Lโ ยซ informel ยป est un concept qui a connu un rapide succรจs dans les organismes internationaux et pour les spรฉcialistes en sciences sociales et qui sont particuliรจrement intรฉressรฉs par les problรจmes socio-รฉconomiques du Tiers monde. Crรฉรฉ a lโorigine pour traduire les problรจmes posรฉs par lโexode rural et, plus spรฉcialement, pour dรฉsigner les activitรฉs dโune population urbaine marginalisรฉe qui ne trouvait pas ร sโemployer dans le secteur รฉconomique, le concept a beaucoup รฉvoluรฉ compte tenu des critรจres retenus par les occidentaux. On remarque par ailleurs que, si les uns emploient sans hรฉsitation le terme ยซ informel ยป, dโautres le citent comme si le terme nโรฉtait pas scientifique et le substituent au concept de ยซsecteur non structurรฉ ยป. Il est vrai que lโexistence de structures informelles est considรฉrรฉe comme lโun des facteurs pour caractรฉriser la pauvretรฉ dโun pays et inversement, lorsquโun pays est considรฉrรฉ comme pauvre la pratique de lโinformel vient automatiquement ร lโesprit des mรฉnages qui sont exclus de lโemploi formel. Dโautre part, lโexpression ยซ รฉconomie informelle ยป est utilisรฉe par les Institutions Internationales (BM, FMI, OMC, BITโฆ.) pour dรฉsigner des rรฉalitรฉs trรจs diverses (commerce de drogue, emploi non dรฉclarรฉ dans les grandes firmes et emploi des domestiquesโฆ.).cela signifie que lโรฉconomie informelle regroupe lโensemble des activitรฉs qui รฉchappent au contrรดle de lโEtat. Particuliรจrement dรฉveloppรฉe dans les pays du tiers monde, elle sโautoentretient, constituant un moyen pour les individus dโassurer leur survie quotidienne. Avant 1985, les Institutions internationales voyaient en effet dans lโรฉconomie informelle le lieu de dรฉveloppement de stratรฉgie de survie. Mais dรจs lors, la paupรฉrisation urbaine, le sous-emploi massif et lโexclusion sociale qui accompagnent les politiques dโ ยซ ajustement structurel ยป dans les pays du Tiers monde ont contribuรฉ ร faire de lโรฉconomie informelle la solution pour lutter contre la pauvretรฉ.
APPROCHE THEORIQUE DU SECTEUR INFORMELย
Ces derniรจres dรฉcades, on assiste ร de profonds bouleversements dans l’รฉconomie mondiale, รฉconomie oรน la participation des femmes au marchรฉ du travail a augmentรฉ de faรงon considรฉrable. Cette tendance apporte bien รฉvidemment ยซย un courant novateur au fonctionnement du marchรฉ du travail, aux aspirations et aux espoirs des travailleurs et modifient la base mรชme des relations sociales sur lesquelles se sont structurรฉes jusqu’ici, la vie professionnelle et la sociรฉtรฉ dans son ensemble.ย ยป Parallรจlement, on assiste ร une croissance de la dรฉgradation de la qualitรฉ de vie et de l’emploi ainsi quโร une exacerbation des inรฉgalitรฉs entre les hommes et les femmes. Les dรฉficits chroniques des balances commerciales et de paiements dรปs notamment ร la chute des prix des matiรจres premiรจres et des produits agricoles sur les marchรฉs internationaux entraรฎnent une crise รฉconomique sans prรฉcรฉdent dans les pays en dรฉveloppement en gรฉnรฉral. Les programmes dโajustement structurel 1 et l’introduction de nouvelles technologies rรฉduisent l’emploi dans le secteur organisรฉ, contribuant ร lโaugmentation accรฉlรฉrรฉe de la pauvretรฉ. Cette situation pousse la population ร entreprendre des activitรฉs alternatives gรฉnรฉratrices de revenus qui lui permettent de survivre dโoรน lโรฉmergence du secteur informel. Ce secteur informel, parce que non organisรฉ lรฉgalement, fait donc office d’amortisseur ร l’encontre de la crise รฉconomique et est devenu une sorte de refuge des ยซย exclusย ยป. Ce dรฉveloppement croissant des activitรฉs dans l’รฉconomie informelle est un des visages que prend l’รฉconomie mondialisรฉe et globalisรฉe, avec son lot de consรฉquences sur les conditions de vie et de travail des hommes et des femmes.
