La réflexivité : processus métacognitif de la construction identitaire de l’âge adulte

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Une dimension cognitive du sentiment même de soi : conscience de soi, connaissance de l’objet et objet de connaissance

La conscience de Soi est le sentiment de se sentir distinct de l’autre, sentiment mis en évidence par Wallon (1942), attaché à expliquer le développement de l’enfant et la manière dont il devient une personne, grâce notamment au développement de ses émotions. Selon Wallon, l’enfant se construit autour de 2 ans en tant que « Je », grâce à la relation avec son environnement. C’est par la réaction aux stimulations extérieures que le petit enfant va progressivement prendre conscience d’être et se différencier de l’autre en puisant dans la dimension émotionnelle de son ressenti. Cette conscience de soi est également possible grâce au fonctionnement cognitif que Piaget (1975) décrit comme la construction d’une pensée logico-mathématique. Cette construction cognitive permet progressivement à l’enfant de se distinguer de l’objet, de concevoir la permanence, puis par l’acquisition à l’adolescence de la pensée formelle, de se représenter soi, se représenter l’autre et d’avoir des pensées abstraites et hypothétiques. Les expérimentations réalisées par l’auteur rendent compte de cette capacité opératoire de l’esprit qui est manifeste grâce à l’action. Les comportements attestent d’une logique de l’action, devenus opérations par les mécanismes d’équilibration. L’approche psychogénétique de l’identité développée par Begin (1998) permet de faire le lien entre ces opérations mentales et le sentiment d’être le même, grâce à une activité catégorielle utilisée par l’individu pour s’expliquer le monde, nommée par l’auteur la pensée synthétique. En d’autres termes, le sentiment d’être se construit grâce à la capacité de faire des liens (entre le présent, le passé et le futur), pour donner un sens aux expériences vécues, de façon automatique et instantanée, sans que l’individu en ait vraiment conscience. Cette « machine organisatrice de l’expérience » est identifiée comme étant constituée de schèmes donnant lieu à la catégorisation (Bégin & al, 2018).
Pouvoir se représenter ses expériences renvoie à la connaissance de Soi, notion très bien illustrée par Antonio Damasio (1999), dans son ouvrage « Le sentiment même de Soi », grâce à l’exemple de la lecture. Au fur et à mesure que nous lisons un texte, des configurations mentales s’affichent dans notre esprit et permettent la compréhension du texte, parfois alimentée ou complétée par d’autres configurations mentales issues de souvenirs, ou de croyances. En même temps que la lecture se déroule, l’esprit fait appel à autre chose, qui, instant après instant, indique que c’est bien
« soi » qui est en train d’effectuer la lecture, d’en avoir connaissance et de s’approprier les connaissances et les commente. Cette présence signifie que « Je suis », en tant qu’observateur ou observatrice des choses en images, propriétaire des choses en images et acteur ou actrice potentiel.le des choses en images. Cette présence ne disparait jamais, sinon c’est qu’il n’y a pas de
« soi ». Ainsi, cette présence en plus d’être, s’approprie la sensation d’être et est objet de la connaissance de soi et des sensations ressenties. Toutes ces images sont ressenties comme la propriété mentale de l’observateur, qui perçoit, qui connait, qui pense et qui est potentiellement acteur. Cette notion fait appel à la subjectivité de l’individu, à ce que Foucault appelle le processus de subjectivation, c’est-à-dire le processus de constitution de la subjectivité d’un individu : un sujet se représentant et se rapportant à lui-même d’une manière déterminée. Pour Damasio, ce sentiment même de soi est indissociable de la production d’images mentales et représente la conscience qui permet d’expliquer la notion de constance en faisant le lien entre connaissance de Soi et sentiment même de soi. Nous éprouvons un sentiment d’exister qui permet de dire « Je » et ce « Je » peut être objet de connaissance de soi-même à partir des représentations mentales de soi et du monde à travers le temps. Cette connaissance de soi est subjective.

