Nomenclature et variations intraspécifiques
Le terme « karité » est une appellation adoptée du “sarakollé” de l‟ouest du Sénégal (Traoré, 1999). La plante de karité alors appelée shea butter tree (en anglais), ou encore or des femmes africaines, est une espèce spontanée de la zone soudano-sahélienne (Bonkoungou, 1987). L‟espèce fut décrite pour la première fois par Friedrich Von Gartner en 1805 (Ruyssen, 1957), sous le nom de Vitellaria paradoxa. Le karité comporte d‟autres synonymes : Butyrospermum paradoxum, Baissia parkii, Mimusops pachyclada, Mimussops capitata, Lacuma paradoxa, etc. Dans sa révision des Sapotaceae en 1965, Baehni a retenu l‟appellation Vitellaria paradoxa conformément à la convention du Code International de la Nomenclature, selon laquelle la première nomenclature doit avoir priorité sur la seconde (Sanon, 2009). Selon Bonkoungou (1987), Vitellaria est un genre monospécifique comportant deux sous-espèces : Vitellaria paradoxa subsp paradoxa en Afrique de l‟Ouest et du Centre et Vitellaria paradoxa subsp nilotica à l‟Est de l‟Afrique notamment en Ouganda. On distingue subsp. paradoxa de subsp. nilotica du fait de sa pubescence moins dense et plus courte et ses fleurs légèrement plus petites (Dubut, 2012).
Inflorescence et fleurs
L‟inflorescence du karité porte plusieurs fleurs groupées à l‟aisselle des feuilles terminales ou des cicatrices foliaires sur les rameaux défeuillés (Guira, 1997). Le nombre de fleurs par inflorescence est variable et peut atteindre plus de 100. La fleur, hermaphrodite et actinomorphe, est enveloppée à la base de son pédoncule par une petite bractée. Le calice porte 3 à 9 sépales externes et 2 à 10 sépales internes. Les sépales et les bractées sont recouverts d‟une pubescence dense et brunâtre. Quant à la corolle, elle porte 6 à 10 pétales glabres, blanc-jaunâtres et soudés à la base en un tube et alternant avec les sépales. D‟après Aubréville (1950), les fleurs blanc crème, odorantes et mellifères sont portées par de longs pédicelles (22 à 25 cm). L’androcée est souvent composé de 8 à 10 étamines disposées en un seul cycle et opposées aux pétales auxquels elles sont soudées par la base de leurs filets. Les anthères, médifixes et extrorses produisent des grains de pollen d‟un blanc brillant visibles uniquement à la loupe. Les staminodes, apiculés, dentés et alternipétales sont au nombre de 4 à 10. Le gynécée comporte un ovaire libre de 4 à 8 loges surmontées d‟un style à stigmate papilleux.
Fruit et noix
Le fruit est une baie globuleuse ou ovoïde de couleur vert jaune, de la taille d‟une grosse prune (Bonkoungou, 1987). Les fruits sont portés par des pédoncules de 1,5 à 3 cm de long. Mûrs, les fruits sont dépourvus de latex tandis qu‟ils en exsudent abondamment au stade non mature. Le péricarpe, très charnu et sucré, est consommé pendant la période de soudure par les populations rurales (Aubréville, 1950). Le fruit renferme ordinairement une graine, parfois deux ou trois, mais rarement plus de trois dont la coque est de couleur marron clair ou foncé. D‟après Oyen et Lemmens (2002) dans Sanon (2009), l‟amande est constituée de deux cotylédons épais, charnus, fortement comprimés et à radicule non-saillante. La teneur en matières grasses des amandes sèches varie entre 29,1% et 55,5% (Delolme, 1947). Bonkoungou (1987) ajoute que l‟intervalle de temps entre la floraison et la maturation des fruits est de 100 à 150 jours mais peut atteindre 175 jours. Les amandes de la sous-espèce nilotica contiennent une teneur plus élevée en acide oléique et une teneur plus faible en acide stéarique par rapport aux amandes de la sous-espèce paradoxa. Il en résulte un beurre plus liquide (fluide) privilégié par l‟industrie cosmétique (Lafleur, 2008)
Fructification