QUโEST-CE QUE LE SECTEUR INFORMEL
Le concept de secteur informel a รฉtรฉ lโune des contributions les plus distinctives du BIT ร la rรฉflexion sur le dรฉveloppement. Cโest dans le rapport dโune mission gรฉnรฉrale sur lโemploi au Kenya entreprise par le BIT en 1972 que le terme โsecteur informelโ a fait sa premiรจre apparition dans un document officiel. Lโune des principales conclusions de la mission fut que, dans un pays en dรฉveloppement comme le Kenya, le principal problรจme dโemploi nโรฉtait pas le chรดmage mais lโexistence dโun grand nombre de โpauvres qui travaillentโ, dont beaucoup trimaient dans la production de biens et de services, mais dont les activitรฉs nโรฉtaient pas reconnues, enregistrรฉes, protรฉgรฉes ou rรฉgulรฉes par les autoritรฉs publiques. Ce phรฉnomรจne fut dรฉsignรฉ dans le rapport comme le โsecteur informelโ, et expliquรฉ par lโincapacitรฉ des autres secteurs de lโรฉconomie – agriculture ou autres activitรฉs rurales dโune part, et industrie et services modernes dโautre part – ร fournir les opportunitรฉs dโemploi ou de revenu adรฉquates pour une force de travail en croissance rapide. Dรจs lors, le terme de โsecteur informelโ est devenu dโusage courant, bien que sa signification prรฉcise soit restรฉe quelque peu รฉlusive et sujette ร controverse, le concept ayant รฉtรฉ dรฉfini dans diffรฉrents contextes avec des significations diverses.
CONTEXTE GENERALย
Dรฉfinitionsย
La dรฉfinition du secteur informel a connue une telle รฉvolution au processus des annรฉes.
a) Dรฉfinitions basรฉes sur de multiples critรจres
Le ยซ rapport Kรฉnya ยป du BIT proposait en 1972 de dรฉfinir un secteur informel ร partir des sept caractรฉristiques suivantes : facilitรฉ dโaccรจs ร lโactivitรฉ ; utilisation de ressources locales ; propriรฉtรฉ familiale de lโentreprise ; รฉchelle dโactivitรฉ rรฉduite ; usage de techniques qui privilรฉgient le recours ร la main dโลuvre ; qualifications acquises hors du systรจme officiel de formation ; marchรฉs concurrentiels et sans rรฉglementation.
En 1976, ces caractรฉristiques sont au nombre de quinze dโaprรจs le BIT ; on voit apparaitre parmi elles, la flexibilitรฉ de horaires de travail, lโabsence de recours au crรฉdit rรฉgulier, le bas prix des produits, le bas niveau dโinstruction, lโabsence de lโusage de lโรฉlectricitรฉ, etc. Les annรฉes suivantes, chaque auteur a cherchรฉ ร caractรฉriser le ยซ secteur informel ยป, souvent รฉtroitement liรฉ ร son terrain dโรฉtude. Devant lโรฉclatement des situations empiriques, il apparait bien vite que contrairement ร lโobjectif premier des organismes nationaux ou internationaux, ce ne sont pas des caractรฉristiques techniques qui permettront de repรฉrer statistiquement un secteur informel; cela ne peut รชtre que des caractรฉristiques socio-รฉconomiques. Ici, on se trouve devant deux lignes dโanalyses : pour dรฉfinir et repรฉrer un secteur informel, on privilรฉgie ou bien la (petite) taille, ou bien le non-respect de la loi.
a-1) Le critรจre de la taille
La mรฉthode la plus simple, en apparence, consiste ร prendre pour seul critรจre de repรฉrage la taille des unitรฉs de production ; cโest la voie choisie par la plupart des instituts de statistiques nationaux. La Colombie, qui dispose probablement des meilleures observations statistiques des activitรฉs informelles au monde, dรฉlimite ces derniรจres en y rangeant toutes les unitรฉs dโau plus dix personnes ; ces unitรฉs sont ensuite divisรฉes en trois classes : indรฉpendants, de deux ร cinq personnes, de six ร dix. Les Philippines, lโIndonรฉsie et le Sri Lanka, dans des enquรชtes de la fin des annรฉes 70, choisissent respectivement les tailles de moins de onze, moins de dix et moins de cinq personnes (ce qui ne facilite pas les comparaisons).