Un sentiment de continuité

Cette conscience de soi est incarnée grâce à la capacité de garder à l’esprit les phases successives de son existence (Chauvier, 2016). Pour Locke (1689), l’unité personnelle réside dans la conscience de soi c’est-à-dire dans le fait de se reconnaître comme unique à travers la variation de temps et de lieux. Il considère que toute perception est consciente et dans ce cadre, la mémoire est la capacité de lier les perceptions passées aux perceptions présentes. Ce qui fait qu’une personne est une seule et même personne, c’est le souvenir des actions et perceptions passées grâce à la mémoire, élément constituant de la conscience. Ainsi, le Soi est fondé par ce que contient la conscience nourrie par la mémoire, c’est-à-dire l’ensemble des actions réalisées par l’individu dans le passé, et la capacité à faire le lien avec le présent. Ces propos sont étayés aujourd’hui par les travaux des neurosciences et notamment par Duval et al. (2008), pour qui ce sentiment de continuité au cours du temps dont fait état Locke, assure la base de l’identité individuelle. Les représentations mentales du soi sont encodées dans la mémoire biographique en deux registres d’informations. La première catégorie – faisant appel à la mémoire sémantique – de nature abstraite, sert à qualifier d’un point de vue conceptuel ou général, des caractéristiques personnelles comme des qualités ou des défauts. Elle est la base d’un Soi stable qui permet d’avoir un sentiment de continuité au cours du temps. La seconde catégorie – faisant appel à la mémoire épisodique – est relative à des souvenirs d’évènements, des expériences, des pensées, ou des comportements particuliers impliquant le sujet dans un contexte spatio-temporel précis. Dans cette perspective, deux représentations cohabitent : des représentations de soi immuables, bien établies et des représentations plus instables, fluctuantes. Pour ces auteurs, il existe un double mécanisme : un Soi flexible soumis à l’influence des facteurs de l’écosystème et un Soi stable cristallisant la personnalité du sujet, qui explique que des modifications du Soi puissent surgir au cours de l’existence sans affecter le sentiment subjectif d’identité et de continuité dans le temps. Ainsi, la cohérence de soi dans le temps est rendue possible par l’existence d’un sentiment de continuité suffisamment flexible pour permettre à l’individu, pour reprendre la formule de Bensaïd (1978), de rester « autrement le même » au cours du temps.
Avoir conscience de soi, se distinguer de l’autre et se connaître, renvoient à des opérations mentales d’ordre cognitif.
Ces opérations se réalisant par rapport à l’autre, elles se déroulent dans un contexte social. Elles n’ont de sens que parce qu’il y a présence d’un autre avec qui interagir et auprès de qui s’opère une comparaison. C’est parce que le Je est en relation avec l’Autre, qu’il peut se distinguer mais aussi qu’il va avoir envie d’agir. Selon la formule de Sartre (1943), « je suis un être qui implique l’être d’autrui en son être ».

Une composante sociale

William James (1890) a été le premier à exprimer la dualité dans la représentation de soi. Selon lui, le Soi est composé d’un Je connaissant qui perçoit, qui a des sensations, qui mobilise des souvenirs et élabore des projets, et d’un Moi (ou soi empirique) qui est connu par le Je et renvoie aux dimensions matérielle, sociale et spirituelle de l’individu. G.H. Mead (1934, 1963) a approfondi ces travaux et distingué ces deux composantes comme l’une, personnelle, qui renvoie aux dimensions personnelles de l’individu et l’autre, sociologique, qui renvoie à l’intériorisation des rôles sociaux. Ainsi le JE est la réaction aux attitudes des autres et le Moi est l’ensemble organisé des attitudes des autres assumé par l’individu. Les attitudes d’autrui constituent le Moi organisé, auquel le JE réagit. Le Je et le Moi sont des éléments constitutifs du Soi et le Soi est émergeant d’une interaction, c’est à dire d’une tension dialectique entre le Je et le Moi où le Je renvoie au Soi en tant que sujet (la relation à soi) et le Moi représente le Soi en tant qu’objet (la relation à l’autre) (Deschamp & Moliner, 2008). Cette distinction permet de souligner que le Soi renvoie à plusieurs phénomènes et dimensions de la conscience de soi, l’une intime et l’autre relationnelle. Ces deux instances, par leur conversation intérieure, se co-construisent l’une l’autre, elles-mêmes influencées par l’environnement, qu’elles influencent en retour. L’environnement n’est pas un simple cadre pour la relation, il est porteur de normes de valeurs, de rapports de place, de règles relationnelles qui la modèlent profondément (Marc, 2006, p.15). S’il est possible de distinguer ces deux instances du Soi dans leur élaboration et leur dimension de référence, elles constituent bien un tout dans le Soi, indissociables et réversibles (Zavalloni & Guerin, 1984, cité par Deschamp & Moliner, 2008).