La production fruitière est très irrégulière et les fruits mettent environ 4 mois à partir de la fin de la floraison pour arriver à maturité (Picasso, 1984). D‟après Bonkoungou (1987), les karités des parcs fructifient mieux et donnent des fruits plus gros comparativement à ceux des formations naturelles. Selon le même auteur, à 50 ans le karité est encore peu productif, et ce n‟est qu‟à 80 ou 100 ans qu‟il atteint sa pleine production. Plusieurs auteurs ont expliqué l‟irrégularité de la production fruitière entre les sujets d‟une même zone et celle d‟une année à une autre. Picasso (1984) ; Guinko et al. (1988) ; et Bagnoud et al. (1995) rapportent que cette irrégularité est liée à l‟existence de facteurs de déterminisme de la production. Selon Guinko et al. (1988), les variations des productions sont dues à des défauts de pollinisation. Ils ajoutent que seuls 25% des fleurs hermaphrodites arrivent à fructifier après fécondation. Bagnoud et al. (1995) quant à eux penchent pour une hétérogénéité à l‟échelle du terroir et une importance probable de la pollinisation. Picasso (1984) justifie cela par la précocité de la floraison qui est gage d‟une bonne année de production, la floraison pouvant être accélérée par une pluie de saison sèche. Par contre, Delolme (1947) fait intervenir une autre théorie. Après le suivi de 9 arbres sur 10 ans à la station de Saria au Burkina Faso, il conclut qu‟à une année de bonne production succède au moins une mauvaise année, la prochaine bonne production dépendant des conditions climatiques. Serpentié (1996) après avoir constaté des successions de bonnes années de production au Mali (1939-1940 ; 1950-1951 ; 1975-1976- 1977) montre les limites de cette théorie. Selon Desmarest (1958) cité par Sallé et al. (1991), dans une population donnée de karités, seuls 26% sont de bons producteurs alors que près de la moitié ne présentent aucun intérêt économique lorsque l‟on considère la production fruitière. Quelles que soient les années, 15% des arbres sont de bons producteurs réguliers. Selon ces mêmes auteurs, il existe une corrélation entre la forme des arbres, la densité du feuillage, et la production. La forme en boule représente environ 50% des bons producteurs, la forme en balai rimant étroitement avec mauvais rendement. Les arbres à feuillage dense sont généralement de bons producteurs.
Croissance et développement
Le karité est une espèce à croissance très lente. Les premières années de croissance sont marquées par le développement du système racinaire se traduisant par la formation d‟un pivot dont la longueur définitive est comprise entre 70 et 80 cm. Ensuite, il édifie un système racinaire traçant considérable suivi parallèlement du développement progressif des parties aériennes et souterraines (Delolme, 1947). D‟après Picasso (1984), la croissance des rameaux de karité se fait de deux manières :
– par l‟allongement des anciens rameaux : après la chute des feuilles, le bouton stipulé se gonfle en massue et s‟allonge de 2 cm. En cours de végétation, un deuxième allongement plus faible se produit et le rameau s‟allonge de 1 à 2 cm ;
– par la formation de nouveaux rameaux : ceux-ci naissent sur le côté du bouton stipulé après la floraison. Leur longueur varie de 10 à 20 cm, et leur diamètre de 5 à 10 mm. Leur développement est plus rapide et contraste fortement avec la faible poussée des boutons dont ils sont issus. D‟après le même auteur, chez les sujets jeunes (1 à 4 ans), l‟allongement de la tige se fait uniquement selon le premier mode par allongement terminal, mais à la différence des adultes, il n‟y a pas de gonflement de la partie terminale de la tige qui s‟allonge plus rapidement. La proportion des deux modes d‟allongement varie suivant la vigueur de la plante, la qualité du terrain, et les travaux d‟entretien. Delolme (1947), rapporte que la pluviométrie influence fortement les différentes phases végétatives (défeuillaison, floraison et apparition de nouvelles feuilles). L‟arrêt précoce des pluies entraînerait une apparition plus rapide des différentes phases végétatives. Par contre, le prolongement de l‟hivernage retarderait l‟apparition de ces phases. A maturité (à l‟optimum de son développement situé entre 80 et 100 ans), l‟arbre atteint une hauteur allant de 10 à 20 m avec un tronc d‟une hauteur moyenne de 3 à 4 m (Teklehaimanot, 2004 dans Lafleur, 2008).
