne présentant aucun risque de transmission d’agent pathogène. Ils sont ostéoconducteurs et servent de trame osseuse à la néo-formation osseuse. Ils n’ont pas de propriétés ostéoinductrices, ni ostéogéniques. Ils peuvent être résorbables, par dissolution ou phagocytose, ou non résorbables. La taille des particules et leur porosité, proches de celles de l’os naturel, permettent une bonne migration des ostéoblastes. (19) Leur utilisation est facilitée par la nécessité d’un seul site opératoire, de leur présence en grande quantité et de leur conservation aisée. (38)
• Phosphate tricalcique béta (β-Ca3(PO4)2) : Aussi appelé Tri-Calcium Phosphate (TCP), c’est un matériau minéral non organique (céramique multi cristalline) mais bioactif. Il est résorbable en 6 semaines à 9 mois, (39) ce qui est un avantage mais aussi un inconvénient dans le sens où il ne joue pas longtemps le rôle de mainteneur d’espace si sa résorption est trop rapide. Les irrégularités présentes à sa surface favorisent la différenciation et l’activité des ostéoclastes. Pour augmenter la vitesse de remodelage osseux on peut l’associer à de l’hydroxyapatite pour ses propriétés mécaniques car elle n’est pas résorbable. (40)
• Hydroxyapatites (Ca10(PO4)6(OH)2) : Il s’agit du matériau le plus proche du cristal d’apatite biologique du tissu osseux. Les hydroxyapatites sont très peu résorbables et agissent donc comme des mainteneurs d’espace. Elles sont ostéoconductrices mais la formation d’os est très faible du fait de la faible résorption du matériau. Elles ne permettent pas de régénération du ligament parodontal. (41)(42)
• Céramiques biphasées HA/βTCP (Ca10 (PO4)6(OH)2/(β-Ca3(PO4)2) : Elles sont composées d’une phase stable, peu résorbable, d’hydroxyapatite et d’une phase soluble, résorbable, de βTCP. En augmentant l’une ou l’autre de ces phases, les propriétés du matériau changent, en favorisant soit la bioactivité du matériau, soit le maintien de l’espace. Ce sont des ostéoconducteurs qui n’engendrent pas de régénération du ligament parodontal mais servent de vecteurs aux facteurs de croissances et aux cellules souches.
• Bioverres (SiO2 CaONa2 OP2 O2) : Ce sont des granules de silicate qui se dégradent au cours de la cicatrisation en libérant du silicone soluble, des ions calcium, du phosphore et du sodium. Il y a alors formation d’une matrice d’hydroxyapatite. Ce sont des ostéoconducteurs.
• Polymères : Il s’agit de membranes polymériques multicouches chargées en nanoparticules d’hydroxyapatites, antibiotiques et facteurs de croissance. Ils améliorent les qualités mécaniques et stimulent les réactions tissulaires. Ils peuvent également être utilisés sous forme de particules ajoutées au matériau de comblement pour améliorer la cohésion. En effet ces particules durcissent après leur mise en place et permettent ainsi de contribuer à l’exclusion tissulaire

Emdogain® (Enamel Matrix Derivatives)

  Ce sont des dérivés de la matrice amélaire d’origine porcine constitués de protéines de bas poids moléculaires qui stimulent le recrutement et la différenciation des cellules mésenchymateuses. TGF-B est capable d’induire la production de BMP, la prolifération endothéliale et le chimiotactisme des cellules mésenchymateuses. Les protéines sont absorbées au niveau de la racine, il y a alors néo-cémentogénèse et régénération parodontale. Cliniquement, il y a gain d’attache clinique, diminution de la profondeur de poche et gain osseux. En chirurgie mucogingivale, l’utilisation additionnelle d’Emdogain® au lambeau déplacé coronairement n’apporte pas de réels bénéfices cliniques au recouvrement radiculaire mais favorise la régénération plus que la réparation

Chirurgie minimalement invasive et morphologie du défaut intra-osseux

   La technique MIST a pour but de limiter l’extension mésio-distale du lambeau, en élevant uniquement la papille surplombant le défaut. On accède au défaut osseux par MPPT (si l’espace interproximal est large, > 2 mm) ou SPPF (si l’espace interproximal est étroit, < 2 mm) dont l’incision interdentaire est prolongée en intra-sulculaire sur les faces vestibulaires et linguales des dents adjacentes. L’extension mésio distale est réalisée à minima pour permettre l’élévation d’un lambeau de pleine épaisseur exposant 1 à 2 mm d’os résiduel. Lorsque cela est possible, on évite les incisions verticales et on élève uniquement la papille concernée. (101)(98) On réalise des incisions intra-sulculaires vestibulaires et linguales des dents adjacentes au défaut, puis une incision linguale, préservant ainsi la papille, pour relier ces dernières. Le décollement du lambeau se fait de pleine épaisseur et à minima. Les sutures se font à l’aide de points matelassiers verticaux.