Le concept d’identité en psychologie sociale

Deschamp et Moliner (2008), prenant appui sur le modèle du Soi de Mead en le transposant à la notion d’identité, cherchent à mieux rendre compte de la relation entre la dimension intime de la personne et la relation aux autres, et par là-même entre le personnel et le collectif.
Dans le modèle proposé par ces auteurs, le Je est la partie personnelle de l’identité et renvoie à la dimension individuelle de la personne. Le Moi est la partie relationnelle de l’identité et renvoie à la dimension sociale de la personne. Ainsi, l’identité est constituée d’une identité personnelle et d’une identité sociale qui s’auto-influencent par le dialogue qui se réalise entre elles (cf. Figure 1) mais pas seulement. En effet, il n’y a pas juste juxtaposition entre les composantes personnelles et sociales. Les attributs personnels sont reliés aux catégories sociales et en constituent des traits caractéristiques (Deschamp & Moliner, p.21). Ainsi, l’identité est constituée par un système de différentiation et d’opposition binaire entre le Soi et le Non Soi, le même et l’autre, le positif-négatif ou bon-mauvais, où l’identité sociale subjective serait construite par un mécanisme d’inclusion et exclusion (l’opposition Nous/Eux) et l’identité personnelle, subjective, par un mécanisme d’assimilations et de différenciations (opposition Soi/Non Soi), (Deschamp & Moliner, p.22).
Cette distinction permet d’articuler les deux types d’identité, individuelle et sociale, que nous allons présenter plus en détail dans les lignes suivantes.

L’identité personnelle

L’identité personnelle, aussi appelée identité individuelle, correspond au Soi comme nous l’avons évoqué précédemment. Elle renvoie aux traits personnels de l’individu, indique la reconnaissance qu’un individu a de sa différence par rapport à autrui et relate la recherche d’une place spécifique dans l’espace collectif (recherche de différenciation et de singularisation). De cette manière, l’individu se perçoit comme identique à lui-même c’est-à-dire qu’il sera le même dans le temps et dans l’espace ; et c’est ce qui le singularise par rapport à autrui (Deschamp & Moliner, 2008, p. 18). Cette identité résulte d’une construction progressive dont les fondations se situent dans les toutes premières années de la vie (Wallon, 1949) et se poursuit à l’âge adulte, à partir des perceptions du corps propre et à travers les interactions avec l’entourage, d’abord avec la mère puis avec la sphère familiale et les sphères sociales plus larges comme la crèche, l’école, le travail, le cercle d’amis … L’individu apprend à se connaître grâce à la parole d’autrui qui propose une interprétation de ses réactions et comportements, et lui attribue des traits de caractère. De cette manière, le discours anticipe et oriente la formation de l’identité : c’est par le regard de l’autre que l’individu se connait et se construit.
L’identité personnelle se situe à l’intersection du Soi et du contexte. C’est l’ensemble des buts, des valeurs et des croyances que l’individu donne à voir (par exemple, ses projets professionnels, les mots qu’il utilise, etc.) ainsi que de tout ce qui constitue sa particularité individuelle par rapport aux autres. Le sentiment conscient d’avoir une identité personnelle repose sur deux observations simultanées : la perception de la similitude-avec-soi-même et de sa propre continuité existentielle dans le temps et l’espace (l’ipséité), et la perception du fait que les autres reconnaissent cette similitude et cette continuité (Erikson, 1978). L’identité personnelle est ainsi un processus psychologique de représentation de soi, subjective, qui se traduit par le sentiment d’exister dans une continuité en tant qu’être singulier et reconnu comme tel par autrui. Elle renvoie aux caractéristiques que l’individu considère comme siennes et auxquelles il accorde une valeur socio-affective (Fischer, 1996). Autrement dit, l’identité personnelle concerne la reconnaissance qu’un individu a de sa différence par rapport à autrui c’est-à-dire ce qui le rend semblable à soi-même, différent des autres et reconnu par les autres.