Dynamique du karité
D‟après Nandnaba (1986) cité par Kaboré (2010), à l‟opposé des peuplements vieillissants dans les champs, on note la présence d‟une forte régénération des karités dans les jachères de 2 à 4 ans et dans la savane arbustive ou boisée. Diarrasouba et al. (2009) ont noté en Côte d‟Ivoire une différence significative entre le nombre de jeunes plants inventoriés dans les jachères et dans les champs. Les jachères ont renfermé 3,8 fois plus de jeunes plants que dans les champs. Quant aux arbres adultes, ils ont été 2,5 fois plus denses dans les jachères que dans les champs. Kaboré et al. (2012) expliquent que la dynamique du karité est liée aux durées respectives des champs et des jachères. Par ailleurs, le type d‟utilisation des terres l‟influence incontestablement. Les plantules rencontrent de nombreux problèmes pour se développer dans les champs. La densité des peuplements naturels de karité est très variable au Burkina Faso (Picasso, 1984). D‟après le même auteur, Ces densités vont de 30 à 50 individus/ha dans le secteur Banfora-Soubakaniédougou-Niangoloko-Ferkessédougou et dans le secteur Houndé-Boromo-Koudougou, à 4 à 10 individus/ha dans le secteur Diébougou-LéoPô. L‟intensification et la mécanisation agricole sont de nouveaux défis pour le maintien de la densité des parcs à karité car elles causent des dégâts irrémédiables sur la régénération naturelle et même assistée (Diarrasouba et al., 2009). Guira (1997) a trouvé dans la moitié ouest du Burkina Faso les caractéristiques dendrométriques moyennes suivantes : 0,30 m pour le diamètre moyen à hauteur de poitrine, 2,01 m pour la hauteur du fût, 10,71 m pour la hauteur totale et 8,29 m pour le diamètre du houppier pour différents stades adultes de certains sujets de karité.
Techniques de régénération et de gestion des peuplements de karité
Semis de graines Des essais de Picasso (1984) ont montré que la germination des graines fraiches de karité se faisait facilement avec un pouvoir germinatif des graines de 90%. Cependant, ces graines perdent rapidement cette faculté germinative au bout de 1 mois. Pour augmenter les chances de succès, le Centre National des Semences Forestières (CNSF) préconise un semis de 5 cm de profondeur dès le début de la saison pluvieuse. Dans ces conditions, on obtient un pourcentage de levée allant de 75 à 94%. Il ne faut pas utiliser de graines tombées de l‟arbre depuis plus de 8 à 10 jours, et ne provenant pas de fruits bien mûrs selon Picasso (1984). Zerbo (1987) ajoute qu‟un bon système de semis et de repiquage au champ donne de bons résultats de reprise.
Bouturage Les essais de bouturage n‟ont pas donné des résultats intéressants, rapporte Picasso (1984). Sur 10000 boutures réalisées suivant diverses techniques (boutures à crossette, boutures sous œil, boutures entre œil), aucun débourrement n‟a été obtenu.
Marcottage Le procédé de marcottage aérien avec des essais de traitement aux auxines a abouti à l‟émission d‟une radicelle au bout de trois mois sur une marcotte (Picasso, 1984). En pratiquant l‟annélation sur des rameaux bien aoûtés et en les enrobant d‟une sphaigne humide sous un emballage plastique, de jeunes racines bien formées ont été obtenues sur plusieurs marcottes. D‟après Zerbo (1987), le marcottage terrestre effectué en début septembre donne des résultats meilleurs à ceux du marcottage aérien.
Transplantation La transplantation des plants de karité issus de semis ou élevés en pépinière en racines nues est possible en pleine saison des pluies (Picasso, 1984). Mais, elle doit être exécutée rapidement après une taille préalable de la tige, un habillage des racines, et une suppression presque totale des feuilles. Zerbo (1987) fait remarquer que la transplantation des souches est intéressante en ce sens que les rejets sont vigoureux et croissent plus vite que les plants spontanés et ceux élevés en pépinière. Lafleur (2008) indique que la transplantation de plants de karités élevés en pépinière représente une solution intéressante pour augmenter les peuplements des parcs à karité.
Greffage D‟après Lafleur (2008), deux techniques de greffage ont été testées sur l‟arbre à karité par Grolleau (1989) : la technique de greffage en fente simple et la technique de greffage par approche. Les résultats de cette étude sont plus encourageants (un taux de survie de 6/42) que ceux initiés par l‟Institut de Recherche sur les Huiles et Oléagineuses (IRHO) en 1945 qui a été un véritable échec. Il est ressorti de cette étude que la période la plus indiquée pour assurer la réussite du greffage de l‟arbre à karité se situe au début de la floraison et lorsque celle-ci est en cours. Ce qui correspond à la période comprise entre le mois de novembre et le mois de mars. Le greffage offre l‟avantage de diminuer la période juvénile des arbres à karité et la possibilité d‟améliorer les cultivars dans le but d‟obtenir une meilleure production fruitière. Selon Grolleau (1989), la sécheresse, la chaleur et l‟écoulement abondant de latex entraveraient la bonne réussite du greffage.
