La multiplicité des pratiques immorales
Ces pratiques sont de plusieurs ordres. On peut citer par exemple le népotisme ou le favoritisme, la corruption, le patronage et le trafic d’influence, l’absentéisme et les arrivées tardives, le détournement de fonds, l’abus de biens publics, etc … Ces faits sont des pratiques courantes que l’on peut rencontrer tous les jours, alors qu’ils sont radicalement contraires à l’éthique publique et à la déontologie. Comme preuve, nous pouvons avancer les cas et doléances soumis au Médiateur de la République. Signalons que la Médiature constitue un organisme administratif indépendant ayant pour mission de promouvoir et de défendre les droits du citoyen face à tout dysfonctionnement éventuel de l’administration. Cette institution a été créée par l’ordonnance n° 92-012 du 29 avril 1992, et elle n’exerce pas des attributions juridictionnelles ; elle a plutôt pour rôle de recevoir les réclamations des administrés, puis d’essayer de réconcilier ceux-ci avec l’administration. Malgré le fait que très peu de gens connaissent l’existence de cette institution et sa véritable mission, ses rapports d’activité annuels nous permettent de constater et de relever plusieurs cas qui illustrent les anomalies existant au sein de l’administration, et donc au sein de la Fonction publique.
1. Le népotisme et le favoritisme : Le népotisme est le comportement de celui qui accorde des faveurs particulières à ses parents. C’est à peu près le synonyme du favoritisme, sauf que ce dernier peut profiter à des personnes autres que les parents, comme les amis, les membres de la famille élargie, les voisins, les collègues de la même promotion, etc ….. Cela se traduit aussi parfois par un tribalisme. Tous ces faits nous conduisent à penser que le sentiment national est largement insuffisant face aux solidarités familiales, personnelles, régionales ou ethniques. Ces solidarités partielles peuvent provenir entre autres de la disparité des formations suivies par les fonctionnaires, du poids considérable des liens familiaux, ethniques ou tribaux, des affinités entre amis ou entre personne d’une même génération, ect … Dans tous les cas, ces pratiques rompent l’égalité des administrés et aussi celle des agents publics. Elles entrainent des distorsions dans l’application des statuts. Ainsi, dans le rapport annuel de la Médiature pour l’année 2007, dans une affaire enregistrée sous le numéro 7012, on a pu constater un abus de pouvoir. Plus précisément, le sieur E … a abusé de sa position dans le service des Domaines et de la propriété foncière pour délivrer un document cadastral à ses sœurs alors que ce terrain appartenait à une tierce personne.
2. La corruption : Nous savons très bien que la corruption était et demeure encore un fléau dévastateur au sein de l’administration publique malgache. Pour en témoigner, voici quelques chiffres fournis par le BIANCO. Ces chiffres reflètent les doléances de corruption investigables de janvier 2008 à juin 2008. Nous voyons que les domaines le plus touchés par la corruption sont celui de la justice et celui de l’éducation. Mais d’après le rapport annuel de la Médiature pour l’année 2007, ainsi que celui de 2008, le service des Domaines et de la propriété Foncière figure aussi parmi les secteurs les plus corrompus.
3. Le détournement de deniers publics : Ceci témoigne de la mauvaise volonté manifeste des agents publics, et surtout des hauts responsables. Ils ne pensent qu’à leur enrichissement personnel et utilisent divers procédés illégaux.
4. L’absentéisme et les retards : L’insuffisance des contrôles et le manque de rigueur de la part des supérieurs hiérarchiques favorisent les absences injustifiées et souvent non autorisées. En ce qui concerne les retards, ils deviennent excessifs. Il fut un temps où la rentrée au travail était reculée vers 9 heures, mais les fonctionnaires arrivaient encore en retard.