L’identité sociale

Mucchielli (1992) définit l’identité sociale comme l’ensemble des critères qui permettent une définition sociale de l’individu ou du groupe, et de le situer dans la société. Cette notion est profondément liée à la structure sociale et se caractérise par l’ensemble des appartenances de l’individu dans le système social. Chaque individu est ainsi défini par les différents rôles qu’il doit remplir au sein des groupes auxquels il appartient et qui sont intériorisés depuis l’enfance. Dubar (1992, 1998, 2000) évoque les formes identitaires pour rendre compte des étiquetages sociaux à partir des identités proposées dans une société donnée, qui peuvent être liées au terroir ou à la langue (par exemple : Breton), à la profession (mécanicien), à une catégorie professionnelle (ouvrier), à une religion, à une orientation sexuelle, etc.
Les identités sociales s’inscrivent généralement dans des systèmes d’oppositions ayant presque toujours une composante évaluative (Dubar, 1998b). Elles impliquent des transactions sur les classements et les appartenances, les compétences et les affiliations, les préférences et les évaluations, et (…) entrainent des négociations informelles avec les autres mais aussi avec soi-même (Demazière & Dubar, 1997). Ces formes identitaires sont donc évolutives et changeantes en fonction du contexte.
Guichard (2004, 2013) développera l’idée de système de formes identitaires subjectives pour rendre compte des cadres cognitifs identitaires qui s’organisent en mémoire et correspondent, à une certaine représentation de l’offre identitaire de la société dans l’esprit d’un individu qui y vit et y a, par conséquent, développé diverses expériences en fonction, notamment, de ses positionnements sociaux. Ces structures cognitives sont inférées et renvoient à une certaine actualisation à l’occasion d’activités ou interactions, d’un certain cadre cognitif identitaire. On parlera de système car ces formes identitaires sont toutes reliées entre elles et sont chacune considérée, par l’individu, comme une certaine manière d’être soi, par exemple une femme mère de famille divorcée, avocate, pratiquant l’athlétisme deux fois par semaine et bénévole au Resto du cœur le week end. L’ensemble de ces formes identitaires constitue un système informant sur les différentes facettes de la vie sociale de cette personne, les comportements et attitudes qu’elle adopte.
L’identité sociale constitue le fondement sociocognitif du comportement de groupe et est le mécanisme qui le rend possible (Turner,1987). Elle est identifiée à partir des effets de la catégorisation sociale (processus cognitif de catégorisation et d’appartenance) qui découpe l’environnement de manière à faire apparaître son propre groupe et les autres, tout en réalisant le lien entre l’individu et le groupe, et les comportements catégoriels (Baugnet,1998). L’identité sociale est alors conçue comme une représentation de soi dans l’environnement social intériorisé et renvoie à la connaissance par les individus de leur appartenance à certains groupes sociaux, à la signification émotionnelle et évaluative qui résulte de cette appartenance et par là-même à l’intégration des personnes dans cet espace collectif (Tajfel, 1972). L’image de soi, par cette appartenance, est plus ou moins positive.
Elle sera positive si les caractéristiques du groupe d’appartenance peuvent être comparées favorablement à celles d’autres groupes. Ce groupe conservera la contribution qu’il apporte aux aspects de l’identité sociale tant que l’évaluation restera positive aux yeux de l’individu (principe de recherche de l’homéostasie). Cette image sociale positive est subjective car elle repose sur la tendance à établir une différenciation positive entre soi et autrui.
Elle sera négative si les caractéristiques du groupes d’appartenance ne peuvent pas être comparées favorablement à celles d’autres groupes. C’est le cas pour les groupes minorisés. Elle implique alors un sentiment de mal être, d’impuissance avec l’impression d’être mal considéré.e par les autres, d’avoir de mauvaises appréciations de ses activités et de soi. Ces perceptions négatives produisent des messages sur les caractéristiques personnelles, sur les capacités et les possibilités de celui qui les reçoit, et peuvent susciter de l’angoisse et l’anticipation de l’échec (Belgacem, 2012), notamment si l’individu est dans l’impossibilité ou l’incapacité de changer de groupe d’appartenance ou de prendre de la distance vis-à-vis de ses propres représentations. De cette manière, l’identité sociale permet à l’individu de se repérer dans le système, d’être lui-même repéré socialement et d’éprouver une représentation de soi plus ou moins positive.
Nous souhaitons à présent nous intéresser plus en détail à l’identité professionnelle pour sa contribution importante à la constitution de l’identité.
L’identité professionnelle est une sous-catégorie de l’identité sociale. Elle joue un rôle important dans la vie des individus, autant pour la structure qu’elle apporte à l’identité du sujet en termes de rôles et de conduites, que par les effets bénéfiques ou néfastes (sentiment de reconnaissance, sentiment d’utilité, maladie professionnelle, …) sur la construction identitaire.
Nous présenterons dans un premier temps la définition de l’identité professionnelle et dans un second temps l’enjeu de cette identité sociale pour l’identité personnelle.