Lutte contre les phanérogames parasites Il existe plusieurs méthodes de lutte contre les Tapinanthus : la lutte mécanique, la lutte chimique et la lutte biologique. La lutte mécanique qui consiste à détruire manuellement le parasite est la plus utilisée du fait qu‟elle est plus simple et efficace. D‟après Boussim (2002), l‟ébranchage complet de l‟arbre permet une élimination totale du parasite. Pour considérer le parasite comme définitivement détruit, il faut retirer l‟intégralité du système d‟absorption du parasite en sectionnant la branche parasitée bien en amont de son point d‟ancrage. En effet, si on se contente d‟ôter les touffes de Tapinanthus, leur système d‟absorption régénère de plus belle. Le déparasitage des karités des champs peut se faire en subdivisant le champ en 3 parcelles d‟égale surface pour une coupe rotative à intervalle de 3 ans (Samaké et al., 2011). Les 3 ans correspondent au laps de temps nécessaire pour que les pieds ébranchés entrent à nouveau en fructification. Cette technique permet de déparasiter tous les karités du champ au bout de 7 ans.
Tailles de rajeunissement Il s‟agit du recépage et de l‟émondage. Le recépage consiste à couper l‟arbre à quelques centimètres (environ 10 cm) au-dessus du sol. Cette technique s‟applique généralement aux sujets vieux et moribonds. Quant à l‟émondage, il consiste à couper les branches du houppier des arbres. Appliqué dans les champs, il permet de :
– diminuer l‟effet de l‟ombrage sur les cultures annuelles ;
– maintenir les sujets dans un bon état sanitaire ;
– et rajeunir les arbres.
Cernage Le cernage ou incision annulaire ou encore annélation consiste à prélever un anneau d‟écorce de son tronc ou de sa branche à un arbre dans le but de rompre le système vasculaire phloémien sans affecter la couche xylémienne (Zilberstaine et Kaluski, 1999 ; Taiz et Zeiger,2002) cités par Lamien (2006). D‟après Dunn et Lorio (1992) cités par le même auteur, cette technique empêche la descente des hydrates de carbones nouvellement synthétisés, de ceux en réserve ainsi que les hormones de régulation de la croissance par une rupture des éléments conducteurs du phloème. Ce qui rend ces substances plus disponibles pour le processus de reproduction. Il rapporte que le cernage des branches de karité à Bondoukuy a accru de 17% la proportion des rameaux florifères, de 54% le nombre moyen d‟organes de reproduction, et de 100% le nombre moyen de fruits verts par rameau.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Généralités
1.1. Généralités sur les zones d‟étude
1.1.1. Commune rurale de Koumbia
1.1.2. Commune rurale de Kourinion
1.2. Revue bibliographique sur le karité
1.2.1. Nomenclature et variations intraspécifiques
1.2.2. Classification
1.2.3. Morphologie descriptive
1.2.4. Cycle phénologique
1.2.5. Dissémination et germination de la graine de karité
1.2.6. Croissance et développement
1.2.7. Dynamique du karité
1.2.8. Distribution géographique et écologie de l‟arbre
1.2.9. Parasites du karité
1.2.10. Importance agroforestière de l‟espèce
1.2.11. Techniques de régénération et de gestion des peuplements de karité
1.2.12. Importance socio-économique
Chapitre II : Matériel et méthodes
2.1. Matériel végétal
2.2. Méthode d‟étude
2.2.1. Etude des peuplements de Vitellaria paradoxa
2.2.2. Enquête sur l‟adoption et l‟application des techniques
Chapitre III : Résultats et discussion
3.1. Résultats
3.1.1. Etudes des peuplements de Vitellaria paradoxa
3.1.2. Apport des techniques sur la densité de la régénération
3.1.3. Evaluation de l‟adoption et de l‟application des techniques
3.2. Discussion
3.2.1. Peuplements de Vitellaria paradoxa et apport des techniques sur la densité de la régénération
3.2.2. Ensemble des parcelles
3.2.3. Enquêtes sur l‟adoption et l‟application des techniques
3.2.4. Ensemble des villages
Conclusion
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