On voit donc quโil y a une รฉvidente vertu sur ce critรจre de taille : celle de pouvoir bรขtir des statistiques ; et un รฉvident dรฉfaut : celui de mรฉlanger des activitรฉs et des personnes aux caractรฉristiques sociales et รฉconomiques totalement hรฉtรฉrogรจnes. Le danger est alors dโoublier ce dernier point et dโaffirmer que le secteur informel a telle caractรฉristique, il faut lui appliquer telle politique. Cet รฉcueil, aucun organisme international, aucun pouvoir dโEtat ne lโa รฉvitรฉ.
a-2) Le critรจre du non- respect de la loi
Une deuxiรจme faรงon de repรฉrer un secteur informel est le rapport ร la loi : on appellera unitรฉs de production informelles, celles qui ne respectent pas la loi. Immรฉdiatement se pose la question : quelle loi ? Tout dโabord, on parle de la question de la distinction entre activitรฉs illicites et licites menรฉes hors du cadre rรฉglementaire de lโactivitรฉ รฉconomique. Les premiรจres sont les activitรฉs dont la nature est dรฉlictueuse ou criminelle. Le second problรจme, ร propos du critรจre de la lรฉgalitรฉ, mรชme si lโon se limite aux activitรฉs licites, est celui de savoir quelle loi nโest pas respectรฉe. Il peut sโagir de lois concernant le paiement des impรดts ou celui des cotisations de sรฉcuritรฉ sociale, de rรฉglementation des conditions de travail, de lโhygiรจne et de la sรฉcuritรฉ, de lois dรฉlimitant des espaces oรน peut sโexercer une activitรฉ, de plans dโoccupation des solsโฆEt ,bien sur, cโest le non-respect systรฉmatique, et non occasionnel, des lois qui permettraient de qualifier une activitรฉ dโinformelle. Ce non-respect systรฉmatique est le plus facilement repรฉrรฉ ร travers la non-inscription dans des registres ; il est assez รฉvident, par exemple, quโune micro entreprise qui nโest pas inscrite dans les registres de lโadministration fiscale ne paiera pas dโimpรดts. Mais il apparait vite que, devant la multiplicitรฉ des registres, une unitรฉ peut trรจs bien รชtre inscrite dans un registre, et ne pas lโรชtre dans un autre. Dโautres types de non-respect de la loi peuvent รชtre choisis pour dรฉfinir lโinformalitรฉ. A propos de lโAfrique noire, Jean-Pierre Lauchaud et Marc Penouil choisissent comme critรจre lโinexistence dโune comptabilitรฉ normalisรฉe. Les statisticiens brรฉsiliens, eux, prennent comme critรจre la non- dรฉclaration auprรจs de la sรฉcuritรฉ sociale.
Derriรจre les multiples dรฉbats techniques sur le choix de tel ou tel non-respect de la loi, cโest la question de la signification รฉconomique et sociale du phรฉnomรจne qui importe. Si on choisit le critรจre du non-enregistrement fiscal, on promeut implicitement que cโest la volontรฉ dโรฉchapper au fisc qui est ร lโorigine de lโinformalitรฉ, qui devient alors synonyme de ยซ travail au noir ยป. On voit que la question nโest pas seulement de choisir un critรจre de repรฉrage ou un autre, mais de savoir si cela permet de dรฉfinir un ensemble dโactivitรฉs qui aient des caractรฉristiques relativement proches, et suffisamment diffรฉrentes de celles des autres activitรฉs sociales, pour quโon puisse parler dโun ยซ secteur informel ยป et agir sur lui.
b) Lโadoption dโune dรฉfinition internationale du ยซ secteur informel ยป en 1993
Le premier objectif de la 15รจme Confรฉrence Internationale des Statisticiens du Travail (CIST) de 1993 fรปt de dรฉsenchรขsser le concept de secteur informel de son image dโillรฉgalitรฉ et de secteur souterrain ร travers laquelle il sโรฉtait frayรฉ un chemin. Une seconde prรฉoccupation de la Confรฉrence fรปt, non pas dโexclure lโagriculture et les activitรฉs primaires du champ du secteur informel (beaucoup de pays รฉtant attachรฉs ร lโinclusion de ces activitรฉs dans le champ du concept), mais de traiter ces activitรฉs sรฉparรฉment et de produire des statistiques du secteur informel hors agriculture. Une troisiรจme prรฉoccupation fรปt dโexclure les activitรฉs hors marchรฉ, c’est-ร -dire la production exclusivement pour usage final propre et a fortiori la production de services non marchands pour usage final propre: l’รฉconomie de soins (ยซย care economyย ยป) reste encore en dehors du champ de la production mesurรฉe par le PIB.