L’identité professionnelle

Le travail est une instance de socialisation, où se nouent des rapports de pouvoirs conflictuels (Sainseaulieu, 1998). La profession, reconnue comme un ensemble de pratiques sociales et définie par des rôles et conduites diverses, contribue à construire l’identité sociale des individus. La profession implique un sentiment d’appartenance à un groupe de référence propre à chaque métier. On parlera d’identité professionnelle car elle se manifeste dans et par l’implication au travail, par la signification que les individus lui accordent, par la perception subjective des relations interpersonnelles et le sentiment d’appartenance aux groupes informels, ainsi que par la description des différentes étapes et des changements afférents à l’activité professionnelle (Fray & Picouleau, 2010).
L’identité professionnelle s’élabore à partir des interactions sociales dans les groupes de travail, des compétences professionnelles acquises au fil de l’expérience et par les nouveaux repères à l’œuvre dans le cadre d’activités productives dont dépend la reconnaissance que l’individu reçoit de ses savoirs, de ses compétences et de son image (Cohen-Scali, 2000). L’identité professionnelle est la façon dont les différents groupes de travailleurs s’identifient aux pairs, aux chefs, au groupe, fondée sur des représentations collectives distinctes, et est le résultat d’une identification à l’autre, en fonction de l’investissement de soi dans les relations sociales (Sainsaulieu, 1985). Cette identité renvoie, pour l’individu, à un besoin d’intégration sociale : se sentir appartenir au groupe de référence, en vue d’atteindre une certaine reconnaissance de soi.
L’identité professionnelle est le sentiment d’appartenance à une profession rendue possible par le processus de socialisation qui implique la conformité aux normes collectives et se caractérise par l’usage de pratiques, de vocabulaire ou de gestes communs. Les travaux de Cohen-Scali (2000) ont montré comment l’entrée dans la vie professionnelle joue un rôle important dans la construction identitaire du jeune adulte et se poursuit tout au long de sa vie. La reconnaissance de soi à la fois pour soi et pour autrui est un besoin fondamental chez chaque personne et constitue la source même de la construction identitaire (Costalat-Founeau, 2016). La reconnaissance de soi au regard de la société, d’autrui et de soi-même apparaît un besoin essentiel avant même la rémunération, (Osty, 2008, cité par Fray & Picouleau, 2010) :
– L’individu a un besoin de reconnaissance de la société qui, par le travail, lui permet de s’intégrer socialement et lui procure une certaine dignité sociale. Il se sent utile et trouve en l’activité professionnelle qu’il exerce, une légitimité à appartenir à la société dans laquelle il vit, d’autant que la société valorise le travail en tant qu’outil de préservation des acquis, véritable enjeu pour la société ;
– L’individu a un besoin de reconnaissance de soi par l’autre qui, par le travail, lui permet d’être compris par ses pairs, de partager son quotidien avec d’autres personnes, de découvrir une identification commune et une légitimité collective. L’individu intègre des groupes et peut ainsi réaliser des objectifs individuels dans une dynamique collective ;
– L’individu a un besoin de reconnaissance de soi par soi-même qui, par le travail, lui permet la réalisation de soi et de son propre accomplissement. Le travail apporte une certaine autonomie, tant pratique que financière, permet des échanges de connaissances et la transmission de savoirs et de savoir-faire.