Le non-respect des droits reconnus aux fonctionnaires
Les dispositions légales et réglementaires en vigueur, en particulier le statut général, consacrent plusieurs droits en faveur des fonctionnaires. On peut citer par exemple le droit à réparation en cas d’accident survenu à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, de droit syndical et la liberté d’association, la non-discrimination, le droit de grève, etc…. Mais en réalité, les fonctionnaires ne sont pas véritablement en mesure d’exercer l’ensemble des droits, ni de jouir de toutes les libertés, qui leur sont pourtant reconnus par les textes. En premier lieu, cela est dû à la non application des dispositions statutaires, c’est-à-dire qu’il y a un décalage entre la lettre du statut et sa mise en œuvre effective. Normalement, l’administration est tenue de prendre des mesures d’exécution des dispositions statutaires parce que, le plus souvent, celles-ci ne sont pas immédiatement applicables en elles mêmes. En pratique, ces mesures d’exécution n’interviennent que tardivement, et parfois même l’administration s’abstient de les prendre. Par ailleurs, l’exercice de certains droits requiert des réglementations complémentaires alors que l’administration omet de les édicter. Les fonctionnaires se trouvent alors lésés par l’absence de moyens adéquats pour faire valoir leurs droits. En second lieu, le non-respect des droits des fonctionnaires provient aussi de la faiblesse ou de l’inefficacité des organisations représentatives des personnels dans la défense de leurs droits et intérêts contre l’administration en raison de leur politisation et de leur contrôle par le pouvoir. De plus, la place faite aux organes et aux procédures de participation dans la gestion des carrières reste encore très limitée. Et enfin, les mécanismes juridiques de protection des droits des fonctionnaires sont la plupart du temps soit ignorés de ceux-ci qui en sont les bénéficiaires, soit mal utilisés par eux. Cette dernière situation est principalement due à la méconnaissance par les agents publics des règles de droit qui déterminent leur situation, ainsi qu’aux difficultés inhérentes aux procédures administratives et juridictionnelles trop longues, complexes et souvent peu crédibles en ce qui concerne les résultats. Comme illustration, on a constaté que près de la moitié des recours introduits devant les différentes juridictions administratives entre les années 2005 et 2009 ont trait à la fonction publique, alors que les trois quart (¾) de ces recours sont soit déclarés irrecevables, soit rejetés, et cela à cause de l’ignorance des fonctionnaires. Ainsi, les manquements des fonctionnaires à leurs obligations, dont fait partie le respect des règles de l’éthique publique et de la déontologie, seraient la contrepartie directe du non respect par l’administration de leurs droits.
L’adoption du code de déontologie de l’addition et de bonne conduite des agents de l’État
Ce code énumère un certain nombre d’obligations et incite les fonctionnaires à adopter certains comportements.
1. L’obligation de servir : Le fonctionnaire est tenu de servir son administration et les administrés. Il doit s’acquitter de ses tâches et de son emploi personnellement. Celui qui n’occupe pas son emploi comment un abandon de poste. Il est certain que l’agent peut faire exécuter certaines tâches par ses subordonnés, mais il reste responsable et ne peut s’en dégager en invoquant la responsabilité de ces derniers. Il doit se consacrer exclusivement au service.
2. L’obligation d’obéissance hiérarchique : C’est un des principes fondamentaux du droit administratif. L’agent doit obéir aux ordres donnés par les supérieur hiérarchiques ; rendre compte à son supérieur de l’exécution des ordres donnés. Néanmoins, certains fonctionnaires ne sont pas soumis à cette obligation sur certain aspects de leur fonction. Tel est le cas des magistrats du siège et des enseignants chercheurs.
3. L’obligation de dignité : Tout agent de l’État est tenu d’éviter tout comportement, toute situation incompatible avec ses obligations professionnelles ou nuisant l’image de son corps et de son administration. Commet donc une faute celui qui est en état d’ivresse dans son lieu de travail. Ce comportement est exigé non seulement lorsque l’agent est dans l’exercice de ses fonctions, mais aussi dans sa vie privée.