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Table des matières

INTRODUCTION
I) REGENERATION PARODONTALE ET DEFAUTS INTRAOSSEUX
I.1 Principes de régénération
I.2 La régénération tissulaire guidée
I.2.1 Définition
I.2.2 Les membranes de régénération
I.2.2.1 Les membranes non résorbables
I.2.2.2 Les membranes résorbables
I.3 Les greffes osseuses
I.3.1 Les biomatériaux osseux
I.3.2.1 L’os autogène
I.3.2.2 L’os allogène
I.3.2.3 La xénogreffe
I.3.2 Les matériaux d’origine synthétique
I.4 La régénération tissulaire induite
I.4.1 Présentation
I.4.2 Matériau
I.5 Les thérapeutiques combinées
I.5.1 Association de la RTG avec les greffes osseuses de type allogreffes
I.5.2 Association de la RTI avec les greffes osseuses de type allogreffe
I.5.3 Association RTG et RTI
I.5.4 Association RTI et Chirurgie minimalement invasive (MIST)
I.5.5 Association greffe osseuse et MIST
I.5.6 Lambeaux de préservation papillaire et RTG ou RTI
I.6 Définitions des différents défauts osseux et indications chirurgicales
I.6.1 Défauts osseux n’intéressant qu’une seule dent
I.6.2 Cratère
I.6.3 Angle du défaut
II) LAMBEAUX DE PRESERVATION PAPILLAIRE
II.1 La papille interdentaire : rappels anatomiques et fonctionnels
II.1.2 Description
II.1.2.1 Architecture
II.1.2.1 Histologie
II.1.3 Rôles de la papille
II.2 Indications et contre-indications aux chirurgies parodontales
II.2.1 Indications et contre-indications à la chirurgie parodontale générale
II.2.2 Indications et contre-indications à la chirurgie parodontale de régénération
II.2.3 Indications et contre-indications à la Chirurgie minimalement invasive (MIST)
II.2.4 Indications et contre-indications au lambeau de préservation papillaire
II.3 Lambeaux de préservation papillaire : définition et tracés d’incisions
II.3.1 Lambeau de préservation papillaire
II.3.1.1 Lambeau de préservation papillaire par TAKEI
II.3.1.1 Lambeau esthétique d’accès (LEA) par GENON et BENDER : Esthetic Periodontal Access Flap
II.3.1.2 Lambeau de protection papillaire par BOZON
II.3.3.3 Lambeau de préservation papillaire par CHECCHI
II.3.1.4 Lambeau double par CORTELLINI: Double Flap Approach (DFA)
II.3.1.5 Lambeau d’amplification papillaire par ZUCHELLI et DE SANCTIS : Papilla Amplification Flap (PAF)
II.3.1.6 Lambeau simple par TROMBELLI: Single Flap Approach (SFA)
II.3.1.7 Lambeaux mixtes
III) APPORTS DE LA CHIRURGIE MINIMALEMENT INVASIVE
III.1 Principes de la chirurgie minimalement invasive et de la microchirurgie
III.2 Instrumentation, incisions, lambeaux et techniques de sutures
III.2.1 L’instrumentation spécifique
III.2.1.1 Les aides optiques
III.2.1.2 L’instrumentation spécifique
III.2.1.3 Les fils de suture et aiguilles
III.2.2 Tracés d’incisions en chirurgie minimalement invasive
III.2.2.1 Chirurgie minimalement invasive et morphologie du défaut intra-osseux
III.2.2.2 Chirurgie minimalement invasive modifiée (M-MIST)
III.2.2.3 Lambeau simple par TROMBELLI: Single Flap Approach (SFA)
III.2.3 Sutures
III.2.3.1 Point simple
III.2.3.2 Point matelassier
III.2.3.3 Point en 8
III.2.3.4 Suture en bretelle par WATCHEL : Double-sling suture
III.2.3.5 Double suture suspendue par ZUHR: Double crossed vertical point
CONCLUSION
TABLE DES FIGURES
BIBLIOGRAPHIE

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