Un quatriรจme objectif fut au contraire dโinclure les activitรฉs secondaires et multiples (la pluriactivitรฉ) dans le secteur informel, une question que les enquรชtes de population active ont failli prendre en compte jusquโร rรฉcemment, mais dont lโextension est dโimportance primordiale en vue de comprendre les marchรฉs du travail contemporains, pas seulement dans les pays en dรฉveloppement. Aprรจs avoir rappelรฉ que le secteur informel se caractรฉrisait dโune faรงon gรฉnรฉrale ยซ comme un ensemble dโunitรฉs produisant des biens et des services en vue principalement de crรฉer des emplois et des revenus pour les personnes concernรฉes ; ces unitรฉs, ayant un faible niveau dโorganisation, opรจrent ร petite รฉchelle et de maniรจre spรฉcifique, avec peu ou pas de division entre le travail et le capital en tant que facteurs de production. Les relations de travail, lorsquโelles existent, sont surtout fondรฉes sur lโemploi occasionnel, les relations de parentรฉ ou les relations personnelles et sociales plutรดt que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne et due formeยป [BIT, 1993b], la Confรฉrence propose une dรฉfinition statistique โ opรฉrationnelle : le secteur informel est considรฉrรฉ comme un ensemble dโunitรฉs de production qui constituent un รฉlรฉment, au sein du Systรจme de Comptabilitรฉ Nationale (SCN), du secteur institutionnel des mรฉnages en tant quโentreprises individuelles.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
Partie I : Approche thรฉorique du secteur informel
Chapitre I : Quโest ce que le secteur informel ?
A) Contexte gรฉnรฉral
1) Dรฉfinitions
a) Dรฉfinitions basรฉes sur de multiples critรจres
a-1) Le critรจre de la taille
a-2) Le critรจre de non-respect de la loi
b) Lโadoption dโune dรฉfinition Internationale du secteur informel en 1993
2) Caractรฉristiques du secteur informel
a) Caractรฉristiques gรฉnรฉrales
b) Autres caractรฉristiques
3) Les raisons dโรฉmergence du phรฉnomรจne
B) Les diffรฉrentes รฉconomies informelles
1) Lโรฉconomie familiale et domestique
2) Lโรฉconomie conviviale
3) Lโรฉconomie souterraine ou clandestine
Chapitre II : La dynamisation du secteur informel
A) Lโimportance du secteur informel
1) Le rรดle social de lโรฉconomie informelle
2) La dynamique du secteur informel
a) Relations entre secteur informel et formel
b) Le financement
c) Accumulation ou non ?
c-1) Lโanalyse dualiste de la reproduction du secteur informel
c-2) Le secteur informel comme รฉlรฉment de la reproduction sociale des mรฉnages urbains
B) LโEtat et lโรฉconomie informelle
1) Lโinsuffisante capacitรฉ de contrรดle de lโEtat
2) Lโexcรจs de rรฉglementation comme cause de lโinformalitรฉ
3) Tolรฉrance รฉtatique et contrรดle de lโinformalitรฉ
C) La fiscalisation du secteur informel
1) Les fonctions du secteur informel
2) Imposer le secteur informel
Partie II : Etude de cas
Chapitre I : Le secteur informel ร MADAGASCAR
A) Importance du secteur informel
1) Le poids du secteur informel dans lโรฉconomie malgache
a) Une lรฉgรจre prรฉdilection pour les activitรฉs commerciales
b) Des conditions dโexercice prรฉcaires
2) Le secteur informel du point de vue emploi
3) Le secteur informel dans la consommation des mรฉnages
a) Les diffรฉrentes catรฉgories des mรฉnages
b) Part du secteur informel dans la consommation des mรฉnages
B) Les problรจmes de la formalisation du secteur informel
1) Le marchรฉ du secteur informel et le mode de formation des prix
2) Les relations entre le secteur informel et lโEtat
a) Le secteur informel et le registre administratif
b) Les raisons de non enregistrement
c) Si le secteur informel ne va pas ร lโEtat, lโEtat ne va pas non plus au secteur informel
3) Les difficultรฉs de se formaliser
Chapitre II : La redynamisation du secteur informel dans le cas de MADAGASCAR
A) Main-dโลuvre et emploi dans le secteur informel
1) Ressources humaines
2) La prรฉdominance รฉcrasante des micro-unitรฉs et de lโauto-emploi
3) Une main-dโลuvre protรฉgรฉe
4) Temps de travail et rรฉmunรฉration
B) Comment accompagner le secteur informel ?
1) Appuyer le secteur informel en termes dโaide face ร ces difficultรฉs majeures
a) Les difficultรฉs majeures
b) Les aides souhaitรฉes
2) Rรฉgler le problรจme des dรฉbouchรฉs et intรฉgrer lโรฉconomie de marchรฉ
3) Simplifier la fiscalitรฉ du secteur informel
4) Etudier les comportements des producteurs informels
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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