4. L’obligation d’intégrité et de transparence : Le fonctionnaire se doit d’être intègre, c’est-à-dire honnête et désintéressé. Il ne doit pas s’octroyer des avantages ou faveurs qui ne lui sont pas reconnus. Il ne doit ni réclamer ni accepter des récompenses, des cadeaux ou des commissions de la part des usagers. La transparence implique une publication suffisante des informations nécessaire concernant les différents actes et procédures, et ceci afin de permettre une connaissance complète et une évaluation des actions administratives de la part des administrés.
5. L’obligation de discrétion : Cette obligation consiste à ne pas divulguer des informations ou pièces de service pouvant nuire à l’administration dans l’accomplissement des fonctions. Elle doit pourtant être conciliée avec la transparence prévue par l’article 7 du code de déontologie.
6. L’obligation d’impartialité et de neutralité : Tous les citoyens et usagers des services publics sont égaux, et les fonctionnaires doivent respecter cette égalité : égalité d’accès au service public, égalité devant les charges publiques. Les fonctionnaires doivent faire preuve d’objectivité et d’impartialité dans l’exercice de leur fonction. Toutes les formes de discrimination sont prohibées par la loi et le code de déontologie. Les agents de l’État ne doivent accorder aucun avantage particulier ni aucun traitement de faveur à ses proches-parents, à un amis ou à ses connaissances.
7. L’obligation de ponctualité et d’assiduité : Tout fonctionnaire doit occuper son emploi de manière continue. C’est l’obligation de plein emploi. Il ne doit pas s’absenter, sauf s’il est en congé, ou qu’il a obtenu une permission ou une autorisation d’absence de la part de son supérieur hiérarchique. Il doit toujours être présent et disponible sur le lieu de travail pendant toute la durée de travail déterminée par les lois et règlements en vigueur. Les fonctionnaires doivent effectivement arriver sur le lieu de travail à l’heure. Les retards ne doivent en aucun cas être tolérés. Toutes ces obligations ne font donc plus parties des règles non-écrites ; elles figurent aujourd’hui dans le droit positif malgache. Tout fonctionnaire qui viendrait à manquer à l’une de ces obligations commet une faute et s’expose à des sanctions disciplinaires. Ces sanctions disciplinaires peuvent encore être cumulées avec les peines prévues par les lois et règlements en vigueur.
Les solutions proposées
Le coût disproportionné des dépenses de personnel est en relation avec l’effectif pléthorique des fonctionnaires. La faille se trouve donc d’une part dans le nombre excessif des fonctionnaires, et d’autre part dans l’absence d’informations exactes sur l’effectif réel des fonctionnaires malgaches, d’où l’existence des fonctionnaires fantômes. Pour régulariser cette situation, un projet de réforme a été adopté dans le cadre du PGDI (Projet de Gouvernance et de Développement Institutionnel) avec le financement des bailleurs de fonds. Ce projet consiste en un contrôle physique de tous les agents de l’Etat dans tous les ministères, les établissements publics et les collectivités locales. Ce projet contribue aussi à la mise en place du Système Intégré de Gestion des Ressources Humaines de l’Etat (SIGRHE) pour avoir une meilleure administration et une bonne gouvernance. Le but est de sortir un fichier unique de tous les fonctionnaires afin d’éviter la discordance des effectifs au niveau du ministère de la fonction publique, du ministère des finances et du budget, et du ministère employeur. Le fichier unique va donc afficher le nombre exact des fonctionnaires, et contient toutes les informations concernant ces derniers. Malheureusement, ce projet n’a pas pu atteindre sa phase finale qui est la confrontation, faute de moyens. En effet, ce projet a été financé par les bailleurs de fonds étrangers, et ils ont suspendu le financement depuis 2009 à cause de la crise politique que traverse notre pays. Nous pouvons aussi suggérer une réduction considérable de l’effectif des fonctionnaires. Comme nous l’avons