Ces besoins de reconnaissance apparaissent comme des besoins fondamentaux et renvoient à la dimension existentielle. Ainsi, le besoin de reconnaissance qui se décline permet d’être reconnu.e dans ses actions, d’être identifié.e en cohérence avec ce que l’on pense de soi et ce que l’on a envie d’être. Honneth (1992) identifie trois formes complémentaires de reconnaissance sociale à l’œuvre dans le travail : la reconnaissance affective c’est-à-dire être reconnu.e pour ce que je suis, la reconnaissance juridique c’est-à-dire être reconnu.e pour ce que je vaux et la reconnaissance contributive c’est-à-dire être reconnue.e pour ce que je fais.
La psychologie existentielle montre comment l’action et le projet permettent la résolution des crises identitaires (Bernaud, 2021). L’identité professionnelle permet la réalisation de soi en répondant au besoin de reconnaissance pour soi et pour les autres, grâce à la construction de projets en accord avec la représentation de soi et de ses capacités. Elle s’organise par phases plus ou moins conflictuelles et l’action apparaît comme une fonction identitaire, par sa participation à la construction du sens de soi et des rapports à l’environnement (Costalat-Founeau, 2016). En effet, l’action ne se réduit pas à un contrôle normatif et organisationnel mais principalement à la capacité subjective de l’acteur et de l’actrice impliquant leur autonomie en relation avec leurs intentions, désirs et projets. En ce sens, l’action est au cœur de la construction de l’identité professionnelle (et plus largement de l’identité) par son pouvoir de mettre en relation les intentions, les représentations, le système de valeurs et le sentiment de capacité de la personne, grâce à la réalité expérientielle.

Le double mouvement des transformations identitaires

Comme l’a souligné Marc (2016), l’identité désigne ce qui est à la fois unique c’est à dire ce qui distingue des autres, et paradoxalement ce qui est identique c’est-à-dire ce qui est semblable aux autres. L’identité se construit ainsi dans un double mouvement d’assimilation et de différentiation, d’identification aux autres et de distinction par rapport à eux.
L’identité est par là-même un phénomène évolutif, dynamique et subjectif qui prend forme depuis l’enfance, et se poursuit tout au long de la vie, sous l’influence de l’action.
C’est un phénomène évolutif, car au fil du temps cette notion a vu évoluer son objet : au Moyen-Age, l’identité renvoyait aux caractéristiques observables des catégories sociales alors qu’aujourd’hui, en Occident, tout en prenant en compte ces caractéristiques, elle met davantage l’accent sur l’individualité et la représentation de soi pour soi et pour autrui.
C’est un phénomène dynamique qui renvoie au dialogue interne entre les deux dimensions de l’identité qui permet le réajustement des différentes formes identitaires (Dubar, 1998) au fil des 36 expériences. Ce dialogue interne entre le sentiment d’être soi, distinct des autres et identique à soi-même dans le temps d’une part et le sentiment d’appartenir à des groupes sociaux et de partager des caractéristiques communes d’autres part, est possible grâce 1°) à l’intériorisation depuis la petite enfance des rôles sociaux, 2°) à l’organisation cognitive d’un système de représentations de soi et de l’autre, dans un contexte social, lui-même mouvant et 3°) à la tendance réflexive plus ou moins grandes des individus.
C’est un phénomène subjectif car le sentiment même de soi et la considération de la place occupée au sein des groupes dépendent du degré de clairvoyance de chacun et de chacune, des représentations des individus et de leurs capacités réflexives.
Par ailleurs, l’identité n’est pas seulement conscience de soi : elle est mise en acte (Costalat-Founeau, 2008) grâce à la réalisation des projections anticipées de soi. L’identité professionnelle, élément de l’identité sociale, y joue un rôle important car elle s’exprime pendant une longue durée, guide la construction de cadres de références et des croyances des individus, et permet de répondre au besoin de reconnaissance des individus et par là-même à la quête existentielle du « qui je suis » et « à quoi je sers ? » par la réalisation des tâches professionnelles.