déjà évoqué, le nombre actuel de fonctionnaire dépasse les besoins de l’administration. En plus, cette réduction permettra d’augmenter la rémunération de ceux qui seront retenus et contribuera à améliorer leur situation économique. En contrepartie, l’Etat doit favoriser la création d’emplois dans le secteur privé pour que ceux qui seront expulsés de la fonction publique ne deviennent par de simples chômeurs. Et dans l’avenir, l’Etat devra contrôler l’accroissement de l’effectif des fonctionnaires. Il ne devra recruter que ceux dont il a réellement besoin, c’est-à-dire soit pour les besoins d’un service public nouveau, soit pour remplacer ceux qui sont décédés et ceux qui partent en retraite. En ce qui concerne l’égalité des rémunérations, l’Etat doit véritablement la garantir. Le conseil supérieur de la fonction publique (CSFOP) est surtout prié de veiller au respect de cette égalité parce que nous savons que le CSFOP est consulté avant l’adoption de tout projet de texte réglementaire relatif au traitement des fonctionnaires et aux divers avantages et indemnité. En outre, l’Etat devrait songer à adopter un autre système pour effectuer l’augmentation des salaires des fonctionnaires. En effet, le fait que le Président de la République annonce chaque année une augmentation en pourcentage, qui est en moyenne de 10% par an, ne fait que creuser de plus en plus l’écart entre les rémunération des fonctionnaires, et donc entre leur niveaux de vie. L’augmentation peut par exemple être effectuée forfaitairement, c’est-à-dire qu’on ajoutera au salaire des fonctionnaires un montant fixe et non un pourcentage de ce qu’ils perçoivent. Telles sont donc les améliorations que l’on pourrait apporter concernant l’effectif et la rémunération des fonctionnaires. Passons maintenant au traitement de leur dossier individuel.
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Table des matières
Introduction
Chapitre Ier : La promotion de la déontologie et l’instauration d’une éthique publique
Section 1ère : L’état des lieux actuel
§ 1er : Les problèmes relatifs à l’éthique et à la déontologie
A. La multiplicité des pratiques immorales
1. Le népotisme et le favoritisme
2. La corruption
3. Le détournement de deniers publics
4. 4. L’absentéisme et les retards
B. La politisation de la fonction publique
C. Le non-respect des droits reconnus aux fonctionnaires
D. Les problèmes relatifs au pouvoir hiérarchique
§ 2. Les réformes déjà entreprises
A. L’adoption du code de déontologie de l’addition et de bonne conduite des agents de l’État
1. L’obligation de servir
2. L’obligation d’obéissance hiérarchique
3. L’obligation de dignité
4. L’obligation d’intégrité et de transparence
5. L’obligation de discrétion
6. L’obligation d’impartialité et de neutralité
7. L’obligation de ponctualité et d’assiduité
B. La création de certaines institutions
Section 2 : Les efforts et les améliorations à apporter
Chapitre deuxième : La réforme dans la gestion de la fonction publique
Section 1ère : La gestion administrative et financière de la fonction publique
§ 1er : L’effectif et la rémunération des fonctionnaires
A. L’effectif pléthorique de la fonction publique malgache
B. Les problèmes liés à la rémunération des fonctionnaires
1. Le montant du traitement des fonctionnaires
2. La consistance du traitement des fonctionnaires
3. L’inégalité des rémunérations des fonctionnaires
C. Les solutions proposées
§ 2 : Le traitement des dossiers des fonctionnaires
§ 3 : La performance de la fonction publique malgache
Section 2 : La gestion de la carrière des fonctionnaires
§ 1er : Le recrutement des fonctionnaires
§ 2 : Le déroulement de la carrière des fonctionnaires
A- Les avancements
1. Les problèmes concernant l’avancement des fonctionnaires
2. Le Nouveau Système d’Evaluation (NSE)
a) L’obligatoriété de l’évaluation et la rénovation de la notation
b) La modernisation de la procédure d’avancement d’échelon
B- Les affectations et les mutations
§ 3 : La fin de la carrière des fonctionnaires
Conclusion
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