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Table des matières

Introduction
Première partie Approche théorique
1. Qu’est-ce que l’identité ?
1.1. Qu’est-ce que le soi ?
1.1.1. Une distinction de l’autre par les caractéristiques personnelles : les traits de personnalité
1.1.2. Une dimension cognitive du sentiment même de soi : conscience de soi, connaissance de l’objet et objet de connaissance
1.1.3. Un sentiment de continuité
1.1.4. Une composante sociale
1.2. Le concept d’identité en psychologie sociale
1.2.1. L’identité personnelle
1.2.2. L’identité sociale
1.2.3. L’identité professionnelle
1.3. Le double mouvement des transformations identitaires »
2. La construction identitaire de l’enfance à l’âge adulte
2.1. La construction identitaire dans l’enfance et à l’adolescence
2.1.1. La reconnaissance de soi et de l’autre
2.1.2. Un environnement sécurisant, base de l’équilibre psychique
2.1.3. Des composantes pulsionnelles existentielles
2.1.4. Cristallisation des processus identitaires à l’adolescence tournée vers des choix sociaux
2.1.5. En résumé
2.2 La construction identitaire de l’adulte
2.2.1. Quête existentielle et anticipation de soi dans le futur
2.2.2. Rôles sociaux ou formes identitaires subjectives
2.2.3. Faire face aux changements de la vie sociale
2.2.4. La reconnaissance de soi par le travail
2.2.5. En résumé :
2.3. Une définition de la construction identitaire de l’enfant à l’âge adulte
3. La réflexivité : processus métacognitif de la construction identitaire de l’âge adulte
3.1 Processus subjectif qui mène à la connaissance de soi
3.2 Processus intra-psychique qui conduit à la transformation de soi par la prise en compte de l’altérité
3.3 Processus dialogique interne qui conduit à la projection de soi
3.4 Processus cognitif qui permet l’élaboration de l’identification, la différenciation et le sentiment de continuité
3.4.1. La catégorisation sociale
3.4.2. La comparaison sociale
3.4.3. L’attribution sociale
3.5 En résumé : les effets de la réflexivité sur la construction identitaire
4. La transition : phénomène clé pour étudier les remaniements identitaires
4.1. La transition, un phénomène transitoire
4.2. La transition, un phénomène de remaniement identitaire
4.2.1. Les transitions psychosociales (Murray Parkes)
4.2.2. La transition comme un événement (Schlossberg)
4.3. La transition emploi-retraite
4.3.1. La singularité de la transition emploi-retraite
4.3.2. Les étapes de la transition emploi-retraite
4.4. Les processus de la transition
4.4.1. Processus décisionnels
4.4.2. Processus d’engagement et de désengagement
4.4.3. Processus adaptatifs et stratégies de coping
4.5 Processus transitionnels et remaniement identitaire
5. Les enjeux identitaires de la retraite
5.1. Une définition de la retraite
5.2. La perte d’une identité sociale et professionnelle
5.3. Les enjeux du départ à la retraite
5.4. Les transformations identitaires au moment du départ à la retraite
5.4.1. Un nouveau rapport à l’argent
5.4.2. Une nouvelle temporalité
5.4.3. Une nouvelle symbolique existentielle
5.4.4. Un nouveau réseau relationnel et de nouvelles postures
5.5. Les effets de l’engagement dans de nouvelles activités
5.6. Des pistes pour faciliter l’appropriation d’une nouvelle définition de soi
Deuxième partie Dispositifs de recherche et analyses
6. Questions de recherche et orientations méthodologiques
6.1. Problématique
6.2. Description des travaux de la thèse
7. Etude 1 : Enquête exploratoire rétrospective auprès de seniors retraités
7.1. Méthode
7.1.1. Echantillon
7.1.2. Le recueil de données par entretiens semi-directifs
7.1.3. Procédure de recueil de données
7.2. Résultats et analyse selon le modèle des 4 S de Schlossberg
7.2.1. Les facteurs situationnels
7.2.2. Les facteurs sociaux
7.2.3. Le Soi ou les facteurs personnels
7.2.4. Les stratégies d’adaptation
7.3. Discussion
7.4. Perspectives et limites
8. Etude 1 : analyse par thème de l’étude exploratoire
8.1. L’analyse des données : l’analyse thématique et l’usage de Sonal
8.2. Résultats et Analyses
8.2.1. Devenir retraité.e, c’est prendre la décision de partir à la retraite
8.2.2. Devenir retraité.e, c’est vivre une transition
8.2.3. Devenir retraité.e, c’est avoir un nouveau rapport au temps
8.2.4. Devenir retraité.e c’est modifier ou voir évoluer son rapport au travail
8.2.5. Devenir retraité.e c’est établir un glissement entre travail et activité
8.2.6. Devenir retraité.e c’est toucher une pension en rétribution du travail passé
8.2.7. Devenir retraité.e c’est voir évoluer ses relations sociales
8.2.8. Devenir retraité.e c’est appréhender le vieillissement
8.2.9. Devenir retraité.e c’est adopter une posture face à la retraite et à la catégorie sociale retraitée
8.2.10. Devenir retraité.e c’est donner une définition de soi
8.2.11. Devenir retraité.e c’est mobiliser ses ressources d’adaptation
8.3. Discussion
8.4. Limites et Perspectives
9. Etude longitudinale : les transformations identitaires facilitant la définition de soi en tant que retraitée
9.1. Méthodologie
9.2. Echantillon
9.3. Procédure
9.3.1. Le récit phénoménologique
9.3.2. Comparaison des entretiens
9.4. Résultats
9.4.1. Analyse descriptive et comparaison des deux récits phénoménologiques T1 et T2 par sujet
9.4.2. Analyse comparative entre sujets
9.4.3. Analyse des mécanismes psychologiques
9.5. Discussion
9.6. Perspectives et limites
10. Modélisation des transformations identitaires de l’adulte pendant la transition emploi-retraite
10.1. Les éléments en jeu dans la transformation identitaire de l’adulte senior au moment de la transition emploi-retraite
10.2. La réorganisation identitaire
10.2.1. Les éléments propres à l’individu
10.2.2. Les éléments du contexte
10.2.3. Les différents rapports au monde
10.3. La réflexivité : traitement cognitif et processus de réflexion sur soi
10.4. Les transformations identitaires au fil de la transition
10.5. En résumé
11. Etude 3 : création et mise en oeuvre d’un dispositif d’accompagnement au sens de la retraite
11.1. Etude 3 : création et passation d’un dispositif d’accompagnement la retraite avec le sens pour médiateur
11.1.2. Les outils du dispositif
11.1.3. Choix des sujets et passation
11.2. Méthode d’analyse
11.2.1. Analyse par indicateurs
11.2.2. Analyse à partir d’échelles de mesures
11.3. Présentation des deux études de cas
11.3.1. Madame S.
11.3.2. Madame F.
11.4.1. Analyse par indicateurs
11.4.2. Analyse selon des échelles de mesure du dispositif
11.5. Discussion
11.6. Limites et perspectives
12. Discussion générale
Liste des tableaux
Résumé
Résumé en anglais

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